La grande main de Derek allait et venait dans les doux cheveux châtains de Stiles. Il était assis sur le canapé, la tête de l'hyperactif reposant sur ses cuisses fermes – cependant, ladite fermeté ne semblait pas le détranger, au contraire. Il dormait si bien que le lycanthrope n'avait aucune envie de le réveiller, même s'il commençait à avoir des fourmis dans les jambes, dont les pieds trônaient sur la table basse.

Très honnêtement, Derek ne se connaissait pas si… Doux. Lorsque Stiles avait craqué, au départ, il avait eu du mal à réagir. C'était soudain et… Entendre des sanglots silencieux, c'était quelque chose de particulier. S'il n'y avait pas eu les reniflements de l'hyperactif, il aurait été un peu plus complexe de deviner la réalité de ses pleurs, tant il avait bien caché son visage défait et abîmé. Puis, fébrilement car encore peu habitué, Derek avait passé ses bras autour du corps secoué par les sanglots et l'avait serré contre son cœur. Celui de Stiles battait si vite qu'il s'était demandé s'il était possible de le calmer.

La réponse était venue quelques minutes plus tard. A force de câlins, de caresses et surtout, de patience, Stiles avait fini par respirer longuement et lentement en essuyant ses larmes traîtresses. Larmes qu'il aurait dû verser beaucoup plus tôt. Cependant, les deux jeunes hommes ne s'étaient pas séparés à ce moment-là. Derek avait à nouveau attiré l'hyperactif contre lui, sur le canapé et l'avait gardé contre lui le temps nécessaire. Puis, ils s'étaient endormis. Derek s'était réveillé avec l'adorable vision de Stiles, allongé sur le canapé, la tête sur ses genoux. Et voilà où il en était. Sa main se baladait dans les cheveux du plus jeune, lui gratouillait parfois le crâne quand il voyait son visage grimacer dans son sommeil. A certains moments, il s'amusait à démêler les quelques nœuds de cette tignasse châtain, sachant fort bien que les cheveux s'emmêleraient à nouveau très vite.

Derek finit par soupirer, non pas d'agacement ni d'exaspération, mais de soulagement. Il était certain que le craquage de l'adolescent était bon signe. La confrontation qui, certes, aurait dû arriver plus tôt, l'avait aidé à extérioriser ses émotions, même s'il n'avait pas pu le faire en parlant. La frustration, la colère, la tristesse, la souffrance, la haine, la rancœur, les regrets… Tout était allé dans ses larmes qui avaient été si nombreuses que Derek avait un moment cru que le flot serait intarissable.

Le regard du loup fut attiré par un paquet, plus loin sur la table basse. Une boîte en carton épais de taille moyenne emballée dans un papier cadeau sobre, bleu ciel. A vrai dire, il n'avait trop fait d'effort et, dans le magasin, avait emballé ladite boîte avec le papier de base proposé par l'enseigne. Peut-être aurait-il dû prendre une teinte plus vive, avec des motifs, plusieurs couleurs… Quelque chose de plus joyeux que ça. Derek arrêta toutefois de s'inquiéter bien vite, non pas parce que ça ne lui ressemblait pas, mais parce qu'il relativisait. Ce qui comptait, au fond, c'était l'objet qui se trouvait à l'intérieur et non l'emballage, qui finirait déchiré dans la poubelle. Et il espérait qu'il lui plairait. Parce que, merde, Stiles n'avait pas à se retenir de faire ce qu'il voulait en sa présence et s'il avait tout de même peur, il le pourrait tout de même sans avoir peur de le gêner. Derek espérait qu'avec le temps, Stiles se permettrait de vivre normalement en sa présence.

xxx

Le réveil de Stiles fut perturbant. Il eut la surprise de se réveiller seul sur le canapé avec un plaid bien étalé sur lui et un oreiller sous la tête. Pourtant, ses souvenirs lui hurlaient que Derek était avec lui alors… Où était-il ? Péniblement, il se redressa, repoussa la légère couverture et frissonna à cause du frais qui s'invitait en lui. Était-il intérieur ou extérieur ? Stiles se posait sincèrement la question, n'arrivant pas à le savoir.

Faisant fi de la douleur, Stiles parvint à s'assoir et inspira longuement, comme si ce mouvement était un réel effort et en soi, ce n'était pas faux. Il était épuisé, cassé et se souvenait d'avoir longuement pleuré… Dans les bras de Derek. Son cœur rata un battement alors qu'il balayait la pièce du regard et tendait l'oreille. Seul le silence régnait dans ce loft vide de toute présence mis à part la sienne. Un soupçon de tristesse l'envahit. Alors c'était ça ? Il avait pleuré, s'était… Lâché et Derek était parti ? Avait-il profité de son sommeil pour fuir et… Changer d'air ? D'un coup, Stiles se mit à douter des mots que le loup avait prononcés. Pourtant, sa raison le poussa à essayer de se calmer et l'obligea à tempérer ses idées. Calme-toi, Stiles. Il allait un peu vite en besogne et tirait des conclusions hâtives alors qu'il n'avait pas encore tous les éléments de l'histoire. Derek était peut-être parti… Faire les courses, voir un ami, des membres de la meute, voir sa banque… Merde, avec sa fortune, il devait bien avoir tout un tas de rendez-vous avec son banquier !

Mais d'un coup, Stiles baissa son regard et tomba sur la table basse, sur laquelle trônaient une espèce de paquet et une feuille. Encore un peu groggy, il dut plisser un peu les yeux pour comprendre qu'il s'agissait d'un… Cadeau, lui semblait-il accompagné d'une lettre. Voulant seulement vérifier si ça le concernait – on ne sait jamais, mieux vaut toujours vérifier – Stiles se pencha et attrapa la lettre. Avant de la lire, la feuille étant pliée en trois, l'hyperactif hésita. Pourquoi ce mot le concernerait-il ? Et puis… Pourquoi se permettait-il de vérifier cela ? C'était peut-être trop, il ne devait pas se mêler de ce qui n'était pas ses affaires mais… Il était quand même curieux. Vérifier, il allait juste vérifier… Et il tomba des nues en dépliant la feuille, tombant sur son nom en guise de premier mot de la lettre.

« Stiles,

Ne t'affole pas, j'ai reçu un appel d'Isaac qui a besoin d'aide pour Liam. C'est encore un jeune loup qui a du mal à se contrôler. Je vais essayer de voir quelle méthode pourrait fonctionner avec lui. Un loup avec un trouble de la colère, ce n'est pas courant mais ça reste difficilement gérable. Je vais cependant faire mon possible pour rentrer au plus vite. Si tu as faim, ne m'attends pas pour manger.

J'espère que tu ne t'es pas fait de film en te réveillant, que tu n'as pas cru que j'allais t'abandonner, que j'en avais marre ou je ne sais quoi. Tu sais, j'ai beau être quelque peu dur et peut-être, je te l'accorde pour cette fois, aigri, je n'en reste pas moins… Compréhensif.

J'espère aussi que tu ne vas plus recommencer ton petit manège avec tes médicaments. J'ai vraiment envie que tu t'affirmes, que tu cesses d'essayer de te faire oublier parce que, c'est fini, ça ne marchera plus sur moi. Maintenant que j'ai pris conscience des choses, crois-moi, je vais faire plus attention. Ne t'abrutis pas pour te faire accepter, Stiles.

Je te l'accorde, j'ai mis du temps à me rendre compte de tout ça et j'en suis vraiment désolé. Pour autant, je veux rattraper toutes ces erreurs et je ferai tout pour. Mais je ne suis pas seul dans l'histoire : je dirais même que tu en es le principal acteur. Dans l'état actuel des choses, tu n'aimes pas ta vie, parce qu'elle a été abîmée par ton mutisme. J'en suis conscient. Mais elle n'est pas foutue, ta vie. Tu peux l'arranger, la rendre plus agréable et pour ça, il faut que tu te battes. Et cette fois, tu n'es pas seul.

