Les yeux de Jackson m'ont toujours paru froids, sans doute à cause de leur couleur, ce bleu si clair qu'il est semblable à un glacier. Inexpressifs ou incisifs. Mais là, ses yeux s'écarquillent. Sans doute est-il surpris ou… Choqué. Ses orbes presque neigeux ont perdu toute leur froideur, ou presque. Il tient mon téléphone entre ses mains qui, soit dit en passant, semblent ne souffrir d'aucune imperfection. Si une chose est bien certaine, c'est que Jackson est gâté au niveau physique, il a tout pour lui et je peux dire honnêtement qu'il est beau. Quand je me compare, je me demande pourquoi… Pourquoi m'a-t-il attaqué ? Pourquoi ai-je été agressé ? Cela peut paraître réducteur mais… Pourquoi ? Pour je ne sais quelle raison, Peter a jeté son dévolu sur moi et ne semble pas vouloir me lâcher. Ses messages en sont une preuve accablante.

Jackson est là, à côté de moi, il lit les messages envoyés par Peter. Puis, il voit la photo. Celle qui a achevé de me faire basculer.

Peter ne montre pas son visage. En fait, il a le pantalon et le slip baissés et montre seulement qu'il tient dans sa main son engin excité au possible. C'est le seul sujet qui compose l'image. Et je détourne le regard, ne voulant pas imprimer cette photographie dans mon esprit même si au fond, elle l'est déjà. Penser que c'est moi qui le mets dans cet état, ça me… Je ne sais pas. Je suis incapable de décrire avec justesse le dégoût et l'angoisse que ça m'inspire. J'ai mal au ventre et ma tête tourne toujours. C'est un cauchemar. Ma vie est un cauchemar.

Jackson reste là, bloqué sur cette photo que j'ai juste envie d'effacer de mon téléphone. Moi, je regarde mes mains, songeant à la suite. Qu'est-ce qui va m'arriver ? Quel serait le mieux à faire ? Disparaître ou, au contraire, simplement tout oublier ? Je ne sais pas ce qui m'attends, je n'ai même aucune idée de la durée de mon séjour ici. Je crois que tout ce que j'aimerais c'est aller dans mon lit et me mettre en boule sous ma couette. Qu'importe que ma chambre soit l'endroit où Peter avait le plus abusé de moi, c'est un endroit que j'ai toujours connu et dans lequel je me suis toujours senti bien. Il m'a peut-être abîmé, mais il ne pourra pas m'enlever ça.

Je vois Jackson éteindre mon téléphone, le déposer sur la table basse puis se prendre la tête dans ses mains. On est dans le salon, tous deux assis sur le canapé, lui dans une position tout à fait normale et moi les jambes ramenées vers mon torse, jambes que j'entoure de mes bras. En somme, je suis un peu en boule et ça me rassure. En fait, j'ai besoin d'être rassuré. Je sais que Jackson n'est pas de ce genre-là, alors je ne lui demande pas, mais… Qu'est-ce que j'aimerais avoir un câlin, là tout de suite… Je ravale mes mots à l'avance. Je l'embête déjà bien assez avec cette histoire, il n'y a qu'à voir son air tendu et désespéré, parce que je pense pouvoir dire sans trop me tromper qu'il n'avait pas pour ambition de voir l'engin de Peter un jour. Ce n'était pas la mienne non plus, qu'il se rassure.

Je sursaute en entendant le bruit sec et caractéristique de la porte d'entrée de Jackson, vite suivi de pas qui s'enchaînent. Jackson se rassit un peu mieux été ramène ses mains sur ses jambes, avant de les refermer en poings. Sans être un loup, je peux deviner qu'il commence doucement à s'énerver et je me crispe tandis que la culpabilité ressort au grand jour. J'imagine que c'est à cause de ma crise de panique qu'il est dans cet état, qu'elle l'a poussé dans ses retranchements, l'obligeant à faire des choses qu'il n'avait pas du tout envie de faire, comme… M'étreindre, me calmer. Au final, je ne sais même pas pourquoi il se force à faire tout ça alors qu'il pourrait juste… Me laisser me démerder ou bien me renvoyer chez moi.

Je me crispe encore plus que je ne l'étais déjà lorsque je vois Derek s'approcher de nous, le visage fermé.

