Bonjour à tous et à toutes

Merci pour votre patience, voilà déjà longtemps que vous attendez ce nouveau chapitre. J'espère qu'il vous plaira.

Disclaimer : Tous les personnages et l'Univers de Harry Potter appartiennent à JK Rowlings

Rating : M+

Genre : Aventure / fantastique / romance / slash / yaoi

Couple : HPDM / DMHP

Bonne lecture !

CHAPITRE 43 : Contrecoups et conséquences

Vendredi 21 mars 1997 – Bureau de Rufus Scrimgeour, Ministère

Rufus poussa la porte de son bureau et vint s'installer dans son fauteuil avec un soupir lourd de lassitude et de fatigue. Passer une nuit blanche après les événements qui avaient secoué le monde magique n'était décidément plus de son âge.

Son regard parcourut l'espace, s'attardant sur les piles de dossiers qui occupaient chaque recoin. Il y avait là les rapports de mission en attente de validation, les enquêtes en cours d'instruction, les relevés de présence et les tableaux d'emploi du temps. Et parmi tous ces amoncellements, trois piles avaient été déposées directement sur le bureau : les listes des morts et des blessés classées selon leur localisation. La première regroupait les données fournies par Saint Mangouste, la seconde comptabilisait les informations réunies par le Ministère et enfin la liste de Poudlard. Cette dernière était heureusement la plus petite et Scrimgeour s'étonnait encore de la manière dont il avait pu la recevoir.

Les barrières de protection de l'école étaient à leur plus haut niveau, interdisant à quiconque d'entrer ou de sortir du périmètre. Tard dans la soirée d'hier, l'un de ses subordonnés l'avait interpellé pour lui demander de le rejoindre dans un couloir poussiéreux, sous prétexte qu'un tableau exigeait de parler au Directeur du Bureau des Aurors. Bougonnant et s'interrogeant sur la santé mentale de l'homme, il avait quand même fini par le suivre tant celui-ci semblait excité et dépassé par la situation. Il fallait quand même reconnaître que toute cette journée était frappée du sceau de l'inexplicable.

Le tableau en question s'avéra être le portrait d'un chevalier arrogant du XIIIème siècle, dont le nom s'était perdu dans les méandres de l'Histoire. L'homme aurait bien voulu raconter sa vie et ses exploits en long, en large et en couleurs, pour expliquer sa présence à la fois au Ministère et à Poudlard, mais Rufus lui avait efficacement coupé la parole et avait obtenu les informations que Merlin lui-même cherchait à lui envoyer.

Il avait ainsi appris la mort de dix-neuf élèves, du professeur Sinistra ainsi que du concierge Rusard. Selon l'enchanteur légendaire, seul le fait que les barrières de Poudlard aient été relevées à leur maximum avait permis que la situation ne soit pas plus mortifère. Par ce biais pictural, il avait également reçu des renseignements sur quelques familles apparentées aux élèves et pour lesquelles les elfes avaient pu indiquer leur état de santé.

Une farde noire, frappée du logo du Département des Mystères, attira son regard. Avec une avidité mêlée de répulsion, Rufus l'ouvrit et parcourut rapidement l'unique parchemin qu'elle contenait. Il ne put s'empêcher de pousser un grognement de dépit devant le peu d'informations. Les Langues de Plomb n'en étaient qu'aux prémices de leurs recherches sur les événements qui venaient de secouer la Grande-Bretagne magique. Ils avaient cependant pu localiser la source du phénomène sur la région de Stonehenge. Selon eux, un rituel, probablement lié à l'équinoxe de printemps et mené au centre des menhirs, aurait permis de voler la magie des humains, les créatures magiques n'avaient pas été touchées par le phénomène. D'après les premières investigations, le phénomène perdait en intensité au fur et à mesure que l'on s'éloignait de l'épicentre. Au plus proche de sa source, toutes les personnes disposant d'un peu de magie étaient décédées. En s'en écartant, le taux de mortalité avait tendance à s'amenuiser. Les sorciers et sorcières les plus puissantes avaient eu énormément de chance et avaient survécu à la perte, tandis que ceux plus faibles avaient succombé. Il reposa le document en soupirant, plus de questions encore se bousculant dans son esprit.

Un détail titillait cependant son esprit et il ouvrit les deux fardes du Ministère et de Sainte-Mangouste. Il lui fallut quelques instants pour mettre le doigt sur une incohérence. Plusieurs morts avaient été rapportées par des elfes de maison, mais elles concernaient des personnes dont les demeures étaient très éloignées du site magique, et certaines d'entre elles étaient considérées comme disposant d'une grande puissance magique.

Son regard se perdit dans la contemplation de ses étagères tandis que son esprit s'appliquait à traiter les informations. Un détail lui échappait, un petit quelque chose qui pourrait …

Scrimgeour se leva d'un bond et se précipita sur un classeur noir, presque enfoui sous une pile de parchemins. Il fouilla un instant dans les documents pour en sortir une liste à moitié effacée. Il revint vers son bureau et posa la feuille en vis-à-vis des deux autres.

Là ! Voilà la concordance qui lui chatouillait l'esprit. Les mêmes noms se recoupaient. Hormis les citoyens lambda, tous les mangemorts supposés qu'il avait répertorié lors de la première montée en puissance de Celui-dont-on-ne-devait-pas-prononcer-le-nom, tous ceux qui avaient prétendu ne pas porter la marque maudite ou avoir agi sous Imperium, tous étaient repris. Tous à l'exception de Malefoy et de Rogue qui avait été « blanchi ».

Il rédigea une note rapide à l'attention des Langues de Plomb leur demandant d'approfondir la piste de l'implication du Lord Noir dans les événements.

Il se releva ensuite avec lassitude pour partir à la recherche de Pius Thicknese. Le successeur d'Amélia Bones, n'était pas présent dans les murs du Ministère lors de l'attaque et il devait impérativement le retrouver. En raison de la mort de Fudge, l'homme devenait ministre par intérim. La situation nécessitait la prise de décisions immédiates, tant sur la conduite à tenir face à l'attentat que le monde sorcier venait de subir que vis-à-vis du déroulement des prochains jours. Il était impératif de prendre contact avec l'ensemble de la population afin d'établir une sorte d'état des lieux.

C'est d'un pas lourd qu'il quitta son bureau, anticipant déjà les difficultés que Pius provoquerait dans cette gestion de crise.

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Vendredi 21 mars 1997 – Grande Salle, Poudlard

La Grande Salle bruissait des conversations, mais on était loin des brouhahas habituels. Ce matin, alors que tous les étudiants de Poudlard étaient installés autour des grandes tables, le volume sonore ne dépassait guère celui des murmures.

