J'ajoute un sucre à mon café, j'attends qu'il se disperse, puis je l'avale d'un trait. J'en ai besoin. La fatigue me guette et ce n'est pas le moment de m'endormir. J'ai la nuit pour ça, en espérant qu'elle ne soit pas coupée par un autre cauchemar de Stiles. Je ne lui en veux pas, je sais qu'il aimerait lui aussi avoir un sommeil tranquille, mais il a du mal pour l'instant.

Il s'est passé trois jours depuis l'initialisation de notre lien et malheureusement, je ne constate que de légers progrès – un peu hasardeux également.

- Et maintenant qu'est-ce qu'il va se passer ?

Je relève les yeux vers Jackson, dont je continue de squatter la maison, par la force des choses. Tant qu'on garde Stiles avec nous, protégé, on ne peut que rester là, tous les trois. Jackson est d'accord et m'a clairement signifié qu'on pouvait rester autant de temps qu'on le voulait – ses parents étant en déplacements professionnel pour plusieurs mois, on est tranquilles.

Je hausse les épaules. J'aimerais bien le savoir, mais… La situation est particulière. Je crée un lien par rapport à la consolidation d'un autre lien. Peut-être que c'est ça qui coince ? Honnêtement, je pensais qu'une fois notre lien d'union initialisé, la différence serait flagrante et que Stiles reprendrait plus facilement le dessus mais force est de constater qu'il a du mal, et je le comprends. En fait, je me rends compte que tout ça, c'est bien plus compliqué que ça en a l'air. Deaton a parlé de ça comme une potentielle solution pour ralentir la progression de Peter en Stiles, mais je me demande s'il a vraiment raison.

Tout ce que je sais, c'est que les fondations du lien qui me relie à Stiles sont à peine posées. En fait, ce qu'on a, ce n'est pas grand-chose.

Durant ces trois jours, je ne me suis pas tourné les pouces. Outre les moments que j'ai passé avec Stiles, je me suis documenté. Ce que je sais du lien d'union, c'est mineur. J'ai beaucoup parlé avec Deaton qui m'a prêté des livres et continue jour après jour de me renseigner comme il le peut. Tout ce que j'ai retenu, c'est qu'en plus de notre alchimie, on doit passer du temps ensemble. Beaucoup de temps ensemble. La différence avec le lien qu'a d'ores et déjà créé Peter, c'est qu'on n'a pas besoin d'effectuer un quelconque acte charnel pour que notre lien soit là et qu'il continue de se construire. Le baiser – multiple – qu'on a échangé a été une bonne manière d'initier la chose, puisqu'il faut qu'on partage quelque chose pour cela. Du reste, je suis un peu perdu. Parce que du temps avec Stiles, j'en passe, même si on n'a pas réitéré les embrassades depuis ce jour. Et j'ai l'impression que depuis qu'on a créé le lien, ça ne bouge pas. Il est frêle, fragile et je le ressens. J'ai l'impression qu'il peut être brisé à tout moment et ça me terrifie. Je ne peux pas concevoir que cela puisse arriver parce que sinon, je ne sais pas ce qu'on pourra faire.

Depuis l'autre jour, on ne s'est pas réembrasser et je me dis que, peut-être, c'est ça qui coince. Peut-être qu'à défaut de pratiquer un quelconque acte charnel, on doit partager des contacts, réitérer l'intimité de l'échange qui a tout changé. A cette idée, je suis un peu réticent. Ce qu'on a partagé, c'était… Bien, très bien. Peut-être trop bien. Et c'est ça le problème. J'ai un peu trop aimé pour mon bien et dans la mesure où on ne s'unit pas par amour, je ne sais pas si c'est une bonne idée.

D'un autre côté, je suis persuadé qu'il faut que je passe au-dessus de ça. Je n'ai pas peur de lui faire du mal, pas à proprement parler. Ce qui est certain, c'est que la confiance qu'on s'accorde doit être immense. On doit pouvoir se fier aveuglément l'un à l'autre. En soi, c'est déjà le cas, mais ce n'est pas assez. Dans la mesure où il est partagé entre moi et Peter… Involontairement, bien sûr, j'avoue que ça rend la tâche un peu plus difficile.

- Tu penses que ça peut marcher ? Me demande Jackson.

Je soupire.

- Je l'espère.

En réalité, j'oscille sans arrêt entre espoir et désespoir. Cette nuit, Stiles a encore cauchemardé. Par chance, je dormais déjà avec lui, alors j'ai rapidement pu prendre les choses en main et je l'ai calmé. Il a pleuré comme un dingue et prononcé ces choses qui ne lui ressemblaient pas. Des phrases laissant entendre qu'il apprenait… A être comme il fallait. Ce sont ses mots. Si je n'ai de prime abord pas vraiment compris ce qu'il entendait par là, le sens m'est peu à peu venu au réveil ce matin, alors que Stiles se forçait à déjeuner quelque chose.

