Chapitre XXXI
Le défenseur était plus lent et moins habile que d'ordinaire, parce que déséquilibré par son bras plâtré. L'effort y avait de plus réveillé une douleur lancinante. Le duel aurait dû rapidement tourner en faveur du brun, mais ce dernier faisait si attention à ne pas brusquer son adversaire qu'ils se partageaient assez équitablement la possession du ballon. S'affrontant, ils se tournaient autour. Tout entiers concentrés l'un sur l'autre, ils s'étudiaient afin de prévoir leurs mouvements respectifs. La bouche entrouverte sur une respiration de plus en plus bruyante, ils devaient humecter leurs lèvres desséchées entre deux rires haletants. Nathan avait d'autant plus chaud que lui était encore en uniforme.
Le soleil avait disparu derrière les maisons, encadrant de rouge et d'orange les silhouettes des bâtiments. Dans le parc, la lumière des réverbères disputait aux ombres leur domination. Il était devenu difficile de déterminer l'expression du gardien et ce qu'elle trahissait de ses intentions. Le défenseur repoussa sa frange derrière son oreille. Il aurait déjà dû être de retour à l'internat. Même s'il n'avait pas de devoirs à terminer et que le couvre-feu de la Royale lui laissait encore de la marge -l'école tenant compte des élèves suivant des cours particuliers-, être ici avec Mark, la balle au pied jusqu'à pas d'heure, ce n'était rien de très raisonnable.
-Hep, vous deux ! Les interpella-t-on alors. A table ! Et l'on passe d'abord par la salle de bain ! Mark, tu prêteras des vêtements à ton ami ! Allez, plus vite que ça ou tout sera froid et vous ferez la vaisselle !
C'était comme qui dirait une offre ne se refusant pas. Cette femme, très probablement la mère du brun, ne s'était pas exprimée sur ton admettant la protestation. De plus, le gardien ramassa immédiatement son ballon et saisit la main de Nathan pour le tirer à travers le parc et la rue jusqu'à la porte restée ouverte. La politesse aurait voulu qu'il demande s'il ne dérangeait pas, soulignant qu'il ne désirait pas s'imposer et qu'il devait de toute façon rentrer à l'internat. Mais la chaleur se diffusant à travers le gant de Mark lui embrouillait l'esprit. Il sentait le feu lui monter aux joues et s'interrogeait sur le moyen de se soustraire au contact du brun avant que son trouble, à défaut d'être évident pour le gardien, ne le devienne pour sa mère. En passant devant la femme, le défenseur lui souhaita le bonsoir et la remercia sans trop bredouiller pour son hospitalité.
Déjà, Mark l'entraînait à l'étage. Honneur aux invités oblige, le brun lui sortit une tenue de sport propre et lui laissa la salle de bain. Le gardien étant un peu plus petit que lui, un peu plus large d'épaules aussi, ses vêtements n'étaient pas tout à fait à la taille de Nathan mais ce n'en était pas inconfortable non plus. Avec son bras plâtré, le défenseur ne pouvait cependant pas se sécher correctement les cheveux et ceux-ci trempèrent vite son col et son dos. Quand après s'être lavé à son tour Mark le rejoignit dans la chambre et le découvrit en train de se battre avec une serviette et une brosse, il lui proposa son aide. Nathan n'eut d'autre choix qu'accepter s'il ne voulait pas débarquer tout ruisselant et échevelé à la table de son hôtesse. Le brun s'y prit toutefois avec un sérieux si professionnel et une telle douceur que le défenseur fut bientôt parcouru d'épouvantables et délicieux frissons.
« Seigneur », désespéra-t-il. « Et il ne fait que toucher mes cheveux. Je suis perdu. »