Les enfants s'étaient regroupés selon leurs affinités, leurs amitiés ou leur liens familiaux, sans considération aucune pour leur maison d'appartenance. Quelques sanglots se faisaient entendre de manière sporadique. Souvent, les regards se tournaient vers les ouvertures dans les hauts murs, scrutant l'arrivée de courrier. Au fur et à mesure du réveil des élèves, les hiboux, qu'ils soient de l'école ou leurs familiers, avaient pris leur envol, chargés de missives inquiètes.

Les professeurs, avec l'accord et l'aide de Merlin et des Fondateurs, avaient décidé d'être le plus franc possible sur les événements qui avaient secoués le Château. Ils avaient ainsi expliqué aux adolescents que l'ensemble de la Grande-Bretagne avait été touché par le phénomène et que le Ministère et l'Hôpital étaient débordés par ce qui s'était produit. Il fallait donc que tous se montrent patients et gardent leur calme.

Apprendre que certains de leurs condisciples, ainsi que quelques adultes, avaient malheureusement succombé à ce qui s'apparentait à une attaque, avait également accentué les craintes de chacun.

Assis à la table de Serpentard, un petit groupe attendait, en silence. Leurs yeux ne se tournaient pas vers le plafond, mais plutôt vers les portes de la Salle. Hermione était blottie dans les bras de Blaise, hoquetant de temps en temps de tristesse. Luna, appuyée contre Neville, laissait son regard dériver dans le vide. Pansy et Théo s'étaient rapprochés l'un de l'autre, dans une tentative évidente de réconfort. Parfois, le regard de l'un ou de l'autre filait vers la table professorale, cherchant une réponse auprès des adultes.

Luna se redressa soudain tandis que ses yeux étincelaient de joie. Elle se leva et commença à avancer vers la grande porte. Son attitude attira l'attention d'abord de ses amis, puis peu à peu de l'ensemble des étudiants, ce qui plongea la salle dans un silence expectatif. Il ne fallut que quelques secondes avant que Hermione ne lui emboite le pas, une impatience évidente inscrite sur ses traits.

Alors que tous s'interrogeaient, un murmure éloigné, accompagné de claquements de chaussures assourdi leur parvint. Théo, Blaise et Neville se levèrent à leur tour tandis que les professeurs se redressaient.

Deux silhouettes se dessinèrent sur le pas de la porte et furent aussitôt submergées par deux tornades, l'une blonde et l'autre brune. Draco et Harry enlacèrent leurs amies avec émotion, murmurant doucement à leurs oreilles pour les apaiser. Les garçons avaient rejoint le petit groupe et tapotèrent, qui le dos, qui l'épaule, des revenants pour leur montrer leur soutien. Tous se dirigèrent ensuite vers la table des Vert et Argent pour que les Sentinelles puissent se sustenter.

Des questions commencèrent à s'élever de toute part, chacun tentant de comprendre où étaient les deux retardataires, ce qu'ils avaient fait, pourquoi ils n'étaient pas avec eux à l'infirmerie, mais Merlin finit par se lever pour ramener le calme et déclarer que Harry et Draco n'avaient pas d'information complémentaire sur l'attaque. Ceux-ci confirmèrent les paroles du Mage et déclarèrent qu'ils s'étaient trouvés dans une zone inaccessible de l'école lorsque la vague rouge était passée. Comme il était habituel qu'ils disparaissent régulièrement, les interrogations s'évanouirent et chacun revint à ses préoccupations. Alors qu'il se rasseyait, Merlin croisa le regard de Harry. Il put y lire clairement que les événements étaient désormais en marche.

En reprenant place à la table, le petit groupe se plongea dans l'observation de leurs assiettes, clairement conscients que le lieu ne se prêtait pas à la discussion et qu'il leur fallait attendre pour obtenir de plus amples renseignements. Ils avaient cependant capté l'échange de regarde entre Harry et l'Enchanteur et avaient bien compris que l'attaque qu'ils venaient de subir était un maillon de plus concernant la mission des Sentinelles.

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Vendredi 21 mars 1997 – Château Serpentard

L'orée de la forêt était très calme en ce milieu de journée. Le soleil atteignait lentement son zénith, et ses rayons réchauffaient agréablement le sous-bois. Les rongeurs furetaient le tapis de feuilles mortes à la recherche d'insectes ou de fruits, les oiseaux virevoltaient entre les branches dans la même quête. La vie s'écoulait doucement ou plutôt reprenait un cours plus serein après l'explosion qui avait eu lieu dans le vieux château et qui avait eu des répercussions jusque dans les bois.

Soudain, tout se figea. Les oiseaux se posèrent dans les ramures, se cachant dans les feuilles, tandis que les petits animaux se terraient dans les creux d'arbres ou de pierres ou pour les plus chanceux, retrouvaient l'abri de leur terrier. Un danger approchait et pourtant, le seul mouvement visible était celui des végétaux effleurés par le vent. Seul un observateur très attentif aurait pu déceler l'indice révélant la présence de quelque chose, un prédateur si l'on s'appuyait sur les réactions que son arrivée avait déclenchées. Cette piste se traduisait par le léger mouvement de branchages se produisant à l'encontre du vent, piste qui conduisait directement vers l'étendue herbeuse séparant la vieille forêt du château situé en contrebas.

Le mouvement était lent, comme attentif à son environnement. Un craquement sonore résonna soudain et une déclivité se creusa dans l'humus, prenant la forme très reconnaissable de l'empreinte d'un pied un peu déformé et relativement long. En travers, une branche morte, brisée en son centre. Une marque se créa un demi-mètre plus loin. Puis une autre encore. Un bipède avançait mais hormis ses traces, on ne pouvait rien discerner.

La créature progressait lentement, avec grande prudence, indifférente à toutes les petites proies qu'elle pouvait sentir, dissimulées autour d'elles, tremblantes. L'odeur de cette peur l'enivrait, mais il y avait une autre fragrance, bien plus alléchante qui l'attirait. Elle quitta l'ombre des arbres, s'engageant sur la plaine.

Son attention s'accrut, à l'affut de la moindre trace d'un concurrent. Elle n'était pas le seul prédateur des environs. Quelques loups, lynx et ours parcouraient la forêt, et comme elle l'odeur du sang pourrait les attirer. Outre les animaux, des hommes avaient récemment investis les lieux. Ayant trouvé refuge dans la vieille bâtisse presqu'en ruines, ils avaient apporté avec eux des quantités impressionnantes de nourriture, mais aussi de grands dangers puisqu'ils n'hésitaient pas à chasser les bêtes sauvages.

C'était leur présence qui l'avait attirée sur les lieux. Le château avait été abandonné depuis des années et un jour, il avait été réinvesti par la sorte d'hommes qu'elle haïssait, ceux qui se battaient à distance et par l'intermédiaire de bâtons courts. De ce jour, le bâtiment avait résonné de cris de douleurs, de souffrances mais aussi d'exclamations d'allégresse et de rires hystériques. Et dans le même temps, des corps avaient été jeté aux abords de la forêt, source de nourriture providentielle pour les carnassiers qui y vivaient. Le revers de la médaille avait été que ces hommes avaient également tout fait pour les chasser.