Peter m'a révélé, par l'intermédiaire de Stiles, que celui-ci apprenait lentement à être comme il le désirait. M'est alors venue une hypothèse pas très glorieuse, un peu sombre, que je me décide à partager avec Jackson.

- Le problème, c'est que Peter a une plus grande marge de manœuvre que moi.

Ses yeux océaniques me fixent et je vois une l'interrogation les peupler. Des questions, il en a, mais il attend que je développe et je l'en remercie silencieusement.

- J'ai des raisons de penser… Qu'il agit au travers de ses rêves, de son sommeil. Je pense que c'est un moyen pour lui de continuer de faire progresser le lien de possession.

Je m'arrête un instant et déploie mes sens lupins. Lorsque j'entends les battements réguliers du cœur de Stiles provenant de la chambre, je me détends. Je me sens obligé de vérifier assez souvent, de peur de rater quelque chose. Il lit, actuellement. Jackson s'était dit que lui montrer sa bibliothèque était une bonne idée et il a eu raison. J'ai alors découvert que Stiles aime lire. L'occuper est une bonne chose, à mon sens. Moins il pense à Peter, mieux c'est. J'ose espérer que ça peut réduire son influence… Que compensent malheureusement ses cauchemars.

Face à moi, Jackson ne dit rien. Il m'écoute religieusement et intérieurement, je songe au fait que je suis content de pouvoir en discuter avec quelqu'un. Ça m'aide à arranger ma réflexion et je me dis qu'à deux cerveaux réfléchissant activement – Deaton mis à part –, on peut avancer.

- Si on reprend bien, on sait que le lien de possession se construit à travers la violence et… Le sexe.

Je ferme les yeux un instant alors que des images montaient déjà en moi. Je serre les poings et essaie de les chasser alors que je rouvre les yeux. L'idée de mon oncle possédant Stiles de toutes les manières me broie le cœur en tous sens. Si parfois j'ai une baisse de moral et de motivation, elles sont souvent galvanisées par cette certitude : Peter n'aura pas Stiles.

- Il a besoin de contacts, d'agressions pour se construire et se renforcer. Puisque Peter n'a pas accès au corps de Stiles mais qu'il a ouvert une brèche dans son esprit, il en profite. Je pense qu'il lui fait dans ses rêves ce qu'il ne peut pas lui faire dans la réalité. Et depuis peu… Ses rêves ont dépassé l'avancée de la réalité.

Jackson voit aussitôt de quoi je veux parler. Tous les deux, nous savons jusqu'où est allé Peter. Je sais que Stiles n'aimerait pas savoir ça, mais Jackson est effectivement bien au courant de tout ce qu'il a subi, tout ce qu'il m'a confié. Pour avancer, on doit tous deux avoir toutes les cartes en main. Si l'on ajoute à cela le fait que Stiles me raconte ses rêves le matin pour essayer de se décharger… Parfois il emploie ses mots à lui, parfois non. Parfois il est lui-même, parfois Peter le censure. La finalité, c'est que Stiles prend du temps, mais il finit toujours par trouver un moyen de me raconter ses cauchemars. Il sait que je suis patient et que je l'écouterai, même si ça prend une heure, une matinée.

Mais ce que je retiens, c'est que Peter progresse.

- En somme, il continue ce qu'il a commencé. Qu'on le protège ou non, il avance.

Jackson passe une main dans ses cheveux en soupirant. Il se met à marcher, tourne en rond et je vois son énervement tout autant que je le sens. Je le comprends. Ça lui fait aussi peu plaisir qu'à moi. En fait, j'ai l'impression que mon lien avec Stiles est là, mais que je ne peux rien faire avec. Il est là, et c'est tout. Peter, de son côté, a une longueur d'avance certaine. Il a son lien et l'utilise comme il l'entend. Et je comprends soudainement que c'est ça qui me manque. En fait, je ne dois pas laisser le lien agir mais bien agir au travers du lien. La question, c'est : comment ? Je n'ai rien vu de tout ça dans les bouquins que m'a prêtés Deaton et lui-même ne m'en a pas vraiment parlé.

Jackson s'arrête et se laisse tomber sur une chaise de la cuisine, un air abattu collé au visage.

