- On a besoin d'alliés, on a besoin que du monde soit au courant, déclama Jackson.
Il tournait en rond dans le salon, devant un Derek complètement dépassé. Epuisé. Pas remis de ses blessures. Le kanima se retourna brusquement vers lui.
- Hé, tu m'écoutes ?!
Le ton était agressif, peut-être autant que l'expression de son visage. Derek réagit mollement, hocha simplement la tête. Il avait toujours l'air hagard et atrocement fatigué. Jackson le comprenait : son état à lui n'était pas beaucoup mieux. Pour autant, ils devaient tous deux rester alertes. Ils n'avaient pas le choix. Il en valait de la vie de Stiles… Et d'une certaine manière, d'Isaac.
Car Jackson avait expliqué à Liam tout ce qu'il pouvait faire pour soulager le bouclé en attendant que ses blessures guérissent. Ensuite, il avait raccroché et contacté Deaton en urgence, avant de rappeler Liam pour lui dire que le vétérinaire était en route. Une demi-heure plus tard, ils en étaient là.
- Tu as raison, finit par soupirer Derek, las.
Leur configuration avait ses avantages et ses inconvénients. Le secret les aidait à garder Stiles en sécurité avec eux, mais d'un autre côté… Avoir du monde au courant pourrait les aider à gagner du terrain sur Peter et sécuriser Stiles davantage. Ainsi et malgré cette lassitude désespérée qui ne faisait que grandir, Derek se mit à réfléchir mollement, puis activement. Evidemment, Scott était écarté de la liste d'office et ne saurait rien ni concernant l'endroit où ils se trouvaient, ni concernant leurs hypothétiques avancées. L'ancien alpha envisagea de mettre tout le monde au courant de ce qui était arrivé à Stiles pour avoir davantage de loups sur la piste de Peter, mais écarta rapidement cette idée. Il fallait malgré tout rester discrets et le nombre risquait de mettre son oncle encore plus sur la défensive qu'il ne l'était déjà. Peut-être même que celui-ci multiplierait les actions de violences, les agressions.
Après tout, il avait bien passé Isaac à tabac.
Le souffle de Derek se coupa un instant.
Isaac.
Son prénom eut un double effet sur lui. Tout d'abord, il ne lui fit ressentir que douleur et culpabilité. Parce qu'Isaac était un des premiers loups qu'il avait mordus et… Celui qu'il considérait presque comme étant son frère. Son petit frère. Il l'aimait sincèrement et se rendait compte d'à quel point ce secret l'avait mis en danger.
Parce qu'il n'était pas difficile de deviner le cheminement de pensée de son oncle.
Puisqu'ils étaient proches, Peter avait dû se dire qu'Isaac savait tout de l'endroit où ils avaient caché Stiles et ce qu'ils comptaient faire pour l'arrêter. En soi, sa pensée était logique et il n'avait pas envisagé un seul instant que Derek et Jackson puissent avoir préféré rester hermétiques à tout le monde.
- Isaac, laissa soudainement tomber Derek en relevant les yeux vers Jackson.
Le kanima lui fit un léger signe de tête en levant un sourcil interrogatif.
- On va mettre Isaac au courant.
- J'aurais plutôt penché pour Lydia, rétorqua Jackson, les bras croisés sur son torse.
Ce n'était pas qu'il n'avait pas confiance en Isaac, simplement… Celui-ci venait de se faire passer à tabac pour cette exacte raison. Parce que Peter pensait qu'il avait les informations qu'il recherchait. D'un autre côté, Jackson connaissait Lydia depuis des années et il était assez proche d'elle pour lui confier sa vie. Cependant, il ne critiqua pas ouvertement le choix de Derek, car une lueur particulière venait d'apparaître dans ses yeux. Il ne s'agissait pas de quelque forme de fatigue mentale que ce soit, ni même la continuité de cette lassitude qui venait de quitter sa voix. Ça brûlait.
- C'est ce qu'il pense qu'on va faire, répondit Derek.
Parce que Lydia était le deuxième cerveau de la meute et qu'elle n'avait aucun moyen de contrer Peter. Isaac n'avait peut-être rien pu faire de son côté, mais ce serait pire encore s'il décidait de s'attaquer à elle. Parce qu'elle était le choix le plus logique. Que, de son côté, Peter n'était pas bête non plus.
- Je pense qu'on devrait laisser un peu de temps à Isaac, tempéra toutefois Jackson.
