Je l'embrasse comme si ma propre vie en dépend. Indirectement, je lui transmets ma terreur à l'idée de le voir disparaître, ma douleur de le voir sans arrêt se battre contre lui-même, mon espoir de le voir rester parmi nous.

La vie est remplie de sacrifices.

J'ai choisi de faire le mien.

Mais pour moi, une vie vaut bien plus qu'une potentielle histoire d'amour. Peu importe si, plus tard, j'ai un coup de foudre, je tombe amoureux ou autre. Je ne peux pas concevoir une vie sans Stiles. Et s'il désire un jour briser le lien pour s'émanciper et profiter de sa vie, j'assumerai. Ça sera douloureux, mais je préfère ça plutôt que de le perdre. Il ne se rend pas compte de la valeur qu'il a. S'il tombe, on tombe tous. Si Peter l'obtient, ce n'est pas seulement un esclave qu'il va gagner.

Tout le monde accorde une grande confiance à Stiles. Si Peter décide d'essayer de prendre le contrôle de la meute, il peut passer par lui. Seuls Jackson et Scott savent pour le lien de possession. Les autres ne peuvent pas se méfier de Stiles, qui pourrait aussi agir comme un agent dormant. C'est un des côtés plus que perfides du lien. Non seulement il enlève toute volonté à Stiles, mais il l'obligerait à, potentiellement, trahir ses amis, agir contre eux. Connaissant Stiles, c'est sans doute la pire torture à ses yeux. Il est gentil, trop gentil. Il n'y a qu'à voir le temps qu'il a mis à avouer ce que Peter lui a fait. Il avait si peur que la meute se mette à se méfier de Théo et Jackson qui, comme Peter, ont eu droit à une deuxième chance. Alors le mettre face à eux, c'est le confronter à ceux qu'il aide et aime depuis toujours. Si l'on ajoute à cela ses cauchemars et les agressions qu'il a subies avant qu'on découvre ce qui lui est arrivé… Stiles peine à résister. Il est lentement en train de partir et je ne peux plus rester là sans rien faire. Il faut que j'agisse, qu'on fasse avancer la situation.

Il ne comprendra pas, mais je lui transmets tout ça.

Au départ, il était tendu et n'a pas réagi. J'ai eu peur qu'il soit totalement contre l'idée, qu'il me repousse. En soi, il a le droit. Il a tous les droits. Mais il ne le fait pas. Il passe timidement ses bras autour de moi, ses mains serrent mon haut au niveau de mes omoplates. Et il répond. Ses lèvres entament de petits mouvements contre les miennes, si légers qu'au départ je ne les sens pas. Un frisson appréciateur me parcourt.

Si je l'ai embrassé, c'est non seulement pour commencer à créer un lien entre nous, mais aussi parce que j'en ai ressenti le besoin. Il fallait que je l'embrasse. C'était une nécessité, une chose que mon loup réclamait pour plusieurs raisons, dont la première que j'ai citée. Je ne pensais pas qu'il serait aussi enthousiaste à l'idée de s'unir, surtout à un humain, et il l'est. Moi, humainement parlant, je veux juste… Aider Stiles. Pour construire un lien, il faut une alchimie et des contacts. A la différence de celui créé par Peter, tout est consenti. Stiles ne s'en est peut-être pas rendu compte mais il m'a d'ores et déjà ouvert les portes et je le ressens. Il me fait confiance et sait que je ne ferais jamais rien qui pourrait lui nuire. La seule chose avec laquelle il n'est pas d'accord, c'est l'installation du lien d'union, parce qu'il ne veut pas me bloquer. Mais il n'a pas à s'inquiéter pour moi, je gèrerai.

