Chapitre 4 - Imbolc
Quand Malefoy quitta le cottage d'Hermione, il n'était que vingt-et-une heures, ce qui lui laissa le loisir de rejoindre Harry et Ron au Chaudron Baveur. Elle surgit de la cheminée dans le bar bondé et retrouva ses amis déjà installés à leur table habituelle.
"Désolée pour le retard, j'avais une affaire à régler avec Malefoy avant de venir," dit-elle.
Harry la fixa sans un mot, perplexe. Ron ouvrit la bouche, abasourdi. Visiblement ses amis n'étaient pas encore au courant de la mission de protection. C'était effectivement une affaire plutôt confidentielle, mais étant Aurors il était vraisemblable qu'ils soient au courant, non ? Avait-elle commis une bourde ? Lasse, elle prit place entre Harry et Ron.
"Malefoy ? Qu'est-ce qu'il te veut, ce branleur ?" demanda Ron.
Hermione jeta un Assurdiato pour garder leur conversation secrète.
"Tonks ne vous a pas dit ? J'ai parlé d'un de mes projets de recherche à Kingsley qui a réagi un peu excessivement. Il a demandé qu'on me mette sous protection d'un Auror et c'est Malefoy qui a hérité de l'affaire."
"Non ?!" dit Harry. "Malefoy ? Tu m'étonnes que Tonks ne nous ait rien dit, on n'aurait jamais laissé faire une chose pareille. Tu veux qu'on lui en parle ? Et c'est quoi ce projet qui fait si peur à Kingsley ?"
Hermione ne répondit pas immédiatement car le serveur vint pour prendre sa commande - "Un Gin Tonic, s'il vous plaît."
"Je ne peux rien vous dire sur mon projet," reprit-elle. "- si ce n'est qu'il aura un très gros impact positif sur une partie de la population sorcière et que ça pourrait ne pas plaire à tout le monde. Et j'ai déjà discuté avec Tonks de Malefoy et elle semble trouver que tout est pour le mieux si c'est lui qui se charge de ma protection. On a trouvé un arrangement qui contente toutes les parties avec Malefoy."
"Un arrangement," répéta Harry, dubitatif.
"Un arrangement oui, il a trouvé un moyen d'exercer une surveillance à distance, ce qui nous épargne à tous les deux la présence de l'autre."
Le silence retomba à leur table alors que chacun méditait sur ces paroles. Le serveur apporta le Gin Tonic d'Hermione qui en sirota une gorgée.
"Il est sympa avec toi au moins ?" demanda Ron. "Si tu veux qu'on l'intimide un peu pour qu'il se tienne à carreau, tu n'as qu'un mot à dire. Je n'arrive pas à croire que Tonks ne nous ait pas confié cette mission…"
"J'avais une certaine appréhension sur ce point, mais il a été plutôt professionnel depuis le début," admit Hermione. "Pas d'insultes, très peu de coups bas. Juste un niveau étouffant d'arrogance, mais je suppose qu'on ne peut pas tout avoir…"
"Ca ressemble bien au Malefoy qu'on connaît," dit Harry avec un sourire complice vers Ron.
"S'il devient trop pénible, attaque toi à ses cheveux," conseilla Ron.
"Ou à ses bottes," renchérit Harry avec le plus grand sérieux. "Un jour, un type qu'on essayait de capturer a jeté Confringo qui a dévié vers ses bottes. Merlin, j'ai cru qu'il allait l'éviscérer sur place."
"Si Tonks n'avait pas été là, il l'aurait fait. Elle sait comment s'y prendre avec Malefoy, il se tient à carreau avec elle, étrangement."
"D'accord," récapitula Hermione avec un sourire amusé. "Cheveux, bottes, Tonks. Des points de vulnérabilité somme toute hors du commun pour un Auror réputé si dangereux."
Padma Patil fit irruption de la cheminée à ce moment-là. Comme Hermione, elle était universitaire même si dans un autre domaine de recherche, la Métamorphose, et dans une autre université, Edimbourg. Elles avaient fréquenté ensemble les blancs du master de Métamorphose après Poudlard. Hermione lui fit signe et Padma les rejoignit à leur table.
Hermione rangea Malefoy et la mission de protection dans un coin de sa tête, reprit un peu de Gin Tonic et profita d'une soirée tranquille avec ses amis.
ooo
Les deux semaines suivantes s'écoulèrent sans événement notable. Hermione n'eut aucune nouvelle de Malefoy, ce qui la conforta dans sa décision d'avoir accepté son arrangement.
Elle fut emportée dans le tourbillon habituel de ses activités, entre ses gardes à Sainte Mangouste, le cabinet Moldu, la préparation d'Imbolc, l'enseignement et ses différents projets de recherches. L'article qu'elle avait soumis quelques semaines auparavant pour une conférence à venir fut accepté et elle se mit également à travailler sur la présentation qu'elle allait y donner.
La veille d'Imbolc, Hermione commença la journée par une garde mouvementée aux urgences de Sainte Mangouste. Elle avait à peine émergé de la cheminée que deux sorciers fumants et couverts de sang se matérialisèrent devant elle. Une décharge d'adrénaline la fit se mettre en action immédiatement.
Le plus âgé des deux hommes, petit et bedonnant, montrait une plaie abdominale béante dont le sang coulait abondamment sur le sol. Il était inconscient. Ses cheveux fumaient et une partie de son visage était salement brûlée. La peau de la partie indemne de son visage montrait une couleur livide qui n'engageait à rien de bon. Hermione improvisa en lui jetant un sort de Stase dans l'espoir de gagner un peu de temps avant sa mort imminente.
