Chapitre IX
Le défenseur ne fréquentait aucune librairie en particulier. Si les classiques et les auteurs à la mode étaient partout, chaque commerçant mettait ses propres goûts à l'honneur, ainsi Nathan découvrait-il chez l'un des ouvrages qui n'auraient pas été en rayon chez la concurrence. C'était un plaisir proche du rituel que de se promener, allant d'un commerce à l'autre, parcourant les résumés et parfois les premières pages. Respirant à pleins poumons la délicieuse odeur des livres, il feuilletait romans et bandes dessinées, contes et analyses. Sous ses doigts, cuirs et cartonnages, papier de soie ou parcheminé étaient autant de caresses. Ce fut dans un de ces moments trop rares de totale sérénité que Mark lui tomba dessus. L'ayant aperçu à travers la vitrine, le brun enfonça pratiquement la porte dans sa précipitation. Le libraire et les quelques clients se tournèrent vers lui comme un seul homme. En guise de sauvage, ils découvrirent un lycéen embarrassé qui levait déjà les bras vers les cylindres métalliques suspendus à l'entrée pour en arrêter le tintinnabulement frénétique. Lorsqu'il y fut parvenu, il s'inclina et s'excusa du dérangement avant de rejoindre le défenseur.
-Je suis tellement content de te croiser ! Chuchota-t-il joyeusement. Tes amis et toi êtes partis si vite, l'autre fois ! Je n'ai pas eu le temps de vous remercier ! C'est grâce à la Royale que mon équipe est encore en lice, et je tenais à ce que vous sachiez que votre intervention compte beaucoup pour moi ! Ce n'est pas la victoire qui est importante, bien sûr, mais je préfère perdre contre un adversaire intègre ! Alors voilà, merci !
Sur ces mots, il tendit une main à Nathan. Interdit, celui-ci l'examina sans la saisir. La paume était large, les doigts se devinaient puissants, la poigne irrésistible. Une vraie main de gardien. Bien que les gabarits différaient, le défenseur calquait sans mal la musculature de Mark sur celle de Joseph. Ils étaient de ces mecs dont mieux valait ne pas se prendre un crochet. Leurs poings étaient des armes à part entière et un uppercut vous brisait les côtes sans difficulté. Mais si Joseph avait bien conscience de sa force et de ce qu'il pouvait en faire, était-ce le cas du gardien de Raimon ? Nathan en doutait. Ce type ne s'était probablement jamais battu. Le regard du défenseur remonta jusqu'au visage du brun, passant ce faisant sur le ballon que Mark avait coincé sous son bras.
Les choses semblaient si simples. Accepter ces remerciements, cette main tendue, ce sourire. Qui aurait pu imaginer combien cela allait au-delà des politesses ? La Royale ne copinait pas avec Raimon. Elle ne copinait avec personne. Les apparences importaient. Réussit-il réellement à dissimuler sa peine et ses craintes ? Nathan rétorqua en se voulant narquois.
-Ne rêve pas, Evans. Nous ne l'avons pas fait pour Raimon.