Je te le répète au cas-où ça ne serait pas rentré dans ta petite tête : je ne vais pas te lâcher comme ça. Tu as le droit de craquer, d'avoir chaud, d'avoir froid, d'avoir faim, de faire ce qui te plaît, de lire, d'écouter de la musique, d'écrire, de pleurer, de donner ton avis sur ce que tu veux, de me dire quand ça ne va pas.

Tu as le droit d'exister, Stiles.

Alors que tu aies un problème ou non, écris-moi. Si je ne suis pas là, envoie-moi un message. Que tu ailles bien ou mal, écris-moi ce que tu veux. Et surtout, fais ce qu'il te plaît.

P.S : tu devrais ouvrir le paquet. Au cas-où, sache qu'il est pour toi. Fais-en bon usage.

Derek. »

Les mains de Stiles tremblaient légèrement, tout autant que ses lèvres. Qu'est-ce que… Était-ce vraiment Derek qui lui avait écrit tout ça ? Pourtant, il détestait communiquer, il était plutôt du genre à attendre que l'on devine ses envies. S'il pouvait s'économiser une parole, il n'hésitait pas à le faire. Néanmoins… Depuis qu'il était ici, Stiles ne cessait de l'entendre parler. Ils avaient comme qui dirait… Echangé les rôles.

Derek n'aimait pas parler, et il parlait. Stiles n'aimait pas se taire, mais il n'avait pas le choix.

Les doigts de l'adolescent se crispèrent un peu sur le papier tandis qu'il se voyait forcé de retenir les larmes qui commençaient à lui monter aux yeux. Bordel, cet idiot de Sourwolf l'aidait, il le soignait, prenait soin de lui… Et il faisait son possible pour lui faire remonter la pente. Son cœur en était tout retourné et Stiles était profondément ému, oubliait tous les films qu'il s'était fait avant d'oser lire ce long mot – Derek s'était dépassé, pour parler autant à l'écrit. Sans savoir s'il serait capable de faire tout ce qu'il lui avait demandé, Stiles se promit que, pour lui, il allait essayer. A défaut de redevenir le Stiles Stilinski que tout le monde avait connu, il essaierait d'être autre chose que l'ombre de celui qu'il avait été. Il relut alors la lettre – une fois, deux fois, trois fois – et dut se faire violence pour ne pas y passer trop de temps. Au bout d'un moment, il releva les yeux vers le paquet bleu ciel trônant fièrement sur la table basse. La boîte l'appelait mais il doutait, comme si ce n'était pas quelque chose de naturel, comme si… Il n'était plus vraiment normal qu'on lui offre quelque chose, qu'on pense à lui.

Qu'on ne l'oublie pas.

Peu sûr de lui et encore tremblant, Stiles se pencha à nouveau, attrapa le paquet qu'il ne pensait pas aussi volumineux, se mit en tailleur le plaid sur les jambes et le posa dessus. Les doigts sur le papier bleu, Stiles hésitait. Devait-il vraiment l'ouvrir et si oui, ne fallait-il pas attendre Derek ? Non, bien sûr que non. Si celui-ci lui avait dit dans sa lettre qu'il devrait l'ouvrir, ce n'était pas pour changer d'avis la seconde d'après. Détends-toi Stiles. Derek n'allait pas le bouffer et s'il lui avait fait un cadeau c'était pour lui faire plaisir. Il pouvait l'ouvrir à n'importe quel moment.

Le mot « cadeau » tournant en boucle dans son esprit, Stiles finit par prendre son courage à deux mains et déchira le papier cadeau avant de se raviser. Apparut alors une simple boîte en carton, sans aucune indication de son contenu. Retirant tout l'emballage avant de le mettre sur la table basse, Stiles entreprit de respirer un bon coup avant d'ouvrir la boîte. Il saisit l'objet qui se trouvait à l'intérieur et le sortit du paquet. Avant qu'il ait une quelconque réaction, il fallut attendre le passage de longues secondes.

D'abord, Stiles fut effaré. Puis simplement surpris. Vint ensuite un sentiment de culpabilité : il ne faisait qu'être un poids pour Derek, alors pourquoi il lui faisait un tel cadeau ? Enfin, il l'accepta. L'émotion en lui était forte, très forte. Depuis quand n'avait-on pas fait attention à lui de cette manière ? Les mains particulièrement tremblantes tant il était ému, Stiles ramena son cadeau contre lui.

Un casque audio. Derek lui avait offert un casque audio.

Et rien d'autre n'aurait pu lui faire plus plaisir.

Parce que bordel, la musique, il adorait ça. S'il ne pouvait pas s'exprimer oralement, au moins la musique traduisait-elle son ressenti ! La musique, c'était juste, brut, d'une sincérité totale. Elle ne mentait pas. Les mots, eux, pouvaient en cacher d'autres. Les notes parlaient à la place de sa langue et c'était libérateur. Si se faire surprendre par Derek en train d'écouter quelque chose lui avait fait peur, savoir que celui-ci l'avait remarqué – sans doute surpris pendant qu'il dormait – et avait fait attention à le rassurer sur ce point également lui faisait tout drôle. En plus, Derek ne lui avait pas pris de la merde, non : il lui avait acheté un bon casque et sans fil en plus. Savait-il que Stiles était friand du bluetooth ?

Cette fois, les larmes se mirent à couler naturellement.

Bordel.

xxx

Derek ferma la porte de la Camaro et se frotta les yeux en la verrouillant à distance à l'aide de ses clés. Faire retrouver son calme à Liam n'avait pas été de tout repos et c'était peu dire. Quelle idée Scott avait-il eue en mordant un jeune adolescent qui avait beaucoup de mal à gérer sa colère ? Alors oui, Liam était mignon, adorable et très gentil, mais l'aider à maîtriser son loup ainsi que ses sautes d'humeur exacerbées par la puissance de la lune n'était pas une mince affaire. Derek avait eu tout le temps d'être blessé et c'était bien pour cela qu'il avait mis du temps à revenir. Liam, aussi désolé qu'il avait pu l'être, avait été fort difficile à maîtriser si bien qu'Isaac avait dû épauler l'ancien alpha tout du long. Il était donc resté un peu plus longtemps que prévu au hangar pour prendre le temps de cicatriser, n'ayant aucune envie de rentrer dans cet état et d'imposer à Stiles la vue de ses blessures. Bon, étant tout de même un peu idiot, Derek avait arrêté de stocker des vêtements à lui au hangar, ce qui faisait qu'il était toutefois obligé de rentrer avec ses vêtements tâchés de sang. Stiles saurait forcément plus ou moins ce qui lui était arrivé. Derek voulait toutefois éviter de le préoccuper plus qu'il ne l'était sans doute déjà. Alors qu'il entrait dans l'ascenseur, le loup soupira. Il espérait vraiment que l'hyperactif allait mieux. Sincèrement, il voulait qu'il recommence à vivre réellement. Sa vie, telle qu'elle était actuellement, était en pause et cela devait cesser.

Derek appuya sur le bouton de son étage et l'appréhension commença à le gagner. Stiles avait-il lu sa lettre ? Y avait-il seulement fait attention ? Il avait forcément dû la remarquer, puisqu'elle se trouvait avec le paquet qu'il aurait bien aimé lui donner un peu plus tôt. Cependant, il avait préféré être là pour lui et lui montrer son soutien de manière concrète. Toutefois, il espérait que Stiles avait fini par ouvrir ce cadeau qui était pour lui, qu'il l'apprécierait et surtout qu'il allait l'aider à se libérer un peu. En lui offrant ce casque, Derek avait voulu lui montrer qu'il respectait ses envies et qu'il avait le droit de faire ce qu'il voulait. S'il voulait écouter de la musique, qu'il le fasse ! S'il avait peur d'imposer ses goûts au loup et que ceux-ci ne lui plaisent pas, il avait le casque audio qui le mettrait à l'aise. Il n'y avait plus qu'à espérer que Stiles ne refuse pas son cadeau.