Le second sorcier, un jeune homme élancé vêtu d'un kilt vert, avait de multiples plaies plus superficielles que son compagnon sur les mains, les bras, le menton et le torse. Le tissu de sa chemise avait été lacéré, laissant voir des morceaux de peau noircie. Il semblait avoir la jambe gauche cassée et le bas de ses robes était encore la proie des flammes. Il tapait faiblement dessus pour les éteindre mais sans grand succès.
Hermione invoqua une série de runes qui éteignirent toute trace de flamme des deux hommes, ainsi que toutes les torches qui éclairaient la pièce et les feux de Cheminette derrière elle.
Oups.
Hermione jura dans la pénombre avant de rallumer les torches et les âtres d'un sort informulé. Tous les feux se remirent à flamber avec vigueur.
L'homme le plus jeune n'étant plus menacé de finir en barbecue, il ne semblait plus en danger immédiat. Elle le laissa aux mains d'une des sœurs Montgomery, ses collègues Infirmières qui venaient d'accourir, pour s'occuper de l'autre victime.
Hermione, accompagnée de l'autre sœur Montgomery, Emma, le fit léviter jusqu'à une salle d'examen ou elle lui lança un sort de diagnostic. Elle fit une grimace devant le résultat. Elle ignorait ce qui lui avait perforé l'abdomen mais les dégâts étaient considérables. Il avait de la chance d'être encore en vie et il en aurait encore plus s'il le restait plus de quelques minutes.
Le cœur d'Hermione battait à tout rompre sous l'effet de l'adrénaline. Elle tenta d'apaiser son rythme cardiaque en respirant profondément plusieurs fois, puis elle se mit au travail.
Elle répara en premier lieu les dégâts de l'appareil digestif avec de lents Vulnera Sanentur. Il était capital de reconstituer centimètre par centimètre les cinq mètres d'intestins afin que la victime ne souffre pas de problèmes digestifs par la suite. C'était un travail de très longue haleine, Hermione était consciente que le sort de Stase avait ses limites et qu'elle jouait contre le temps. L'homme avait un besoin vital d'ingérer une potion de régénération sanguine, mais encore fallait-il qu'il soit en capacité de la digérer. Après quarante minutes d'efforts, Hermione avait achevé la reconstitution de l'intestin grêle. Elle essuya une goutte de transpiration qui coulait sur son front avec la manche de sa robe et s'attaqua au gros intestin.
Une fois ces premiers soins achevés, elle fit signe à Emma Montgomery, de verser la potion dans la bouche de la victime. Hermione s'occupa ensuite de reconstituer le péritoine, puis elle répara les muscles abdominaux qui avaient été déchirés et referma finalement la plaie d'un autre Vulnera Sanentur.
L'effort magique intense qu'elle avait dû fournir pour cette opération l'avait épuisée. Elle sentait ses mains trembler et elle eut besoin de s'asseoir un instant. Emma lui offrit une Potion revigorante qu'elle accepta avec reconnaissance.
Hermione s'attaqua ensuite aux brûlures de la tête. Elle commença par un sort de refroidissement puis y étala un onguent anti-brûlure. Son sort de diagnostic indiquait également des brûlures sur les avant bras et les mains de la victime, où elle étala aussi l'épaisse pâte orange.
Le pire semblait passé. Elle laissa le patient aux soins d'Emma avec l'instruction de l'appeler quand le sort de Stase serait dissipé puis se rendit au chevet de l'autre victime. Mary Montgomery était occupée à étaler de l'onguent sur les brûlures du jeune homme.
"Guérisseur Ackerley s'est occupé de lui," l'informa-elle. "Il a dû repartir pour une autre urgence, il m'a demandé de finir les soins. Il a laissé le résultat de ses sorts de diagnostic," ajouta-elle avec un geste vers le plan de travail.
Hermione consulta les diagrammes du patient. Ses plaies avaient été soignées, et sa jambe réparée. Pourtant le jeune homme ne semblait pas aller mieux, sa peau prenait doucement une teinte violacée inquiétante.
Hermione jeta un nouveau sort de diagnostic et s'étrangla en voyant le résultat. Il souffrait d'une importante hémorragie interne provenant de tous ses organes à la fois. Elle fit immédiatement avaler une potion de régénération sanguine au patient, qui se mettait également à perdre du sang par les yeux, le nez, les oreilles.
"Du poison," dit-elle entre ses dents serrées. Le jeune homme perdait un flot de sang de plus en plus abondant. Le poison semblait dissoudre les parois des vaisseaux sanguins, menant à de nombreuses hémorragies internes. Elle tenta un Vulnera Sanentur, qui atténua momentanément le flot de sang, mais ce dont elle avait besoin c'était d'un antidote. Seulement, sans savoir ce qui avait causé l'empoisonnement, c'était délicat.
Hermione aligna plusieurs fioles d'antidotes différents devant elle. Au vu des brûlures et des plaies, elle hésitait entre un duel qui avait mal tourné - Bombarda pouvait avoir causé les brûlures, divers sortilèges coupants les blessures, et à peu près n'importe quoi pouvait avoir causé l'empoisonnement, ce qui ne l'arrangeait pas - ou une attaque de dragon venimeux, chose qui était relativement peu probable. Elle regretta amèrement de ne pas être Légilimens - ou d'en avoir un sous la main - pour aller chercher la réponse directement dans l'esprit de la victime.
