Stiles grimaça. A peine venait-il de se réveiller que sa tête lui faisait un mal de chien. Mais bon, cela commençait à devenir habituel, alors il endurait sans rien dire. Disons que les assauts de Peter étaient assez récurrents, pour ne pas dire constants. S'il n'essayait pas toujours de prendre possession de lui, de pénétrer ce corps qu'il pensait d'ores et déjà lui appartenir, il s'acharnait la plupart du temps à lui faire mal. A taper sur ses maigres défenses, juste pour les briser plus facilement pour le moment où il aurait besoin de les passer. Pour l'affaiblir, au final. Cette fois-ci, il y avait cependant une différence… Assez visible pour lui pour se révéler notable.
Dans sa tête, les coups étaient sourds. En dehors de ça, le silence régnait.
Peter ne lui parlait pas. Pourtant, c'était devenu monnaie courante ces derniers temps. En fait, l'oncle Hale avait mis en place cette méthode dès la création du lien premier lien d'union, celui qui le reliait à Derek. C'était ça qui le fatiguait à outrance, peut-être plus encore que de résister à ses différents assauts. Parce que c'était continu. Un harcèlement constant. Des images de temps à autres, mais beaucoup de mots. Et sa voix si reconnaissable… Elle le hantait, le torturait sans arrêt au point de ne le laisser réellement se reposer que lorsque son corps et sa tête n'en pouvaient réellement plus. C'était ça la vérité, celle qu'il était le seul à connaître. Pourquoi en parler ? Ni Derek ni Jackson ne pourraient l'arrêter. Stiles leur avait raconté tout le reste et pour lui, c'était suffisant. De toute façon, il se savait complètement fichu. Peter l'empêchait de reprendre des forces, qu'elles soient physiques ou mentales… Et Stiles en expérimentait les conséquences. Son cœur battait à une vitesse infernale, il se sentait lourd et sa tête… C'était si particulier que décrire la chose relevait du défi. Peter avait beau s'être fait silencieux, l'hyperactif n'aimait pas ce silence. Il était bruyant. Un sentiment d'angoisse quasi-permanent le saisit. Derek. Jackson. Stiles se redressa avant de repousser les draps qui le recouvraient encore quelques minutes plus tôt. Il tourna la tête, toucha la place à côté de lui. Elle était encore chaude. Qui était resté avec lui, cette fois-ci ? Combien de temps avait-il dormi ? Stiles se savait toujours incapable de répondre à ces questions. Sa mémoire était aussi défaillante que son équilibre. Avec une lenteur folle, il se leva. Être seul… Il ne le voulait pas. Il avait besoin… De voir Derek. Ou Jackson. Ou les deux. Dans l'optique d'éviter de les déranger en les appelant, il décida d'aller à leur rencontre. Se sachant quelque peu fébrile, il n'hésita pas un seul instant à prendre appui sur les murs. Le silence dans sa tête était assourdissant, mais les coups ne s'arrêtaient pas pour autant.
Chaque pas était un défi en lui-même. Son corps n'appelait qu'à s'effondrer, cesser de fonctionner tant il était fatigué. Peut-être autant que son esprit… Quoique celui-ci ne s'arrêtait jamais de subir, le jour comme la nuit. Mais aucun épuisement ne pourrait arrêter Stiles dans son besoin d'affection. Lui-même ne niait pas sa faiblesse croissante, bien au contraire. Il était d'ailleurs un peu étonné d'être encore là. Chaque fois qu'il fermait les yeux, c'était avec la peur de ne plus réellement se réveiller, de ne plus avoir conscience de rien. Le moment venu, se rendait-il compte de sa propre disparition ? Stiles n'était même pas capable de répondre à cette question. Il n'en savait rien et n'arrivait pas à se décider quant à ce qu'il trouverait préférable. Valait-il mieux que sa conscience meure dans le silence, ou que celle-ci assiste à la fin de sa déchéance ? Si Stiles devait se retrouver dépourvu de sa personnalité autant que de sa volonté, il en avait eu quelques petits aperçus. Néanmoins, il avait conscience que ce qui l'attendait… C'était bien plus que ce qu'il avait déjà vécu. En fait, cela n'avait rien à voir. La boule au ventre, l'hyperactif finit par débarquer dans la cuisine, qu'il trouva vide. Le cœur battant à tout rompre, il s'efforça de garder la bouche fermée. Ce n'était pas à Derek ou Jackson de venir vers lui, il… Stiles devait faire cet effort. Y mettre un peu du sien. Voilà d'ailleurs ce qu'il se répétait depuis des jours, histoire de s'obliger à ne jamais lâcher complètement prise. C'était sa manière à lui de garder un minimum de contrôle. Agir. Il ne s'en sentait pas vraiment capable, mais il essayait et chaque pas, aussi dur soit-il, l'aidait à se dire qu'il pouvait y arriver.