En arrivant devant la porte de son grand loft, Derek regarda son téléphone portable et grimaça légèrement. A vingt-trois heures trente, il avait peu de chances de croiser Stiles éveillé. Le jeune homme guérissait lentement – à la vitesse d'un humain – et il avait passé plusieurs jours à s'abrutir avec ses médicaments. Sa fatigue était, par conséquent, peu étonnante. Il avait sans doute dû se réveiller en son absence mais peu de temps. Alors, Derek ouvrit doucement la porte, essayant de la faire grincer au minimum, dans l'espoir de ne pas réveiller Stiles si celui-ci dormait. Et il avait vu juste.

Face à lui, sur le canapé, Stiles semblait profondément endormi sur le canapé, enroulé dans ce plaid qui commençait à être le sien. Seule sa tête dépassait, mélange de peau claire, bleutée, indigo et jaune par endroits. Derek ne put empêcher un léger sourire d'apparaître sur ses lèvres, surtout lorsqu'il vit le casque audio, sur la table basse. Pas de trace du papier cadeau ni de la boîte en carton. Tout avait, lui semblait-il, fini à la poubelle. Seul le casque trônait là, fièrement, près du téléphone de l'hyperactif. Sans doute l'avait-il testé, utilisé. Derek se détourna, referma la porte aussi doucement que possible et se dirigea vers la cuisine. Avec tout ça, il n'avait pas eu le temps de manger alors autant faire quelque chose – tout en faisant attention à ne pas faire trop de bruit, histoire de ne pas réveiller le bel endormi. Le lycanthrope fronça légèrement les sourcils en voyant un petit papier sur l'îlot central. Curieux, il le déplia et reconnut tout de suite l'écriture de Stiles. Les mots avaient beau être peu nombreux, le simple fait qu'il lui avait écrit quelque chose de lui-même faisait naître en lui une chaleur inédite.

« Je ne sais pas à quelle heure tu rentres mais je t'ai fait quelque chose, dans l'optique où tu n'aurais pas eu le temps de manger. C'est pas ouf, sincèrement, mais ça t'évitera de t'emmerder à te préparer un truc.

Sinon à part ça, c'est dans le frigo. »

Derek sourit, trouva effectivement un plat tout à fait appétissant et s'empressa de le manger. Si Stiles ne l'avait pas remercié avec des mots, sa reconnaissance était palpable autant dans l'humeur de sa lettre que dans son plat que Derek dégusta avant de tout débarrasser, laver, ranger. Prêt à aller faire sa toilette avant d'aller au lit, il sortit de la cuisine après l'avoir éteinte et passa devant le canapé sur lequel Stiles semblait si bien dormir. Le loup ne le dérangea pas et éteignit simplement la lampe sur pied qui se trouvait à côté du canapé.

Une fois sa toilette nocturne faite, Derek partit se coucher, un peu plus léger.

xxx

Ce matin-là, Stiles ouvrit les yeux avec l'agréable sentiment d'avoir bien dormi. Il n'avait pas ressenti cela depuis un bon moment. Parce qu'avant de dormir, au lieu de s'abrutir avec une dose double d'Adderall couplée à un antalgique, Stiles avait pris un seul comprimé de chaque, ce qui était le maximum qu'il se devait de prendre. Par conséquent, il se réveillait moins fatigué et ressentait moins la lourdeur de chacun de ses membres. Sortir du royaume des songes lui parut alors moins compliqué que d'ordinaire et c'est d'humeur légère qu'il se leva. Avant de s'autoriser un petit-déjeuner, l'hyperactif plia le plaid et le posa sur l'un des larges accoudoirs du canapé et tapota son oreiller pour qu'il retrouve sa forme d'origine avant de le placer au coin du meuble sur lequel il passait ses nuits. Il se tourna et son regard se posa sur le casque qu'il avait délicatement posé sur la table basse la veille après l'avoir utilisé. Un léger sourire étira ses lèvres tandis qu'une bouffée de chaleur agréable le prit et réchauffa son cœur. Derek. Il avait envie de voir Derek. Celui-ci, vu l'heure, devait sans doute dormir alors… Pourquoi pas lui préparer quelque chose ? C'était ce qu'il faisait la plupart du temps mais là, l'intention était différente. Stiles ne faisait pas ça pour éviter de se faire virer de chez lui. Il s'occuper du petit-déjeuner pour lui faire plaisir. Sa lettre lui avait fait de l'effet. Si l'adolescent n'avait pas encore tout assimilé de la teneur des mots du loup, un changement s'était toutefois opéré en lui. Il avait eu… Une sorte de déclic. C'était léger, mais assez fort pour l'avoir poussé la veille à ne pas doubler les doses de ses médicaments. Il avait hésité, un peu, mais il avait imaginé Derek écrire cette longue lettre et cela l'avait simplement conforté dans cette idée qu'il devait arrêter ce genre de bêtises. Bien sûr, Stiles ne retrouverait pas sa forme en une nuit de sommeil complète, il lui faudrait un peu de temps. Le léger allègement de la lourdeur qui écrasait ses épaules le soulagea toutefois.

Avec une bonne humeur surprenante bien que discrète et ténue, Stiles alla dans la cuisine en boîtant, ignorant royalement la douleur de sa cheville, et sortit ce dont il avait besoin pour faire un petit-déjeuner copieux. Une chose était sûre, Derek mangerait à sa faim.

- Stiles ?

Le susnommé sursauta légèrement mais ne se retourna pas tout de suite. Son prénom avait été prononcé avec un étonnement non dissimulé, comme s'il était surprenant de le trouver debout et aux fourneaux. Finalement, Stiles se tourna vers Derek et sans doute aurait-il lâché un petit cri s'il avait toujours sa voix.

Il avait oublié à quel point Derek Hale était un apollon au sens littéral du terme. Simplement vêtu d'un boxer, le loup fit quelques pas pour rentrer complètement à l'intérieur de la cuisine et Stiles… Ne savait pas quoi regarder. Les abdominaux du loup étaient extrêmement bien dessinés, ses pectoraux lui donnaient des envies, ses biceps étaient magnifiques et ses cuisses… Mon dieu. Oui, Stiles avait bel et bien oublié que son hôte était un dieu grec. Il fallait dire que ses pensées n'étaient pas fort joyeuses ces derniers jours… Si bien qu'il avait zappé certaines choses. Essayant toutefois de ne pas montrer son trouble – qui ne serait pas troublé devant une telle beauté ? –, Stiles détourna le regard et le salua timidement d'un geste de la main et se retourna vers le bacon qui cuisait. Derek était splendide, c'était indéniable mais Stiles n'avait pas le droit de montrer qu'il appréciait la vue. Ils ne jouaient pas dans la même cour et l'hyperactif n'était pas là pour tenter quoi que ce soit. Il restait au loft pour se reposer, reprendre du poil de la bête et guérir. Rien d'autre. Ce rappel froid de la réalité suffit à lui faire reprendre contenance. Toutefois, il sursauta à nouveau légèrement lorsqu'il sentit la grande main chaude du loup se poser sur sa maigre épaule.

- Tu es déjà debout ?

Bien que troublé par la soudaine proximité du lycan et la présence de son souffle non loin de son oreille, c'était… Bordel. Il n'était pas si difficile pour lui de se concentrer, cependant il fallait avouer que Derek était sacrément perturbant quand il le voulait même si, au fond, ce n'était sans doute pas ce qu'il désirait réellement. Stiles hocha la tête et mit le bacon cuit dans une petite assiette avant de sortir de nouvelles tranches.