La créature invisible avait eu la chance de toujours leur échapper, et ce malgré le fait qu'elle se soit délectée de certains d'entre eux. Outre leur sang et leur chair, elle se repaissait également de ce qui les différenciait des villageois des bourgs environnants, cette énergie particulière qui parcourait également ses veines.

Elle arriva aux portes du bâtiment, l'odeur se faisant de plus en plus prégnante. Le sang avait coulé, et il était encore frais. Après un moment d'hésitation, elle poussa la porte de bois et pénétra dans un hall où la poussière régnait en maître. Se fiant à son odorat, elle chemina entre des meubles moisis et brisés et s'engagea dans un escalier menant dans les profondeurs de la bâtisse.

Elle émergea dans une grande salle dont un mur entier s'était effondré. Des blocs de pierre écrasaient les restes du mobilier, de grandes tables de bois et des bancs. Partout, des ustensiles de cuivre et de fer jonchaient le sol. Et au milieu de tout cela, des corps reposaient. Certains étaient regroupés contre un mur, comme s'ils s'étaient écroulés à cet endroit. D'autres étaient ensevelis sous la roche, des membres sanguinolents dépassant entre les pierres.

Elle s'avança vers ceux qui étaient les plus faciles d'accès mais son instinct la détourna vers le plus gros amoncellement de rochers, presque au centre de la pièce. Ce dernier formait une sorte de dôme, et c'était à cet endroit que la fragrance enivrante était la plus forte. Elle fit le tour du monticule mais ne remarqua pas de chair visible ou même de trace de sang.

Intriguée, elle déplaça l'un des blocs supérieurs, mais ce simple mouvement entraîna la chute de tous les autres, dévoilant une bulle iridescente. Au centre de celle-ci, elle put discerner un corps étendu sur le dos, les membres écartés. C'était de cet homme qu'émanait la puissance qui l'avait attirée. Elle tendit un long doigt, orné d'une griffe tout aussi longue et effleura la paroi qui se désagrégea comme une bulle de savon.

L'odeur du sang lui explosa en plein visage, avivant ses papilles et emplissant sa gueule de salive. Elle se pencha doucement, reniflant à pleins poumons, se gorgeant de la fragrance si savoureuse, promesse d'un véritable régal, tandis que la puissance de l'homme lui chatouillait la peau. Sa griffe glissa presque amoureusement sur la joue, recueillant quelques gouttes du fluide vital, échappées d'une profonde écorchure. Elle porta sa récole à sa langue et gronda sourdement sous le plaisir ressenti.

Elle étudia son futur repas, s'interrogeant sur le morceau par lequel commencer. Elle saisit une des mains, intéressée par le filet rouge qui serpentait depuis le poignet. Sa langue s'étira et lécha délicatement le sang, se glissant sur la paume pour parvenir à la partie charnue du pouce. Mise en appétit, elle mordit profondément dans la chair.

OoOoOoOoOoO

Le néant.

L'obscurité.

Rien.

Tom avait la sensation de flotter, désincarné.

Où que son « regard » se porte, il ne voyait rien. Il ne ressentait rien.

Il flottait.

Le temps s'écoulait, éternité ou brève seconde, il n'en avait pas la moindre idée.

Peu à peu, les souvenirs revinrent. Le rituel à Stonehenge qui l'avait gavé de magie. L'ivresse du pouvoir qui coulait dans ses veines. Son mécontentement de ne pas voir ses esclaves répondre à ses sollicitations. Sa rage de les découvrir morts ou mourant dans les cuisines du château. Et l'explosion qui l'avait soufflé à travers la pièce et de l'impact de son corps contre le mur. Il sentait encore l'air être expulsé de ses poumons sous la violence du choc. Puis plus rien. Les ténèbres l'avaient englouti.

Du coin de l'œil, il lui sembla percevoir une aura, un très léger changement dans les ténèbres qui l'entouraient, mais quand il se tourna vers elle, elle s'effaça. Il la rechercha, sondant les environs.

Là ! Juste à la périphérie de son regard. Il pivota brusquement, mais elle disparut à nouveau. Refreinant sa frustration, il continua à chercher.

Le phénomène se reproduisit, à la limite de son champ visuel, et disparut aussitôt qu'il tenta de le fixer. Il décida alors de rester immobile, surveillant la zone et l'aura réapparut. Il se concentra sur sa vision périphérique, analysant la manifestation sans la cibler.

Un point se détachait de la noirceur environnante. Elle n'était pas franchement différente, juste très légèrement plus claire, un simple petit halo que l'on ne pouvait même pas qualifier de lumineux. Un imperceptible camaïeu de noir sur un noir plus profond.

Tandis qu'il essayait de comprendre ce qui se passait, ignorant s'il ne s'agissait pas d'une simple altération de sa vue, un phénomène se produisit à l'opposé du premier. Mais au lieu de sembler plus claire, la tâche qu'il perçut au loin était plus sombre.

Peu à peu, il commença à percevoir une sorte de pulsation émanant de chacune des distorsions. Bien que quasiment imperceptible au départ, Tom se sentit envouté par le rythme coordonné. Il se laissa bercer un long moment par cette musique étrange avant de remarquer que les auras se transformaient doucement, s'élargissaient et devenaient plus sombre ou plus claire.

Peu à peu, Tom commença à percevoir des sensations. Les deux pôles exerçaient une même attraction sur lui, émettant des sensations parfaitement antinomiques. Et pourtant, il savait au plus profond de lui que ces deux entités n'en étaient qu'une. Les deux faces d'un même galion. Et lui faisait office de point central entre les deux.

Le point lumineux diffusait une sensation de douceur et de contentement extrême. Par moment, Tom avait l'impression que cette source de bien-être susurrait son nom avec ce qu'il pouvait difficilement nommer « amour ».

Alors qu'il était tout petit, enfermé dans son orphelinat, à la merci de la malveillance des adultes et de la méchanceté des enfants, c'était ainsi qu'il se prenait à imaginer la voix de sa mère et le réconfort que pourraient lui apporter ses bras.

L'autre pôle, plus sombre encore que les ténèbres ambiantes, dégageant une impression d'oppression angoissante.

Et pourtant, c'était celui qui lui semblait lui plus attrayant. Le phénomène lui paraissait beaucoup plus familier, promesse d'une puissance qu'il voulait absolument détenir.

Il flottait, en équilibre entre ces deux points, tiraillé. Il devait prendre une décision. Se tourner vers cette lumière vacillante ou vers les ténèbres dévorantes.

Le temps s'étira sans qu'il n'ait la moindre conscience de son écoulement. Il oscillait, se rapprochant d'un point, puis s'en éloignant. Il hésitait. Pourtant, imperceptiblement, il commençait à pencher vers la zone plus claire.

