J'ai la tête qui tourne, tout comme les mots qu'a prononcés Deaton tournent dans ma tête.

Lien d'union.

Lien d'union.

Lien d'union.

Je sais ce que signifient ces mots, je me suis assez renseigné sur les loups-garous pour avoir pris connaissance de cette chose qui n'existe que chez eux, ce lien qui lie deux âmes pour l'éternité si le cœur leur en dit. J'ai toujours trouvé ça beau, poétique, magnifique et enviable. Oui, enviable. A condition que les deux parties s'aiment et soient sûres de s'être bien choisies. Là, ce qu'on me propose, c'est de m'imposer à je ne sais qui pour… Pour quoi faire, au juste ? Pour ralentir la progression du lien créé par Peter ? Et puis quoi encore, il croit sincèrement que ça va marcher ? Je ne suis qu'un pauvre hyperactif de merde dont tout le monde pourrait se passer et dont la disparition… Fera plaisir aux oreilles de bon nombre des gens que je connais. Un lien, ça se fait à deux : et même si je voulais me sauver, je ne le ferais pas au détriment de qui que ce soit. Je ne suis pas comme ça.

Subitement happé par le désespoir, je me voûte sur ma chaise. Je n'aurais pas dû venir et Derek… Aurait peut-être dû me laisser chez Jackson. Valser entre l'espoir et son contraire, c'est fatigant et je ne sais toujours pas sur quoi me reposer. Si je suis foutu, autant l'avouer tout de suite et pas essayer de trouver des solutions foireuses comme celle-là.

C'est juste… Irréalisable.

- Il faudrait quelqu'un de confiance, quelqu'un qui pourrait veiller sur lui et qui serait prêt à s'unir avec lui, j'entends.

Personne ne peut être prêt à s'unir avec moi. Puis une union, c'est pour la vie. Le lien peut être brisé, mais dans ce cas-là, il fait plus de mal que de bien. J'ai déjà lu des histoires de loups devenus complètement fous après que leur moitié ait brisé le lien d'union. Ils ont perdu la tête et sont morts de chagrin. Dans le lot, il y a bien sûr des légendes, de la fiction, mais également des histoires réelles qui me terrifient. Encore un détail qui me chiffonne : un lien d'union ne peut être initié que par un loup. Les humains, entre eux, ne peuvent pas partager un lien d'une telle puissance, puisqu'il est d'origine surnaturelle. Et c'est un point négatif de plus, parce que cela signifierait m'unir à un loup, sans doute de la meute, simplement... Pour être sauvé. Et après, il se passerait quoi ? Je détruirais ce loup, parce qu'il trouverait ensuite son âme sœur et serait bloqué par le lien. Non, définitivement, je ne peux pas.

Mais je ne dis rien, je me referme petit à petit sur moi-même.

- C'est nécessaire ? Demande Derek.

- Dans ce cas précis, oui, répond Deaton sans aucune hésitation. Ce qu'il lui faut pour essayer de résister à l'emprise de Peter, c'est un ancrage. Avoir simplement confiance en quelqu'un ne l'aidera pas vraiment. Il faut qu'il puisse être épaulé à chaque instant et le lien d'union permet cela. Le soutien mental qu'il apporte ne peut lui être que bénéfique. En soi, c'est une forme d'ancrage pour garder la tête hors de l'eau. Un ancrage un peu plus puissant que d'ordinaire.

- Alors on fait ça.

Je lève à peine la tête et regarde Derek du coin de l'œil. Il a l'air déterminé, prêt à appliquer cette solution qui n'est rien d'autre que foireuse. Ça ne va pas marcher. Et même si elle fonctionne, je détruirais une vie en acceptant.

- Non.

Cette fois, je sais que j'ai parlé, plus ou moins de mon plein gré. En fait, ma pensée a dépassé la parole.

Deaton et Derek tournent simultanément la tête vers mois et je n'ai qu'une envie, m'enterrer. Je suis le principal sujet de cette conversation et j'ai honte. J'ai honte parce que je me dis que si j'avais réussi à être ferme dès le début, ils ne gaspilleraient pas leur temps à essayer de me sauver. Ou alors, si je m'étais laissé faire… Peut-être que j'aurais plus vite disparu et que la question de mon sauvetage ne se poserait même pas. Mentalement, je me sens alors lentement basculer. Si je m'étais laissé faire, cette histoire serait déjà réglée. J'aurais peut-être disparu, mais Peter serait heureux. Derek et Jackson n'auraient pas eu à s'occuper de moi et Deaton occuperait son temps à exercer son métier tranquillement, sans avoir à faire des heures supplémentaires pour… Pour trouver une solution à ce mal qui me ronge et qui, dans tous les cas, m'aura. Ce fait me frappe, comme une évidence.

