Trois calepins volaient dans la pièce. D'épaisses plumes crissaient sur les pages, prenant note des remarques des deux officiers qui conversaient dans le bureau du Département des Aurors. Harry était assis dans son fauteuil de bureau, le dos contre le cuir usé. Le bras pendant à côté de son siège, il faisait négligemment tournoyer le pendentif des Malfoys dans sa main. L'objet menaçait de frôler le parquet à tout balancement. La chainette enroulée autour de son doigt et le poids de l'argent tirant sur son poignet lui prodiguait un étrange réconfort alors qu'il écoutait la voix au timbre bas et profond de l'agent Liams.

Le résumé de l'entretien était simple : l'affaire avançait peu, malgré les efforts des équipes, et Harry sentit une profonde lassitude l'envahir.

Le commandant des Aurors se devait d'écouter les rapports de ses inspecteurs, mais il se lassait d'entendre des excuses et des pistes qui menaient à des impasses. Cela faisait deux semaines qu'ils piétinaient sur cette affaire et le procureur de la Justice Magique avait fini par passer au Bureau des Aurors le matin même pour lui demander où en était son enquête, chose qu'il n'avait jamais osé faire. Preuve que cette affaire était totalement au point mort.

En un mouvement sec du bras, il remonta le pendentif et l'attrapa discrètement au vol. Il passa le pouce sur le M gravé dans l'argent.

Deux semaines que Malfoy était chez lui. Une sensation étrange le parcourut quand il réalisa que la moitié du mois s'achevait déjà. Une fine pointe de colère lui perça l'échine. Une fureur sourde, qu'il ne s'expliquait pas, le parcourait en un long frisson, jusqu'au bout de ses doigts qui se mirent à trembler. Il serra le pendentif un peu plus fort dans sa main.

"Bon ! dit-il en coupant l'exposé du jeune Presley qui sursauta sur son siège.

Il plaça le médaillon dans la poche de son manteau d'Auror, sa place habituelle depuis le début de cette enquête. Il se leva et se pencha en avant, appuyant les mains sur les piles de documents qui encombraient son bureau.

"On change de stratégie." Il prit sa baguette et fit apparaitre un tableau noir sur lequel il commença à écrire. Les aurors se levèrent pour s'approcher alors qu'il commençait son énoncé.

"On part du postulat que l'Enchanteur ne se fournit que chez Barjow. Cela m'étonnerait, mais on s'en fout ! dit-il en coupant l'intervention de Presley qui avait pris une inspiration pour le contredire.

"On se fixe une clientèle anglaise au capital social, financier ou culturel élevé, ou étrangère résidente en Grande-Bretagne." Il vit Liams acquiescer du coin de l'œil. "On part aussi du postulat que ces bijoux ont été ensorcelés pour feindre le sentiment amoureux et non pour une autre raison. Je ne m'éparpille pas sur d'autres hypothèses. Je répète : Borgin, Grande-Bretagne, clientèle anglaise ou étrangère résidente friquée ou culturellement valorisée." Les têtes hochèrent devant lui. "Des questions ?"

- C'est une cible intéressante, mais très précise, dit Presley. Mais quel est notre point d'entrée? Par quoi devons-nous commencer?

Potter ouvrit un des dossiers posés devant lui et fouilla dans les documents avant de sortir une photo et de la brandir face aux inspecteurs. Ils avaient tous vu ce cliché où la victime, en costume bleu gris de soie, souriait à côté la jeune femme qu'il avait ensorcelée. La mariée, sublime brune de près de 20 ans sa cadette, arborait le médaillon des Malfoys, un charmant sourire sur ses lèvres roses.

"Les photos de mariage, conclut Harry. Vous allez me trouver toutes les photos des noces publiée dans les pages du dimanche, là où le gratin aime diffuser les clichés annonçant les fiançailles et chercher si les bijoux portés par les mariés correspondent à l'un des artefacts présentés dans cette liste."

Il pointa de sa baguette le document établi avec Lewis Barjow, concernant les articles achetés dans sa boutique par l'Echanteur.

- Cette femme a été ensorcelée il y a presque 10 ans… réfléchit Liams. Nous allons devoir éplucher beaucoup de journaux et de publications.

- Si vous avez besoin d'aide, je peux détacher des assistants pour cela.

- Bien Chef.

- Des questions?

Presley s'appréta à ouvrir les lèvres quand un type brun, en blouse blanche et aux lunettes épaisses, entra brutalement dans le bureau de Potter sans se donner la peine de frapper.

