Appuyé avec décontraction contre le comptoir, Crowley donna son nom et indiqua qui il représentait, puis s'assit dans la pièce qu'on lui indiqua.
La femme qui le rejoignit, Sarah, s'attendait clairement à trouver quelqu'un dont elle connaissait déjà les faiblesses. Puisqu'il n'était pas cette personne, elle n'aurait d'autre choix que de s'en remettre aux tactiques habituelles. Charme, provocation, culpabilisation et menace.
Elle afficha un instant sa surprise en le découvrant, mais il remarqua aussi le moment où elle décida que l'homme blanc vêtu d'un costume et au physique conventionnellement attirant était « de son coté » et décida donc de jouer de ses charmes, se disant « inquiète » pour « son fils ».
Il s'adossa contre sa chaise, d'apparence détendue alors que le charme passait sur lui sans l'affecter. « Vous n'avez pas de fils », dit-il, forçant ce qui ressemblait à de la politesse dans sa voix. « Et votre fille préfère traverser la moitié du campus pour se réfugier auprès d'un inconnu plutôt que de vous laisser l'approcher.
— Je suis sa mère ! »
La culpabilisation, déjà ? « Une de ses mères », la corrigea Crowley avec toute la pédanterie qu'Aziraphale pouvait parfois manifester. « Et j'ai bien peur qu'elle préfère l'autre.
— Ah oui, et vous feriez quoi, vous, si votre enfant se rebellait à ce point là ? »
Il parut réfléchir un instant, puis répondit solennellement, « Eh bien, déjà je serai ravi que mon enfant sorte du lot. Puis, je m'assurerais de connaître son vrai nom et de l'utiliser. Ce serait le nom de son choix, bien sûr, clarifia-t-il. Je m'assurerais de son bonheur, de sa sécurité et de sa liberté. Et si mon enfant acceptait de me revoir, je me rendrais disponible et accessible. »
Elle passa à la provocation pour tenter de le faire réagir, avec des commentaires sur son apparence, sa personnalité désagréable, son célibat présumé, et le fait qu'il n'ait pas d'enfant, le tout enrobé de gentillesse et de charme afin de pouvoir prétendre être la victime s'il s'en prenait à elle.
Il ne fit cependant que lui adresser un sourire, lequel était plus grand et montrait un peu plus de dents à chacun de ses commentaires. Il ne mordait pas à l'hameçon car rien n'était plus agaçant qu'une personne qu'on ne pouvait manipuler. Et comme il s'y attendait, c'est elle qui s'énerva face à son « insolence ». « Comment osez-vous la laisser sacrifier notre fils sur l'autel d'une idéologie ! Is–
— Izzie, » coupa-t-il, refusant qu'elle utilise son ancien nom face à lui. « Elle s'appelle Izzie. Et si une personne sacrifie quelque chose pour une idéologie, c'est vous.
— Ce n'est qu'un surnom ! siffla-t-elle. Mon enfant mérite mieux que ça.
— C'est comme ça qu'elle veut être appelée, et c'est donc son nom. Je ne suis pas impoli au point de délibérément appeler quelqu'un par le mauvais nom, je ne comprends pas pourquoi les gens comme vous trouvent ça si difficile. Beaucoup de gens préfèrent être appelée par une version courte de leur nom et personne n'y trouve quoi que ce soit à redire.
— Les gens comme moi ? »
Il lui envoya un petit sourire condescendant, comme un professeur signalant l'oubli d'un détail si évident que c'en était absurde. « Les bigots. »
Elle ouvrit la bouche, la referma, et l'ouvrit de nouveau face à une telle 'grossièreté'. « Comment osez-vous ! Sous-entendre que… » Elle passa à l'étape des larmes. Il se pencha un peu en avant pour faire glisser une boîte de mouchoirs de son côté de la table. « Vos supérieurs vont en entendre parler ! gronda-t-elle en constatant l'échec de ses larmes. Vous allez voir ! »
Et, songea Crowley avec amusement, ils seront choqués, mais choqué ! d'entendre que le Dr Crowley était horrible et malfaisant. « Vous n'aurez pas votre fille, répéta-t-il plutôt. Elle est plus en sécurité, plus libre et plus heureuse loin de vous et, en ce qui me concerne, c'est tout ce qui importe. Au-revoir. N'essayez plus de la récupérer. »
Il poussa sur la chaise pour se remettre sur pied et, l'espace d'une seconde, irradia d'une dangerosité pure. Puis, il quitta la pièce et la porte se referma en silence derrière lui.