Une exclamation de Mary, ponctuée d'un juron, l'informa que le jeune homme s'était de nouveau mis à saigner abondamment. Elle saisit la fiole de l'antidote le plus large spectre et en versa une rasade dans la bouche du patient. Il ne restait qu'à attendre de voir si cela avait l'effet escompté.
Hermione tapotait nerveusement la table d'examen du bout des doigts quand elle sentit son Carnet à Papote vibrer dans sa poche. Elle le sortit rapidement pour découvrir un message de Malefoy composé d'une suite de points d'interrogation. Bien sûr, il devait sentir les variations de son rythme cardiaque à travers la bague. Elle le rassura d'un message concis pour qu'il ne débarque pas inopinément - En train de perdre un patient - et rangea le Carnet.
Comme si ce message était prémonitoire, ce fut à ce moment-là qu'elle découvrit que l'antidote ne fonctionnait pas et que le patient rendit l'âme dans un gargouillement ensanglanté.
Ce fut aussi à ce moment-là qu'Emma l'appela, en panique. Le sort de Stase dissipé, l'homme plus âgé montrait les mêmes symptômes que son cadet. Sa peau avait viré au violet.
Aux prises avec le désagréable sentiment qu'elle travaillait à l'aveugle, Hermione saisit vivement un autre fiole d'antidote et se précipita au chevet du patient. En ouvrant la fiole, elle fit par inadvertance tomber une goutte sur le bras du patient. À cet endroit, la peau redevint soudain d'une couleur normale. Inspirée par ce phénomène, elle suspendit son mouvement alors qu'elle s'apprêtait à vider la fiole dans la bouche du sorcier inconscient.
Hermione se mit à métamorphoser une chaise en baignoire. Elle fit au plus vite alors que son patient se mettait aussi à perdre du sang par les yeux, le nez et les oreilles.
Elle grava plusieurs runes Fehu au fond de la baignoire du bout de sa baguette puis elle y versa l'antidote. Dès que le liquide entra en contact avec les runes, il se mit à abonder et remplit bientôt complètement la baignoire.
Hermione fit léviter le patient et l'immergea. Aussitôt les saignements cessèrent et la peau reprit lentement une teinte normale.
Elle souffla en se laissant tomber sur une chaise. Il était encore passé à un cheveu de la mort.
ooo
Un peu plus tard, en rangeant sa baguette dans sa poche, sa main trouva son Carnet à Papote, ce qui lui remémora Malefoy. Elle ne l'avait pas encore prévenu qu'elle quittait la ville le lendemain. Elle corrigea cette erreur en envoyant via le Carnet : À propos - je quitte la ville demain matin, juste pour la journée. Je sais que notre accord demandait un préavis de 24h pour ce genre d'occasion et ça en fait plutôt 12. Désolée, ça a été l'enfer.
Où? répondit-il.
Somerset
Pourquoi ?
Vacances.
Un de ces congés aux astérisques ?
Son patient reprit conscience à ce moment-là. Elle glissa le Carnet dans sa poche sans répondre à Malefoy.
Il s'avéra finalement que le jeune homme qui avait succombé au poison se nommait James MacFusty. Il faisait partie du clan MacFusty des Hébrides, îles au large de l'Ecosse où vivaient des dragons, les Noirs des Hébrides.
L'homme plus âgé s'était révélé être un sang-pur français, Augustin Delacroix, qui avait soudoyé MacFusty pour qu'il l'accompagne récupérer un œuf de dragon. Il ne donna pas les raisons de son geste, mais il raconta comment l'expérience avait mal tourné.
La dragonne les avait surpris avec l'œuf et les avait attaqués. Elle avait entre autres planté sa queue dans le ventre de Delacroix et avait mordu la jambe de MacFusty. Ce dernier avait eu le temps de les faire transplaner à Sainte Mangouste en plusieurs étapes, non sans échapper aux flammes de la dragonne. Elle avait dû être venimeuse au vu de la réaction hémorragique des deux hommes, mais le venin avait agi de manière inédite.
Hermione était contrariée car l'antidote ingéré par MacFusty aurait dû fonctionner sur du venin de dragon.
Désireuse de tirer tout cela au clair, elle préleva un échantillon de sang du cadavre pour analyse complémentaire dans son laboratoire.
Hermione passa l'après-midi et la soirée à étudier le venin, découvrant rapidement qu'il ne correspondait pas à du venin de Noir des Hébrides. Elle fit des recherches poussée sur les différents venins de dragon et leur formule chimique et finit par établir qu'elle se trouvait en présence d'une combinaison entre le venin de Noir des Hébrides et celui des Pansedefer Ukrainiens. Combinaison inédite et apparemment extrêmement létale. Elle avait dissous les parois de l'appareil digestif de MacFusty, rendant impossible l'assimilation de l'antidote par cette voie. Le venin agissant de l'intérieur, l'immersion de Delacroix avait permis à l'antidote de pénétrer par la peau toujours fonctionnelle et de faire effet rapidement.
Hermione enfouit son visage dans ses mains. Elle aurait pu sauver MacFusty. Elle revit le visage ensanglanté du jeune homme, si jeune. Le chagrin et les regrets affluèrent en elle et elle se laissa aller. Tout le stress de la journée retomba sur elle d'un coup et la douleur lui étreignit le cœur alors que ses larmes coulaient le long de ses joues et de ses poignets.
ooo
En rentrant chez elle ce soir-là, complètement vidée, Hermione se lova sur le canapé devant le feu et Pattenrond vint se rouler en boule contre elle, sentant qu'elle avait besoin de réconfort.