"Est-ce que je peux savoir pourquoi vous n'avez pas foutu les pieds à Saint Mangouste depuis le début de cette enquête ? demanda l'homme, rouge de colère.

Harry soupira, et repoussa la révulsion qui contractait son dos.

- Messieurs, je vous laisse travailler pendant que je m'entretiens avec le docteur Hopps," dit-il avec lassitude en indiquant la porte de son bureau.

Les deux officiers prirent congé en fermant la porte derrière.

Potter s'assit dans son fauteuil, toisant froidement le médecin des blessures psychiques magiques.

"Guerisseur Hopps recommença-t-il d'un ton rigide. J'ai bien reçu vos nombreuses sollicitations envoyées par notes volantes et hiboux, mais je vous ferai ici la même réponse que je lui ai déjà faite et vous devez comprendre et intégrer mes paroles : tenir la main de votre patiente à l'hôpital ne fait pas parti de mon boulot d'Auror ! Sachez aussi que vos courriers n'arrivent plus à mon bureau, mais sont maintenant filtrés par le secrétariat. Veuillez quitter mon service, j'ai du travail.

Si le docteur arborait déjà un teint rouge, son visage était maintenant cramoisi. Harry se prit à imaginer de la fumée sortant de ses oreilles.

- Et vous... commença le guérisseur qui tentait de se calmer. Il remonta ses lunettes sur son nez empâté. "Vous ne pensez pas que l'interroger soit une bonne idée ? s'offusqua-t-il.

- L'auror Moran nous a donné l'ensemble de sa déposition, répondit calmement Potter. Si nous nous rendons sur place, cela fera doublon. Votre temps est précieux, et le nôtre l'est tout autant." Le docteur prit une inspiration indignée, mais Harry le coupa et poursuivit : "Et cela remettrait en cause le travail d'un autre inspecteur et d'un autre service. L'Auror Moran est compétent et a toute notre confiance.

- L'auror Moran vous a donné les informations concernant son état mental? Sa dépression? Ses crises d'angoisse ?

Potter se retint de lâcher un râle d'exaspération et répondit :

- Non. Je ne suis pas avocat de la défense et je ne suis même pas lié à son affaire. On m'a assigné cette mission pour démanteler un réseau de sortilèges noirs et donc pour découvrir qui a fourni les armes pour ensorceler cette femme. Pas pour la disculper de meurtres qu'elle a bel et bien commis ni pour hâter sa condamnation ! Mon service est neutre sur le sujet et doit le rester. Si vous avez des éléments psychologiques susceptibles d'intéresser l'affaire de meurtre dont votre patiente est suspectée, le bureau de l'inspecteur Moran est deux étages en dessous du mien.

- Je pense tout de même que vous devriez aller la voir ! insista le médecin. Cela vous donnerait des indices sur le sortilège qu'elle a subi. Y avez-vous pensé?

Harry se retint de lancer une remarque particulièrement acerbe à ce lourdaud qui se permettait de remettre en cause son professionnalisme.

- Je vous ai dit que l'inspecteur Moran nous avait rendu un rapport exemplaire. Mais votre présence ici est tout à fait adéquate : vous pouvez déposer vos observations auprès de l'inspecteur Presley, le séduisant jeune homme qui a quitté mon bureau lors de votre entrée fracassante. Si cela est tellement important, vous pouvez lui donner tous les renseignements nécessaires. Son bureau est à droite en quittant le mien. Bonne journée, monsieur!"

Il prit une plume et commença à griffonner sur le carnet de bord qu'il tenait à jour pour l'enquête, annotant les derniers ordres et pistes explorées et à approfondir, afin de composer une archive précise et claire pour sa mission, quand il se rendit que le guérisseur replet n'avait fait aucun pas vers la sortie.

Le docteur se tenait toujours gauchement debout devant lui, passant d'un pied à l'autre, inspirant de manière irrégulière comme s'il se préparait à porter la voix à tout moment.

Il hésitait et semblait embarrassé.

Harry comprit aussitôt. Il connaissait trop ce regard. Et un voile de rage froide enserra son torse, glissa dans son dos et s'enroula autour de sa colonne vertébrale.

Il baissa la tête en expirant, la colère s'insinuait profondément en lui, en un puissant venin familier.

- Arg putain…,souffla-t-il d'une voix à peine audible.

- Elle est bouleversée," s'expliqua le guérisseur d'une voix geignant qui irrita davantage Potter. Il ne put supprimer un râle de dégoût, un souffle puissant poussé entre les dents. "Alors quand je lui ai dit que Harry Potter en personne allait venir la voir…". Le médecin magique s'arrêta, trop déconfit pour poursuivre.