Peter a déjà réussi, en soi. C'est juste une question de temps avant que je lui appartienne complètement. Pourquoi ne pas accepter simplement ce fait ? On gagnerait du temps et tout rentrerait dans l'ordre bien plus rapidement qu'en résistant. Mais quelque chose en moi se bloque. Si j'arrêtais de résister ? Si je lui ouvrais complètement les portes de mon esprit de mon plein gré ? Après tout, il ne me traiterait peut-être pas si mal. Et qu'est-ce que j'aurais à faire, à part le satisfaire de temps à autres ? Et s'il se mettait à être plus doux avec moi ? Peut-être que cette idée, en fin de compte, n'est pas si mal. Mes poings serrés se desserrent à mesure que je me dis que je peux accepter. Je peux arrêter de me battre. Je peux mettre un terme à tout ça. Il suffit juste… Que j'arrête d'avoir peur. Mais déjà, je n'y arrive pas. Les images se rappellent à moi, ma tétanie se rappelle à moi. Mon souffle se coupe un instant alors que mes pensées bougent, se cognent, se réarrangent, tentent péniblement de se remettre en place.

J'entends vaguement Deaton me dire que c'est le seul plan viable qu'on a pour l'instant et Derek ajouter qu'il ne faut pas baisser les bras.

Moi, je m'entends répondre qu'il ne serait peut-être pas si mal que je me rende alors que je me mets soudainement à penser que je ne peux pas faire ça. Je ne veux pas me retrouver à nouveau face à Peter. Mais juste avant, je me disais que peut-être… Mais à quoi j'ai pensé ? Comment j'ai pensé ? Je me sens écarquiller les yeux et pourtant, je n'arrive même plus à savoir si c'est réellement moi qui suis à l'origine de ce mouvement. Qu'est-ce que je veux vraiment ? Qu'est-ce que je pense ? Dans ma tête, c'est tellement le bordel que j'ai soudainement la migraine. Le visage d'un Peter au sourire carnassier flotte dans mon esprit, me rappelle qu'il est toujours là, en moi. Je me crispe. Je veux mourir, c'est peut-être la seule certitude que j'ai. La seule qu'il ne peut pas m'arracher. Ça, et mes sentiments pour Derek.

Autour de moi, je sais qu'on proteste, qu'on me dit que je ne pense pas de la bonne manière. Je lève la tête, je regarde sans voir. L'une des deux voix me dit que je dois savoir faire la part des choses. L'autre, m'exhorte de me battre, me dit qu'elle sait que je ne peux pas toujours contrôler ce que je dis ou ce qu'on me fait dire mais que bientôt, ça va s'arranger. On prend ma main, dont le poing serré n'est plus qu'un lointain souvenir.

Et moi, je suis incapable de dire que tout ça ne sert à rien et que je ne veux pas détruire une vie à cause d'un stupide lien censé m'aider à me sauver. Je ne sais pas si c'est moi qui le choisis ou si je suis simplement à bout de forces mentalement, mais je m'éteins lentement.

xxx

Je me réveille en hurlant. Ma tête est en bordel et de nouvelles images s'amusent à me torturer. J'ai envie de me gratter, jusqu'au sang, de m'arracher la peau jusqu'à ce que Peter n'ait plus rien à toucher. Je veux qu'il ne reste rien de moi, rien d'autre qu'un tas de cendres. Des mains me retiennent et bien vite, je me laisse reposer contre un torse chaud. Mes mains se retrouvent rapidement libres et des bras à l'étreinte familière m'entourent. J'éclate en sanglots et je me presse contre cette silhouette qui ne me veut pas de mal, je serre le tissu un peu rêche de son haut avec désespoir. Je ne veux plus dormir. Je veux juste rester éveillé et ne plus m'endormir. Plus jamais. J'ai l'impression que ce nouveau rêve a ouvert une brèche supplémentaire dans mon esprit. Je vais mourir. Celui que je suis va mourir, ce n'est plus qu'une question de jours. Si cette idée m'effraie, ce n'est rien à côté de la peur que m'inspire Peter.