Les ténèbres explosèrent soudain, déchirées par une vague écarlate, et Tom convulsa sous une douleur irradiante. Il écarquilla les yeux pour apercevoir le plafond des cuisines.

Il lui fallut quelques secondes de plus pour comprendre que quelque chose mordait sa main, ce qui l'avait tiré de son état de transe. Il tenta de se débattre, d'arracher son bras de la poigne d'un animal qu'il ne voyait pas. Seul le mufle dégoûtant de sang confirmait la présence de son assaillant.

La colère le submergea quand il comprit qu'il n'était qu'une proie pour un vulgaire charognard, même s'il s'avérait que la créature en question était invisible. Par un réflexe foudroyant, son autre main s'élança et agrippa la gorge de son agresseur. Un grognement jaillit de la gueule qui s'ouvrit, relâchant la main blessée. L'animal tenta de se redresser pour échapper à la poigne vengeresse, mais Tom resserra d'autant plus les doigts et s'accrocha à ce qu'il devina être de la fourrure.

Encore soumise aux répercussions du rituel qu'il avait mené à Stonehenge, sa magie explosa et attaqua l'être invisible. Le temps sembla alors se suspendre tandis que les vestiges du sortilège pompaient l'essence vitale et magique de la créature. Peu à peu, son invisibilité se délita. Tom ne relâcha pas son emprise jusqu'à ce qu'il avait enfin identifié comme un dissimuleur ne cesse définitivement de bouger.

La créature n'aurait pas dû se trouver dans les forêts européennes. Issue d'un croisement hasardeux entre une demiguise et une goule, elle avait une apparence vaguement humanoïde, dotée d'yeux verts et d'une fourrure argentée. D'après les études des magizoologistes, Phineas Fletcher avait embarqué à destination des Etats-Unis, avec une demiguise dans l'idée de créer un élevage pour fabriquer des capes d'invisibilité. Face à sa cruauté, la créature s'était échappée et avait trouvé refuge avec une goule. Leur progéniture donna ainsi naissance à une nouvelle espèce dont les membres considéraient les humains comme des proies privilégiées.

Désormais debout, le seigneur des Ténèbres décrispa les doigts et laissa la créature tomber au sol. Il respira profondément, un agréable frisson parcourant sa peau tandis qu'une vague de chaleur déferlait dans ses veines.

Il suffoqua un instant sous l'afflux d'une puissance inconnue, se délecta du bien-être qui l'envahissait. Un picotement dans le bout de ses doigts l'interpella. Il leva sa main blessée à hauteur de son regard et observa les marques de dents s'effacer à vue d'œil. Il sursauta ensuite violemment en voyant la chair devenir transparente puis redevenir concrète sous sa réaction de peur.

Il fronça les sourcils et se concentra sur ses doigts, cherchant à reproduire le phénomène. Rien ne se passa pendant de longues secondes. Il allait abandonner, persuadé d'avoir imaginé la manifestation quand la démangeaison se reproduisit, entraînant avec elle le retour de l'invisibilité partielle de sa main.

Surpris et étonné, il perdit le contrôle de sa concentration et tout revint à la normale.

Lentement, un sourire rusé étendit ses lèvres fines tandis qu'une compréhension malsaine luisait dans ses prunelles. Il avait enfin trouvé une solution. Bientôt le monde dans son entièreté, magique et non magique, plierait sous son joug.

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Vendredi 21 mars 1997 – Forêt de Paimpol, France

Aidan coupa le moteur et laissa sa tête retomber en arrière tandis que ses yeux se fermaient tant de fatigue que de soulagement. Après des heures de voyage, il touchait presque au but. Encore une randonnée en forêt et il rentrerait enfin à la maison.

Avec un profond soupir, il se remémora sa fuite depuis Stonehenge.

Tandis que les sirènes se rapprochaient du site, il remarqua rapidement qu'il ne pourrait pas s'éclipser si facilement. Les alentours du monument n'étaient qu'une vaste plaine herbeuse. Dès que les secours seraient arrivés, ils ne pourraient manquer une silhouette solitaire s'éloignant du lieu du drame.

Tout en marchant rapidement, il passa la main sous le col de sa chemise et attrapa le fin lien de cuir qui ceignait son cou. Il le tira d'un coup sec pour le briser et libérer le pendentif qui y était attaché. En brisant ainsi le lien, il rendit au bijou sa taille réelle, révélant un fin poignard. Avec un frisson d'appréhension, il pressa la pointe affutée sur la pulpe de son pouce, perçant la peau. Le sang jaillit et le métal de l'arme sembla boire le fluide vital. Des veines rouges serpentèrent vers la garde pour aller abreuver la perle translucide qui la coiffait. A l'instant où la bille fut totalement gorgée de sang, une bulle se forma en son centre et s'étendit lentement jusqu'à englober parfaitement son porteur.

Désormais, Aidan pouvait se déplacer sans risque, invisible à tous. Il n'aimait pas utiliser ce genre d'artéfact magique, mais il reconnaissait que cela pouvait être d'une grande aide dans des circonstances particulières.

Après une bonne heure de marche, il avait atteint le village d'Amesbury, à 4 kilomètres de Stonehenge. De là, il lui avait fallu rallier Salisbury et attraper un train en partance pour Londres. Il aurait préféré rejoindre directement Douvres, mais il n'y avait aucune ligne de communication directe vers le port. Heureusement, le nombre de train effectuant ce trajet était très élevé. Un autre train l'avait ensuite transporté vers Douvres, mais malheureusement une mauvaise nouvelle l'y attendait.

L'équinoxe de printemps, à l'instar de celle d'automne, était souvent accompagnée de tempêtes violentes et cette année-ci n'avait pas échappée au phénomène. Le trafic de ferry avait donc été interrompu et ne reprendrait pas avant le matin suivant.

Il avait trouvé refuge dans un petit hôtel-restaurant à proximité du port et avait passé la nuit à se retourner en tous sens. Il n'avait cessé de repasser les événements dans sa mémoire, essayant de comprendre le rituel que le mage noir avait mené et les conséquences que cela avait eu sur les personnes qui entouraient le site.

A l'aube, il s'était précipité au bureau du ferry et avait obtenu une place sur le premier bateau en partance pour Calais. Il avait alors dû attendre l'ouverture de l'agence de location pour obtenir un véhicule.

Après sept heures de route, entrecoupées de petites pauses restauration et sanitaires, il avait enfin atteint la dernière étape de son périple. Avec un énième soupir fatigué, il s'extirpa de l'habitacle et se dirigea vers l'orée de la forêt.

En chemin, il dut éviter un groupe d'écoliers surexcités. Les filles se pâmaient, s'imaginant incarner Guenièvre, Viviane ou Nimue, se récriant devant l'une d'elles qui se réclamait Morgane. Les garçons avaient ramassé des branches et jouaient aux chevaliers, se disputant sur qui serait Arthur, Perceval, Galaad ou autre. Un cri plus éloigné attira les gamins vers le Tombeau de Merlin.