- Il est seulement huit heures… Tu pouvais dormir plus, tu sais ?

Nouveau hochement de tête suivi d'un haussement d'épaules, voulant signifier que cela n'avait pas d'importance pour lui. En réalité, il aurait voulu lui dire qu'il avait bien dormi et s'était réveillé on ne peut plus naturellement mais son mutisme l'obligeait à se brider. Ne pouvant pas écrire quoi que ce soit vu qu'il faisait la cuisine, impossible de préciser sa pensée comme il le voudrait. Son hochement de tête et son haussement d'épaules suffiraient. Ils traduisaient l'essentiel.

- Tu ne veux pas aller te recoucher ?

Stiles secoua doucement la tête de gauche à droite avant de le regarder avec un léger sourire. Non, ça va. Derek sembla se satisfaire de cette réponse puisqu'il serra légèrement l'épaule de l'hyperactif avant d'hocher la tête et de lâcher :

- C'est un festin que tu nous fais là.

Le sourire de l'hyperactif s'élargit légèrement. Oui. Ça te plaît ? Aurait-il voulu demander. D'un geste de la main, Stiles désigna Derek, puis une chaise. Comprenant rapidement le message, le loup s'exécuta, alla s'assoir à table, un sourire amusé étirant délicatement ses lèvres. Il était étrange pour lui de voir Stiles ainsi. Sans être guéri mentalement, il semblait toutefois aller un peu mieux. Cependant, Derek voulut vérifier une chose qui lui tenait à cœur :

- Dis-moi, tu ne fais pas ça pour… Tu sais ?

A vrai dire, il ne savait pas comment formuler sa phrase et avait peur d'être maladroit dans sa tentative de s'exprimer. Alors, il attendit, espérant que Stiles comprenne. L'hyperactif se retourna, sembla réfléchir un instant avant de le regarder et d'hocher négativement la tête. Le front de Derek se barra d'un pli soucieux même s'il n'avait pas entendu d'accroc dans son rythme cardiaque.

- Tu es sûr ? Insista-t-il.

Parce qu'il était hors de question qu'il continue à vivre et à agir comme s'il pouvait être chassé à tout moment. Derek voulait absolument qu'il guérisse, que ce soit physiquement ou mentalement. Pour ça, il était prêt à beaucoup de concessions. La première avait été de laisser tomber son masque de gros dur, la seconde avait été de faire un effort au niveau de la communication. Même si parler n'était pas son fort, il faisait de son mieux mais il avait toutefois du mal à formuler certaines idées à voix haute. Ce qui marchait, chez lui, c'était les actes. Cependant, Stiles était un moulin à paroles et lui avait confié détester le silence à un point inimaginable. Derek se devait donc de faire des efforts de ce côté-là, au moins pour empêcher le silence de le torturer. En soi, parler n'était pas désagréable, surtout qu'il se savait pleinement écouté par l'adolescent. Ce n'était juste… Pas habituel. Pas encore, en tout cas. S'il devait garder l'hyperactif chez lui le temps qu'il aille mieux, cela risquait de prendre du temps. En passant, il faudrait qu'il pense à trouver une nouvelle excuse pour tromper le shérif et faire en sorte que celui-ci ne réclame pas son fils…

Stiles ne lui répondit pas avant d'avoir fait cuire tout le bacon. Les œufs étant déjà prêts, il le servit avant de se servir lui-même et sortit de la cuisine d'un pas rapide mais… Irrégulier. Les yeux de Derek semblèrent enfin remarquer le décalage dans ses pas, qu'il avait déjà notifié plusieurs jours plus tôt. Il allait falloir qu'il lui en touche un mot. Si la communication entre eux devenait réellement facile comme cela semblait commencer à être le cas, il n'allait pas tarder à lui en parler. Ses oreilles lupines captèrent un bruit de froissement et Stiles reparut quelques secondes plus tard, armé de son stylo et d'une feuille. Derek réprima un sourire en voyant que l'hyperactif voulait lui écrire. Sa petite lettre avait, semble-t-il, réellement fait son effet.

Stiles boita jusqu'à s'installer face à Derek et griffonna un petit moment avant de se relire d'un air adorablement concentré et de lui tendre la feuille. Le loup la prit et commença à lire.

« Je ne fais pas ça par peur de me faire chasser de chez toi. Je ne vais pas te cacher qu'une partie de moi a encore du mal à ne pas penser de cette manière, mais ça va. J'essaie de contrôler cette partie-là. Ta lettre m'a fait du bien, tu sais ? Elle m'a fait me rendre compte que j'avais peur. Tout le temps. En fait, elle m'a montré que tu pensais à moi et je… Pour être honnête, ça m'a fait quelque chose. Depuis combien de temps m'a-t-on oublié ? Je ne sais pas mais en tout cas, tes mots m'ont touché. Tu m'as dit que j'avais le droit d'exister alors… J'essaie.

Et je me suis dit que, peut-être, un petit-déjeuner copieux pourrait te faire plaisir. Parce que je voulais te remercier. Tu m'aides, tu surveilles l'évolution de mes blessures, tu me loges, tu me nourris… Peu de gens feraient ça pour moi à l'heure actuelle. Et puis, bordel. Tu m'as offert un casque. Un putain de casque. Je savais que t'étais pas dans le besoin, mais t'étais pas obligé d'en prendre un aussi cher. J'ai vu la marque, tu sais ? J'ai beau être muet, je suis pas aveugle, ni neuneu. En plus, tu l'as pris version bluetooth. Tu peux pas savoir à quel point ça faisait longtemps que j'en voulais un comme ça et le son est juste… D'une qualité folle. Mais ça reste quand même cher, donc… J'ai un peu de mal à l'accepter, mais merci. Bordel, merci. Je te revaudrai ça, c'est juré. J'ai pas de thune mais je trouverai un moyen de te rendre la pareille. Merci, Derek. Merci infiniment. »

Derek laissa un petit sourire étirer ses lèvres. Stiles était aussi bavard à l'écrit qu'à l'oral et lire ses mots dans sa tête lui donnait l'impression d'entendre sa voix. A cette pensée, son cœur se serra. Stiles n'avait pas changé, au fond, mais son mutisme le bridait. Le loup leva son regard si particulier vers l'adolescent. Elle était toujours là, l'envie de parler, de s'exprimer verbalement. Il en mourrait d'envie et ça se voyait dans ses yeux ambrés qui lui semblaient beaucoup plus expressifs qu'auparavant. Sans doute faisait-il comme il le pouvait pour montrer ce qu'il ressentait, même si Derek pouvait sentir ses émotions à l'odeur. En somme, il ne se contentait pas de laisser les capacités lupines détecter ses ressentis, il essayait de les lui traduire comme pour montrer qu'il avait compris qu'il avait le droit de se montrer tel qu'il était. Bavard même à l'écrit, un peu fragile, abîmé, mais Stiles. Oui, il restait Stiles. Malgré l'oubli, l'éloignement, l'isolation, la solitude, il restait lui-même. Du moins, il essayait.

- Tu ne me dois rien, Stiles, dit sincèrement Derek d'une voix qu'il contrôla autant que possible. Si je t'ai fait ce cadeau, c'était simplement pour te faire plaisir. Tu n'as pas à me rembourser ou à me rendre la pareille. Profite, c'est tout ce que je te demande.

Mais l'hyperactif secoua la tête d'un air buté. Sur ce point non plus, il n'avait pas changé. Derek insista, amusé, montrant un peu plus clairement cette facette de lui que peu connaissaient :

- Je ne fais pas tout ça pour avoir quelque chose en retour, Stiles. Je veux simplement que tu guérisses, que tu te fasses plaisir, que tu te rappelles que tu as droit à un peu de tranquillité, toi aussi. Tu aimes la musique ? Alors écoutes-en. Tu as peur de me déranger avec ? Tu as ton nouveau casque. Et même, si tu veux en écouter sans, n'aie pas peur, j'aime bien la musique. Je te l'ai dit : tu as le droit d'exister.