- On fait quoi, Derek ? S'il agit au travers de ses rêves, qu'il a même pas besoin d'avoir Stiles sous la main, on fait quoi ? On l'empêche de dormir ? On l'épuise ? On demande au putain de druide de faire une potion ou une autre connerie du genre pour qu'il ne rêve pas ?

Son ton est hargneux et désespéré à la fois. De mon côté, je réfléchis, j'essaie de ne pas me laisser envahir par tout ça. Je tente d'avoir un raisonnement logique, froid. Mais puisque cette réflexion est liée à Stiles, je ne peux pas être froid. Je ne suis pas objectif, je n'arrive pas à l'être quand il s'agit de lui, j'ai l'impression.

- Et puis ce crétin d'alpha qui passe jamais ! Râle Jackson. Faut le harceler pour qu'il réponde au téléphone !

Je relève les yeux vers lui.

- Et il a du nouveau ? Je demande.

Les nouvelles de Scott sont effectivement rares et je laisse depuis quelques temps le soin à Jackson de le contacter régulièrement. Je préfère m'occuper à temps plein de Stiles, surtout depuis qu'on est liés, plutôt que de courir après son meilleur ami qui devrait être là.

- Il fait que me dire qu'il continue de chercher, mais il a jamais rien de nouveau et ça, c'est quand j'arrive à le joindre… Sinon, il ne me dit rien. A force, je commence à me dire qu'il en a rien à foutre.

Son ton ne trahit cette fois qu'une rage tout juste contenue. De mon côté, si je garde mon calme, c'est uniquement parce que je pense à Stiles. Je sais qu'il est mon ancrage et ce, depuis longtemps. Pourquoi lui ? Je n'en ai aucune idée, mais le fait est qu'il m'aide sans même le savoir. A ce sujet, j'évite de me poser des questions, histoire de ne pas m'embrouiller l'esprit

Pourtant, Jackson et moi avons le souvenir d'un Scott préoccupé par l'état de son meilleur ami, inquiet pour lui. Je me souviens de sa phrase, qu'il a prononcée la seule fois où il est venu voir Stiles ici : « Il paiera, Stiles, je te le promets. » Et je commence à me demander si les promesses ont un réel sens pour lui.

- Laisse tomber, il ne faut pas compter sur lui, je soupire.

Et puis on parle, on réfléchit, on établit un semblant de plan. Je reste avec Stiles et de son côté, il va sortir un peu plus souvent : enquêter, chercher, glaner des informations. Si on continue d'attendre les retours de Scott, on n'avancera pas. A force, je commence à me demander si on ne devrait pas inclure quelqu'un d'autre dans notre espèce d'équipe. On galère, on patine. De mon côté, je sais qu'il faut que je tente des choses, reste à savoir quoi et comment. C'est mon premier lien et je n'ai absolument aucune idée de la manière dont je peux influer sur lui. Comment Peter a-t-il pu trouver si facilement ? Je me sers un autre café bien corsé que je bois sans attendre. Jackson, quant à lui, soupire bruyamment et me dit qu'il a besoin de prendre l'air. Je hoche la tête et de mon côté, je décide de retourner auprès de Stiles, que je trouve assis en tailleur sur le lit, son livre à la main. Sur le seuil de la chambre, je m'arrête. Lui, il lève rapidement les yeux de son bouquin et les ancre dans les miens.

- T-tu es de retour, souffle-t-il.

On passe beaucoup de temps ensemble et on ne se sépare pas souvent, à part pour les tâches que l'on doit obligatoirement faire seuls, chacun de son côté. Je hoche la tête, ne sachant étrangement ni quoi faire, ni comment me comporter. D'ordinaire, je m'installe tranquillement à côté de lui, je bouquine aussi ou alors je traîne sur mon téléphone, ou on discute, mais cette fois… Je reste immobile, incapable de savoir ce que je dois faire. De son côté, il ferme son livre et détourne le regard, comme s'il avait eu son quota pour la journée. A cause du lien créé par Peter, Stiles a perdu toute sa confiance en lui et est devenu plus timide que jamais. Il n'a pas seulement du mal à s'exprimer, il n'arrive plus non plus à regarder les gens trop longtemps dans les yeux. Il souffre. Mentalement il souffre et je le sais.

Il se lève doucement et ma gorge s'assèche alors que je sens mon cœur se mettre à battre vite et fort. Il s'approche lentement et je remarque qu'il hésite toujours à mettre un pied devant l'autre, comme s'il avait peur de se rapprocher de moi. Tu ne dois pas avoir peur de moi, je ne te ferai jamais de mal. C'est ce que je pense fort et ce que j'aimerais lui dire, mais ma bouche ne s'ouvre pas. Que puis-je lui dire ? Que puis-je faire ? Il s'arrête, il est proche. J'entends son cœur battre aussi vite que le mien, puis ralentir sans que je comprenne pourquoi, alors que le piquant de la peur diminue dans son odeur. Il relève la tête, me regarde à nouveau.