Une main caresse ma joue, essuie maladroitement les larmes qui coulent dessus. Je me presse contre cette main, j'ai envie qu'elle reste ici pour toujours, qu'elle me sauve de mes sanglots. Qu'elle me sauve tout court. Je ne suis pas assez fort pour supporter tout ça, je ne l'ai jamais été.

J'ouvre péniblement les yeux. Ils me piquent. Et je vois Derek qui me regarde, le visage complètement défait. Mes sentiments se rappellent à mon cœur en pleine face et je sais que je ne pourrai jamais avoir la moindre chance avec lui. Elles ont été détruites le jour où Peter a jeté son dévolu sur moi, le jour où il a commencé à installer ce maudit lien contre mon gré. Je cligne des yeux, laisse échapper de nouvelles larmes et détourne le regard. Je ne peux pas continuer de le regarder tant la honte me submerge. M'a-t-il déjà vu aussi faible ? Il ne fait que ça. Chaque jour, je suis plus faible que le précédent. Je ne fais que pleurer, me ratatiner sur moi-même et sans vraiment le vouloir, je laisse toujours plus de place à Peter. Je commence à ressentir et à me rendre compte de ce qu'il fait : il crée des trous dans mon esprit, pour que son poison y pénètre plus facilement. Il me brise toujours plus, juste pour se faciliter la tâche.

Je suis fatigué.

Et Derek continue de caresser ma joue, sans se soucier des larmes qui ne font que mouiller sa main.

Si j'avais plus de temps, je réfléchirais peut-être un peu plus à cette idée de lien d'union mais dans l'état actuel des choses, je ne veux pas y penser.

Il y a au moins une chose dont je suis sûr.

- Quand… Quand je serai sous son contrôle… T-tue-moi. S'il te plaît, tue… Tue-moi.

Au départ, je ne sais pas s'il m'a entendu, parce que moi-même j'ai peiné à entendre ma propre voix. Entre mes bégaiements et les sanglots qui me secouent, c'est difficile pour moi de parler correctement. En tout cas, je ne veux pas souffrir, je ne veux pas sentir ni savoir ce que Peter fera de moi.

Derek ne répond pas, pas tout de suite en tout cas. Il continue de me regarder tristement et son autre main me maintient contre lui. Ça tombe bien, je ne veux pas m'éloigner. Mes yeux me piquent et pas seulement à cause des larmes. Je suis fatigué, je sais que j'ai besoin de dormir. Lorsque je bascule dans l'inconscience, je ne me repose pas tant les visions qui me sont imposées sont violentes et cauchemardesques. J'y vois et j'y sens principalement les horreurs que Peter me fait et que je ne décrirai pas. Je n'ai pas assez de mots pour ça. Mon cœur bat vite, à cause de mes émotions et de cette fatigue lancinante qui ne cesse de m'épuiser. Ne pas dormir, tu ne dois pas dormir. Mais les caresses de Derek sont douces, elles me bercent et me poussent à céder.

- Je n'aurai pas à te tuer, parce que ce que tu dis n'arrivera pas, finit-il par lâcher d'une voix un peu enrouée.

Je lâche un rire triste et mes pleurs commencent à se calmer lentement malgré la stupidité de la situation. Quelle naïveté. Je tourne légèrement la tête et j'observe le décor qui nous entoure. Je reconnais rapidement la chambre que je commence à avoir l'habitude d'occuper chez Jackson. C'est au moins une constante dans ma vie, mon retour dans cette chambre… Derek a dû m'y emmener directement et rester avec moi, après le fiasco au cabinet de chez Deaton. Je sais juste qu'au bout d'un moment, je me suis simplement déconnecté de mon propre corps.

Je me reconcentre sur Derek et je décide d'être clair avec lui :

- Il contrôle mes rêves, il contrôle parfois mes pensées et il lui arrive de me faire dire ce qu'il veut. Il te faut quoi de plus ?

Ma gorge se noue, les mots me manquent.

- Ton accord, me répond-t-il spontanément sans cesser ses caresses.

Ce que j'aime ses caresses, sa proximité. Aurait-on pu être aussi proches si Peter n'avait pas mis le grapin sur moi ? Je n'ai jamais eu autant de contacts et de proximité avec Derek que depuis le début de cette histoire. Et je ne veux pas casser ça. Pour le temps qu'il me reste, je veux rester auprès de lui.

