En moi, il y a deux camps.

Le premier se bat pour prouver que j'ai tort d'accuser Peter de tous mes maux. Il essaie de me persuader que j'ai mal interprété la plupart de ses gestes et que j'ai pris tout ça trop à cœur. Après tout, je ne vois pas pourquoi il pourrait me vouloir du mal. On fait partie de la même meute, on… On a partagé des choses, livré des batailles ensemble. Mis à part au début, lorsqu'il voulait du pouvoir en tant qu'alpha, il s'est toujours montré drôle, plus ou moins avenant, gentil à sa manière… Et puis je pense qu'il nous apprécie, tous. Alors oui, son neveu et sa fille font partie de la meute, ça influence un peu ses choix de vie… Et à force de cohabiter avec nous tous, il nous apprécie. Moi aussi, il m'apprécie. Je sais qu'il aime bien les joutes verbales qu'on échange parfois et j'avoue que ça m'amuse. S'il aime bien ce genre de choses qu'on échange, pourquoi chercherait-il à tout gâcher ? Cette part de moi m'oblige à me dire qu'il a un bon fond ou du moins… Un fond que je pourrais finir par accepter. C'est pas forcément un homme mauvais, je pense que… Comme tout le monde, il a des moments où il dérape, ses réactions et agissements dépassent ses pensées. Chaque être humain a sa part de faiblesse.

Et puis, je… Je n'ai pas toujours refusé ce qu'il me faisait. J'ai beau dire mais au début, je n'ai pas vraiment dit non. J'ai pris ça à la rigolade, puis je n'ai pas vraiment résisté. En soi, il s'est habitué à mon comportement et ça lui a donné le feu vert pour continuer. Forcément, maintenant, il ne doit pas comprendre pourquoi je change d'avis.

Le second est beaucoup plus tranché. Il hurle, continue de livrer bataille. Il fait tout pour me convaincre que je ne dois pas hésiter. Peter est mauvais. J'ai refusé. J'ai refusé très vite, lorsque j'ai compris que j'avais réellement dit non, puis qu'il a insisté. Je… J'ai droit à décider de ce que je veux faire ou de ce que je peux aimer qu'on me fasse. A chaque fois qu'il me touche, je me sens… Mal. Souillé. Dégradé. J'ai l'impression de n'être qu'un jouet, quelque chose dont il se sert simplement pour son bon plaisir. Au fond, je suis certain qu'il se fiche de ce que je peux ressentir et son comportement… N'est pas sain. Je n'étais pas consentant et ça n'a pas changé, je crois… Quand on dit non, la seule chose à faire, c'est d'accepter et de passer à autre chose, enfin j'imagine… Lorsque je pense à lui, j'ai toujours cette boule au ventre, ce stress, cette angoisse. Je le revois sur moi, un sourire malsain collé aux lèvres, puis son engin excité collé à ma chute de rein… Et je me rappelle de la sensation collante qui accompagne toujours sa jouissance. Je me souviens des douches que j'ai pris après chacun de ses passages chez moi. Tout ça ne peut pas être faux ou alors, je deviens complètement fou.

Si tu penses autant à lui, c'est que tu ne le détestes pas tant que ça. Je me crispe. Ce genre de phrase me revient régulièrement. J'ai beau avoir écouté Derek hier lorsqu'il a essayé de m'expliquer ce que voulait Peter, il y a des choses que je n'arrive pas encore à accepter, ni à comprendre. Je pense souvent à lui. Très souvent. Est-ce que je… Ne serais pas contradictoire ? Je veux dire, je suis censé essayer de me changer les idées, de penser à autre chose, pas de sans cesse ressasser. En fait, je ne sais pas de quelle manière je devrais réagir. Si je suis vraiment une victime de ses actes, est-ce que… C'est comme ça qu'il faut penser ou, au contraire, penser aussi souvent à lui ne veut pas dire que je… Que je voudrais plus ? Dans ses messages, Peter a dit que j'avais aimé ce qu'il m'avait fait. Et si c'était vrai ? Et si j'étais juste dans le déni ? Peut-être que j'ai réellement apprécié mais que je ne veux pas le reconnaître. Après tout, c'est un loup, il peut percevoir les battements de mon cœur, déceler le mensonge parmi la vérité… Il a aussi dit que je l'excitais… Est-ce que je l'ai cherché ? Est-ce que c'est moi qui ai provoqué tout ça ? Un frisson désagréable me parcourt tandis que je sens la nausée monter en moi. Je ne vais pas vomir, mais j'ai besoin de… De parler.

- Stiles, qu'est-ce qui t'arrive ?