Aidan ne put retenir un ricanement devant l'appellation du lieu. Il ne fallait pourtant pas être grand clerc pour comprendre que l'amas de rochers en question ne pouvait être le lieu du dernier repos du grand Enchanteur. La construction visée datait de l'époque néolithique et consistait en deux allées couvertes. Le poète Auguste Creuzé de Lesser avait écrit au XIXème siècle que Merlin aurait été enseveli dans la forêt de Brocéliande qui était identifiée comme étant la forêt de Paimpol. Que n'irait-on pas croire ou inventer pour magnifier une vision hautement romantique de l'histoire et pour justifier un intérêt grandissant de l'archéologie, suscitant ainsi un l'attrait touristique pour une région ?

Il s'avança sous les frondaisons et s'engagea sur le chemin forestier. Çà et là, des groupes de randonneurs s'échelonnaient sur le sentier. Il pouvait facilement reconnaître les paisibles marcheurs des sportifs acharnés. Il y avait les botanistes passionnés et les amateurs d'oiseaux. Le calme de la forêt n'était qu'une vague idée devant l'afflux de tant de personnes détaillant sans grande discrétion tout ce qu'ils pouvaient apercevoir, de la timide jonquille persistant au milieu des jacinthes à la petite tourterelle des bois.

Les rayons du soleil filtraient à travers les feuillages, créant un jeu d'ombres et de lumière. Le bruissement des feuilles accompagnait le rythme de ses pas tandis que son regard scrutait les environs à la recherche de signes que peu de personnes pouvaient comprendre. Un étrange entrelacement de branches, une pierre émergeant d'un nid de racines, deux lettres gravées sur un vieux tronc, … pour lui, tout avait une signification.

Il parvint rapidement à une petite clairière, baignée d'une douce lumière créant une atmosphère paisible et sereine. En son centre reposait un amas de roches calcaires. Leur blancheur irisée offrait un contraste saisissant avec les couleurs de plantes et arbres l'entourant. Il fit lentement le tour de l'amoncellement, se rappelant ironiquement de toutes les théories qui avaient été émises sur ce monticule.

L'éminence dépassait largement la taille humaine et ressemblait étrangement à un poing fermé. Cette forme particulière avait entraîné des hypothèses et spéculations parfois franchement farfelues. La plus récurrente était bien sûr celle basée sur la légende arthurienne. Certains spécialistes avaient déclaré que l'amas de roches était un vestige du géant à qui Pendragon avait confié son épée en attendant qu'un digne héritier ne puisse la brandir et réclamer la souveraineté par son geste.

D'autres théories couraient. L'une d'elles racontait qu'il devait s'agir des ossements d'un extraterrestre. Son espèce aurait colonisé la terre et érigé les énormes monuments qui parsemaient la planète.

Une autre expliquait que c'était une preuve de la bataille entre les anges, survenue lors de la chute de Lucifer.

La dimension purement magique n'était pas oubliée. Des sorcières auraient tenté de convoquer un démon mais le rituel aurait échoué, ne permettant qu'à la main du monstre d'émerger de la terre. Certains prétendaient même qu'il pouvait s'agir d'un troll ayant croisé un vieux magicien au lever du soleil.

Toutes ces fadaises amusaient beaucoup Aidan, bien que l'implication de la magie soit une réalité. Ou tout du moins, une réalité pour ceux qui étaient sorciers, ou affiliés à ceux-ci. Lorsqu'une Sentinelle avait pris la décision de séparer les sans-pouvoirs des porteurs de magie, elle avait créé des zones protégées, des poches dimensionnelles qui étaient devenues de véritables sanctuaires. Ces espaces étaient présents sur l'ensemble de la planète et leurs accès étaient signalés par des repères spécifiques. L'amas de roches de Paimpol était en réalité une cristallisation rocheuse de la magie elle-même, passage menant à ces régions cachées.

Il contourna lentement le poing, pour atteindre ce qui représentait le pouce et se faufila dans le petit espace. Un scintillement plus tard, il disparut.

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Vendredi 21 mars 1997 – Salle sur Demande, Poudlard

Malgré la soirée soit déjà fort avancée, l'atmosphère de la pièce restait enflammée. Outre le petit groupe d'amis, plusieurs adultes étaient également présents : les Fondateurs et Merlin bien sûr, mais également certains professeurs et parents.

Minerva McGonnagal et Severus avaient informé Pomona Chourave et Filius Flitwick de toute l'histoire. Les deux directeurs de maison s'étaient littéralement imposés auprès de leurs collègues lorsque les rumeurs avaient couru sur une réunion spéciale. Depuis l'arrivée des Fondateurs, la professeure de Botanique et le maître des Sortilèges s'étaient posé énormément de questions sur tout ce qui s'était produit à Poudlard durant les dernières années. La mort brutale de Sophia Potter, celle d'Albus dans des conditions étranges, … Tout cela les avait amenés à repenser à leur comportement respectif et à ouvrir les yeux. Ils se sentaient complètement dépassés par ce qu'ils avaient appris des différents protagonistes et avaient été bouleversés par la révélation de la prophétie. Ils se montraient les plus silencieux mais aussi les plus attentifs de toute l'assemblée. Ils avaient encore du mal à comprendre la raison de la présence de certains et les interactions qui régissaient les différents groupes.

Merlin avait expliqué brièvement qu'il avait, en son temps, tenu le même rôle qui constituait aujourd'hui la charge de Harry et Draco et qu'ayant obtenu des connaissances de par ses capacités temporelles, il avait voulu être présent pour l'enfant qu'il avait sauvé plusieurs années auparavant. Les Fondateurs et Nimue justifièrent leur présence par le fait qu'ils avaient connu Harry enfant et qu'ils voulaient également lui apporter leur soutien.

L'autre groupe d'adultes était composé des parents des élèves. Grâce aux elfes de Poudlard, ceux-ci avaient été transplané afin qu'ils puissent être mis au courant des derniers événements. Malheureusement, les petits serviteurs magiques avaient également été porteurs de mauvaises nouvelles.

Lucius et Narcissa Malefoy, Remus Lupin, Keshia Zabini et Augusta Londubat étaient présents, quoique visiblement affectés par l'attaque magique. Les parents de Neville, fatigués eux aussi, avaient dû répondre à l'appel de Rufus Scrimgeour, en raison de leur statut d'Auror.

Xénophilius Lovegood n'avait pas pu revenir à Poudlard. Il était en déplacement en Ouganda à la recherche d'une créature quelconque mais avait informé sa fille qu'il n'avait pas été impacté par le phénomène. D'après les premiers échos qu'il avait obtenus de certains confrères, la Grande-Bretagne était principalement concernée, avec quelques débordements au-delà de ses frontières.