Il vit alors Stiles rougir graduellement, au fur et à mesure qu'il prenait conscience de la portée de ses paroles. Dans son odeur, de la gêne, un peu de peur, de l'espoir, de la joie. Il était partagé, mais il comprenait. L'hyperactif reprit la feuille et se mit à écrire en-dessous de son gros pavé, avant de tendre le papier à Derek un peu plus tard, sans même s'être relu. Cette fois, la tristesse était claire dans son odeur.

« Je vais essayer. Je ne promets rien, mais je vais essayer. C'est pas facile, tu sais ? Tu me demandes de déconstruire quelque chose qui s'est fait tout seul ces derniers temps. Depuis que je parle plus, tu sais… Tout devient clair. Derek, tu es la première personne à m'aider, à me remarquer. Je ne sais pas si tu t'en rends compte.

Pendant plus d'un mois, j'ai été seul. C'est peu, dans une existence. Mais pour moi, c'était… C'était le pire mois de ma vie. Un seul mois a suffi à briser toutes mes certitudes, mes convictions. J'ai l'habitude d'être abandonné de temps en temps, mais… Scott et les autres, ils reviennent toujours et après, ils m'épaulent. Là, rien, absolument rien… Je veux dire, c'est ça, l'importance que j'ai pour eux ? Stiles Stilinski, c'est juste le bon pote qui est là quand on a besoin, et après ? Quand il a besoin d'aide, lui, pourquoi on ne la lui apporte pas ?

Mais au final, vous m'avez aidé, toi et Lydia. Et je m'en rends compte. Je sais que j'ai pas été cool, la première fois, surtout avec elle et je… J'espère qu'elle me pardonnera. J'imagine que… Je devrais accepter qu'elle passe. Je sais que c'est elle qui te passe les cours pour moi. Oui, Derek, je t'ai entendu parler au téléphone avec elle, l'autre fois. Elle peut venir, je… Je suis prêt, je pense que ça ira. »

Derek lit, mais bien vite, Stiles continua d'écrire sur une autre feuille. Son stylo grattait le papier à une vitesse impressionnante. Néanmoins, sa frustration, sa tristesse et son ressentiment étaient palpable. Il relevait cette injustice folle qu'il avait vécue et osait enfin en parler de son plein gré.

« J'en veux à Scott. Je suis désolé, mais je lui en veux. Je l'ai appelé à l'aide, plusieurs fois, de manière plus ou moins discrète. Si ça concernait la meute, il était ok pour m'écouter : dans le cas contraire, il était soudainement occupé. Tu as besoin d'aide ? Ça concerne tes recherches, la meute ? Non ? Désolé, je dois voir Malia, je suis avec Malia, je montre un truc à Malia… L'amour, c'est bien, c'est cool, mais où est l'amitié dans tout ça ? Il est avec elle, c'est cool, je suis content, si elle est heureuse avec lui. Non, ce qui me dérange, c'est qu'il ne pense qu'avec sa bite. S'il n'y a pas d'urgence ou s'il ne considère pas ton souci comme vital – j'entends par là ultra dangereux et qui ne met pas en péril ses petits rendez-vous amoureux – c'est mort, tu te démerdes. Tu te souviens de l'épisode de la piscine ? C'est un bon exemple.

Je lui en veux. Bordel, je lui en veux. Désolé, Derek, je me plains, mais je… Je crois que j'en ai besoin. Il faut que je te le dise. »

- Tu peux tout me dire, lui assura le loup après sa lecture.

Stiles, qui attendait son feu vert pour continuer, replongea dans l'écriture. Il tremblait. Maintenant que Derek lui avait fait ouvrir les vannes, il déversait tout ce qu'il pouvait dans l'urgence, comme s'il pensait ne pas pouvoir le faire plus tard. Derek comprit tout de suite qu'il en avait le courage, pour l'instant, mais que ce courage serait de courte durée. Alors il prit son mal en patience et attendit.

« Je n'ai pas souvent fait appel à lui, j'avais peur de… De le déranger. A ce moment-là, je commençais déjà à sombrer. On me tabassait déjà et… Personne ne le savait. Un jour, j'étais à bout. Ils venaient de partir, ils m'avaient laissé conscient mais mal en point, dans un coin derrière le lycée. Personne n'y allait jamais et comme je ne pouvais pas faire de bruit… C'était l'idéal, tu vois ? »

Derek serra les dents et dut faire une pause dans sa lecture. S'il se contrôlait plutôt bien, il ne pouvait toutefois pas empêcher la colère de le secouer et de lui rappeler ce jour où il avait découvert Stiles en sang, au sol, avec une bande d'abrutis penchés sur lui, le frapper alors qu'il avait perdu connaissance. Il se souvenait de tous leurs visages. La manière qu'avait l'hyperactif de parler de ce qui lui était arrivé, c'était… Révoltant. C'était comme si c'était normal. Ses grandes mains froissèrent légèrement le papier. S'il ne se retenait pas, il l'aurait déjà déchiré en mille morceaux, comme pour foutre en l'air ces moments d'horreurs qu'avait vécu l'adolescent. Si le passé pouvait se réécrire, Derek l'aurait fait avec joie. Toutefois, il se força à continuer de lire. Si Stiles se confiait à lui encore une fois de son plein gré, ce n'était pas pour rien. Il se devait de l'écouter, même si ses mots n'allaient pas jusqu'à ses oreilles.

« Quand ils en ont eu terminé avec moi, je me suis retrouvé seul, à bout. Même si j'avais rien dit jusque-là, j'avais eu soudainement envie de tout lâcher, de tout dire à Scott. Je lui ai envoyé un message. Je lui ai dit que ça n'allait pas et… Enfin, je pense qu'une image vaut mieux que des mots. »

Derek releva les yeux et vit Stiles qui lui tendait son téléphone. L'écran était fissuré à plusieurs endroits, il avait pris cher. Néanmoins, il fonctionnait toujours plus ou moins normalement. Le loup prit le cellulaire dans ses grandes mains et vit clairement la minuscule conversation datant de plusieurs semaines. Elle s'étala sous ses yeux, insolente.

« Scott, je ne vais pas très bien. » - 13h35

« A cause de ta voix ? Ne t'inquiète pas, ça reviendra. » - 13h57

« Tu peux venir deux minutes s'il te plaît ? » - 13h58

« Pas tout de suite, Malia a un truc à me montrer. Après les cours ? » - 14h08

C'était tout pour ce jour-là. Non seulement Scott avait répondu avec un retard monstre, mais en plus… Comment avait-il pu ignorer les soucis de Stiles d'une telle manière ? L'hyperactif n'était pas du genre à se plaindre. Lorsqu'il le faisait réellement, sans faux-semblants, il fallait le prendre au sérieux. Si Stiles n'était pas emballé par une idée, il le faisait en mettant l'accent sur sa fragile nature humaine. Pour qu'il avoue de but en blanc qu'il n'allait pas très bien… Définitivement, l'alpha avait fait une erreur. Et puis, pourquoi obligatoirement relier son mal-être à son absence de voix ? Ne se doutait-il pas que son meilleur ami pouvait avoir d'autres problèmes ? Il se pencha à nouveau sur la feuille de papier tout en rendant son téléphone à l'adolescent.