Ne m'attendant pas du tout à entendre sa voix, je sursaute avant de me retourner vers lui. J'étais debout et je regardais l'extérieur à travers la fenêtre, pensif. Maintenant qu'il est là, c'est lui que je fixe, sans monter jusqu'à ses yeux. Derek a beau passer beaucoup de temps chez Jackson en ce moment, je ne me suis toujours pas habitué à l'idée qu'il puisse rester pour veiller sur moi. C'est sans doute mon odeur qui l'a poussé à venir ici. Sachant très bien qu'il est inutile de nier, je ne cherche pas à mentir, à dire que tout va bien. Qu'est-ce que ça m'apporterait à part prolonger inutilement notre échange ? C'est un tantinet fébrile que je réponds :

- Je… Je réfléchis beaucoup et c'est pas… C'est pas forcément bon…

Je n'aime pas ma voix. A vrai dire, je n'aime pas mon attitude générale, ni même la manière dont je parle. J'ai envie de m'affirmer, de parler plus fort, d'arrêter de bégayer, d'hésiter sur mes mots, de… D'être sûr de moi, comme avant.

Mais je n'y arrive pas.

- Je te confirme que trop réfléchir, ça n'est pas toujours une bonne idée. Tu veux en parler ?

Ce faisant, il s'assoit au bord du lit qui est le mien pour le moment et tapote la place à côté de lui. Je n'hésite pas vraiment et vais m'installer à sa droite. Je m'oblige à poser mes mains sur mes cuisses pour éviter de me triturer sans arrêt les doigts à cause de ma nervosité et j'attends, tendu. Je crois que j'ai besoin d'en parler, oui. J'ai besoin de lui dire ou, au moins, d'avoir son avis sur la question. Le premier camp me susurre que c'est une mauvaise idée, que parler de ça à Derek alors qu'il est question de son oncle est une chose assez malsaine. Il essaie de me persuader que je dois me taire, encore.

- Tu… Tu me jures de répondre franchement ? Je demande en détournant le regard. Et… Et de pas me juger si possible.

- Tu peux avoir l'esprit tranquille, Stiles.

Je sens sa main se caler dans mon dos et ce contact physique léger, loin de me dégoûter, me rassure plus ou moins consciemment. Mais je ne peux pas tenir et mes mains se rassemblent : je triture nerveusement mes doigts. Le contact n'est pas suffisant pour me rassurer par rapport à ce qui me torture.

Je ne sais pas comment commencer. J'ouvre la bouche, je la referme, ma respiration s'accélère un peu et je stresse à l'idée de ne pas savoir comment aborder le sujet.

- Respire, Stiles. Je ne vais pas te manger. Vas-y à ton rythme.

Je ne le regarde pas et ce fait m'aide en quelque sorte à m'ancrer sur sa voix empreinte d'une certaine douceur. Je mentirais si je disais qu'il n'était pas patient : avant tout ça, je ne me doutais pas qu'il pouvait être aussi attentionné. Dans mon dos, sa main monte un peu, avant de descendre puis de remonter, dans un geste régulier. Ce sont des espèces de caresses, légères, rassurantes et je le vois se rapprocher alors qu'il me répète que je peux lui parler sans hésiter. Et puis d'un coup, sans trop que je comprenne comment, les mots me viennent :

- Je… Je pense beaucoup à Peter et à ce qui s'est passé.

Je sens Derek se raidir près de moi. Malgré ma tension et mon angoisse, je continue, certain que si je ne parle pas maintenant, je n'oserai plus jamais le faire :

- Et je… Je sais pas ce que ça signifie. Est-ce que tu penses que ça veut dire que… Que je… Que j'en redemande ?

Les caresses s'arrêtent. Les secondes passent et seul le silence me répond. Pour le moins anxieux, je lève les yeux et croise le regard douloureux de Derek. Pendant un instant, je suis figé par ses yeux emplis d'une lueur… Triste ? Et puis je remarque que son visage se défait graduellement. Mon cœur se met à battre plus vite et l'angoisse me pousse à expliciter ma pensée :

- Peut-être que… Qu'inconsciemment, je… J'ai voulu. Ou, je sais pas… Peut-être que je me plains de lui mais que je suis, je sais pas, dans le déni… Ou que… Ou que peut-être je l'ai cherché… Tu… Tu penses que c'est ma faute, tout ça ?