"C'était une journée horrible," dit-elle. "Il y a eu une attaque de dragon et j'ai échoué à sauver un jeune sorcier."
Pattenrond tenta de la réconforter en lui assurant que les dragons n'étaient que des idiots arrogants et que c'était vraiment dommage qu'ils soient si gros, sans quoi les chats auraient été leurs prédateurs naturels et il n'y aurait plus de dragons dans le monde aujourd'hui pour chagriner sa maîtresse adorée.
La mention d'idiot arrogant rapella Malefoy à Hermione. Elle n'avait pas répondu à son message.
Elle lui en envoya donc un nouveau qu'elle espérait dissuasif, au cas où il aurait nourri une envie de l'accompagner.
Oui, un des congés aux astérisques. Un endroit à visiter. J'activerai la bague si j'ai besoin de toi.
Il ne répondit pas.
ooo
Hermione se leva le lendemain matin et commença la journée comme à son habitude par une séance de yoga. Elle alluma ses bougies, déroula son tapis et entama une salutation au soleil. Ce qui était bien optimiste au vu des trombes d'eaux qui tombaient au dehors.
Après les révélations de Malefoy sur le transplanage qui pouvait être tracé, Hermione avait opté pour un trajet en voiture jusqu'à Glastonbury, ce qui représentait presque quatre heures de route.
Après une douche rapide, elle enfila une tenue de randonnée et avala un petit déjeuner sommaire. Elle rangea dans la poche extensible de son anorak une grande flasque et les offrandes pour les Gardiennes de la Source Verte - une sacoche remplie de Gallions d'or, une autre remplie de grains et une troisième remplie d'abats.
Elle passa en revue une dernière fois les caractéristiques des plantes qu'elle devait repérer sur le chemin de randonnée pour confirmer qu'elle était au bon endroit et rangea soigneusement la liste dans la poche de son pantalon.
Hermione mit son bonnet, parcourut le chemin entre sa porte et sa voiture au pas de course sous la pluie battante puis se mit en route.
Depuis que Malefoy avait protégé sa voiture, l'autoradio était bloqué sur une station improbable qui ne diffusait que de la folk australienne. Pour les quinze minutes de route jusqu'au cabinet moldu c'était supportable, mais quatre heure de Jack Davies and The Bush Chooks ou de Lazy Harry allaient indubitablement la rendre folle. Elle n'alluma donc pas la radio et se contenta du bruit de la pluie sur la carrosserie.
Elle était en train de rouler sur l'A37 quand une paire de bottes entra soudainement en contact avec son visage. Elle poussa un cri de surprise face à cette intrusion qui se changea en exclamation outrée quand elle s'aperçut que le propriétaire des bottes n'était autre que Drago Malefoy, qui n'avait rien trouvé de plus intelligent à faire que de transplaner dans sa voiture lancée à pleine vitesse sur une route de campagne. Elle fit une embardée et se gara sur le côté.
"Mais qu'est-ce que tu fous, bordel ?" hurla-elle, ulcérée, le cœur battant toujours sous l'effet de la surprise. "J'étais en train de conduire, tu aurais pu me faire avoir un accident ! Pour qui tu te prends à débarquer comme ça ? Je pensais avoir été claire sur le fait que ta présence était inutile ! Comment oses-tu ?! As-tu perdu la tête, Malefoy ?"
Malefoy, qui était apparu avec la tête à l'emplacement des pieds et les pieds en question dans le visage d'Hermione, semblait avoir le plus grand mal à se remettre dans le bon sens. Hermione l'aida en continuant son avalanche de questions outrées.
Une fois à l'endroit, il eut le bon sens de paraître penaud. Son teint était légèrement verdâtre et ses cheveux étaient en bataille. Ses jambes étaient trop grandes pour passer sous la boîte à gant et il avait les genoux à hauteur de menton.
"Tu viens juste de transplaner dans une cible mouvante ! As-tu complètement tourné la carte ? Tu aurais pu être désartibulé en une centaine de morceaux, dispersés sur l'A37 !" continua Hermione, toujours sous le choc de cette apparition soudaine et indésirable. Non qu'elle se souciat qu'il finisse désartibulé. Mais sans lui elle était condamnée à ce qu'un Auror lui colle aux basques en permanence, ce qui était une perspective bien plus horrifiante.
"Je ne m'attendais pas à une cible mouvante," dit Malefoy, l'air un peu secoué. "Pourquoi utilises-tu la voiture ?"
"Parce que tu m'as dit que le transplanage et la Cheminette étaient traçables."
"Quelle importance que ça soit traçable ? Tu as le droit de partir en vacances. Belle matinée pour ça, d'ailleurs," ajouta-il ironiquement, alors que la pluie criblait toujours la voiture. "À moins que ces vacances n'aient quelque chose à voir avec ton projet ?"
Pour toute réponse, Hermione le regarda avec mépris.
"Aha," dit Malefoy, triomphant, comme si ça lui donnait le droit de débarquer à l'improviste, alors qu'il n'y avait clairement aucun danger à l'horizon.
Il acheva d'agacer Hermione en faisant pivoter le rétroviseur vers lui pour se recoiffer.
"Viens-tu de réquisitionner mon rétroviseur pour arranger tes cheveux ?" demanda-elle avec hargne.
"Tu pourras le récupérer dans un moment," dit Malefoy, retrouvant de son arrogance au fur et à mesure de son recoiffage.