Stiles est accroché à mes lèvres comme je suis accroché aux siennes. Je ne sais pas ce qui me prend, mais je deviens fiévreux, passionné. J'aime le contact, j'aime ce que je ressens et ce qu'il ressent. De son odeur, toute la négativité a déserté : ne reste qu'une légère sérénité et un petit quelque chose que je ne saurais pas définir mais qui me plaît. On entremêle nos jambes sous les draps et on se colle toujours plus l'un à l'autre. Ses joues sont encore mouillées, sentent toutes les larmes qu'il a lâchées et celles qu'il garde pour lui. Mais ça ne me dérange pas. Je prends les choses comme elles viennent et j'accepte de prendre Stiles sous ma protection, avec tout le bagage qui va avec. Il est lourd, ce bagage, mais je le fais en mon âme et conscience. Sans que je puisse y faire grand-chose, je me mets à le caresser, aussi doucement que je le peux et c'est là ma seule influence. Parce qu'un peu de désir s'est niché dans son odeur si particulière et mon loup y réagit. Je sais néanmoins qu'il ne dépassera pas les bornes, parce que lui non plus ne veut pas faire de mal à mon… Futur compagnon ? Les choses vont vite, très vite, peut-être trop vite, mais j'y réfléchirai plus tard. Sa langue se met à jouer avec la mienne et je le sens s'abandonner complètement à moi, dans mes bras. Il ne les quitte pas, ne s'éloigne pas le moins du monde, bien au contraire. Il cherche à se coller toujours plus contre moi et je me rends compte avec étonnement que je fais de même. Nous sommes dans un cocon duquel nous n'avons pas envie de sortir.

Ses lèvres sont d'une douceur surprenante et je finis par me rendre compte qu'elles épousent parfaitement les miennes. Son corps, que je ne pensais pas si attirant, semble avoir sa place contre le mien, si bien que l'envie fugace de le déshabiller et de coller sa peau à la mienne me traverse rapidement l'esprit. Mais elle disparaît rapidement, parce que je refuse de penser à ça le concernant. Je ne peux pas m'imaginer ça au moment où quelqu'un d'autre songe sans doute exactement à la même chose. Je frissonne cette fois d'horreur, mais Stiles arrive efficacement à me changer les idées en nous faisant faire une courte pause. Courte, parce que cette fois, c'est lui qui prend mes lèvres d'assaut, avec une ardeur surprenante, mais que je ne refuse pas. Je me découvre une attirance nouvelle, un plaisir étonnant à l'embrasser, si bien que j'en oublie le lien pendant un temps. Je profite de l'instant et j'essaie de lui en faire profiter également.

Il ne se fait pas entreprenant, pas à proprement parler. Il tente des choses, mais s'arrête rapidement. Il essaie de passer ses mains sous mon haut, mais se ravise et s'autorise juste à toucher la peau de mon dos du bout des doigts après avoir légèrement soulevé le tissu. De peur de le brusquer, je ne fais pas de même, mais je laisse l'une de mes mains descendre en direction de ses fesses, que je malaxe doucement. Nos langues dansent, encore, et si je n'étais pas conscient de la situation, je n'aurais pas hésité à aller plus loin. Notre échange est sincère, passionné, spontané et je donnerais tout pour que cet instant dure des heures. On profite, simplement, comme si les soucis étaient loin, comme si on avait juste à ne penser à rien, sauf aux variations de la chorégraphie complexe exécutée tour à tour par nos langues, puis par nos lèvres. On alterne, on fait selon notre bon plaisir. Je le décoiffe sans ménagement, il fait de même sans aucune gêne, caresse mon torse à travers mon haut, sans jamais dépasser les limites qu'il semble s'imposer.

Aucun de nous deux ne gémit à aucun moment. Des soupirs, il y en a des tas, mais notre échange est silencieux. On est discrets, juste parce qu'on n'a pas envie d'être bruyants. Sans même se dire ce dont on a envie, on est en accord l'un avec l'autre et cette alchimie dont le lien a besoin pour être créé, je sais qu'on la possède. Elle est là, dans nos baisers, dans nos étreintes, dans nos caresses, dans cette manière qu'on a de se décoiffer, dans cette façon qu'on a de se serrer l'un contre l'autre. Alors qu'il me mordille brièvement la lèvre inférieure, la certitude que le lien va fonctionner m'emporte et je deviens un peu plus aventureux, sans l'être trop. Des moments comme celui-ci, je veux en vivre encore. Au vu de l'ardeur de Stiles, je me doute qu'il en est de même pour lui.

