Nous sommes le 21 mai 1838, à Paris, l'hôtel de Monte-Cristo aux Champs Elysées, no 30. Il était 10h du soir. Une voiture entrait dans la cour. Le Comte se dépêcha de descendre les escaliers d'entrée, la porte de la voiture s'ouvrit et le Comte tendit la main à une jolie jeune fille dont les épaules étaient enveloppées d'une voile verte. Elle prit sa main et la baisa avec amour mélangé de respect filial.
-Efharisto kirie de m'avoir emmenée avec toi. J'espère que tu ne m'as pas attendu longtemps ?
-Ohi, chère enfant. J'ai pris mon temps de faire un tour de la maison et constater ses défauts. Dans quelques jours ce deviendra un palais pour ma belle princesse, dit-il en souriant. Et maintenant je propose qu'on monte. Je vais te montrer ton appartement. Viens, ajouta-t-il.
Ils prirent le chemin des escaliers secrets qui menaient aux appartements d'Haydée. L'entrée fut cachée des tapisseries de Turquie et de Perse.
-Et tes appartements, à toi, où se trouvent-ils ?demanda-t-elle soudainement.
-Les miens ? Au fond de ce couloir, à gauche. Ma chambre à coucher et d'autres cabinets.
-Donc nous ne serons pas séparés, continua-t-elle toute contente.
-Mais non, ma fille. Jamais, dit-il en souriant et en prenant sa main da sa main.
-Cela veut dire que je pourrai aller chez toi, comme avant.
-Si tu veux encore. Mais je te recommande l'inverse. Je viendrai auprès de toi quand tu voudras. Car il est fort possible que je ne sois pas là quand tu voudras venir.
-Ah donc, moi je dois être toujours disponible pour toi, et toi non ? Tiens, tiens ! dit-elle en riant.
-Haydée, Haydée, petite maligne ! dit-il en la baisant fort sur le front.
Ali leur ouvrit la porte de l'appartement où les attendaient deux servantes françaises, qui après les avoir salués, se retirèrent.
-Kalinihta, kore mou !dit le Comte avec douceur.
Elle lui prit la main brusquement, puis la baisa avec beaucoup de tendresse.
-Kalinihta, kirie mou.
Le Comte sortit, et Haydée, déjà bien fatiguée, après s'être changée pour dormir, se jeta sur son lit à baldaquin et s'endormit. Et Monte-Cristo se dirigea ers ses appartements, Baptistin l'aida à se déshabiller et lui mit sa chemise de nuit. Après avoir licencié son valet, il se calma et se mit à marcher lentement de long en large à travers sa chambre à coucher. Il éteint les bougies, car il n'en avait pas besoin. Il s'agenouilla sur un tapis et dit : « Mon Dieu ! Merci de ne pas voir commis de bêtises aujourd'hui…d'avoir pu me retenir. Merci de m'avoir sauvé de ce » cachot et m'avoir donné le goût de vivre ! S'il vous plaît, faites que cette enfant soit heureuse…O Mon Père, guide-moi sur ce chemin que j'ai pris volontairement !»
Puis il se coucha, mais ne trouva point de sommeil. Car il ne voyait que Mercédès devant ses yeux. Elle l'avait reconnu !
« Elle est différente. Différente, et en même temps elle est restée la même.»
