- J'ai mal à la tête, soupira douloureusement Jackson.

Derek lui tendit une poche de glace tout juste sortie du congélateur. Il lui aurait bien pris sa douleur s'il ne devait pas lui-même récupérer un peu. Jackson la prit et la pressa contre sa tempe. L'attaque avait été rude mais Derek avait été là. Il l'avait géré tout en surveillant Stiles du coin de l'œil. Son corps meurtri quémandait un repos immédiat mais l'ancien alpha se devait de tenir un peu, au moins pour l'instant.

- Mis à part ça, tu sens quelque chose ? Lui demanda-t-il, les sourcils froncés.

- Non. Il a forcé mais… C'est bon.

Derek hocha la tête après avoir écouté avec minutie les battements de son cœur. Pour l'instant, les voyants étaient au vert. Il n'y avait aucun danger, plus maintenant. Il le savait autant qu'il le sentait, tout simplement parce qu'il commençait à sentir ces liens qui les unissaient davantage, tous les trois.

Et étonnamment, il arrivait à savoir que Peter n'était pas là. Il entourait et pénétrait l'esprit de Stiles de part en part, mais… Il ne pouvait pas agir à sa guise. Mieux : il était absent.

Très honnêtement, Derek ne savait pas comment Jackson avait pu résister aussi bien à Peter qui n'avait rien pu faire d'autre qu'essayer de pénétrer dans son esprit. Il avait tenté de forcer la porte, le harcelant mentalement jusqu'à ce qu'il cède. Et cela n'était pas arrivé. Derek avait également participé à ce fait, du moins c'est ce qu'il en avait déduit car lorsqu'il était arrivé dans la cuisine, il avait vu Jackson et Stiles à terre. Le premier gigotait et semblait se débattre tandis que l'autre était parfaitement immobile. Instinctivement, Derek s'en était allé essayer d'aider Jackson parce qu'il avait étonnamment compris ce qui était en train de se passer. Il lui avait parlé en lui serrant la main fort pour le raccrocher à la réalité – en le réveillant par la même occasion. Après de longues minutes d'une longue bataille invisible, Jackson avait ouvert les yeux et s'était reposé contre Derek, qui ne l'avait pas lâché tant qu'il n'était pas certain que ça allait.

C'était seulement après cela qu'il avait pu se concentrer sur Stiles et faire de lui sa priorité. Disons qu'il avait pu se permettre un relâchement de son côté car Peter s'attaquait à Jackson et qu'il n'avait pas l'air multitâche – encore heureux. Cependant, une chose était certaine : l'oncle Hale ne devait sans doute pas s'attendre à ce que le kanima lui oppose une telle résistance. D'où lui venait une telle force mentale ? Derek n'avait rien pu faire, lorsque son aîné s'était insinué en lui. Il avait passé des jours à subir son influence et toute cette torture qui avait bien failli avoir raison de lui. Si son corps aurait pu tenir longtemps, ce n'était pas le cas de son esprit : Derek avait été au bord de la folie.

Et maintenant, il était épuisé. Ce qui l'avait sorti de son lourd sommeil ? L'impression que rien n'allait. Son lien avec Stiles – et par extension, avec Jackson – l'avait titillé assez fort pour le faire émerger. Parce que tout cela transpirait l'urgence et que Derek était assez au fait de la situation pour ne pas prendre cela à la légère.

- Jackson, va te coucher, lui intima-t-il en se frottant les yeux.

- C'est plutôt toi qui devrais…

- Repose-toi une heure ou deux. J'ai besoin de m'assurer que tu aies la possibilité de recouvrer suffisamment de forces, au cas-où.

Car si Peter était absent pour le moment, rien ne lui disait qu'il n'allait pas retenter sa chance. Derek avait bien écouté le récit qu'il lui avait narré : jusqu'à présent, jamais son oncle n'avait possédé Stiles ainsi. Contrôler ses membres était une chose. Sa bouche ? Sa voix ? Peter gagnait en puissance et ça, c'était mauvais. Alors, Derek avait besoin que Jackson récupère au plus vite pour contrer une éventuelle attaque. Mentalement, il semblait être doté d'une force considérable et l'ancien alpha ne prenait pas ce détail à la légère.

- De mon côté, je reste avec Stiles, lui promit Derek.

Jackson hocha finalement la tête, lui dit de l'appeler en cas de problème et partit rejoindre sa chambre d'un pas lourd. Une fois seul, Derek soupira et alla se poster au chevet de Stiles.

Le jeune homme était toujours aussi pâle, toujours aussi fin et l'on voyait à ses traits perpétuellement tendus qu'il n'était pas près de trouver le repos, qu'il soit physique ou mental. Derek prit délicatement sa main entre les siennes et la serra doucement. Il avait l'étrange certitude d'être intouchable depuis que Jackson avait créé ce troisième lien – un lien dont il ne connaissait pas vraiment la nature. Une chose était certaine, il ne ressemblait pas vraiment à celui qu'il avait créé avec Stiles. Plus gros, plus solide, mais pas plus lumineux.

Le lien immatériel entre Derek et Stiles était unique, quoiqu'un peu fébrile. Il avait ce quelque chose d'incompréhensible qui ne le rendait que plus mystérieux. Si Derek ne comprenait toujours pas vraiment comment s'en servir, il était tout de même heureux de constater qu'il était toujours là, qu'il ne se brisait pas. Parce que c'était bien de ça que l'ancien alpha avait peur. Le sentir se désagréger dans sa tête et perdre peu à peu la certitude qu'il restait quelque chose à faire. Forcément, la manipulation de Jackson et sa résistance étonnante avaient fait renaître en lui l'espoir ténu de pouvoir sortir Stiles de là. Enfin, il lui avait tout de même fichu la frousse… Et bien vite, la culpabilité le prit aux tripes.