Notre échange cesse peu à peu, se meurt avec langueur et nos lèvres se séparent enfin. Le visage de Stiles est rouge et ses yeux me fixent avec une surprise non dissimulée. Ses lèvres sont gonflées, légèrement rougies et je n'ai qu'une envie, me jeter sur elles à nouveau. Ne pouvant résister à la tentation, je lui offre un dernier baiser, empli de douceur et de tendresse, baiser auquel il n'arrive pas à s'empêcher de répondre. Et puis, il finit par caler son front contre ma joue et je ferme les yeux un instant, digérant ce qu'il vient de se passer. Etonnamment, je n'ai aucun mal à faire cela. Mieux, je me rends compte que ça m'a détendu. Contre moi, Stiles ne se crispe toujours pas. Dois-je en déduire que ça lui a fait du bien également ? Je ne sais pas, mais je ne le lâche pas, il reste contre moi.

Entre nous, le silence flotte sans qu'aucune gêne ne se fasse ressentir. Je joue avec ses cheveux, il ne relâche pas son étreinte sur moi. Il soupire de bien-être, je garde les yeux fermés, savourant ce sentiment qui l'étreint. Depuis combien de temps son odeur n'a-t-elle pas été aussi déchargée de toute négativité ? Si longtemps que je serais bien incapable de le dire. Le temps passe. Les minutes, les secondes. Il ne se décolle pas, vient poser sa main sur mon torse, au niveau de mon cœur. Puisqu'il a son front contre ma joue, je ne peux pas voir son visage, mais je sais d'ores et déjà qu'il commence à être pensif. Néanmoins, je sais et je sens que Peter ne le contrôle pas à l'heure actuelle. Dans le cabinet de Deaton, oui, mais depuis qu'il s'est réveillé ici, je sais que Stiles n'a pas arrêté d'être lui-même une seule fois.

C'est peut-être pour ça que notre lien est déjà en train de se former. En tant que créature surnaturelle, je peux déjà le ressentir et plus ou moins le voir. Il s'agit d'un fil argenté qui nous relie l'un à l'autre, un lien immatériel aux conséquences belle et bien réelles. Il est un peu transparent, pas encore complètement solide et c'est on ne peut plus normal : il n'en est qu'à ses débuts et je vais tout faire pour qu'il devienne indestructible.

- Tu… T'es un inconscient, Derek, souffle-t-il.

Et pourtant, je ne sens pas la puanteur de la tristesse peupler son odeur. Elle est légère, comme portée par nos échanges passionnés. Moi-même, je me surprends. J'ai… Beaucoup aimé. J'étais comme attiré par lui, et pas juste parce que je comptais déjà créer notre lien. Son regard m'a hypnotisé, ses lèvres m'ont charmé, son corps m'a réchauffé. Le pire, c'est que je n'ai aucune envie de le lâcher. Est-ce un effet secondaire de la création du lien ? Je n'en sais rien et curieusement, je ne cherche pas à le savoir et j'esquisse un rictus. Parce que Stiles reste Stiles, et je sais qu'il a compris le but premier de ce qui devait n'être qu'un simple baiser. Je suis certain aussi qu'il est conscient de m'avoir ouvert la porte.

- Je ne suis pas un inconscient, je saisis simplement l'opportunité quand elle se présente.

- C-c'est bien ce que je dis. T'es… T'es un inconscient p-parce que tu te gâches sciemment la vie à l'a… L'avance.

Continuer de l'entendre bégayer et parler en étant aussi peu sûr de lui me fait mal au cœur, mais je m'accroche à l'espoir qui m'aide à me lever le matin et à l'aider : celui de me dire qu'un jour, il n'aura plus cette épée de Damoclès au-dessus de la tête. Je sais bien que ça m'importe bien plus que ça ne le devrait, mais je ne peux pas passer outre.

- Je t'ai déjà dit que je gèrerai.

- T-t'es… T'es un con.

Je souffle du nez et réussis à ne pas lâcher ce rire spontané qu'il provoque alors qu'une bouffée de chaleur naît en moi. Une chaleur agréable que je laisse volontiers me submerger. Ça sonne comme un « je t'aime », mais je me fais sans doute des idées. Dans tous les cas, je sais que c'est sa manière à lui de dire qu'il tient à moi. Et ça me fait quelque chose, si bien que j'ai envie d'être démonstratif.

- Un con qui tient à toi, je lâche spontanément, d'humeur un peu plus légère.

Pour moi, c'est important de lui signifier qu'il compte, qu'il doit continuer de se battre. Il compte pour son père, la meute, moi. Je ferai tout ce qui est en mon pouvoir pour le voir à nouveau sourire, rire, aimer, vivre. Et si pour cela je dois faire d'autres sacrifices, je n'hésiterai pas.