- C'est quoi cette odeur ? Demande-t-il en regardant Jackson, puis moi.

Je ne sais pas ce qu'il sent. Ma peur ? Mon dégoût ? L'énervement de Jackson ? Les… Résidus olfactifs de ma crise passée ? Tout est possible et je me fais tout petit, de peur d'être de trop et d'agacer les loups-garous. Je suis le problème actuel, alors je n'ose pas me mettre en avant, comme je n'ose pas non plus demander à Derek de me faire un câlin. Et puis, de quoi j'aurais l'air ? C'est ridicule. Comme Jackson, il n'est pas de ce genre-là et les seules fois où il m'a pris dans ses bras, c'était, lui aussi, pour me calmer. Autrement, ce n'est pas quelqu'un de très tactile. Je garde alors le silence, décidant de garder mes envies et mes besoins pour moi. Je n'ai pas voix au chapitre ou en tout cas, c'est ce que je me dis. J'ai beau savoir que je suis la victime dans cette histoire, ça ne passe pas. Je n'arrive pas à me dire que je suis dans mon droit.

Jackson soupire et ça me serre le cœur. Je sais qu'il prend beaucoup sur lui et sa patience me surprend toujours autant. Mais le voir ainsi me dérange. Je veux le décharger de tout ça et je me promets alors de repartir le plus tôt possible. Je repense aussi à ce que j'ai vu, qu'il a vu aussi et je comprends d'autant plus son désarroi.

- Derek, ça peut plus durer cette histoire, ça part vraiment beaucoup trop loin, lâche le blond en le regardant sérieusement.

Puis, il se retourne vers moi, me tend mon téléphone et me demande de le déverrouiller. Comprenant aussitôt ce qu'il veut faire, je secoue plus ou moins énergiquement la tête. Derek n'a absolument pas besoin de voir ça et en plus… Il s'agit de son oncle ! Non, définitivement, je ne veux pas qu'il voie ça. Jackson non plus ne devait pas être au courant, à la base, mais… Je me suis senti obligé de lui dire, après qu'il ait calmé ma crise. J'en avais besoin, aussi. De ce côté-là, je sais que je dois arrêter de me voiler la face. J'en avais vraiment besoin. Je ne pouvais pas garder ça pour moi, mais là… Je ne sais pas. Pour moi, Derek ne devrait rien savoir. Est-ce parce que je l'aime ? Parce que mon agresseur, c'est son oncle ? Parce que je veux le préserver ? Ne pas empirer mon image – enfin, ce qu'il en reste – auprès de lui ? Au fond, je pense que c'est un peu de tout ça et d'autres choses. Jackson insiste et je secoue à nouveau la tête. Mais il continue et ne me lâche pas la grappe, si bien que je finis par céder au bout de plusieurs minutes. Toutefois, je refuse de rester là, je ne veux pas voir la réaction de Derek, mais je crois que je n'ai pas le choix, puisque Jackson appuie fermement sa main sur mon épaule pour que je reste bien enfoncé dans le canapé. Je tourne un regard angoissé vers lui. Est-ce que je suis vraiment obligé d'assister à la déchéance morale de Derek ? Parce qu'il sait ce que m'a fait son oncle, mais voir de nouvelles preuves presque en direct, c'est autre chose. Et là photo… Mon dieu, la photo. Me sentant minable, je me ratatine sur moi-même, résigné à ne pas pouvoir m'en aller. J'aimerais ne pas le regarder, ne pas voir la douleur dans son regard que j'aime tant. Mais je ne peux pas m'empêcher de lever les yeux vers lui.

Son regard est impénétrable, comme s'il avait fermé la porte à toute démonstration d'émotion, comme s'il ne veut pas qu'on sache ce qu'il ressent. Mais pourtant, je vois des choses changer. Ses traits sont crispés et il ramène sa main libre en poing, qu'il serre jusqu'à ce que ses jointures deviennent blanches. Mon cœur se serre à cette vue. Il ne s'attendait sûrement pas à ce que son oncle ait autant de travers et au fond, je me dis qu'il n'aurait pas dû le savoir. Parce qu'en soit, Peter ne lui aurait rien fait. Ce qu'on ne sait pas ne peut pas nous faire de mal.