Elle fut prise d'une soudaine envie de meurtre à le voir se comporter aussi désinvoltement. Elle avait une mission de la plus haute importance à accomplir et la présence de Malefoy allait tout gâcher. Elle refit pivoter rageusement le rétroviseur vers elle.
"J'en ai besoin. Et dégage tes pieds surdimensionnés de mon tableau de bord."
"Ce n'est pas ma faute si ta voiture est si étriquée," dit Malefoy. Elle ne lui indiqua pas la poignée qui permettait de régler le recul du siège.
"Ce n'est pas ma faute si tu es une sorte de marionnette dégingandée ayant décidé de transplaner dans ma Mini," dit-elle à la place.
Il ouvrit la bouche pour protester mais elle enchaîna : "Et pourquoi es-tu là ?"
"Je mène un contrôle aléatoire," dit Malefoy.
"Un contrôle aléatoire," répéta-elle, dubitative.
"Oui."
"Et ? As-tu conclu que j'étais saine de corps et d'esprit ?"
Malefoy se mit à la détailler longuement, ce qui raviva son envie de meurtre. Elle n'avait pas le temps pour ces bêtises.
"Alors ?" le pressa-elle. "Je vais très bien, comme tu peux le voir. Tu peux partir maintenant."
"J'utilise aussi la situation comme excuse," avoua Malefoy avec une grimace.
"Une excuse pour quoi ?"
"Éviter quelques désagréments à la maison."
"Quel genre de désagrément ?"
Il hésita imperceptiblement. "Ma mère reçoit des dames pour le thé."
Sa réponse la prit au dépourvu.
"Des dames pour le thé ?" répéta-elle en étouffant un rire.
L'Auror dangereux et impitoyable que lui avait décrit Tonks battait en retraite face à quelques dames. Effrayant.
"Oui. Qu'est ce qui est si drôle ?"
"Je pensais que ça serait quelque chose de plus - plus terrifiant."
La programme de la journée lui revint en tête et elle retrouva son sérieux.
"De toute façon, je ne veux pas souffrir de ta présence parce que tu es effrayé par quelques dames. Je n'ai pas besoin, ni ne veux de toi dans les parages aujourd'hui. J'ai des choses à faire."
"C'est Imbolc aujourd'hui," dit innocemment Malefoy. "Tu le savais ?"
Hermione ne dit rien mais le fait qu'il ait fait le lien entre Imbolc et son expédition l'ennuya profondément.
"Que mijotes-tu dans le Somerset à Imbolc ?" demanda-il. "Je ne savais pas que tu suivais les anciennes traditions. Tu n'as pas l'air du genre à être dans les fleurs et les danses autour des poteaux."
Elle garda un silence buté.
"J'ai analysé la situation et - comme ça a de manière évidente à voir avec ton projet dangereux - je vais t'assister aujourd'hui, pour ta propre sécurité. Selon l'article onze de mes recommandations. Ne discute pas."
"Je vais t'éjecter de la voiture," dit Hermione dans une dernière tentative pour se débarrasser de lui.
"Tu ne peux pas faire ça."
"Je peux. Ce bouton, là," dit-elle, montrant du doigt le bouton de l'autoradio défectueux. "C'est un dispositif de sécurité que les Moldus ont inventé."
Un sifflement plaintif commença à s'élever dans la voiture. Hermione sursauta. "Qu'est ce que c'est que ça?"
"Oh, ça ?" dit Malefoy avec désinvolture. "Un dispositif de sécurité que les sorciers ont inventé. J'ai mis un Scrutoscope dans ta boîte à gants, comme tu l'avais suggéré. Tu m'as menti à propos du bouton d'éjection et j'en suis blessé."
Piquée au vif, Hermione se pencha pour ouvrir la boîte à gants - écrasant les genoux de Malefoy au passage - pour constater qu'il y avait effectivement un Scrutoscope à l'intérieur. Il siffla et clignota pendant quelques instants encore, puis, étant donné qu'il n'y avait plus de mensonge en cours, il s'éteignit.
Elle resta silencieuse un moment, réfléchissant à la situation. Il y avait effectivement dans leur contrat l'article onze qui stipulait qu'il pouvait décider de l'accompagner ou non lors de ses déplacements liés à son projet, s'il estimait que la situation pouvait être dangereuse. Elle espérait que la randonnée sous la pluie aurait raison de la coiffure - et de la patience - de Malefoy et qu'il déciderait rapidement de rentrer à son Manoir. Le thé de sa mère n'allait pas durer des heures non plus, il finirait bien par repartir et la laisser finir le programme de la journée en paix. Elle recula dans son siège, reposant le front contre le volant, et se ressaisit.
"Bien," dit-elle lentement. "Tu peux rester pour le temps de ce thé stressant que donne ta mère. Juste, ne me gêne pas."
Elle tourna la clé et le moteur se remit en route. "Mets ta ceinture. Ou ne la met pas. Je ne me soucie guère que tu meures de façon horrible."
Le Scrutoscope siffla de nouveau. Hermione l'insulta vivement. Malefoy eut un rictus.
"Que fait réellement ce bouton ?" demanda-il un peu plus tard.
Il avait probablement voulu changer de sujet pour quelque chose de plus léger, mais cela raviva l'irritation d'Hermione car c'était de sa faute si l'autoradio ne fonctionnait plus.
"C'était la radio, avant que les protections de quelqu'un ne la bousille," dit-elle durement. "Maintenant elle ne joue que des chansons folks australiennes."
Malefoy pressa le bouton. Une chanson folk australienne qu'Hermione avait déjà entendue vingt fois commença à retentir.