Car le pauvre bêta avait été violemment passé à tabac et, à l'heure qu'il était, devait être depuis peu au cabinet. Il devrait guérir – si ce n'était pas déjà fait – et accepter le fait qu'un membre de sa meute l'avait violemment agressé et, on pouvait le dire, trahi. Et ça, ça ne serait pas facile à avaler, encore moins pour Isaac, qu'il savait sensible à certains égards. Jackson comme Derek se sentait d'ailleurs extrêmement mal à son sujet. Mais pour Stiles, et parce que sa vie ne tenait, dans un sens, qu'à un fil, tous deux se forçaient à réfléchir froidement à la situation et aux différentes options qui s'offraient à eux – dont les plus sécuritaires pour tout le monde. Une chose était certaine : plus le temps passait, plus l'étau se resserrait. Stiles passait de plus en plus de temps à dormir et à s'épuiser au moindre effort. Ça, on le voyait. On le ressentait. Le pire, c'était qu'on savait qu'il luttait. Mais il n'était pas assez fort.
Et en l'état actuel des choses, les liens créés par Derek et Jackson non plus.
- Pas plus de vingt-quatre heures, finit par lâcher Derek. Le temps joue contre nous.
Il détestait penser, agir et parler de cette manière, tout comme il détestait avoir l'impression de devoir choisir qui il protégeait le plus. L'ancien alpha tenta toutefois de se rassurer en se disant qu'Isaac était entre de bonnes mains. Que Liam l'avait trouvé au « bon » moment. Que Deaton, au courant de l'affaire, pourrait trouver et mettre en œuvres des moyens supplémentaires ou pour ralentir la progression de Peter, ou arrêter celui-ci… Et c'est ainsi qu'il se leva, lentement, en retenant une grimace. Il pourrait déjà guérir, s'en accorder le droit et ne pas subir la lenteur d'une guérison humaine… Mais il n'y arrivait pas.
- Je vais rejoindre Stiles, dit-il d'une voix monotone avant de fausser compagnie à Jackson.
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Deaton détestait ce qu'il voyait, ce qu'il constatait. Il poussa un soupir des plus profond. Tout ceci dépassait l'entendement et prenait des proportions démesurées. Si on lui demandait de quelle façon Peter agissait, il aurait tout simplement répondu qu'il le faisait par instinct. Parce qu'à son humble avis, l'oncle Hale avait sombré dans la folie.
Et Isaac en avait payé le prix.
Evidemment, il n'allait pas mourir, mais il fallait avouer que Peter l'avait mis dans un état déplorable. Un état qui faisait peur. Car même si Isaac avait d'ores et déjà commencé à guérir, c'était très lent. Alan Deaton lui avait appliqué moults pansements et bandages pour limiter la perte de sang qu'il avait à subir. Car Peter n'y était pas allé de mainmorte. A vrai dire, il lui avait brisé quelques os. Si Deaton avait pu lui en remettre certains – juste déplacés – en place, il ne pouvait rien faire concernant les autres. Ça, c'était une chose dont son métabolisme lupin s'occuperait dès son réveil. Enfin techniquement, Isaac s'était déjà réveillé quelques minutes plus tôt, mais pas suffisamment pour enclencher une réelle guérison inhérente à son espèce. Il avait été dans les vapes, incapable de prononcer le moindre mot, peut-être même pas de réfléchir. A ce niveau-là, le vétérinaire se demandait d'ailleurs si, pendant ce cours laps de temps, le bouclé avait ressenti quelque douleur que ce soit ou non. Son visage n'avait rien arboré d'autre qu'un air exsangue et absent. Ses yeux injectés de sang n'avaient rien regardé de particulier.
Isaac avait été là, sans être là.
- Je peux… Est-ce que je peux faire quelque chose ?
Deaton releva les yeux vers Liam, qui se tenait à l'entrée de la salle d'examens. Techniquement, il n'était pas censé pouvoir se trouver là, mais… Le vétérinaire avait volontairement brisé le cercle de sorbier depuis un endroit précis que lui seul connaissait. S'il l'avait fait, c'était pour que Liam reste près de lui pour l'instant. Ce loup était encore jeune, et particulièrement fragile émotionnellement. Instable au niveau de ses capacités également.
Une cible parfaite.
- J'ai contacté Chris Argent, pour qu'il te ramène chez toi. Tu peux aller t'installer dans mon bureau le temps qu'il arrive, si tu veux, lui proposa le vétérinaire.
Pour éviter qu'il ne fasse que fixer Isaac avec cet air hagard et presque hypnotisé. Parce qu'il aimerait le préserver de cette vision d'horreur. Si Isaac restait reconnaissable, le passage à tabac était impossible à nier. Peter avait été d'une violence sans égale. Deaton était prêt à parier qu'il était en train de perdre les pédales, de sombrer dans un gouffre de folie qui n'avait pas de fin. A son humble avis, le cas Peter Hale était impossible à sauver.
Et il espérait sincèrement que cela n'aurait pas de répercussions sur Stiles.
Une chose était certaine selon Deaton : le jour où l'on arrêterait Peter serait celui de sa mort.