Il finit par éteindre le téléphone et le balance sur le canapé, du côté de Jackson qui ne semble plus aussi énervé, mais simplement sacrément crispé.

- Tu as raison, siffle Derek d'un ton menaçant. Ça va beaucoup trop loin.

Il ne regarde que Jackson, ne m'adresse pas un regard et je ne sais pas comment le prendre. Je suis d'accord que tout ça n'aurait pas dû sortir du domaine du privé, que ça n'aurait effectivement pas dû aussi loin. Qu'est-ce qui aurait été le mieux à faire ? Laisser Peter faire ce qu'il veut jusqu'à ce qu'il se lasse ? Se taire ? Continuer de faire comme si ? De toute manière, ils auraient bien fini par deviner quelque chose. Ils ont un nez et moi, des émotions.

- Il faut informer les autres, lâche Jackson sans cesser de regarder Derek, qui s'approcha jusqu'à s'assoir face à nous, sur la table basse. Ils doivent être au courant, pour pouvoir nous aider à l'attraper rapidement.

Je me tends à mon maximum. Non, surtout pas. Trois personnes au courant, c'est déjà trop. Il est hors de question que les autres apprennent ce qui m'est arrivé. Ce serait pour moi la pire des humiliations. Je n'ai déjà pas une très grande estime de moi-même alors il serait malvenu de m'enlever le peu qu'il me reste encore. Je n'ai pas envie d'être « celui qui se fait victimiser » à leurs yeux. Je secoue la tête et j'essaie de contester, mais on ne m'écoute pas. Jackson et Derek semblent oublier que je suis là, que j'assiste à ce qui devient… Leur conversation.

- Mauvaise idée, rétorque Derek. Si on veut l'attraper, le mieux est justement de garder ça pour nous.

Non, Derek, au fond, tu ne veux pas vraiment attraper ton oncle, et je te comprends. Arrête de te cacher derrière ces paroles qui ne te vont pas. Tu ne veux pas qu'on lui fasse de mal et c'est tout à fait normal. Mais, s'il te plaît, ne fais pas semblant. Je le pense fort, mais je ne le dis pas, je n'y arrive pas.

- On peut pas faire ça, objecte Jackson. Il nous faut plus de personnes sur le coup.

Je tourne la tête vers le blond, confus. En fait, je ne comprends pas pourquoi il insiste autant. A quoi ça lui sert ? Qu'est-ce que ça lui rapporte, en soi ? S'il a peur qu'on le considère d'un mauvais œil à cause de la tromperie de Peter, il n'a pas à faire ça, pas à prouver quoi que ce soit. Après tout, Derek m'a assuré qu'il n'y aurait aucune conséquence, que ce soit pour lui ou pour Théo…

- Hale, insista Jackson, tu vois bien que Scott seul n'arrive pas à l'attraper. Il est introuvable. Tes rondes non plus ne suffisent pas. Ça va vraiment trop loin et on peut pas laisser la situation s'éterniser.

Me sentant de trop, je me ratatine toujours un peu plus sur moi-même avec la désagréable impression d'être un meuble. Je ne tente même plus de parler, on ne m'écouterait pas. Je ne peux pas vraiment partir non plus, Jackson garde toujours un contact physique avec moi. Sa main est toujours fermement appuyée sur mon épaule, comme s'il avait peur que je me fasse la malle. Je veux bien rester là, mais pourquoi faire ?

- Je sais, concéda Derek d'un air toujours aussi fermé. Mais Peter est intelligent et il se terrera encore plus si on met tout le monde à ses trousses. Même si Scott est lent à la détente, il a compris qu'il se devait d'être discret. Laisse-moi te dire que ça ne sera probablement pas le cas des autres.

Je n'aime pas l'attitude de Derek. Outre le fait que je m'en veux toujours autant de lui avoir avoué tout ce que son oncle m'a fait, je n'aime pas la manière dont il se tient. Il est très crispé, très tendu, sur la défensive, comme un animal prêt à bondir sur sa proie. Son énervement est palpable et je n'aime vraiment pas le voir comme ça. Derek, c'est quelqu'un qui n'a pas eu beaucoup de chance dans la vie, celle-ci ne l'a vraiment pas gâtée. Je sais que le contact de la meute lui permet graduellement de se dérider. Pas plus tard qu'il y a quelques jours, je l'ai vu esquisser un petit sourire. C'est peut-être un détail pour vous, mais pour moi ça veut dire beaucoup.