Elle rejoignit la route, les mains crispées sur le volant. La journée allait être longue.
ooo
Hermione se réfugia dans un silence boudeur tout le long du reste du trajet. Malefoy avait l'air enchanté, comme si rien ne pouvait lui faire plus plaisir qu'une promenade en voiture dans la campagne par un temps pluvieux et de plus en plus venteux. Il observait la route, le paysage, le tableau de bord.
"Glastonbury," finit-il par deviner en observant la signalisation. "Intéressant."
Hermione ne répondit pas, toujours contrariée par sa présence. À un moment il essaya de toucher au réglage du chauffage sur le tableau de bord, elle lui tapa sèchement sur les doigts et il les retira avant de n'avoir pu faire des dégâts.
Elle finit par arriver en vue de la forêt de Mendip. Elle rejoignit un parking à l'orée des arbres et gara sa voiture. On voyait le chemin de Mendip qui s'enfonçait dans la végétation trempée et agitée par le vent, invitation à une promenade qui promettait d'être littéralement rafraîchissante.
"Qu'est-ce que c'est ?" demanda Malefoy.
"Le Chemin de Mendip," répondit Hermione sans se donner la peine de donner plus de détails. Elle sortit de la voiture. "Je vais me promener. Tu peux attendre dans la voiture."
Tout contrariant qu'il était, Malefoy se débattit avec la poignée de la porte pour sortir de la voiture. Elle tira une satisfaction mauvaise en l'observant, les mains sur les hanches, s'extraire de l'habitacle et marcher avec raideur, ses jambes étant probablement engourdies par leur position inconfortable dans la voiture.
Il portait comme à son habitude ses robes d'Auror et les fameuses bottes en cuir de dragon. Pas forcément la tenue la plus appropriée pour une randonnée, mais ce n'était pas son problème. Après tout, peut-être que la perspective de marcher dans la boue et de salir ses bottes le ferait renoncer à la suivre.
Hermione se retourna et commença à marcher vers les bois comme si Malefoy n'existait plus. Elle se jeta des charmes repousseurs de pluie et réchauffants dans l'espoir de rendre l'expédition un peu moins inconfortable. Elle entendit Malefoy l'imiter dans son dos avant de lancer une série de sorts de détection. Hermione leva les yeux au ciel. Comme s'il pouvait y avoir un danger à se promener dans la forêt par un temps qui aurait dissuadé n'importe quelle personne saine d'esprit de mettre le nez dehors.
Il sembla découvrir qu'en effet la voie était libre car il la rattrapa avec de longues enjambées. Elle l'ignora superbement et se mit à la recherche des plantes qu'elle avait étudiées.
Elle repéra la majorité des végétaux assez rapidement, un buisson de Carex chantant ici, des pousses d'Ophioglossun vulgatum un peu à l'écart du chemin, les feuilles contractées de l'oseille des bois par ici… Elle étudia différentes fougères jusqu'à trouver la fougère royale qu'elle cherchait, et observa attentivement les mousses qui poussaient sur les troncs des arbres à la recherche de la Mousse à pampilles.
Elle progressa ainsi pendant une bonne demi-heure, marquée par une pause pour rafraîchir son sortilège d'Impervius qui commençaient à faiblir. Elle finit par s'arrêter pour consulter sa liste :
Carex chantant
Grande vésicule
Fougère royale
Ophioglossun vulgatum
Oseille des bois
Alvéole Melliflue
Hélianthème apenninum
Hélianthème nummulaire
Retharrow épineux
Mousse à pampilles
Elle utilisa sa baguette pour barrer toutes les plantes à l'exception de la Mousse à pampilles qu'elle n'avait pas encore trouvée. Elle était très proche du but.
"C'est quoi de la Mousse à pampilles ?" demanda Malefoy dans son dos, la faisant sursauter.
Elle avait été si absorbée par ses recherches qu'elle en avait complètement oublié sa présence. Elle s'écarta d'un bond de lui par réflexe et posa sa main sur sa poitrine. Il lui avait fait peur, probablement sans le vouloir, mais son cœur battait à présent la chamade.
Malefoy prit un air penaud, comme s'il s'attendait à ce qu'elle le réprimande. Mais trop excitée d'avoir trouvé quasiment toutes les plantes et donc d'être très certainement au bon endroit, elle lui répondit avec enthousiasme.
"Une des mousses les plus rares dans cette partie de l'Angleterre"
"Pourquoi tu en cherches ?"
Hermione recommença à marcher, son attention fixée cette fois sur les branches mortes, les vieilles souches, et autres endroits propices. "Parce que ça confirmerait que je suis au bon endroit."
"Le bon endroit pour quoi ?"
Hermione balaya sa question d'un geste de la main. "Je confirme simplement une théorie."
"Quelle théorie ?"
"Quelque chose en lien avec mon projet," dit-elle. Elle ne voulait pas en révéler plus que nécessaire, bonne humeur ou pas.
"Qu'est ce que la mousse a à voir avec tes cellules de Chimère, ou je ne sais quoi ?"
"Rien - du moins, pas directement." Elle se retourna pour regarder Malefoy à travers le rideau de pluie, évaluant ce qu'elle pouvait lui dire sans danger. "Je suis les traces d'une ancienne sorcière oubliée depuis longtemps dont les travaux incluaient - parmi d'autre choses - la description de certains sites sacrés des îles britanniques."
"Donc, la vallée d'Avalon ?"