- Mon accord ? Je répète toutefois d'une voix enrouée.

- Pour le lien d'union, finit-il par lâcher.

Mon visage ne se ferme pas comme je l'avais imaginé, et je secoue faiblement la tête.

- Non, j'peux pas faire ça.

Je ne peux pas accepter de me sauver si c'est pour détruire quelqu'un.

- Stiles, ce lien pourrait t'aider à résister et tu le sais.

Oui, j'en suis conscient, mais je ne peux pas imposer un lien à qui que ce soit sachant que n'importe qui peut trouver son âme sœur n'importe quand. Il est hors de question que je sois un frein dans ce genre de situation.

- Oui mais à quel prix ? Tu te rends compte de ce que tu me demandes… ? Tu me demandes de… de m'unir à quelqu'un juste pour… Me sauver ? On parle… On parle d'une union, pas juste… D'une r-relation. Désolé mais… J'peux pas imposer ça à quelqu'un. Imagine, quelques semaines plus tard, ce quelqu'un trouve son… Son âme sœur, ou juste… Se trouve quelqu'un. Le lien… Le lien l'empêchera d'être avec la personne qu'il aime v-vraiment. C'est… E-exclusif. Je p-parle même pas de la destruction du lien le jour de la séparation. T-t'es un loup, tu… Tu sais aussi bien que moi ce que tout ça im-implique.

Je m'horripile à m'entendre parler. J'en ai marre de bégayer et de ne jamais être sûr de mes mots. Si parler était ma marque de fabrique, mon activité préférée, c'est désormais quelque chose que je déteste. Je me ridiculise tout seul et je n'ai pas besoin de ça. Sans vraiment me gêner même si ça le devrait, je me blottis contre lui. J'ai besoin de cette étreinte qu'il m'offre, de cette chaleur qui me fait me sentir encore vivant. Je ne devrais pas profiter autant de lui, mais je crois que je peux me faire un peu plaisir avant le grand départ. Qu'y a-t-il de mal à serrer celui qu'on aime contre soi avant de le laisser ? Je cale ma tête au creux de son épaule et mes poumons s'emplissent facilement de son odeur. Il sent le vent, la forêt, la liberté. S'il m'entendait penser, il serait désespéré mais peut-être qu'un sourire un peu amusé éclairerait momentanément son visage.

Sa main passe de ma joue à ma nuque.

- Je sais aussi bien que toi ce que ça implique, Stiles, mais il faut qu'on pense à toi. Et si tu ne le fais pas toi, je vais le faire pour toi.

Il m'oblige à lever la tête d'un doigt sous mon menton et je plante mes yeux encore un peu larmoyants dans les siens. Ne sachant pas vraiment où il veut en venir, je ne dis rien et j'attends. Néanmoins, il ne peut pas m'en vouloir de désirer ne faire de mal à personne. Il n'a pas le droit. A son regard, je sais que ce n'est pas le cas. Pourquoi est-il aussi doux ? Pourquoi j'ai envie de rester contre lui, avec lui, pour l'éternité ? L'injustice que je constate me brise le cœur. Pourquoi n'ai-je droit qu'à quelques jours ? Pourquoi n'ai-je pas le droit de refuser le lien que m'impose Peter ? Pourquoi n'ai-je pas la chance de choisir ? Peter a détruit ma vie. A cause de lui, je n'ai plus rien. Je vais perdre mes amis, Derek, mon père et je suis d'ores et déjà en train de me perdre. Ma gorge est nouée. Même si je voulais dire quelque chose, je n'y arriverais pas parce que si j'essayais, j'éclaterais en sanglots à nouveau.

Je déteste ma vie.

Là aussi, c'est injuste. Je suis dans ses bras, on est proches, si proches que je pourrais l'embrasser. Je n'ai qu'à approcher ma tête, juste un peu. Son regard, même triste, est magnifique, si bien que je ne compterai jamais le temps durant lequel je pourrais me perdre à le contempler. Et puis… Je sais pas, il est… Il est tout ce que j'ai toujours désiré. Il a ses qualités et ses défauts, et c'est tout ce pourquoi je suis tombé amoureux dès le premier jour. C'est la raison pour laquelle je ne ferai rien. Son attention, c'est déjà plus que ce que je pouvais rêver alors je n'abuserai pas.