Alors oui, j'aimerais pouvoir faire quelque chose pour le détendre, vraiment. Mais ici, dans cette situation, je suis coincé.

- Le mieux est d'éveiller sa méfiance le moins possible, continue-t-il sans cesser de fixer Jackson. Il faut le faire venir sur notre terrain et pour ça, on a besoin de sa confiance. Il ne peut pas avoir confiance en nous si on se met à tous le poursuivre d'un coup.

- Ouais, et si certains se rangent finalement de son côté ? Objecte Jackson en resserrant sa main sur mon épaule. Je suis désolé, mais Stiles a déjà bien trop souffert.

Il ne me fait pas mal, mais j'avoue que ça commence à serrer un peu. Pour autant, je ne dis rien, parce que ça va. Sur ses dernières paroles, je reste songeur. C'est vrai que je n'avais pas pensé à ça et j'avoue que voir mes amis… Ne pas me croire me ferait beaucoup de mal. Je crois que je n'ai vraiment pas besoin de ça en ce moment. Pourtant, je me rangerais plus du côté de l'idée de Derek puisque pour moi, ils n'ont pas à savoir. Jackson a tout de même raison sur un point : cette histoire me détruit.

- Ils ne peuvent pas se ranger du côté d'un violeur, répond tout naturellement Derek en serrant d'autant plus ses poings.

Prononcer ce mot le coûte, je le vois bien. Et cette fois, je ne peux m'empêcher d'intervenir :

- Il n'est pas allé jusqu'au bout… C'est pas…

Mais je m'arrête. Ma voix est ridicule. Faible et extrêmement peu assurée, même tremblante. Je m'en veux tout de suite pour mon intervention. Je n'aurais pas dû les interrompre et aussitôt, je me fustige intérieurement. Reprends-toi, Stiles, t'es pas comme ça ! T'es pas du genre à t'écraser ! Et j'ai beau le savoir, je ne peux pas faire autrement. Peter a cassé quelque chose en moi, c'est certain. Je ne peux pas le nier. Je ne suis plus celui que j'étais avant… Avant tout ça. Je suis bloqué. Je ne veux pas le défendre, mais je le fais. Je le sais, putain, je le sais… Et pourtant, j'ai l'impression de n'en prendre réellement conscience qu'actuellement.

Leurs yeux clairs sur ma personne me figent et je n'arrive même pas à savoir s'ils sont énervés ou… Déçu ou, je ne sais pas, perplexes… Derek se lève de la table basse et vient s'assoir à ma droite, Jackson étant à ma gauche. Il n'est pas trop près, pas trop loin, mais il prend ma main entre les siennes d'autorité. J'ai l'impression d'exister à nouveau, d'un coup, et c'est une sensation bien étrange. J'accepte volontiers la chaleur de ses mains, leur douceur quand elles serrent la mienne entre elles. Ce contact… Je le savoure secrètement. Ce n'est pas un câlin, mais c'est bien plus que je n'oserais demander.

- Je sais que ce n'est pas ce que tu veux dire, Stiles. Je sais que tu ne cherches pas vraiment à le défendre. Je sais que ce n'est pas ce que tu veux.

Je hausse les sourcils et je le regarde, complètement perdu. Je ne veux pas vraiment le défendre, c'est vrai, mais si je le fais… C'est parce que c'est la chose à faire. Je ne sais pas pourquoi, mais c'est la phrase qui me vient tout de suite à l'esprit.

- J'espère bien qu'il veut pas vraiment défendre cet enfoiré, maugrée Jackson, à ma gauche.