Harry gardait la tête baissée les épaules tendues.

"Comprenez-moi, poursuivit la voix plaintive en face de lui. "J'ai agi pour le mieux au vu de l'état de ma patiente."

"En lui mentant ?!, s'insurgea Harry en se levant d'un bond.

- Je soulage, Monsieur Potter," dit le docteur magique en levant ses mains devant lui, arborant une voix apaisante, empreinte de sincérité. "Mon métier est d'apaiser les âmes. Et le cœur de cette femme est profondément tourmenté.

- Et vous pensez que ma présence peut l'aider? ironisa Potter. Mais vous rêvez, Monsieur !

- Vous sous-estimez votre aura !" Les paroles du médecin possédaient une telle dévotion qu'Harry se retint de reculer. Le guérisseur s'approcha et bruissa avec force, les mains tremblantes devant lui pour appuyer chacun de ses mots: "Imaginez donc, ce que cela signifie pour cette pauvre jeune femme que le Grand Harry Potter en personne enquête sur l'ordure qui a gâché sa vie ! Imaginez donc ! Savez-vous qui vous êtes pour ces gens ?! C'est le seul moment où j'ai vu un peu d'espoir dans ses yeux."

- Ah! Et vous voulez que je vienne voir votre meurtrière pour qu'elle se sente mieux ?

- Meurtrière? s'insurgea le guérisseur. Cette femme a été trompée, abusée par l'homme qu'elle pensait aimé. Elle s'est réveillée d'un cauchemar pour plonger dans un autre. On lui avait volé 10 ans de sa vie ! Alors elle l'a tué, oui ! Elle l'a tué. Mais vous pensez qu'elle a eu le choix ?

- On a toujours le choix ! cracha Harry en se levant, fou de rage.

- Ah bon? renchérit le médecin magique en se dressant face à l'auror, frappant le bureau de ses deux poings, se penchant en avant de tout son poids, appuyant puissamment sur le bois, son visage rougeaud face à celui de Potter.

"Vous l'avez eu, vous ? vociféra-t-il, Monsieur l'Élu ?! Vous avez eu le choix ?"

Harry ouvrit la bouche et sentit sa voix s'éteindre. La rage glissa doucement hors de ses veines. Sa poitrine se comprima et quelque chose en lui… hurla de douleur.

Le guérisseur Hopps, praticien aguerri, perçut immédiatement son trouble, car son visage s'adoucit soudain, frappé par une réalisation amère, et une tristesse profonde colora le bleu de ses yeux. Il se redressa et recula de plus pas, laissant un espace de sécurité bienveillante.

Sa voix se fit beaucoup plus douce et mesurée.

"Excusez-moi, monsieur Potter. Vous n'êtes obligé en rien. Ce sont mes paroles et elles n'engagent que moi. Je voulais aider une jeune femme blessée et tourmentée. Cela était ma seule préoccupation. Je n'ai pas pensé que …

- Ce n'est rien."

La voix de Potter était enrouée et incertaine. Il était bouleversé, profondément renversé par les paroles du guérisseur, mais les raisons lui en étaient inconnues, profondément tapies dans l'ombre de son être.

Le silence pesa dans la pièce, brumeux et épais.

Potter finit par se racla la gorge avant de reprendre. "Je comprends vos préoccupations. Et il est vrai que l'observation de votre patiente et des reliquats de son enchantement pourrait nous donner davantage d'indices sur cette enquête."

Il leva les yeux vers l'homme grassouillet qui le fixait toujours avec une profonde compassion qui révulsa l'auror.

"Foutez-le-camp de mon bureau, maintenant" grinça-t-il et le docteur s'exécuta sans mot dire, et ferma la porte derrière lui.

Potter observa la poignée de se fermer et perçut le bruit étouffé des pas qui s'éloigner prestement de son bureau. Puis il perçut son de Big Ben qui sonnait treize heures et il grogna sans ménagement, face vers le plafond puis il prit sa veste d'auror sur le porte-manteau de bois.

Il avait oublié de regarder l'heure et il est en retard pour son déjeuner avec Hermione.

Fin du Chapitre 8


Nous plongeons de plus en plus dans le coeur tourmenté de Harry. Désolée pour le temps que j'ai mis à publier ce chapitre, en dehors de mes déboires de santé, heureusement terminés, j'ai mis en place des structures officielles pour devenir écrivain, à plein temps, bientôt, je l'espère. Mais cela ne sera pas sans vous…


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