Honnêtement, il ne savait pas ce qu'avait pu voir Jackson, mais il se doutait bien que Peter avait dû l'inonder d'images salaces et monstrueuses pour espérer forcer ses barrières intérieures. Cette technique-là avait bien marché sur Derek : elle l'avait brisé en profondeur et fait douter de lui-même au point de le pousser au bord du gouffre, au bord de la folie. Finalement, il n'était pas bien difficile de deviner pourquoi.

Parce qu'il s'agissait tout simplement de son oncle. Un des derniers membres de sa famille. Alors forcément, la blessure était double parce qu'à côté de cela, Stiles comptait beaucoup pour lui.

La douleur jouait sur deux tableaux, s'amusant à lui perforer le cœur d'un côté et de l'autre.

Et voilà que maintenant, Jackson se retrouvait attaqué à son tour.

Derek devrait presque s'en « réjouir », parce que ces offensives latérales montraient que Peter n'était pas dans une si bonne position que cela et que dans un sens, les liens faisaient leur effet, mais… A quel prix ? Au prix de la vie de deux adolescents ? Car si Derek n'avait l'air de s'inquiéter que pour Stiles, ce n'était pas le cas. Il surveillait également l'odeur et les battements de cœur de Jackson avec minutie, ses tremblements contre lui le hantant.

Derek se sentit alors terriblement las, terriblement épuisé. Le poids sur ses épaules était définitivement trop lourd à porter – et c'était d'autant plus vrai dans son état.

Une petite pression sur sa main lui fit reporter son attention vacillante sur Stiles, dont les yeux étaient entrouverts. A peine. Juste assez pour apercevoir la couleur ambrée de ses iris.

Et se laisser submerger par la douleur sans nom qu'ils laissaient s'écouler au travers de larmes chaudes.

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Peter était habité par une colère froide. Malsaine. Une fureur difficilement contrôlable. Muselée uniquement parce qu'il savait qu'il finirait par obtenir ce qu'il voulait. Sauf qu'il avait un problème. L'ancien alpha n'était pas un homme des plus patients. Sans sa drogue à portée de main, il était tendu, facilement irascible. Il lui fallait son humain au plus vite. Dans sa tête, son loup hurlait sa frustration, aussi bien sexuelle qu'affective.

Il n'avait pas réussi à avoir Jackson Whittemore malgré ses longues tentatives et le pire, c'est qu'il ne savait même pas pourquoi. Comment l'adolescent avait-il pu réussir à se défendre ? Peter aurait réussir à percer une brèche dans ses barrières et pénétrer dans son esprit qu'il croyait faible, friable. Qu'il s'imaginait déjà manipuler à sa guise pour pouvoir récupérer Stiles. Quoi de mieux qu'un pion pour enlever discrètement un humain ? Son humain. Le sien. Peter enragea. Il était le seul à avoir le droit de le toucher, d'accéder à sa bouche, son corps, ses fesses… Il lui appartenait. N'était-il pas le premier à avoir amorcé la création d'un lien avec l'hyperactif ? Si. Et qu'importe s'il ne s'agissait pas d'un lien d'union. Peter ne voulait pas de ça, non ! Il ne voulait pas de toute cette mièvrerie qui ne lui convenait pas. Il était certain que Stiles ne finirait jamais par l'apprécier outre mesure, alors… Autant forcer un peu les choses. Viendrait un jour où son esprit cèderait complètement. Et ce jour-là, l'humain serait tout à lui. Dévoué, aimant, à son service.

A lui.

Oui mais voilà, ce n'était pas parce qu'il n'avait pas réussi à se servir de Jackson que Peter comptait abandonner. A l'heure actuelle, il n'avait pas assez d'énergie pour prendre à nouveau possession de son humain préféré, encore moins pour tenter de briser l'un des deux loups qui le protégeaient. Pour une raison obscure, Derek lui était devenu inaccessible – ce qui était bien dommage. Il avait réussi à avoir son neveu. L'intervalle s'était révélé extrêmement bref, mais… Il l'avait brisé.

Et ce foutu second lien était apparu, réduisant à néant tous ses efforts pour prendre le contrôle de son neveu.

Mais Peter n'avait pas l'intention de s'arrêter là. S'il devait faire une pause dans ses attaques mentales, il lui restait le champ physique.

L'air des plus sombres, Peter descendit de sa voiture et pénétra dans l'enceinte de l'immeuble devant lequel il attendait depuis un moment déjà.

Isaac avait été prévenu de sa visite, mais Peter était arrivé en avance sur ce qu'il avait dit. Alors il avait patienté malgré lui, dominant ses pulsions dangereuses. Et non meurtrières. Parce qu'il obtiendrait sans doute les informations qu'il voulait. Alors, il monta les escaliers et, arrivé au bon étage et devant la bonne porte, il toqua. Contrôla la bouffée d'excitation et de violence qui montait en lui. Isaac savait. Il savait forcément où était parti le trio. Où Derek et Jackson avaient emmené son humain. Parce que son stupide neveu considérait Isaac comme un frère. Le petit frère qu'il n'avait jamais eu. Alors il lui avait sans doute confié cette information. C'était même certain.

Il ne pouvait en être autrement.

Isaac lui ouvrit rapidement, tout sourire… Avant que celui-ci ne se fane rapidement devant la mauvaise humeur évidente de Peter, qui ne pipait mot. Ses sourcils se froncèrent légèrement alors que l'odeur du Hale, nauséabonde par sa négativité, pénétrait à l'intérieur de ses narines. Perplexe, il le fit entrer et commença à avancer. Mais entendit un clic sec et un peu grinçant qu'il connaissait bien.

Le verrou usé de sa porte d'entrée.