- Qu-qu'est-ce qui t'arrive ? Ça… N'a pas trop l'air d-d'aller.

Sa voix me transcende étrangement et enserre mon cœur comme jamais. Pourquoi ai-je soudain envie de le prendre dans mes bras ? Parce qu'il s'inquiète pour moi alors qu'il est celui de nous deux qui est au plus mal ? Là, il est lui-même, mais qui sait combien de temps il le sera ? Il est conscient de ne pas toujours être aux commandes, conscient qu'il est en train de lentement disparaître et c'est pour moi qu'il s'inquiète. Un élan de tendresse s'empare de moi et je ressens l'envie urgente de l'étreindre contre mon cœur. Ses yeux ambrés qui ont déjà changé m'absorbent, m'hypnotisent et je passe d'instinct un bras autour de lui.

Pour autant, je ne lui réponds pas. Ma gorge est complètement sèche et je me sens incapable de prononcer le moindre mot tant l'émotion qui s'empare de moi est grande. J'ai l'impression… De découvrir à quel point Stiles est incroyable. C'est bête, et je sais au fond de moi que j'ai déjà fait ce constat auparavant. Mais là, c'est comme si je redécouvrais le meilleur de lui, sa plus grande qualité, ce quelque chose qui a toujours fait partie de lui. Et puis je me rappelle du soutient qu'il apporte toujours aux autres, même lorsque lui-même est au bord du gouffre. Alors que je le ramène instinctivement contre moi, il se laisse faire et pose son front contre ma joue tout en passant ses bras autour de moi, m'entraînant dans une étreinte timide. Il veut m'aider, je le sais et ce constat de nouveau fait me remue fortement. Un nouveau besoin naît en moi. Celui de l'embrasser à en perdre haleine, de le faire mien et uniquement mien. La seule chose qui me retint, c'est la peur de le blesser.

Il lève doucement la tête et ses yeux ambrés sont suppliants. Il veut me demander quelque chose, mais il ne le fait pas. Dans son odeur, la peur est revenue, mais elle n'est pas là pour moi. Je le sens, c'est instinctif. Et sans trop savoir comment, je comprends qu'il a peur de ce qu'il peut dire, parce qu'il sent… Qu'il n'est pas tout seul. Comment j'en viens à cette conclusion ? Je n'en ai aucune idée, mais je décide de laisser mon instinct me guider. Peut-être qu'ainsi, je pourrai essayer d'agir à travers le lien. Peut-être qu'en fait, je réfléchis trop. Alors, je me relâche et mon visage se rapproche du sien, lentement, avant de m'arrêter. Je l'interroge du regard et un faible hochement de tête vient me conforter dans mon idée. Je prends son visage en coupe et pose délicatement mes lèvres sur les siennes. Je le sens s'apaiser d'un coup, comme si m'embrasser était la seule chose dont il avait besoin. Il s'accroche à moi et à nouveau, mon cœur s'emballe, mes émotions aussi. Le sien fait des embardées, les siennes explosent. Il ferme les yeux, s'abandonne à moi et mon loup prend les commandes. Il sait ce qu'il ne doit pas faire, connaît d'instinct les limites de Stiles.

On s'embrasse comme si plus rien autour de nous n'existait et on se colle le plus possible l'un contre l'autre. Il s'accroche à moi comme une bouée de sauvetage, je le tiens fermement pour palier à la moindre de ses faiblesses. Nos langues se lient et se délient au gré de nos envies, nos salives se mélangent pour n'en faire plus qu'une, nos baisers s'enchaînent les uns après les autres. Stiles faiblit, ses jambes ne tiennent plus vraiment. Mes mains descendent jusqu'à ses fesses et doucement, je le soulève. Il passe d'instinct ses jambes autour de ma taille, ses bras autour de mon cou. Il est dans mes bras, je le serre contre moi, l'embrasse avec passion, mais je me détourne de ses lèvres un instant pour nous diriger vers le lit. Du coin de l'œil, je vois son regard vitreux, grisé par ce quelque chose que je reconnais mais que je ne saurais toujours pas nommer.