« Ce jour-là, je suis rentré chez moi comme j'ai pu. J'ai eu de la chance que mon père n'ait pas été là. J'avais du mal à marcher, je boitais. Je voulais que Scott vienne, qu'il m'aide, parce que marcher, c'était trop douloureux. Mais il voulait montrer un truc à Malia alors à partir de là, je me suis complètement renfermé sur moi-même, j'ai plus eu la foi de parler de ça à qui que ce soit. Je pense que cet épisode m'a braqué et c'est sans doute pour cette raison que je vous ai aussi mal accueillis, toi et Lydia. »

Derek comprenait. Il comprenait totalement. A sa place, il aurait sans doute réagi de la même façon et abandonné l'idée de recevoir une quelconque aide extérieure. Après tout, si son meilleur ami n'avait pas levé le petit doigt pour lui, qui d'autre l'aurait fait ? Désormais, Stiles avait sa réponse : Derek. Si on le lui avait dit quelques semaines plus tôt, sans doute n'y aurait-il pas cru. Toutefois, c'était désormais le cas. En à peine quelques jours, le loup en avait plus fait pour lui que n'importe quel autre membre de la meute. Lydia arrivait en seconde position. Pour le coup, la banshee rayonnante de beauté agissait comme une femme de l'ombre, assurant la justification de leurs absences aux réunions de meute et transmettant à Derek les cours et devoirs pour Stiles. Ce dernier songea qu'il devait sérieusement faire des efforts et s'excuser auprès de la blonde vénitienne. Cela viendrait mais d'abord, il devait terminer ce qu'il avait commencé. Sa confession… Il avait envie et besoin de la terminer. Il n'en voulait à personne, pas même à ses agresseurs. La seule et unique personne envers laquelle il avait de la rancœur, c'était bien Scott. Il n'allait rien faire pour se venger, le simple fait de verbaliser son ressenti à ce sujet était un semblant de délivrance. Alors, il écrivit autre chose tout en faisant défiler une page sur son téléphone. Une fois qu'il eut fini des deux côtés, il tendit le tout au loup.

« La suite, tu la connais. Vous êtes venus, je vous ai jetés et j'ai continué de dissimuler tout ça au lycée.

Le lendemain, j'ai ignoré Lydia comme la peste. J'avais honte et très envie de lui parler mais je me suis retenu. Le soir, j'ai fait des recherches pour la meute et j'ai eu un sursaut de lucidité. Vous me manquiez, tous. J'ai envoyé un message à Scott pour l'informer de mes petites découvertes et même si mes recherches n'avaient pas donné grand-chose, il était content. Et puis je me suis dit que c'était le moment ou jamais. Il fallait que je tente de lui parler. Il m'avait répondu rapidement, ce qui voulait dire qu'il était disponible. Je me sentais mal et j'y voyais là un espoir. Alors j'ai tenté. »

Sous les yeux de Derek, à sa gauche, le téléphone abîmé attendait. Il parcourut la conversation en un temps record.

« Scotty… Je pourrais te parler, s'il te plaît ? » - 22h08

« Désolé Stiles, Malia vient d'arriver et ça fait longtemps qu'elle n'est pas venue à la maison. On se parle plus tard, d'accord ? » - 22h10

« Scott, c'est important. » - 22h11

« Tu as trouvé de nouveaux éléments, c'est ça ? Ok, dis-les-moi. Si on peut avancer et en terminer avec cette histoire, autant en profiter. » 22h11

Stiles ne lui avait jamais répondu. La suite n'était qu'un ramassis de messages de Scott laissés sans réponse. Et Derek comprit totalement pourquoi. L'hyperactif face à lui avait perdu patience et cessé de faire des efforts pour rien.

xxx

- Fais-moi voir cette cheville, fit doucement Derek, installé au bord de la table basse, comme à son habitude.

Assis sur le canapé, Stiles soupira. Evidemment, cela devait arriver. Il en avait parlé dans un de ses mots et le loup l'avait retenu. Mais bon, il se devait de lui faire confiance. Ce n'était pas la pire de ses blessures, Derek en avait vu d'autres. Alors, il enleva sa chaussette et releva son pantalon, assez pour laisser sa cheville bien visible. Le loup attrapa son pied et le fit reposer sur ses cuisses à lui. Ainsi, la jambe de Stiles était tendue. Si son visage restait impassible, il n'en pensait pas moins.

Stiles aurait dû lui parler de ça. Il aurait clairement dû lui faire part de sa douleur. C'était impossible qu'il ne souffre pas à chaque pas. Sa cheville était bien sûr assez gonflée et un bleu en partait, s'étendait jusque sur le côté intérieur de son pied. Derek lui passa une feuille parmi la réserve qui se trouvait à côté de lui, ainsi qu'un stylo, avec son support habituel. Gardant sa main libre sur le pied de l'adolescent, il releva les yeux et lui demanda très sérieusement :

- Est-ce que tu pourrais m'expliquer ce qu'il s'est précisément passé pour que ta cheville soit dans cet état-là ?

Stiles hocha la tête et commença à écrire. Ce fut court, si bien que Derek ne mit pas bien longtemps à lire ses mots.

« En fait, je les fuyais. Je courais, j'ai descendu les escaliers de l'étage du lycée, j'ai commencé à tomber et je me suis mal réceptionné. Quand ils ont vu que je me suis fait mal là, certains se sont amusés à taper dedans. Voilà. »

Derek hocha la tête en le regardant, signe qu'il avait compris. A l'intérieur, il bouillonnait. Les messages de Scott, il les avait encore en travers de la gorge. Mieux valait qu'il évite d'y penser ou bien il commettrait un meurtre incessamment sous peu.

- Et évidemment, tu as continué de marcher dessus sans te soucier de ce que tu pouvais avoir, ne put-il toutefois s'empêcher de lâcher.

Stiles se mordit la lèvre inférieure d'un air gêné et écrivit rapidement ceci :

« Je pensais que c'était rien. C'est rien, n'est-ce pas… ? »

Derek secoua la tête d'un air désespéré et examina sa cheville comme il le put, avec les moyens du bord. Tout ce dont il était sûr, c'est qu'il n'avait rien de cassé. De toute manière, Deaton l'aurait vu. En tout cas, cela ressemblait à une bonne entorse dont il n'avait absolument pas pris soin. Par chance, Derek savait quoi faire. Tout en surveillant les expressions faciales de l'adolescent, il commença à lui masser la cheville et y alla plus doucement lorsqu'il le vit grimacer. A l'avance, il avait amené un gros tube de pommade, qu'il savait marcher pour ce genre de choses. C'était l'équivalent du Voltarène. Pourquoi, en tant que loup-garou, avait-il quelque chose de ce style dans son armoire à pharmacie ? Parce que la meute dont il faisait partie ne contenait pas seulement des loups-garous et autres métamorphes, mais également une banshee et deux humains. Derek avait pris les devants depuis bien longtemps. Il ne put s'empêcher de penser qu'il aurait fait un bon alpha, au moins dans ce domaine-là.

- T'as une belle entorse. Elle aurait dû guérir depuis longtemps mais puisque tu ne ménages absolument pas ta cheville, elle ne bouge pas, du moins pas dans le bon sens.

Si ses mots laissaient entendre une espèce de reproche sous-jacent, ce n'était pas le cas de son ton. Derek était incapable d'en vouloir à Stiles pour ne pas avoir pris soin de lui-même. Il s'était débrouillé tout seul durant trop longtemps. Comment aurait-il pu se soigner alors qu'il se faisait sans cesse mettre à terre ? Puis il ne mentait pas, pour sa cheville. Il croyait effectivement dur comme fer que ce n'était rien. Son volume commençait à être inquiétant, mais Derek savait que cela irait. Il était là, maintenant.