- Je suis certain qu'il veut même l'incriminer de tout son cœur, mais il en est incapable pour le moment. Au point où on en est, je suis même étonné qu'il nous ait parlé de ce qui lui est arrivé avec Peter…

Je suis là mais cette fois, je ne dis rien et de mon plein gré. En fait, j'ai l'impression qu'ils oublient à nouveau ma présence. Ils parlent entre eux comme si je n'étais pas là ! Mais je me détrompe lorsque d'une main, Derek saisit mon menton avec délicatesse et le tourne vers lui. Je me retrouve face à son visage de dieu grec et à ses orbes bleu-vert qui m'ont longtemps fait rêver. Et ma main qui est encore dans la sienne… Je suis gêné, et je me doute que je dois rougir, mais ma perplexité et mon manque d'assurance me poussent à continuer de me taire. Et puis, je ne comprends rien à son histoire…

- J'ai fait mes recherches, indique Derek en regardant Jackson, avant de revenir planter son regard dans le mien. Et tout ça, Stiles, c'est de sa faute. Peter a un plan bien précis en tête et il a pris tout le temps de le mettre en place. L'entendre ne va pas te faire du bien, mais je veux que tu sois conscient des choses. Même si tu te sens bloqué, peut-être qu'être au courant pourra t'aider.

Je frissonne et sens l'angoisse en moi croître. J'en ai la boule au ventre alors que son pouce caresse doucement le dos de ma main. J'ai le regard rivé dans ses yeux de bord de mer et je bois ses paroles, qui me retournent déjà l'estomac. Je sais que c'est de sa faute, oui, mais en même temps… Je n'arrête pas de me dire que je l'ai laissé faire et ce fait me tue à petits feux.

De l'autre côté, je sens la main de Jackson qui se desserre légèrement sur mon épaule. Je dois avouer que son contact m'aide aussi un peu. Entendre Derek parler aussi longtemps est également une chose qui réchauffe un peu mon cœur, malgré la situation qui ne devrait pas s'y prêter. Comme Jackson, il prend du temps pour moi, fait de son mieux pour m'assurer un certain confort même si au fond, je me doute qu'ils ont mieux à faire. Je me rends compte qu'être entouré, ce n'est pas si mal... Mais ça ne m'empêche pas d'avoir peur de la suite. Parce que Derek est toujours extrêmement tendu et je vois qu'il se contient pour ne pas me faire peur.

- Tu sais, dans notre monde, le monde des loups-garous… Il existe deux types de liens autres que ceux de l'amitié ou de l'amour. Tu connais déjà le premier, le lien d'union, parce que c'est facile de trouver des infos là-dessus. J'avais déjà ma petite idée sur le second, mais j'ai dû chercher un peu plus pour en connaître les spécificités. Ce second lien, c'est ça que Peter vise.

Est-ce que je rêve ou son regard déjà impénétrable devient… Noir de colère ? A ce stade, je me demande comment il fait pour me caresser aussi doucement la main et me parler sans que son ire se traduise dans ses paroles.

- Il s'agit d'un lien de possession. Contrairement au lien d'union où les deux parties doivent être d'accord pour qu'il s'installe, le lien de possession, c'est quelque chose qu'un loup-garou peut imposer à un autre être, qu'il soit loup-garou ou humain. Peter a déjà commencé à le créer.

Il s'arrête un instant et moi je retiens mon souffle alors que mon cœur commence à battre fort dans ma poitrine.

- Tu sais ce qu'il veut précisément ? Reprend-il en continuant de me regarder dans les yeux. Faire de toi sa chose, son familier, son… Son esclave. Il veut que tu perdes ta volonté, que tu obéisses au moindre de ses désirs. C'est ça qu'il cherche, et le lien de possession va l'aider à t'avoir.

Mon cœur rate plusieurs battements alors que j'essaie d'assimiler tant bien que mal ce qu'il me dit. Mais j'ai du mal, sincèrement. Pour moi, ces mots-là ne font pas sens. Peter veut juste… Je ne sais pas…

- Ce lien se crée sur le temps : il ne peut pas te l'imposer d'un coup, même s'il est relativement rapide à installer. C'est un travail d'acharnement. Malheureusement, il a déjà gagné du terrain. Ce lien est fait pour te détruire, Stiles. Détruire la moindre de tes envies, la moindre once de volonté que tu pourrais avoir, détruire à la racine n'importe lesquelles de tes tentatives de rébellions.

Je baisse les yeux alors que mon cœur continue de s'emballer dans ma poitrine. Mais qu'est-ce qu'il raconte ?

- Qu'est-ce qui se passe, si le lien est complètement établi ? Intervient Jackson, qui semble dérouté.

Je le suis aussi mais pour moi… J'ai beau entendre ce qu'il me dit, ça ne fait pas sens. J'ai l'impression d'être trop con pour comprendre…

- Stiles n'aura plus de volonté. Il obéira automatiquement à Peter, quoi qu'il dise, quoi que ça lui coûte.

