Le 5 octobre tôt le matin Jacopo informa Haydée que le bateau du Comte approchait.
« Ca doit être lui !» pensa-t-elle. Effectivement, ce fut lui. Elle emmena Valentine à la plage pour accueillir Monte-Cristo.
Le comte descendait du bateau, mais Haydée ne pouvait attendre et courut dans l'eau pour l'accueillir.
-Mon seigneur ! cria-t-elle. Nous sommes ici !
En la voyant, Monte-Cristo se précipita vers elle, Les jambes moitié dans l'eau, elle se jeta dans ses bras, qui la serraient étrangement fort.
-Haydée, qu'est-ce que cela signifie ?demanda-t-il. Dois-je penser que je t'ai manqué ? demanda-t-il avec un sourire coquin.
-Vous avez manqué à toutes nous deux, et surtout à Haydée, répondit Valentine souriant.
Le Comte les regarda. Haydée fut intimidée.
-Comment allez-vous, Valentine ?
-Très bien, merci. Maximilien n'est pas venu avec vous ?
- Il viendra ce soir. Soyez prêtes d'entrer dans le salon avec les statues grecques quand je vous donne le signe.
-D'accord. J'espère qu'il ne souffre pas trop.
-Comme tout homme qui a perdu sa bien aimée. Il est malheureux. Mais il retrouvera son bonheur très vite.
Au fait on pourrait aller déjeuner. J'espère que vous n'avez pas encore mangé, car je n'aimerais pas manger seul, et j'ai une faim de loup.
-Nous n'avons pas mangé, seigneur. Nous t'attendions, dit Haydée.
Monte-Cristo sourit.
Pendant le repas il remarqua que Haydée ne mangeait pas beaucoup.
-Mmm, ceci est vraiment délicieux ! Mais Haydée, tu as à peine mangé ! Tu tomberas malade, mon enfant.
-Je n'ai pas trop faim, répondit-elle. Au fait, j'ai pensé vous jouer un peu, si vous êtes d'accord, continua-t-elle en regardant Valentine et le Comte.
-Oh, oui ! s'écrièrent les deux à la fois.
Valentine s'endormit vite, mais Monte-Cristo garda son regard soupirant vers Haydée. Elle s'en rendit compte, et arrêta de jouer son guzla.
-Pourquoi as-tu arrêté ?demanda Monte-Cristo, continuant de la regarder avec ses yeux profonds et noirs.
-Mon seigneur…je suis confuse. Je n'aime pas quand on me regarde pendant si longtemps.
-Ainsi donc, moi je ne peux pas te regarder et toi tu peux me regarder pendant mon sommeil ?demanda-t-il en souriant lorsqu'il s'approchait d'elle.
-Kirie…balbutia-t-elle en se tournant. Valentine dort. Je la réveille ?
-Laisse-la dormir, Elle s'éveillera quand je lui aurai amené Maximilien. Mais toi, pourquoi tu m'évites, tu baisses le regard ? dit Monte-Cristo en la prenant par la main. Est-ce que je t'ai fait mal ?
-Toi, seigneur !? Jamais !
-Qu'est-ce, alors ?
-Je n'ai pas reçu tes lettres pendant longtemps. Et aujourd'hui tu me sembles plus triste que jamais. Que s'est-il passé ?demanda-t-elle en tirant sa main de son étreinte.
Monte-Cristo s'attrista.
-Je me suis trompé. J'avais pensé que j'étais le mandataire de Dieu, mais je ne suis qu'un homme. Simplement un homme. Qui a commis beaucoup d'erreurs.
-Ne dis pas cela, mon seigneur. Je parie que toutes tes bienfaisances peuvent faire oublier les choses mauvaises.
-Le crois-tu ?demanda-t-il.
-Bien sur que oui, répondit-elle avec son beau sourire.
-Mon ange ! dit-il en la caressant sur la tête. Ensuite il glissa sa main sur son visage et l'arrêta sur son menton.
Il comprit qu'il était trop intime.
-Hmm, pardonne-moi. Ta beauté m'a ébloui…Tu as grandi si vite !dit-il.
Elle sourit et baissa le regard timidement.
-C'est vrai. Te souviens-tu du temps quand tu m'avais achetée ?demanda-t-elle en lui lançant un regard significatif.
-Comme si c'était hier. Tu étais si petite et maigre. J'avais peur de te blesser en te touchant, dit-il en s'approchant d'elle et lui mettant la main sur sa joue.
-Je voulais tant avoir un père, quelqu'un qui m'aimerait pour une fois…continua-t-elle en lui prenant la main qui était sur sa joue.
-Ma chère Haydée… dit Monte-Cristo en embrassant ses mains avec ardeur. Merci de m'avoir attendu.
-Je t'attendrai toujours, quelque endroit que tu sois parti.
-Même si j'étais emprisonné pour la vie? Même si j'étais mort ?demanda-t-il.
-Non ! N'y pense même pas ! s'écria-t-elle en lui mettant le doigt sur sa bouche. Ils pouvaient sentir leur haleine.
A ce moment Valentine se mit à se réveiller et les deux amoureux se séparèrent pour ne pas être vus.
-Je vais sortir un peu, pour prendre d'air, dit-il.
-Permets-moi de t'accompagner, dit Haydée.
-Non ! Reste ici. Valentine aura besoin de toi.
Le comte sortit et ne vit pas Haydée avec ses yeux pleins de larmes brillantes.
-Oh, mon Dieu ! Ai-je le droit d'être heureux à nouveau ? Après tout ce que j'ai fait ?! Est-ce que je la mérite ? Est-ce que je veux réellement être heureux ?
… Mais elle est la seule qui puisse le faire…
Son visage devint radieux. Ainsi donc il accueilli Maximilien.
Tôt le soir, peu avant l'arrivée de Maximilien, Monte-Cristo se rendit à la chambre où dormaient Valentine et Haydée.
-Est-il arrivé, Monsieur le Comte ?demanda Valentine en se levant brusquement.
-Son bateau s'approche de l'île. Dans cinq minutes il sera accosté. Restez derrière cette porte. Quand je vous donne le signe vous allez sortir et toute votre souffrance disparaîtra.
-J'ai hâte, mon Dieu !dit Valentine avec une voix extatique.
Ensuite Monte-Cristo se tourna vers Haydée.
-Prends soin de Valentine. Il ne faut pas qu'elle tombe malade d'une telle attente. D'accord ?
-Oui, kirie mou. Tout sera selon tes désirs, dit-elle.
Il la regarda avec douceur, l'embrassa sur le front et puis s'en alla.