Derek se retroussa les manches. De sa main droite, il prit le tube de pommade et en versa une assez bonne quantité dans son autre main. Il les frotta l'une contre l'autre et les posa sans préambule, mais avec une étonnante douceur, sur la cheville enflée de l'hyperactif. Ce dernier hoqueta silencieusement, ne s'attendant pas à ce que le produit soit aussi froid. C'était une sorte de gel glacé, qui sembla toutefois se réchauffer rapidement grâce aux grandes mains du loup, qui le massait avec lenteur, allant jusqu'à la plante de son pied, histoire de le détendre également. Il appuya sans trop forcer sur les bleus présents et fit bien attention à ne pas trop accentuer les grimaces de l'adolescent. Il était obligé de lui faire un peu mal, mais il faisait en sorte de lui en faire le moins possible. Son but, après tout, c'était bien de l'aider. Voir son visage déjà bien abîmé se crisper à cause de la douleur lui serrait le cœur, si bien qu'en même temps, il la lui prit. Cela ne lui coûtait rien, après tout. Stiles haleta, avant de soupirer de bien-être. L'air détendu qui s'inscrivit sur son visage encore un bien tuméfié soulagea Derek, qui ne laissa pas la souffrance prise à l'hyperactif l'affecter. Cette douleur, ce n'était pas rien, mais ça allait. C'était quelque chose qu'il pouvait aisément supporter. Il en avait vu d'autres. Et puis, voir autre chose que de la peur, de la douleur ou de la tristesse s'imprimer sur les traits de l'adolescent lui faisait du bien.

Le regard reconnaissant qu'il lui lança, accompagné de ce faible sourire qui en disait long sur sa pensée, lui réchauffa le cœur. Stiles, en plus de cela, leva un pouce en l'air. Il s'y prenait bien. Derek Hale, l'handicapé social de service – selon Peter – s'y prenait bien. Après tout, il avait la validation du principal intéressé. Alors, il s'autorisa un demi-sourire.

Oui, définitivement, il s'améliorait.

xxx

- Tu es sûre ?

- Oui, malheureusement. Ça ne peut pas continuer comme ça, Derek, il faut qu'on fasse quelque chose, quitte à mentir ou tout déballer, je ne sais pas, mais on ne peut pas laisser la situation s'enliser de cette manière.

- Qu'est-ce qui se passe ?

Derek se mordit un instant la lèvre inférieure tout en se triturant, de sa main libre, sa barbe toujours fort bien taillée. Les nouvelles de Lydia, qu'il avait actuellement au téléphone, n'étaient pas extrêmement bonnes.

- Il parle dans son dos, Derek. Et pas en bien.

La voix de la banshee n'était pas des plus assurées. C'était limite si elle tremblait. De peur ou de rage, il n'en savait rien. Concernant son propre cas, il n'y avait aucun doute. La grosse discussion qu'il avait eue avec Stiles datait seulement de la veille, alors tout était encore frais. Il savait que Scott n'était pas un très bon ami pour l'hyperactif, mais jamais il aurait imaginé que son côté ingrat aurait été aussi poussé. Les perches tendues par le fils du shérif étaient sacrément visibles, il fallait vraiment y aller pour ne pas les attraper. Soit Scott était aveugle, soit il avait délibérément ignoré les tentatives désespérées de Stiles pour obtenir ne serait-ce qu'un peu de soutien, une petite aide. Pas grand-chose, juste un peu d'attention. A force, Derek avait des doutes concernant ce chiot qui leur servait à tous d'alpha. Il était idiot, certes, mais la stupidité n'excusait pas tout. Avec ce que Lydia était en train de lui dire, le lycanthrope penchait plus pour l'ignorance volontaire. C'était bien plus confortable de faire comme s'il n'avait rien vu, rien compris, rien deviné. Oui, c'était beaucoup plus simple de ne pas savoir. Derek manqua de peu de grogner.

- Il n'a même pas remarqué ses absences en cours, il… Il ne s'inquiète que des recherches que Stiles doit faire et de ses absences aux réunions, comme si c'était tout ce qui comptait.

- Qu'est-ce qu'il dit ? Se risqua à demander Derek malgré la rage qui le prenait aux tripes.

L'injustice l'avait toujours révolté. Celle-ci était énorme.

- Que Stiles est un idiot, un inconscient, qu'il ne prend pas assez au sérieux les affaires de la meute. Il a aussi dit que le silence de Stiles concernant ses recherches est très emmerdant. Selon lui, son manque d'investissement met la meute en danger, mais ce n'est pas tout.

Pour Derek, c'était plutôt pas mal. En fait, il se demandait pourquoi il avait voulu en savoir plus alors que la moindre information lui donnait envie d'encastrer Scott dans un mur.

- Je l'ai entendu dire à Isaac et Jackson que si l'un de nous se retrouvait blessé, ce serait uniquement de la faute de Stiles qui nous aurait ralenti. Selon lui… C'est Stiles qui se retrouvera avec du sang sur les mains et il n'aura, toujours selon lui, pas le droit de se plaindre.

- Je vais le buter.

Ça venait du cœur.

Scott ne perdait rien pour attendre. Ce qu'il avait osé dire, ce n'était pas digne d'un ami, encore moins d'un alpha. Les mots sortirent de la bouche de Derek avant même qu'il ait pu réfléchir :

- La prochaine réunion de meute se tiendra au loft.

Sa voix était si froide et pleine de rage contenue que cette simple annonce sonnait comme une menace. Personne n'avait intérêt de le contredire ou bien ladite personne en paierait les frais.

Derek sentit soudain une chaleur douce s'insinuer en lui depuis son épaule. La légère pression exercée par les doigts fins et l'odeur qui s'insinua dans ses narines le détendirent instantanément, assez pour le pousser à se calmer. Sans éloigner le téléphone de son oreille, Derek se tourna vers l'hyperactif qui le regardait d'un air interrogateur. Sans doute voulait-il savoir ce qu'il se passait, comprendre ce qui poussait son loup protecteur à transpirer la rage de la sorte, lui qui était d'ordinaire si calme…

- Transmets-lui le message, dit-il d'une voix un peu plus posée avant de raccrocher.

Sous le regard perdu de l'hyperactif, Derek rangea son téléphone dans sa poche avant de poser sa main sur celle de Stiles, qui n'avait pas quitté son épaule. Elle semblait y avoir étrangement sa place. Sans briser leur contact physique, Derek se rapprocha de l'hyperactif et vit qu'il se tenait bien droit, campé sur ses deux jambes. Le loup fronça les sourcils et relégua sa haine envers Scott au second plan. Là, tout de suite, c'était Stiles, sa priorité.

- Qu'est-ce qu'on avait dit ? Tu dois éviter le plus possible de marcher.

Sa voix n'était pas totalement dépourvue de colère, ce qu'il avait appris était encore trop frais. Néanmoins, il parvenait assez bien à se contrôler. Il fallait dire que l'odeur de Stiles avait un effet étonnamment apaisant et son regard perdu le faisait fondre… Quoi ? Derek chassa bien vite ce genre de pensées mais n'enleva pas pour autant sa main de celle de Stiles. Elle était bien, là. L'hyperactif, lui, leva les yeux au ciel, l'air de dire « ça vaaa, c'est bon. »

- Je suis sérieux, Stiles, insista-t-il. Ta cheville a besoin que tu la ménages pour guérir.

Mais l'hyperactif réitéra son action insolente et le regarda intensément en le pointant du doigt de sa main libre. Lui non plus ne chercha pas à briser leur contact.

- Quoi ?

Stiles appuya un peu plus son doigt contre son torse et les traits de son visage se crispèrent en une grimace de colère feinte et pas extrêmement crédible. Cependant, cela suffit pour que Derek comprenne qu'il s'agissait d'une grossière imitation de lui-même quelques secondes plus tôt. Il soupira de lassitude.

- Tu veux vraiment savoir ?

Pourquoi donc chercher à lui mentir alors que Stiles était honnête avec lui ? Et puis… Derek ne voyait pas l'intérêt de faire comme si tout allait bien. De toute manière, son protégé ne l'aurait pas cru. Il avait beau être muet, il n'avait rien perdu de sa vivacité d'esprit.