La chance lui sourit néanmoins car à peine avait-il posé sa main sur la table dans le but de s'en servir d'appui et de faire une petite pause, que Derek pénétrait dans la pièce. Il darda sur lui un regard mêlant surprise et confusion… Avant de se précipiter vers lui pour le prendre dans ses bras. Passer ses bras autour de lui, histoire qu'il ne tombe pas. Il était vrai que ses jambes tremblaient, flageolaient… Qu'elles allaient bientôt le lâcher. Mais Stiles l'oublia, choisissant de ne retenir que la présence de cette chaleur agréable qui l'entourait désormais. Il ferma les yeux, laissant son visage se nicher dans le cou de son compagnon par obligation.
- Qu'est-ce que tu fais là ? Entendit-il.
Fébrile n'était pas un terme qu'il associerait instinctivement à Derek et pourtant, ce simple mot décrivait parfaitement sa voix à cet instant. Sachant à quel point la sienne était chevrotante, Stiles préféra garder le silence. Derek devrait se contenter d'un haussement d'épaule et d'une proximité certaine. Il n'était pas bête… Il comprendrait. Il comprendrait que Stiles avait besoin de lui, de Jackson. D'affection, d'un peu d'amour. De toutes ces choses qui lui rappelaient ce pourquoi il essayait de ne pas s'abandonner à Peter. Honnêtement, il pourrait déjà le faire, mais… A défaut d'avoir un instinct de survie, il avait envie de vivre. Restait maintenant à savoir combien de temps il pourrait continuer de résister à ce supplice. Viendrait un jour – qu'il savait proche – où les murs de sa résistance s'effondreraient définitivement, où la douleur mentale l'emporterait sur tout le reste. En fait, Stiles acceptait actuellement de souffrir pour rester maître de lui-même… Mais cela ne durerait pas éternellement. Il cèderait bientôt, et il en avait parfaitement conscience. Ainsi, il choisit de juste… Apprécier l'étreinte maladroite, profiter de cette affection qu'il pensait malgré tout ne pas mériter. Stiles se détestait d'autant plus qu'il s'imaginait égoïste – il l'assumait. Peter le lui avait dit à de nombreuses reprises et s'il s'agissait d'un point qui lui faisait mal, il avait décidé de lâcher prise de ce côté-là. Non, il ne méritait pas qu'on prenne soin de lui de cette manière. Non, il n'avait pas réellement le droit d'aimer Derek. Non, il ne devrait pas apprécier l'affection et la prévenance de Jackson. Aucun de leurs baisers à tous les deux, d'ailleurs. Ni même tout ce qu'ils faisaient pour le protéger.
Mais Stiles était détruit et ces menus détails le faisaient tenir. A vrai dire, il n'espérait plus s'en sortir. S'il avait entrevu la lumière au bout du tunnel à quelques reprises, il la trouvait bien faiblarde, trop pour qu'elle soit réelle. En fait, Stiles avait beau ne pas en parler… Il se savait condamné et son égoïsme lui soufflait le droit de profiter du peu qu'il lui restait.