Son regard perd toujours plus d'étincelles et je me raidis, atrocement angoissé par sa réaction que je ne pensais pas pouvoir être aussi silencieuse. Qu'est-ce que… Pourquoi il ne dit rien ? Pourquoi il semble aussi… Bouleversé ? Ne me laisse pas. Pas toi. S'il te plaît. J'ai peur. Même si je doute sans cesse de moi et de tout ça, je ne veux pas qu'il… Qu'il me rejette. Il ne s'en rend pas compte, mais lui et Jackson me maintiennent la tête hors de l'eau et m'aident à avoir quelques moments où je peux ne penser à rien. C'est rare mais ça arrive. Concernant Derek, l'effet est décuplé. Il dégage ce quelque chose qui m'empêche de complètement perdre pied. Si je le perds, je ne suis pas certain de ce que je pourrais faire. Son silence toujours plus grand me fait paniquer et tend à me confirmer que tout est de ma faute. Ma respiration devient un peu plus rapide et je ferme les yeux lorsque je sens les larmes monter. Mais ce n'est pas une bonne idée car je revois ces images qui tournent toujours en boucle et se rejouent sans cesse quand j'ai les paupières closes. La même question revient à la charge : pourquoi je pense encore à Peter si je n'ai rien à me reprocher ? Je rouvre les yeux et n'y tenant plus, je me lève. Rester assis en attendant une réponse qui ne viendra pas m'angoisse trop. Je ne peux pas rester immobile, j'ai besoin de faire quelque chose alors je marche un peu dans la chambre, avant de retrouver ma position de départ quand il est arrivé : face à la fenêtre, dos à lui. Je serre les poings pour m'empêcher de trop réagir. Je ne vais pas le harceler pour qu'il me réponde, son silence est une confirmation en elle-même, il a simplement peur de me blesser. Que disait Peter, déjà ? Qui ne dit mot consent. C'est pas grave. Il faut que j'arrête de prendre tout ça trop à cœur. Une voix dans ma tête me souffle : laisse-toi faire sans rien dire et tout ira bien. Je n'aime pas cette voix, mais… Une partie de moi tend à accepter cela.

Je hoquette et sursaute violemment lorsque je sens deux bras entourer ma taille et un torse se coller contre mon dos avant de me détendre étrangement vite. Sans être un loup, je sens l'odeur de Derek voguer jusqu'à mes narines.

- N'aie pas peur, Stiles, c'est moi. Je ne te ferai jamais de mal.

- Je sais, je souffle.

C'est instinctif. Je sais que Derek n'est pas de ce genre-là et son geste qui m'a fait peur en premier lieu, me détend désormais, chassant toutes mes mauvaises pensées. Je me laisse aller contre lui, l'arrière de ma tête repose sur son épaule et je ferme à nouveau les yeux. Cette fois, pas d'images sordides.

- Je suis désolé pour mon silence, souffle-t-il presque à mon oreille. Disons que… Je ne m'attendais pas à ça.

J'aime sa voix. Pourquoi m'apaise-t-elle autant ? J'ai l'impression que mes épaules se dénouent, que mon corps se décrispe avec une certaine aisance à son contact et à l'entente de sa voix.

- Je sais que tout ça te dépasse, Stiles, que tu as du mal à t'en remettre et c'est normal, me dit-il doucement.

Je garde les yeux fermés et mon rythme cardiaque ralentit légèrement tandis que ma respiration se calme peu à peu. Sa voix est une caresse constante pour mes oreilles tandis que ses paroles rentrent tout doucement en moi.

- Rappelle-toi ce que je t'ai dit hier, Stiles. Tout ça, c'est lui qui le veut, pas toi. Si tu le voulais vraiment, tu penses sérieusement que tu te mettrais dans des états pareils ? Au fond de toi, tu sais ce qu'il en est réellement.

Il me serre doucement contre lui et je ne me tends pas le moins du monde. J'écoute ce qu'il me dit les yeux fermés. Je lui fais confiance, c'est un fait. Je crois que je pourrais lui confier ma vie sans hésiter.

- Tout ça, tes pensées, tes doutes, tes questionnements… C'est à cause du lien de possession qui est en train de se créer. Souviens-toi : la finalité, c'est ton obéissance complète, une obéissance contre laquelle tu ne pourras rien faire.

Le rappel est douloureux et je déglutis. Cette fois, j'ai l'impression de mieux comprendre ce qu'il me dit. Je ne dirais pas que tout fait sens, mais c'est… Un peu plus clair. Est-ce que c'est son étreinte qui m'aide à mieux appréhender ses explications ou sa bienveillance ? Peut-être est-ce les deux… Je ne sais pas, mais j'aime la manière dont il me serre avec douceur contre lui. Je me sens… Protégé, presque… En sécurité.

- Tu sais, c'est vraiment une chance que tu aies parlé.

- Pourquoi ? Je demande d'une voix si basse qu'on dirait un chuchotement.

- Parce que si tu ne l'avais pas fait, tu ne serais sans doute déjà plus maître de toi-même aujourd'hui. Tu ne serais plus Stiles Stilinski.