Théodore Nott Sr et les parents Parkinson comptaient malheureusement parmi les victimes.

Au milieu de la pièce, une joute oratoire opposait des parents particulièrement fatigués à Harry et Draco campant avec hargne sur leurs positions, soutenus par leurs amis.

- Mais de quoi voulez-vous discuter ? Tout est clair ! La Magie elle-même nous l'a confirmé ! scanda Harry avec exaspération.

- Il faut savoir comment les choses se sont produites ? Pourquoi ? Par qui ? s'écria Lucius, approuvé par les autres.

Draco grinça des dents, arrachant un frisson à son père qui détestait cette manie.

- Qui ? Tu te poses vraiment la question ? Comment ? Ce dégénéré a réussi à détourner le rituel d'Ostara. Au lieu de régénérer la magie, il a siphonné celle des sorciers sur un large périmètre. Pourquoi ? Il a besoin d'accroître sa puissance !

- Mais comment pouvez-vous être sûrs de ces informations ? insista Rémus.

Harry ouvrit la bouche pour répondre mais se ravisa immédiatement. Il échangea un regard irrité avec Draco et d'un accord tacite, ils décidèrent de prendre place sur le canapé situé derrière eux, se murant dans le silence. Ils avaient vraiment l'impression que personne ne comprenaient ce qu'ils expliquaient. Les adultes qui leur faisaient face les regardèrent agir avec stupéfaction tandis que le reste des adolescents les observaient avec un sourire goguenard.

- Mais qu'est-ce que vous faites ? s'énerva Severus.

Seul le silence lui répondit tandis que deux regards impassibles le fixaient.

Voyant la situation s'enliser, Merlin décida d'intervenir.

- Du calme, il ne sert à rien de s'énerver. Vous êtes tous fatigués par l'attaque qui a eu lieu et vos magies respectives n'ont pas encore eu le temps de palier à tout cela. Les enfants vous ont déjà répondu et pour eux, ils l'ont fait de façon très claire.

- Mais … interrompit Lucius.

Le vieil Enchanteur leva la main pour l'empêcher de continuer.

- Harry et Draco se trouvaient dans le Cœur de Poudlard, au cœur même de la Magie. Ils ont pu longuement discuter et remarquer toutes les options possibles. Je comprends que pour vous, cela peut sembler … nébuleux, imprécis, mais n'oubliez pas qu'en tant que Sentinelles, leurs liens avec la Magie est beaucoup plus fort. Ils peuvent de cette façon comprendre, presque de manière intuitive, des effets qui nous semblent improbables. Ils ont, pour cette raison, des difficultés à nous présenter clairement les conséquences de ce rituel qui a été dénaturé. Nous devons désormais étudier les conséquences de l'inversion du rituel et envisager les actions futures de ce fou.

Les parents se rétractèrent de mauvaise grâce mais convinrent que Merlin était le plus à même à comprendre la situation et qu'il ne servirait à rien de s'attarder sur la question et de s'énerver.

- Avez-vous des pistes de réflexion ? demanda Viviane.

- Pas vraiment, répondit Draco. Nous savons juste que Voldemort a étudié et expérimenté les rituels magiques. Par déduction, nous pensons qu'il faut se concentrer sur leurs applications, voire leurs altérations.

- Nous pensons également que la prochaine attaque pourrait se dérouler à une date symbolique. Nous devons donc recenser les divers rituels portant sur la perte ou l'augmentation de puissance, ce qui nous donnerait une vague idée de la suite des événements, continua Harry.

- Dans le même temps, il faudra que nous renforcions notre entraînement. Il semble évident que nous devrons bientôt faire face à ce fou sanguinaire, ajouta Draco.

- Vous ne pouvez vraiment pas nous expliquer ce qui va se produire ? demanda Pomona en se tournant vers Merlin. Vous nous avez dit avoir étudié les différentes voies ayant mené à la mort de la petite Sophia. Vous ne pouvez pas …

- Non ! coupa Merlin. Nous ne pouvons pas intervenir plus que nous le faisons déjà. Notre présence ne peut en aucun cas dévier le cours de l'Histoire et du Temps. Le fait que nous aidions Harry et Draco pour leur entraînement n'a pas beaucoup d'influence sur le futur qui les attend, ni sur le Jugement qu'ils devront rendre un jour. Par contre, si nous nous impliquions plus profondément sur les décisions qu'ils prennent, nous risquerions de provoquer une destruction inéluctable.

Ces mots tombèrent comme un couperet. Tous se plongèrent dans leurs réflexions, bien déterminés à fouiller le moindre grimoire, le plus petit parchemin pour réunir les informations utiles ou à concocter des programmes d'entraînement physique et magique afin d'aider au mieux les jeunes sorciers.

Les semaines à venir seraient chargées, une ombre menaçante pesant sur eux.

OoOoOoOoOoO

Vendredi 21 mars 1997 – Chambre de Harry et Draco

Harry était étendu dans son lit, le regard perdu dans la contemplation du ciel. A ses côtés, il entendait le souffle paisible de Draco. Il lui enviait cette capacité de dormir tranquillement. Son propre esprit vagabondait sans cesse, revenant inlassablement sur les derniers événements. Chaque fois qu'il commençait à s'assoupir, qu'il sentait sa conscience lâcher prise, une idée lui revenait et le ramenait à un état de veille fébrile.

Il se redressa avec impatience et tapota son oreiller pour lui redonner un peu de gonflant. Ses mouvements furent cependant plus brusques qu'il ne l'avait calculé et il réveilla son amant dans la manœuvre.

Il s'était rallongé et s'apprêtait à replacer sa couette correctement quand celle-ci lui fut subitement arrachée. Avant qu'il n'ait pu esquisser le moindre mouvement, un poids s'abattit sur ses hanches et des mains froides se crispèrent sur ses épaules. Un instant plus tard, il sentit le souffle précipité de Draco s'écraser sur son visage.

- Tu comptes gigoter encore longtemps ? siffla la voix exaspérée de son amant.

- Je n'arrive pas à dormir !

- Parce que tu crois que je ne l'ai pas remarqué ? Voilà des heures que tu te tournes et te retournes, que tu soupires et j'en passe. Qu'est-ce qui te tourmente à ce point ?

- Tu poses vraiment la question ? grinça Harry.

Draco se redressa et relâcha la pression qui maintenait son petit-ami contre le matelas. Un soupir prolongé quitta ses lèvres crispées tandis qu'il se massait l'arête du nez, s'incitant au calme.

- Ne fais pas semblant de ne pas comprendre, Harry. Je me doute bien de ce qui te turlupine.

- Désolé. Je … je ne sais plus quoi faire.

- A propos de quoi exactement ? Les parents ? Voldemort ?

- Le Jugement.

- Oh !