"Plus spécifiquement, les Puits de Glastonbury. Ou du moins c'est ma supposition. Peu de ses ouvrages subsistent aujourd'hui. Tout ce que nous possédons sont des fragments. Elle avait tendance à broder de façon lyrique sur la flore, ce qui m'aide à affiner les endroits possibles en faisant des comparaisons croisées de plantes les plus rares. Bien sûr, elle écrivait il y a des centaines d'années donc les choses ont pu changer. Mais il y a peu d'endroits sur l'île où poussent à la fois du Carex Chantant et de l'Alvéole Melliflue. Ils prospèrent typiquement dans des écosystèmes radicalement différents, comme tu le sais sûrement-"
Malefoy hocha la tête. Elle repéra un tapis de mousse dans le fossé au bord du chemin et se mit à quatre pattes pour l'examiner de plus près. Ce n'était pas de la Mousse à Pampilles. Elle se releva, déterminée à en finir avec cette foutue mousse.
"La Mousse à pampilles ressemble à ce que tu imaginerais," dit-elle à Malefoy au cas où il aurait envie de l'aider à chercher. "Des petits pompons sur le dessus. Ce sont les sporanges - inhabituellement gros dans leur genre. Ils deviennent rose en été - bien sûr, nous sommes un peu en avance pour ça."
Hermione continua le long du chemin, s'accroupissant parfois pour observer diverses mousses. Malefoy la suivait, semblant perdu dans ses pensées. Apparemment il n'avait pas l'intention d'aider, être simplement une nuisance semblait le contenter.
"Je crois que j'ai trouvé !" appela-elle. Une plaque de mousse prometteuse s'étalait sur le sol. Elle se mis à quatre pattes et plongea son nez dedans, inspirant longuement. Cela confirma son impression.
"Granger, qu'est-ce-"
"C'est censé sentir la barbe à papa. Et c'est le cas !" dit Hermione en se levant d'un bond, un grand sourire sur les lèvres.
Elle avait correctement identifié l'endroit, elle allait pouvoir récolter le premier ingrédient de la proto-Sanitanem. C'était une avancée significative qui la remplit d'allégresse. Elle tapa dans ses mains et poussa un cri de joie devant le tapis de mousse.
Un cri rauque lui fit écho depuis un endroit reculé du bois. Hermione bondit aussitôt aux côtés de Malefoy, baguette en main. Le cri étrange retentit de nouveau mais Malefoy n'avait pas réagi et ne semblait pas alarmé.
"Qu'est ce que c'est que cet horrible vacarme ?" demanda-elle.
"C'est une renarde," dit Malefoy.
"Oh."
"Une traînée de renarde qui cherche à se faire culbuter"
"Je vois," dit-elle en baissant sa baguette, un peu gênée.
Un autre cri. Malefoy se retenait visiblement de rire. Elle noya son malaise en sortant sa liste de plantes pour barrer la dernière ligne. "C'est une excellente nouvelle. La mousse, je veux dire, pas la renarde en chaleur. Retournons à la voiture."
"C'est tout ?" demanda Malefoy.
"Oh, non," dit Hermione. "Si seulement. J'ai à peu près trois mille autres choses à faire avant que ça soit tout."
Ils marchèrent en silence pour retourner à la voiture. Sans végétation à observer, ce fut plus rapide qu'à l'aller.
"Pourquoi avais-tu besoin de faire ça à Imbolc ?" demanda Malefoy en frissonnant.
La réponse ne faisait pas partie de ce qu'elle était prête à lui révéler. Elle répondit donc à sa question par une autre. "Penses-tu que les invitées de ta mère sont parties ?"
Malefoy fit apparaître une montre de poche. "Non".
"Tu es sûr ? C'est plutôt long pour un thé, non ?"
"Les thés en société sont des affaires de plusieurs heures. Les favorites de ma mère vont probablement rester pour le dîner et les digestifs."
La joie d'avoir confirmé qu'elle était bien au bon endroit s'effaça, laissant de nouveau place à l'agacement. S'il disait vrai, ça voulait dire qu'il allait continuer à la suivre tout le reste de la journée et donc être présent devant les Gardiennes. C'était le point sensible de la journée car elles devaient être traitées avec respect, notion qui était totalement étrangère à Malefoy.
Elle avait prévu de visiter la bibliothèque de Tyntesfield après, moment qu'elle attendait depuis des années, et se coltiner Malefoy à cette occasion allait tout sauf lui permettre de se détendre et de profiter du moment.
"Pourquoi ne vas-tu pas ailleurs ?" dit-elle sèchement. "Elle ne saura pas que tu n'as pas fait que travailler."
"Je ne pars pas," dit Malefoy. "Si tu étais attaquée pendant un déplacement lié à ton projet, Shacklebolt aurait ma peau."
"De quoi me protège-tu exactement ?" demanda Hermione avec un geste englobant le néant autour d'eux. "Des renards libidineux ?"
"Si tu me disais ce que tu faisais, je pourrais plus efficacement déterminer quelles sont les menaces."
"S'il y a bien une chose que j'ai retenu de cette énorme erreur que j'ai faite en le disant à Shacklebolt, c'est que je ne dirais plus un mot à propos de mon travail." dit Hermione en croisant les bras.
"Génial. Je vais juste continuer à agiter ma baguette en attendant les méchants inconnus, alors ?"
"Non, tu peux transplaner jusqu'au bar le plus proche, profiter d'un petit verre, et rentrer chez toi quand tu ne seras plus menacé de croiser ces dames."