Je le dépose sur le lit, je me mets sur lui, entre ses jambes écartées qui ne veulent pas me lâcher et je fonds sur son cou, mu par un désir inédit. Il se cambre, lâche un gémissement silencieux et décoiffe mes cheveux sans trop s'en rendre compte. Complètement grisé, je me redresse et croise ce regard que j'aime tant, qui me fait ressentir des choses pour moi oubliées. Des choses que je n'ose plus nommer. Là, sur lui, je me sens comme un roi et j'ai l'impression d'être précieux, d'être important et ça me fait tout drôle, si bien que je reste figé un instant et son regard change légèrement. Il passe à nouveau ses bras autour de mon cou et je sens une détresse émaner de lui. Je me crispe. Est-ce que… ?

- Stiles ? J'articule.

- M'a… M'abandonne pas, souffle-t-il. J-je… J'ai besoin de toi.

Un nouvel élan de tendresse me submerge alors que sa moue adorable me fait chavirer. Je manque d'esquisser un sourire. Doucement, tendrement, lentement, je me penche sur lui et je dépose un baiser chaste sur ses lèvres avant de me redresser légèrement en prenant appui sur mes coudes. Je n'oublie pas la position dans laquelle nous sommes : lui, allongé, moi, au-dessus de lui, ses jambes toujours accrochées à ma taille.

- Est-ce que ça répond à ta question ? Je lui demande en lui caressant doucement la joue d'une main.

Je veux le rassurer, qu'il comprenne que je ne l'aide pas pour partir à la moindre difficulté. Je sais que le sortir de cette situation ne sera pas aisé, j'en suis parfaitement conscient. Mais on va traverser ça, ensemble.

Il hoche la tête, d'un mouvement si léger que j'ai failli ne pas le voir. Le coin de ses lèvres frémit légèrement, signe qu'il se retient de sourire et je me détends. On peut y arriver.

- Tu sais Stiles, il te faut un ancrage, dis-je, sans cesser de lui caresser la joue.

Et je sais que le lien d'union peut l'aider à en avoir un. J'ai remarqué qu'il a plus tendance à rester lui-même lorsqu'on est proches, qu'on s'enlace, qu'on s'embrasse, alors peut-être… Oui, sans doute.

Il continue de me fixer et dans ce genre de moments, j'ai l'impression qu'il est plus à l'aise malgré notre position particulière. A nouveau happé par l'envie et le besoin de l'embrasser mais aussi de faire briller ses douces prunelles ambrées, je me rapproche de son visage et je murmure tout contre ses lèvres quelque chose que je garde pour moi depuis longtemps :

- Tu es mon ancrage, Stiles. Laisse-moi être le tien.

Ses lèvres capturent les miennes en guise de réponse. Je fonds contre lui, il fond contre moi, et je juge qu'il n'est pas contre l'idée. Alors on éloigne l'un et l'autre nos réflexions et pensées. On s'embrasse comme jamais, avec une passion encore plus forte que la dernière fois. Ce que j'aime ses lèvres, ce que j'aime ses yeux, ce que j'aime son visage, ce que j'aime son corps ! Mon être tout entier se sent bien à son contact et lui-même semble du même avis puisqu'il ne cherche pas le moins du monde à s'écarter. Il le pourrait, il sait qu'il le peut. Et ce qui fait faire une nouvelle embardée dans son cœur, c'est de me rendre compte que cette fois, c'est lui qui initie notre échange, lui qui mène la barque. J'ai beau être au-dessus de lui, c'est lui qui dirige et je le laisse faire avec joie. Cette fois, il est moins timide, un peu plus entreprenant et s'il ne fait rien de réellement suggestif, il ose plus laisser ses mains se balader dans mon dos, effleurer quelques fois mes fesses. Ça me galvanise et le besoin de rester avec lui se fait toujours plus fort. Je ne sais pas ce qui nous prend, je ne sais pas pourquoi on s'embrasse autant, mais une chose est sûre : c'est magique. S'il y a bien quelque chose que je peux dire, c'est qu'il m'attire, et ça semble réciproque. Complètement grisé, je reprends les rênes et je fais tout pour lui transmettre cette passion et cette tendresse que j'ai en moi et dont je veux qu'il profite. Je veux qu'il oublie ses soucis, je veux qu'il oublie Peter, qu'il oublie ce qu'il lui a fait. Je veux simplement qu'il redevienne le Stiles que j'ai connu, ce Stiles qui parle sans arrêt et sans peur, ce Stiles qui aime la vie et répand sa bonne humeur autour de lui.

Mais quelque chose se met à me gêner, me crispe. D'un coup, je ne sais pas comment, je sens une chose infâme, une présence dérangeante. En même temps, je sens l'odeur de Stiles changer, se remplir de cette émotion que nous ne connaissons que trop bien : la peur. Je me recule légèrement et tombe sur le regard terrifié qui me fait comprendre que j'ai vu juste.

Peter est là et je me rends compte que pour la première fois, je l'ai senti.