- Oui ! Oh comme tu dis, ricana Harry.

Draco croisa les bras sur son torse nu, une grimace boudeuse ourlant ses lèvres. En voyant cela, le brun agrippa ses hanches et se redressa pour effleurer la bouche tentatrice. Son mouvement provoqua une friction localisée qui leur tira à tous deux un gémissement de bien-être. La Sentinelle blonde se recula cependant, peu décidée à succomber à la tentation, repoussant Harry sur le matelas.

- Tu doutes vraiment ou …, souffla Draco, ses épaules s'affaissant sous le poids de la responsabilité.

- Je n'arrive pas à … Je ne peux pas me retire de l'esprit que je ne veux pas leur donner une nouvelle chance. A quoi cela servira-t'il quand à chaque nouveau Jugement, il faut ajouter des restrictions, des protections … ? J'ai l'impression que quoique l'on fasse, rien ne pourra aller mieux.

- J'ai le même sentiment. Même si en ce moment c'est Voldemort qui nous pose le plus de problèmes, on ne peut pas manquer de constater que plusieurs personnes semblent partager son avis.

Un silence s'abattit dans la chambre tandis que les deux jeunes hommes se perdaient à la fois dans leurs pensées et dans les yeux de l'autre. Harry se redressa pour enlacer Draco et enfoncer son visage dans son cou. Leur étreinte se resserra dans une recherche de réconfort.

Harry tourna légèrement la tête et posa ses lèvres sur le cou de Draco. Après quelques baisers papillons, il grignota doucement la peau tendre, à la recherche de ce petit endroit si sensible chez son amant. Des frissons d'anticipation remontèrent le long de la colonne vertébrale de ce dernier.

En réaction, le blond le repoussa pour glisser à son tour ses mains sur le dos de son amant, dessinant avec douceur chaque vertèbre et remontant doucement vers sa nuque. Il frôla ses oreilles, puis ses mâchoires avant d'immobiliser sa tête. Un éclat de gourmandise brilla un instant dans les prunelles grises avant que les paupières ne les voilent. Et dans le même temps, les lèvres s'entrouvrirent pour venir capturer leurs jumelles. Les langues entamèrent un duel sensuel, tout en révérence et lenteur, se délectant des sucs partagés, les cœurs battant à l'unisson.

Harry se laissa retomber en arrière, sur l'oreiller accueillant, entraînant Draco qui allongea les jambes pour venir s'installer dans le creux formé par celle de son petit-ami. Le baiser s'enfiévra, les mains s'égarèrent sur les corps à la recherche de zones érogènes. Les hanches se mirent en mouvement, amenant leurs érections au contact et tirant de leur gorge des gémissements de plaisirs.

Draco brisa l'étreinte et se laissa glisser sur le torse de Harry, sa langue traçant des chemins secrets qui le menèrent aux tétons dressés. Il les tortura savamment, alternant baisers légers, succions et morsures. Lorsqu'il estima son amant au bord de la rupture, il reprit son exploration, descendant vers le nombril qu'il cajola un long moment. Puis, il se lança à la conquête de la hanche droite. Il traversa ensuite la vallée de son ventre pour atteindre la droite. Un gémissement appuyé de Harry le fit ricaner. Son mouvement convulsif ne lui échappa pas, mais le blond était bien décidé à mener les opérations comme il le souhaitait.

- Tu m'as réveillé. Maintenant, tu vas en payer le prix, murmura-t-il contre la peau frissonnante.

- Sa … Sadique, haleta Harry alors que Draco mordait franchement dans sa chair.

Le blond se redressa à peine et souffla sur la morsure pour l'apaiser. Il recommença plusieurs fois son manège, passant d'un côté à l'autre, effleurant de temps en temps l'objet de sa quête ultime. Le brun secouait la tête sur son oreiller et crispait les mains sur les draps pour s'empêcher de saisir la tête de son amant pour conduire sa bouche à l'endroit qu'il souhaitait tellement voir câliner.

Une éternité passa avant que Draco ne daigne enfin accorder son attention à l'érection frémissante. Il happa goulûment la verge déployée, glissant sa langue autour avant de remonter pour laisser ses dents glisser sur la peau tendue. Il répéta le mouvement, sourd aux murmures rauques de son amant, se délectant de le sentir se tendre un peu plus à chaque passage. Insidieusement, il glissa un doigt dans l'antre convoité. Un second, puis un troisième s'y ajoutèrent, tandis qu'il continuait son œuvre. Un tressautement plus prononcé lui fit cesser tous mouvements et se redresser en appui sur ses avant-bras. Un rictus ourla ses lèvres rougies quand il vit le corps de Harry se tendre puis retomber sur le matelas.

Le brun ouvrit les yeux brusquement, sa frustration se lisant dans les prunelles émeraude. Il allait haranguer Draco pour qu'il continue son office quand ce dernier se redressa sur les genoux et plaqua ses mains sur ses épaules pour l'empêcher de bouger. D'un geste fluide, il se glissa sur son corps, présentant son pénis à l'entrée plissée. Les yeux verts s'écarquillèrent en comprenant l'intention de son dominateur mais seule une lueur de concupiscence y brilla.

Draco dirigea sa main droite vers son membre tendu, restant en appui, et fixant son amant avec intensité, se guida lentement dans le corps de ce dernier. Le brun grimaça légèrement à l'intrusion mais soutint le regard argent, bougeant doucement pour s'adapter tandis que Draco effectuait quelques va-et-vient pour faciliter son entrée. La manœuvre leur sembla durer un temps infini, mais finalement, ils furent parfaitement emboités.

Le blond glissa ses doigts entre ceux de Harry et lui éleva ses mains au-dessus de la tête. Conservant son regard fixé dans celui du brun, il entama mouvement entêtant, alternant les poussées profondes et celles plus légères. Il bougea légèrement les hanches, modifiant l'angle de pénétration jusqu'à ce qu'un halètement plus sourd ne lui indique la perfection de son intrusion. Lentement, il accéléra le rythme, veillant à toujours cibler ce point précis, sans jamais lâcher les prunelles scintillantes qui trahissaient la montée d'un plaisir dévastateur.

Dans une tentative de faire perdre le contrôle à son amant, Harry crispa ses muscles internes, intensifiant la pression sur le membre conquérant. Draco grogna sous la sensation d'étroitesse accrue et amplifia ses pénétrations.

Le contrôle qu'ils exerçaient chacun sur leurs corps céda presqu'au même instant. Un cri de soulagement se bloqua dans leur gorge tandis que la jouissance les faisait se cambrer et trembler violemment sous la délivrance. Draco se laissa retomber sur Harry, leur peau luisante de sueur. Leur souffle erratique se ralentit et ils plongèrent dans une torpeur bienfaisante.

De longues minutes plus tard, Draco releva la tête, déposa un baiser aérien sur les lèvres de Harry, puis se laissa glisser à ses côtés. Ils se tournèrent aussitôt l'un vers l'autre, leurs nez s'effleurant presque.