"Ce n'est pas moi qui doit être protégé des menaces," dit Malefoy.
Cet homme était aussi entêté qu'agaçant. Elle souffla. "Tu ne peux pas venir, tu compliques les choses."
"Je complique les choses comment ? Je peux rester à l'écart - ne suis-je pas resté à l'écart ?"
Il était en effet resté à l'écart, tellement qu'elle en avait oublié sa présence. Elle changea de tactique.
"Je vais visiter les Jardins du Puits du Calice ensuite. Cela implique de ressembler à un Moldu. Ce qui n'est pas ton cas."
"Je peux très bien passer pour un Moldu," dit Malefoy, l'air proprement indigné. "Le programme des Aurors inclut un module conséquent sur la dissimulation et le déguisement, et je l'ai réussi avec les félicitations, madame."
Il était en train de lui donner une migraine. Elle se massa les tempes. "On perd du temps - temps que je n'ai pas."
"Alors allons-y," dit Malefoy.
"Montre-moi ta meilleure version d'un déguisement moldu," dit-elle. Si ce n'était pas convainquant, elle était prête à le Stupéfixer et le laisser là dans la forêt, il ne lui laisserait pas le choix. L'idée lui redonna un peu d'espoir. Il était pratiquement impossible que Malefoy puisse faire un bon Moldu.
Malefoy enleva ses robes d'Auror. En dessous, il portait une chemise blanche avec une cravate noire et un veston, ainsi qu'un pantalon de costume noir également. Hermione le regarda rétrécir sa robe d'Auror pour en faire un mouchoir et le mettre dans la poche de son pantalon. Puis il modifia son costume pour le rendre un peu plus informel et enlever les éléments purement sorciers. Il transforma ses bottes en chaussures pour homme classiques et polies et acheva la transformation en cachant sa baguette dans un étui attaché à son poignet.
"Et ?" demanda-il en pivotant doucement devant Hermione.
Beaucoup trop chic, mais elle dut reconnaître qu'il pourrait tout à fait passer pour un banquier Moldu. Tant pis pour le Stupéfix.
"Ce serait idéal si tu allais chez les Dorchester pour le dîner," dit-elle en guise de verdict. Elle soupira. "Mais - je vais faire avec. Peut-être qu'on peut te faire ressembler à un jeune professeur chic, plutôt qu'à un banquier qui aurait perdu son chemin-"
Elle s'approcha de Malefoy et entreprit d'arranger sa tenue. Elle trouva légèrement perturbant de se retrouver aussi proche de lui - position dans laquelle elle pouvait de nouveau sentir son parfum de luxe, qui mélangé aux odeurs de la forêt ne lui piquait plus autant le nez. Elle enleva sa cravate et transforma ses chaussures en baskets moldues. Puis elle tendit la main et ouvrit le premier bouton de sa chemise, ne pensant pas au fait gênant qu'elle était en train de partiellement déshabiller Malefoy.
Elle recula d'un pas pour admirer le résultat. La tenue était plus décontractée, mais l'air naturellement snob et guindé de Malefoy continuait d'évoquer un banquier. C'était peine perdue.
"On fera avec," se résigna-elle.
"Si on en est à critiquer l'apparence de l'autre, tu as besoin d'un Récurvite," dit Malefoy.
Hermione transforma la vitre passager de sa voiture en miroir et s'observa. Elle avait de la boue un peu partout sur le visage et une feuille collée sur son chapeau.
"Oh la la" dit-elle devant ce spectacle désolant.
Elle arrangea le tout de quelques coups de baguette, étonnée que Malefoy n'ait pas profité de l'occasion pour faire le lien avec son statut du sang. Elle l'observa mi-surprise, mi-embarrassée.
"Quoi ?" demanda Malefoy.
"Rien," dit-elle.
"Dit-moi," dit Malefoy.
"Non."
"Si."
"C'est juste que - je me serais attendue à quelque plaisanterie à propos de la bourbe, venant de toi," dit Hermione.
Malefoy se figa. "C'est une époque révolue depuis longtemps," dit-il, l'air un peu peiné.
Hermione haussa les épaules en arrangeant son chapeau. En ce qui la concernait, elle trouvait qu'il n'avait pas beaucoup changé, il avait toujours cet air supérieur en toute circonstance. Il pouvait aussi bien ne pas avoir évolué sur la question de la pureté du sang mais simplement avoir appris à se taire.
Elle le vit froncer les sourcils comme s'il était contrarié qu'elle puisse avoir de telles pensées. Il semblait y avoir une lueur de regrets dans son regard.
"Je ne suis plus la même personne," dit simplement Malefoy.
Il était si solennel, Hermione semblait avoir touché un point sensible. "Très bien, je n'aurais pas dû amener ça sur le tapis," dit-elle
"Je n'aurais pas dû insister," concéda-il.
"C'est vrai également." Elle agita sa baguette et le miroir redevint à nouveau une vitre de voiture.
Ils avaient perdu assez de temps comme ça. Elle se dirigea vivement vers sa portière. "On y va ?"
"Allons-y," dit Malefoy.
Puis il ruina le sérieux du moment en se montrant incapable d'ouvrir la porte de la voiture. Hermione la contourna de nouveau pour l'aider, sans râler ni faire de commentaires sur sa capacité à se comporter comme un Moldu. Elle songeait à l'échange qu'ils venaient d'avoir, aux regrets qu'il semblait éprouver et à sa gêne qu'elle ait pu suggérer qu'il pense toujours le statut du sang important. Il avait finalement, peut-être, légèrement changé.