Stiles hocha la tête.

- J'imagine que tu ne vas pas me laisser tranquille tant que tu ne sauras pas ?

Nouveau hochement de tête.

- Très bien, lâcha Derek, inexpressif.

La seconde d'après, Stiles aurait bien poussé un petit cri de surprise s'il avait sa voix, car Derek venait de passer un bras derrière ses genoux et un autre dans son dos avant de le soulever du sol à une vitesse ahurissante. Celle d'un loup-garou. Le voilà alors dans les bras du loup-garou sexy sur lequel il avait des vues, comme une princesse, à étouffer comme il le pouvait de potentiels rougissements. L'attitude de Stiles manqua de faire rire Derek, qui laissa tout de même un petit sourire amusé étirer ses lèvres.

xxx

« Donc… Scott parle dans mon dos. Et il me met la faute de tous ses malheurs dessus. C'est vrai que c'est pratique : je ne suis pas là. J'ai envie de le frapper. J'ai toujours su qu'il lui manquait une case, mais à ce point-là… Tu vois, je suis pas souvent rancunier, mais là, je lui en veux vraiment. J'ai toujours été là pour lui, toujours ! Je ne lui ai jamais fait faux bond et je lui ai toujours pardonné ses absences, même si elles ont failli me coûter la vie à plusieurs reprises ! Bordel, je lui ai fait quoi pour qu'il me laisse tomber de cette manière ? Je lui ai fait quoi pour qu'il dise toutes ces choses sur moi ? Je lui ai fait quoi, bordel ?! »

Derek releva les yeux de la feuille qu'il tenait entre ses doigts et vit que Stiles s'était relevé. Il faisait les cents pas, les sourcils froncés, un air renfrogné collé au visage. La colère émanait de son odeur et c'était franchement compréhensible.

Derek avait voulu jouer la carte de l'honnêteté. Et même si Stiles souffrait de cette révélation, le loup avait senti que c'était la bonne décision, la chose à faire. L'hyperactif détestait les mensonges. Cependant…

- Stiles, assieds-toi.

… Il ne ménageait toujours pas sa cheville. L'hyperactif continuait de tourner en rond en boitant. Ses yeux brillaient, mais pas de joie. Derek ne ressentait aucune culpabilité : il avait toujours été du genre direct et s'il avait bien compris une chose, c'était bien que Scott se foutait complètement de Stiles, en témoignaient tous les indices lâchés par l'hyperactif et les preuves qui le confirmaient, fournies par Lydia. S'il lui avait caché ce que disait Scott dans son dos, le fils du shérif lui aurait sans doute pardonné, encore, dès que le chiot se serait excusé sans réellement être sincère. Et tout aurait recommencé, encore et encore. Stiles se serait laissé traîner dans la boue sans s'en rendre compte. Derek se devait donc de lui ouvrir les yeux et c'était ce qu'il avait fait, sans déformer les paroles de Lydia. Fervent défenseur de la franchise, il n'avait rien inventé, rien enjolivé, rien empiré. Il avait transmis avec exactitude les mots de la banshee, tout en espérant en son for intérieur que les autres membres de la meute n'étaient pas d'accord avec leur alpha. S'ils se mettaient à leur tour à descendre l'hyperactif, le lycanthrope serait bien déçu. Stiles avait ses défauts et il fallait dire qu'autrefois, il parlait beaucoup. Ça l'énervait, lui aussi, mais jamais au point de souhaiter que sa voix disparaisse. Derek aimait le calme, mais celui-ci avait perdu toute sa saveur depuis que l'hyperactif s'était retrouvé emprisonné par ce mutisme forcé. L'agitation lui manquait. La voix de Stiles lui manquait. Son sarcasme lui manquait. Seul son regard restait le même. Au fond et derrière cette psyché effondrée, subsistait encore un peu du Stiles qu'il avait connu. Bruyant, franc, pétillant de vie.

- Stiles, l'appela-t-il à nouveau un peu plus fortement.

L'hyperactif s'arrêta, mais resta dos à lui. Sa jambe complètement valide ne bougea pas d'un millimètre mais l'autre tremblait légèrement, car faible et trop utilisée. L'odeur de Stiles, elle, changea légèrement. Elle devint graduellement un peu plus épicée, semblable à la fragrance fraîche d'un pré juste avant le passage de la pluie. Elle avait ce petit côté piquant de la tristesse qui émergeait, sans avoir encore éclaté. La colère dominait encore dans son parfum naturel mais la fragrance particulière de ses larmes était là.

Des larmes de rage.

Derek posa la feuille sur laquelle les pensées de Stiles étaient inscrites et se leva doucement. Il avait l'impression que n'importe quel mouvement brusque pouvait faire fuir son petit protégé. Mu par un instinct qu'il ne se connaissait pas, il avança, lentement, jusqu'à se retrouver à deux pas de l'hyperactif. Ses épaules, il les voyait tressauter, mais c'était si léger que seul un œil de loup-garou aguerri pouvait notifier ce fait. Stiles pleurait déjà, d'un silence tel que c'en était alarmant. Il aurait pu renifler bruyamment, montrer de manière un peu plus directe ce qu'il ressentait, mais non. Bordel, put seulement penser Derek. Il savait que dire la vérité à l'hyperactif lui ferait mal. Il en était bien conscient. Cependant, il avait déjà oublié que l'hyperactif ne pouvait plus autant exprimer ses émotions qu'auparavant. L'entendre pleurer silencieusement était sans doute la pire des choses qu'il ait eu à vivre, étrangement. Le loup se rendit compte qu'il aurait préféré l'entendre hurler tout un tas d'insanités, le voir frapper quelque chose, déverser sa colère franchement. Mais pas pleurer. Non, définitivement, il ne voulait pas qu'il pleure. Son propre cœur se brisait à la vue de ces sanglots discrets et on ne peut plus silencieux. A l'intérieur de lui, son loup glapit. Et Derek lâcha la bride sans réellement s'en rendre compte. On ne peut plus perturbé par les émotions de Stiles, il avait baissé sa garde et la bête à l'intérieur de lui prit le relais, trouvant l'humain trop lent.

Stiles sursauta en sentant Derek passer un bras autour de lui tandis que le second entourait déjà ses épaules. Le torse musclé du loup se colla contre son dos et l'hyperactif ressentit alors une étrange chaleur l'envahir. Ce contact, c'était… Comment un loup-garou pouvait-il produire autant de chaleur ? Pour autant, ses sombres pensées ne le quittèrent pas. Elles se battirent pour prendre le contrôle de corps abîmé, roué de coups à de nombreuses reprises.

Une main refermée sur son épaule en un geste protecteur et l'autre posée sur son ventre avec une étrange tendresse redressèrent légèrement ses pensées alors que les larmes ne s'arrêtaient pas de couler. Pourtant, peu à peu, Stiles se laissa aller contre ce corps qui le tenait contre lui et d'étranges frissons le parcoururent, allant de son cou au reste de son corps. L'esprit embrumé, il mit un peu de temps à se rendre compte que les lèvres de Derek étaient là, sur lui, embrassant avec une tendresse folle la peau constellée de grains de beauté de son cou. Ce constat fait, il ne s'éloigna pas, ne protesta pas, bien au contraire : ressentant ce besoin de calmer cette douleur mentale lancinante, Stiles rejeta sa tête en arrière, sur l'épaule du loup, donnant un meilleur accès à celui-ci, qui l'étreignait et ne semblait pas prêt à le lâcher. De baisers en frissons, ses larmes finirent par se tarir et l'affection dont il bénéficiait acheva de le calmer en quelques minutes seulement. Et puis, la bouche de Derek migra vers sa mâchoire, qu'il mordilla doucement avant de retourner prendre soin de son cou, dont la peau commençait à rougir sous tant d'assauts enjôleurs.