- Stiles, je peux créer un lien d'union avec toi.

Sa voix plus que douce contraste avec cette demande qui brise cet instant de contemplation. Aussitôt, je secoue la tête, horrifié, mais il me dit de l'écouter jusqu'au bout. Je le regarde, passablement inquiet.

- Tu ne te rends pas compte du nombre de personnes qui tiennent à toi alors je suis désolé, mais je ne peux pas te laisser partir sans avoir essayé. Je suis parfaitement libre, je n'ai de vues sur personne, rien qui menacerait le lien, rien qui n'obligerait à le briser avant que cette situation soit arrangée.

- Mais, et après… Je tente de protester.

- Après, on avisera.

- Non y a pas de « on avisera ». Un lien d'union, c'est… C'est un engagement, Derek. C'est p-pas un truc qui se brise à la légère. Et moi, je veux pas prendre le risque de… De t'empêcher d'avoir une vie amoureuse, d'être bloqué par… Moi. Juste moi. Sauver ma vie et bloquer la tienne…. Juste parce que je… Juste parce que vais devenir l'esclave de Peter, ça le vaut p-pas.

Son regard change et je ne saurais pas le décrire. Tout ce que je sens, c'est la main en bas de mon dos qui raffermit sa prise. Un frisson me parcourt l'échine, mais il n'est pas désagréable.

- Au fond de toi, qu'est-ce que tu voudrais le plus à l'heure actuelle ? Me demande-t-il d'un ton légèrement différent.

Je m'étonne de sa question et du changement de sujet, mais je me prends à y réfléchir sérieusement. Ce que je voudrais vraiment ? C'est simple. Si simple qu'une nouvelle fois, mes paroles passent la barrière de mes lèvres sans aucun problème.

- Juste… Juste être moi-même sans avoir à réfléchir pour savoir qui je suis.

Si là, ce n'est étonnamment pas trop compliqué, il y a des moments où je peine à dissocier mes pensées de celles, parasites, que m'imposent Peter. Rien que dans le cabinet de Deaton, je… J'avais du mal à réfléchir correctement, je pensais tout et son contraire, je disais des choses que je ne pensais pas et à l'inverse, je pensais des choses que je ne disais pas. A l'intérieur de mon crâne, ça s'entrechoquait. Je passais de Stiles à Stiles. De moi à l'autre, cette prémisse d'esclave. Je m'en rends bien compte et ça me navre. Ne pas avoir la main mise sur mon corps, c'est une chose. Ne pas contrôler correctement mes propres pensées en est une autre. C'est bien plus horrible et fort que tout. Là, si je fais le point, je sais que je suis pleinement moi-même et que me réveiller dans ses bras… M'aide vraiment. Je ne sais pas ce qu'il m'a fait et c'est sans doute mes sentiments qui jouent sur ça, mais… D'une manière ou d'une autre, Derek m'aide à penser par moi-même. Peut-être que je peux tenir encore un peu, si on continue de cette manière. C'est certes moins efficace que ce que semble promettre un lien d'union, mais… C'est bien moins égoïste.

- Tu tiens à moi, Stiles ? Me demande-t-il sérieusement.

Ma réponse sort instinctivement.

- Oui, je souffle, bien plus que tu ne le penses…

C'est peut-être un peu trop, sans doute aurais-je dû simplement m'arrêter au oui, mais je n'ai pas pu retenir ces paroles véridiques. Je tiens énormément à lui et c'est pour ça que je ne peux pas accepter de me lier à lui.

Je l'aime.

Quelques secondes passent et son regard change encore. Il se fait plus sûr et plus dur à la fois, sans que je sache pourquoi. Puis, je commence à me dire que, peut-être, je me suis trahi et que j'aurais sans doute dû… Être concis. Sur ma nuque, sa main est toujours là. Et d'un coup, je ne sais pas pourquoi, j'ai l'impression qu'il a rapproché son visage du mien. Un peu. Pas beaucoup. Peut-être ai-je rêvé. Sa main revient sur ma joue, la caresse un instant. Sous la douceur du geste qui commence à m'être familier, je ferme les yeux.

Et d'un coup, je sens deux lèvres s'emparer des miennes et l'étreinte de Derek se resserrer autour de moi.