- Stiles, souffla Jackson, complètement abasourdi par la vision qui s'offrait à lui.

Il était là, assis au bord de la baignoire, les joues inondées de larmes et le visage dans un état catastrophique. Enfin c'était ce qu'il pensait, mais qu'aurait-il dit s'il l'avait vu quelques jours plus tôt et plus précisément le jour où Derek l'avait sauvé de ses six bourreaux ? Jackson voyait son visage alors qu'il avait déjà commencé à guérir et bien des bleus avaient disparu. S'il en restait, ce n'était rien par rapport à ce qu'il y avait au départ mais ça, le kanima ne pouvait pas le savoir. Malgré le choc non seulement de voir Stiles mais aussi et surtout de le voir dans cet état, Jackson s'accroupit devant lui et posa sa main sur son épaule.

- Qu'est-ce qui t'est arrivé ? Murmura-t-il, abasourdi.

Mais Stiles ne répondit pas : sa bouche s'ouvrit mais aucun son n'en sortit. Sa voix n'était toujours pas revenue. En tous les cas, il tremblait et son odeur suintait la peur, mais aussi la souffrance. Ne pouvant pas rester de marbre face à ce triste spectacle, Jackson vint s'accroupir devant lui et posa une main sur son genou.

- Ecoute, tout va bien, d'accord ? T'es en état de m'expliquer ce qui t'est arrivé ?

Stiles secoua la tête à l'entente de la première question – qui n'en était pas vraiment une. Rien ne va, Jackson. Puis, il hocha la tête concernant la deuxième. Oui, il pouvait écrire et espérer lui faire comprendre qu'il ne voulait pas qu'on sache qu'il était là, tout comme il espérait également que Jackson n'irait pas le mettre volontairement dans de beaux draps. Mais surtout, il pensa à Scott. A cette proposition qui avait semblé le ravir : le bannir de la meute. Et son cœur se brisa une nouvelle fois. Mais le pire, c'est que Jackson était là. Il le voyait pleurer, il voyait son visage tuméfié.

Il allait se moquer de lui, le descendre, allait trahir sa présence en racontant à tout le monde qu'il était là, au loft, à l'étage. Et alors, tout le monde saurait qu'il n'était pas absent, qu'il était dans un état pas possible, que… Derek l'hébergeait. A partir de ce moment-là, le loup serait mêlé à l'affaire de manière directe : on le verrait comme celui qui gardait l'erreur de la meute, celui qui le protégeait alors qu'il manquait à ses devoirs de pauvre humain de pacotille. On allait le stigmatiser et peut-être, l'isoler, comme on l'avait isolé lui, Stiles Stilinski. Mais ça, il n'en était pas question, Derek ne méritait pas ça. Alors, après avoir péniblement essuyé un nouveau flot de larmes, Stiles se leva comme il le put et fit signe à Jackson de le suivre. Le kanima le vit alors boiter de manière significative, ce qui lui fit froncer les sourcils. Jusqu'à quel point Stiles était-il en mauvais état ? Qu'est-ce qui s'était passé ? Jackson se mordit la lèvre. Rien de tout ça ne lui plaisait.

Ils arrivèrent rapidement dans la chambre de Derek, si Jackson en croyait son odorat. Quelques affaires qu'il reconnaissait traînaient çà et là – des marcels et jeans, principalement – mais ce qui détonnait, c'était ce tas de feuilles en bazar sur le lit. C'était détonnant : certaines étaient extrêmement remplies, chaque espace étant pris par un mot comme si Stiles avait eu peur de ne pas avoir assez de feuilles, tandis que d'autres étaient encore inutilisées. L'hyperactif s'assit au bord du lit en grimaçant, se saisit d'une feuille, d'un support rigide qui se trouvait déjà sur le lit, un stylo, et il se mit à écrire. Au départ, Jackson ne sut pas où se mettre, si bien qu'il resta un moment pantois, debout au milieu de la pièce. Puis, finalement, il décida de s'assoir à côté de Stiles, qui se crispa. Néanmoins, il continua d'écrire et le regard de Jackson descendit sur ses mains. A cet instant, l'hyperactif ne portait pas de bandages et ses poings abîmés, ses phalanges sur lesquelles subsistaient encore quelques croûtes, étaient clairement visibles. Que lui était-il arrivé ? Cette question tournait en boucle dans l'esprit de Jackson qui n'en croyait toujours pas ses yeux. Après des jours et des jours sans voir l'hyperactif, il le retrouvait chez Derek, à l'étage et dans un état… Bordel, ne put-il s'empêcher de penser. Il n'avait pas les mots et était incapable de cacher ce qu'il ressentait à l'heure actuelle. « Heureusement » qu'à l'étage du dessous, la meute était occupée à se déchirer… Quant au sort de l'hyperactif. Jackson pensa alors à quelque chose et espéra de tout son cœur que Stiles n'avait pas entendu la proposition de Scott. Auquel cas, à cette souffrance physique viendrait s'ajouter celle-ci, uniquement psychique. Même si le kanima savait pertinemment que cette idée de bannissement ne serait pas adoptée, il ne voulait pas que l'état mental de Stiles, qui ne semblait déjà pas fameux, se dégrade encore plus. Et il le regarda, encore, incapable de détacher ses yeux océaniques de moins en moins froids de cette peau si colorée, si bleue.