Et de dire la vérité à Derek.
Lui avouer que toute cette histoire, c'était juste parce qu'il l'aimait. Qu'il avait eu la malchance d'être entendu par Peter. Qu'il avait pris son idée à la rigolade. Que tout ça avait dérapé. Stiles était toutefois certain que l'oncle de son aimé n'avait aucune mauvaise intention – du moins au départ. Qu'est-ce qui l'avait fait vriller ? Qu'est-ce qui l'avait condamné, lui ? Stiles ne le saurait sans doute jamais. Mais tout révéler à Derek revêtait une importance capitale, pour lui. Il le fallait. Pour une raison qu'il ignorait, il le fallait réellement.
Stiles se sentit à peine quitter le sol. A vrai dire, il n'avait même pas conscience d'avoir passé ses jambes autour de la taille de Derek, qui l'y avait aidé. Sa tête reposait sur son épaule, ses bras autour de son cou. Avec Derek qui le serrait contre lui tout en allant il ne savait où. A vrai dire, Stiles avait un peu froid. Pas trop, pas suffisamment pour qu'il identifie là un essai de Peter, mais assez pour l'affaiblir davantage et lui donner l'impression qu'il ne sentait plus vraiment ses jambes. A l'intérieur de son crâne, les coups sourds continuaient et le silence bruyant ne s'arrêtait pas. Stiles releva légèrement la tête, croisa le regard de Derek. Moment de flou. Qu'est-ce qu'il faisait dans ses bras, déjà ? Ne s'était-il pas endormi… Où, d'ailleurs ? L'hyperactif fronça à peine les sourcils. Il ne se souvenait même pas de la dernière fois où il avait fermé les yeux. Dire… Il devait lui dire quelque chose. Mais quoi ? L'angoisse le prenant soudainement, il laissa ses doigts serrer à outrance le tissu du haut du loup en fermant fort les yeux. Il perdait la tête et il le savait… Ce qui ne l'aidait pas pour autant à mieux appréhender la chose.
- Tout va bien, je te ramène dans la chambre.
Fébrile. Fébrile. Fébrile. Ce mot continuait de tourner dans la tête de Stiles sans qu'il ne comprenne pourquoi il pensait cela.
- J'veux… J'veux p-pas être s-s-seul.
Un murmure à peine audible… Qu'il n'avait pas pu retenir et ça l'emmerdait, parce qu'il ne supportait plus d'entendre sa propre voix. Elle était devenue trop faible, tremblante… Stiles avait honte de s'exprimer, alors il le faisait le moins possible. Là, c'était sorti tout seul.
L'étreinte sur lui se raffermit.
- Je reste avec toi.
Fébrile. Ce mot continuait de lui revenir. Alors même si la voix de Derek l'était, Stiles continuait de la trouver agréable et apaisante. Serait-elle la dernière qu'il entendrait ?
Quelques secondes plus tard, Derek l'allongeait sur le lit et l'entourait à nouveau. L'hyperactif ne dit pas non à la chaleur d'une nouvelle étreinte. Peut-être même voulait-il autre chose, mais ça… Il ne le dit pas.
Parce qu'il ne savait pas comment Derek le prendrait s'il lui disait… Que ses baisers lui manquaient, et Stiles n'irait pas utiliser l'excuse du lien pour profiter de ses lèvres. S'il était ok à l'idée d'accepter son égoïsme, il n'irait toutefois pas jusque-là. La présence du loup à ses côtés, c'était déjà beaucoup pour lui. Alors, l'humain se pelotonna contre lui et accueillit la chaleur surnaturelle avec joie. Son angoisse ? Il eut l'impression qu'elle s'étiolait dans sa tête et lui laissait ainsi quelques minutes de répit… Mais Stiles n'était pas complètement tranquille.
Il n'arrivait pas à se rappeler de ce qu'il devait lui dire.