J'ai du mal à m'imaginer autrement que je ne le suis. Qu'est-ce que ça ferait, d'agir sans que cela soit de ma propre volonté ? La partie lucide de mon esprit me souffle que j'en ai déjà eu un aperçu. Face à Peter, je suis tétanisé et l'idée de bouger m'effleure à peine à chaque fois qu'il s'approche de moi, comme si je me tenais prêt pour être à son service. Je réalise alors quelque chose. Je rouvre les yeux et m'écarte de lui, juste assez pour me retourner, être face à lui. Pour la première fois depuis longtemps, je le regarde dans les yeux. J'ai du mal et soutenir son regard n'est pas quelque chose de simple, mais j'essaie. Mes mains s'agrippent à son marcel tandis que les siennes trouvent leur place en bas de mon dos. Nous sommes proches, mais je ne me crispe pas. Je n'ai pas peur de lui. La seule chose qui me terrifie le concernant, c'est la possibilité de le perdre.

- Alors ça veut dire que je… C'est pas ma faute ? Je demande sincèrement.

Il me sourit, mais ce sourire n'est pas normal. Il est… Triste.

- Non, Stiles, ça n'est pas ta faute. Ça n'a jamais été de ta faute.

- Mais si je pense à lui…

- Penser à ton agresseur et à tes agressions, c'est on ne peut plus normal et ça ne veut pas dire que tu as envie que ça recommence, loin de là. Tu veux t'éloigner de tout ça, au fond, mais tu n'y arrives juste pas pour le moment, parce que c'est trop frais. Ton cerveau ressasse tout ça le temps de trouver une solution, et puis… Rappelle-toi que ça aussi, c'est à cause du lien, qui accentue tous les côtés d'une agression « standard ». Il cherche à t'influencer pour te pousser vers lui, en te faisant croire que tu peux aimer ce qui ne te plaît pas. Ce lien n'a que des effets pervers.

- Comment… Comment on le détruit ?

- Pour être honnête avec toi, je ne sais pas encore. J'ai demandé à Deaton de compléter mes recherches là-dessus.

Je me crispe à l'idée que le vétérinaire puisse être au courant, mais me détends lorsque Derek me rapproche de lui pour m'étreindre à nouveau. Cette fois, je niche ma tête dans son cou et je respire lentement son odeur qui me rassure tandis que l'une de ses mains par se nicher dans mes cheveux avec une douceur qui me fait franchement du bien. Si je ne serais pas allé de moi-même lui quémander des câlins, je ne me sens toutefois pas forcé quand il me serre contre lui et ça me fait du bien.

- En attendant, tout ce qu'on peut faire, c'est attendre et te garder ici. Avec nous, il ne t'arrivera rien. Je veux toutefois que tu me promettes une chose.

Je recule légèrement la tête et le regarde. Sa main descend graduellement de mes cheveux à ma joue. Des frissons agréables me parcourent. Ai-je déjà dit que j'aime son contact ? Mes yeux se ferment à moitié alors que j'apprécie un peu trop ce que je ressens. Sa main. Sur ma joue. Si autrefois, j'aurais sauté de joie, là, je me contente simplement de profiter de cette sensation qui me donne l'impression de me ressourcer, de retrouver du calme. Pour une fois, je me fiche totalement de l'image que je donne de moi. Je ne vais pas bien et l'attention de Derek, ces contacts physiques… Agissent comme une délivrance. Ephémère, dont l'effet est assez puissant pour me garder un peu lucide. Toutefois, je lui fais comprendre du regard que je l'entends comme je l'écoute.

- Promets-moi que tu vas te battre, Stiles. Bats-toi contre ces pensées qui ne sont pas les tiennes. Je sais que tu veux y arriver et j'aimerais que tu essaies de tout ton cœur.

J'en ai envie. J'ai envie de lui promettre, mais quelque chose me retient et je sais qu'il s'agit de la partie de moi qui veut dur comme fer laisser une seconde chance à Peter. L'autre entre en scène et essaie de me convaincre de tout son soûl que je ne dois pas me laisser faire et rayer le vieux loup de la catégorie des gens viens. Je fronce légèrement les sourcils, je cherche à m'exprimer, mais je me retrouve bien vite à avoir mal à la tête. Mes doigts se resserrent sur le marcel de Derek, dans son dos et je me sens me tendre encore. Sa main sur ma joue commence à y effectuer de légères caresses et mon combat mental semble cesser d'un seul coup, pour l'instant. Je soupire, abattu par ce dont je me rends compte et mon front vient rencontrer doucement son épaule.

- Désolé, je… C'est le bordel dans ma tête, je finis par avouer dans un souffle.

- Je sais, me répond-il en faisant glisser sa main cette fois jusqu'à ma nuque, qu'il presse doucement en signe de soutien. Je sais, Stiles…