- Je ne le ferai pas, chuchota le brun, arborant un air têtu.

- Je sais, lui répondit Draco, la tristesse brillant dans ses yeux. Mais tu sais ce que cela signifie.

- Evidemment mais …

- Chut ! Calme-toi ! C'est horrible à dire, mais je pense exactement comme toi.

- Alors …

- … oui.

OoOoOoOoOoO

Vendredi 21 mars 1997 – Sanctuaire de Paimpol

L'agora était densément peuplée. Où que son regard se porte, Aidan identifiait des êtres magiques en grande discussion. Dire qu'il avait été surpris de l'agitation qui régnait devant lui aurait été un euphémisme. Il n'avait jamais connu ce lieu que paisible et calme, mais en cette fin de journée, il semblait que toute la population magique des alentours, et même d'ailleurs, s'y était donné rendez-vous.

Il s'avança lentement, ses yeux parcourant les groupes, à la recherche d'un visage familier. Sur sa gauche, il identifia un gobelin discutant vivement avec un elfe sylvestre et une elfe de maison. Quelques lutins de Cornouailles jouaient entre leurs jambes.

Un claquement particulier le surprit et il se détourna vivement pour constater qu'il se trouvait juste à côté d'un Centaure à la mine revêche. L'équidé humanoïde était accompagné d'une licorne dont la robe se ternissait légèrement, signe de son très grand âge, d'un abraxan et d'un hippogriffe aux plumes bleu-gris.

Près de la fontaine marquant le centre de la place, plusieurs bulles d'eau flottaient, abritant des sirènes, des selkies et des strangulots.

Le bosquet de saules où il aimait parfois se reposer abritait une dryade et un faune. Il pouvait également discerner quelques botrucs s'agrippant aux troncs. Au sol, un nifleur furetait tandis qu'un pitiponk grommelait, assis sur sa lanterne.

Un mouvement furtif indiqua à Ceven qu'un animal de taille appréciable devait se dissimuler un peu plus loin au cœur des arbres. Avec un frisson d'appréhension, il lui sembla reconnaitre une patte d'acromentule.

De l'autre côté, il constata avec stupéfaction la présence de deux dragons. Un court instant, il se demanda comment les deux immenses reptiles avaient réussi à rejoindre le domaine sans être repérés.

Non loin, un couple de griffons côtoyait un Oiseau Tonnerre. La présence de ce dernier l'inquiéta d'autant plus que cette espèce particulière ne vivait que dans les plaines d'Amérique.

Un éclat blond attira son attention vers le perron du temple. Un soupir de soulagement lui échappa et il s'élança vers Elora, sa compagne, la gardienne du Sanctuaire. La jeune femme était en grande discussion avec un Sphinx majestueux. Avec un sourire, elle se détourna de l'être magique pour l'accueillir.

- Aidan ! Enfin tu es arrivé !

- Le trajet a été long et difficile en effet. Mais je constate que tu es déjà au courant des derniers événements.

- Pas exactement non, mais nombre d'êtres magiques nous ont contacté pour signaler des perturbations importantes. De plus, le Messager parcourt le ciel. As-tu des précisions ?

- Malheureusement. Et la situation est bien plus grave que tout ce qu'on aurait pu imaginer.

- De quoi as-tu été témoin, jeune gardien ? intervint le Sphinx.

- Un sorcier qui se fait appelé Voldemort a dénaturé un rituel durant la fête d'Ostara. J'étais d'astreinte sur le site de Stonehenge. Je l'ai vu faire mais j'étais trop loin pour réagir. Et je n'ai pas pu identifier les runes qu'il avait utilisées. Tout ce que je sais, c'est qu'il a réussi à soutirer leurs forces vitales aux touristes qui étaient présents. Tous ont été touchés. Quand j'ai quitté le site, toutes les personnes qui avaient une once de magie en eux en avaient été vidées. Les sans pouvoir quant à eux semblaient indemnes à première vue, mais je suis presque sûr qu'une partie de leurs forces vitales a été siphonnée également.

- C'est probablement la source des perturbations qui nous ont été rapportées. D'après les informations que nous avons réunies, le phénomène a été ressenti jusqu'aux côtes françaises, même si les répercussions sont de moins en moins importantes au fur et à mesure que l'on s'éloigne de Stonehenge. Les sorciers britanniques en ont été victimes à des niveaux variés. Il semblerait que certaines personnes soient décédées alors qu'elles étaient très éloignées de l'épicentre. Nous attendons des informations complémentaires.

- Savez-vous si l'école de magie a été victime du phénomène ? demanda le Sphinx.

- Vous connaissez Poudlard ? questionna Elora.

- Je connais beaucoup de choses, jeune gardienne. J'ai effectué un séjour sur le territoire de cette école il y a quelques temps déjà. J'y ai rencontré un jeune garçon plein de promesses.

- La Sentinelle ? hésita la jeune femme.

- En effet.

- Le Messager annonce donc bien que le jour du Jugement approche.

- Oui. Et cet enfant devra bientôt prendre une grave décision.

- Vous savez ce qu'il fera ? demanda Aidan.

- Non, je l'ignore, mon enfant. Mais je pressens un grand bouleversement dans la trame même du Monde. J'ai vécu de nombreuses vies et je n'avais jamais été témoin d'une telle … implication de la part des êtres magiques.

- Je ne comprends pas, interrogea le gardien. Je pensais qu'un Jugement avait des répercussions pour tous les êtres magiques.

- Jusqu'à ce jour, nous nous contentions de les subir. L'apparition du Messager avertissait ceux conscients de sa nature qu'un changement approchait. Cette fois, nous avons tous ressenti des mutations bien avant son arrivée et il semblerait que la majorité d'entre nous aient décidé de ne pas rester passifs.

- Mais vous ne pourrez pas empêcher la Sentinelle de Juger. Comment pourriez-vous agir ?

- Il ne s'agit pas tant d'éviter le Jugement que de nous montrer … solidaires de la décision. L'inéluctable approche. Le changement est inévitable et ne doit surtout pas être évité. La Sentence tombera, que nous l'acceptions ou non.

- C'est … la fin ? balbutia Elora.

- La Fin d'un temps, oui.

La voix du Sphinx résonna sur la place devenue silencieuse. Aidan se retourna pour constater que les êtres magiques s'étaient rapprochés en silence et que tous avaient écouté leur conversation. Les derniers mots du Sphinx avaient provoqué une onde de choc parmi eux et dans leurs yeux, Ceven pouvait lire un mélange poignant de détermination et de résignation.

Soudain, un éclat lumineux traversa le ciel et trois phénix firent leurs apparitions. Ils volèrent lentement au-dessus de la foule devenue silencieuse, leurs chants résonnant dans une lamentation funèbre.

TBC