Je frissonne violemment. Est-ce que ce n'est pas déjà le cas ? Horrifié par le peu de choses que je comprends, je me crispe et fixe le sol.

- Ce lien, il… Commence le blond.

- Non, il n'est pas encore complètement établi, le renseigne Derek avec froideur. Mais on n'en est pas très loin. Le lien a déjà commencé à changer sa façon de penser et d'agir. L'avantage qu'on a, c'est qu'il est avec nous. Peter ne peut compléter le lien qu'en allant toujours plus loin dans ses agressions.

- Donc s'il en vient à aller jusqu'au bout de l'acte, on le perdra définitivement, devine Jackson.

Du coin de l'œil, je vois Derek acquiescer et peu à peu, certaines de ses paroles finissent par faire sens. J'ai alors la tête qui tourne et des tas d'images vont et viennent dans mon esprit. Je grimace et me mets à trembler alors que je ne veux pas revoir ce qui m'est arrivé. Ce n'est pas constant, comme un film qui passerait devant moi. On dirait plutôt une série de petites vidéos entrecoupées par ce que je vois, dans le monde réel. Le sol du salon de Jackson. Ma main dans celle de Derek. Celle de Jackson sur mon épaule. Je tourne la tête, d'un côté puis de l'autre, je vois leurs visages, l'un après l'autre. Et entre tout ça, je vois Peter. Avec moi, dans ma chambre. Sur moi. C'est léger. En fait, c'est comme un filigrane. Je vois au travers, mais c'est… Je ne sais pas pourquoi c'est là et je suis complètement dérouté. Je tremble comme un idiot, je le sais et en même temps, je ne comprends pas tout. Certaines des paroles de Derek continuent de ne pas faire sens dans ma tête.

J'ai encore la sensation d'être bloqué je ne sais où par je ne sais quoi.

Derek attire de nouveau mon attention en tournant ma tête vers lui et en claquant des doigts devant mes yeux à plusieurs reprises. Je reviens brutalement dans le monde réel et les images disparaissent. Pour le moment en tout cas.

- Stiles, m'appelle-t-il doucement.

Cette douceur me paraît étrange et je constate que ses yeux ne transmettent plus autant de colère qu'auparavant. Enfin je crois. Je pense. Je ne sais pas. Peut-être. Sa main se décale légèrement et vient reprendre la mienne. Mes yeux s'embuent pour une raison inconnue et je sens un torrent d'émotions monter en moi d'un seul coup. Je ne contrôle rien. C'est à peine si je vois Jackson se mettre en retrait.

- On ne laissera pas ça arriver, tu m'entends ? Tu n'appartiens pas à Peter. Tu t'appartiens et c'est tout. Ecoute-moi, Stiles. Même certaines choses que j'ai dites peuvent te paraître fausses, je veux quand même que tu les entendes, que tu les retiennes et je suis sûr que tu finiras par les comprendre. Mais je veux que tu te battes. De ton côté, tu ne dois pas laisser son influence gagner sur ton mental, d'accord ? Nous, on va te protéger et l'arrêter, je te le jure.

Les larmes commencent à couler sur mes joues sans que je puisse les retenir. Je ne comprends pas ce qui m'arrive et voir ma vue se brouiller, sentir mes joues se mouiller, je… Je suis définitivement perdu. D'un autre côté, j'essaie d'accepter ce que me dit Derek, de digérer, aussi. Et je ne sais pas si je vais y arriver.

Je sursaute en sentant le bras de Derek passer autour de moi et me ramener contre lui. Contre la chaleur réconfortante de son corps que je sens à travers ses vêtements. Il pose son menton sur mon crâne et m'enlace. Aussitôt, sans pouvoir m'en empêcher, je me serre contre lui. Bordel… J'avais tant besoin d'une étreinte…

- L'autre avantage qu'on a, continue-t-il en caressant mes cheveux, c'est que tu nous as parlé. Tu m'as raconté, tout raconté. Et ça, c'est… C'est la preuve que tu es encore là, Stiles. Inconsciemment, tu n'as pas envie de te perdre.

Je cache mon visage de ma main et j'éclate en sanglots.

Je ne sais plus quoi penser.