Jackson devinait déjà la violence des coups qui lui avaient été portés et il en avait des frissons. Quoi qu'il ait pu se passer, il sut d'instinct qu'il avait fait une erreur. Il avait oublié Stiles, avait pris son absence pour quelque chose de… Normal. Il s'y était habitué et pas vraiment rendu compte, en soi, parce que… Dans la meute, tout le monde agissait pareil. Alors, il avait suivi la masse sans réfléchir. Et maintenant… Maintenant, il voyait qu'il avait manqué des choses et sentait déjà les remords le déchirer. Il n'avait jamais été très ami avec l'hyperactif : néanmoins, il se sentit comme le pire des idiots et sut que plus rien ne serait pareil. Son loup-lézard intérieur avait juste envie de rester près de Stiles et de ne plus commettre cette erreur, qui avait été de l'oublier. Puis, il se rappela d'un détail qui avait son importance. Plus que de s'en souvenir, il se le prit en pleine face.

Stiles ne parlait plus. En fait, il n'avait toujours pas récupéré sa voix. C'était ça, l'élément déclencheur de l'oubli général de la meute à son encontre : sans sa voix, c'était comme si le brun avait perdu sa signature, son babillage incessant étant comme une identité, quelque chose qui le faisait connaître et reconnaître comme l'hyperactif insupportable de la meute.

Insupportable.

Jackson regretta aussitôt d'avoir pensé ce mot autrefois. Stiles n'était pas insupportable. En réalité, il ne l'avait jamais été.

Tout comme il n'aurait jamais dû être oublié, ni perdre sa voix. Condamné au silence, voilà où il en était arrivé. A subir et disparaître, sans que quiconque ne se pose de question.

Quiconque, ou presque.

Si Stiles se trouvait ici, chez Derek, c'était bien parce que celui-ci avait dû remarquer quelque chose à un moment ou à un autre. La raison précise de sa présence au loft lui échappait, mais il se doutait bien que c'était pour l'aider.

Jackson fut soudainement sorti de ses réflexions par Stiles qui avait, semble-t-il, terminé d'écrire, puisqu'il lui tendait la feuille sur laquelle il avait longuement griffonné quelques mots sèchement écrits. Le kanima lui avait connu une graphie plus régulière : néanmoins, toutes les émotions négatives dont son odeur débordait lui laissaient entendre qu'il était trop perturbé pour ne serait-ce que penser à écrire correctement. Compréhensible, songea Jackson avec amertume. Il aurait aimé pouvoir le consoler ou au moins, l'aider à se détendre, mais il n'était pas très doué pour cela. On l'avait rarement connu chaleureux. Pas qu'il n'en avait pas envie, il ne savait juste pas comment faire.

« Ecoute, je vais pas y aller par quatre chemins. Je sais ce qu'il se passe ici, je sais que la réunion de la meute est mouvementée, je sais que Scott veut me dégager. »

Jackson fit une pause et déglutit. Stiles avait entendu. Ses mains se crispèrent légèrement sur la feuille. Comment pouvait-il énoncer aussi froidement la chose alors qu'en réalité, il semblait complètement dépassé par les évènements ? Jackson fit un parallèle avec l'écrit. Il était plus facile d'être concis et de cacher ses émotions en écrivant qu'en parlant.

Il continua, la boule au ventre.

« Je sais que j'ai plus ma place dans la meute – à se demander si je l'ai déjà eue. Aucun problème, je comprends. »

Non… Fut le premier mot qui vint à l'esprit de Jackson, dont les yeux s'écarquillèrent sans qu'il puisse se contrôler. Stiles ne devait pas… Il ne devait pas se dire cela. Et en même temps… Comment le détromper ? Dans un sens, il avait tout de même raison : tout le monde l'avait oublié. S'il avait perdu sa place, ce n'était pas parce qu'il ne la méritait pas, mais plutôt parce que personne n'avait agi de la bonne manière, rendant ladite place caduque, inutilisable dans l'état actuel des choses.

« Par contre, s'il te plaît, ne dis pas que je suis là. Tu ne m'as pas vu et tu ne me vois toujours pas. Je fais partie du décor, je suis une table Ikéa, d'accord ? Quand tu descendras, ne dis rien. Ne dis rien, laisse-moi encore quelques heures de répit. Je sais que je suis pas censé être là, que je suis pas censé… Continuer d'être en contact avec quelqu'un de la meute. Mais surtout, s'il te plaît, épargne Derek. »

Jackson fronça les sourcils.

« Epargne Derek parce qu'il a pas à payer pour m'avoir aidé. Si je suis ici, c'est pour me rétablir. Il m'a accueilli, m'aide à me soigner, m'héberge… Je sais qu'il est pas censé faire ça et pour tout dire, je ne lui ai rien demandé. En fait, je ne pensais même pas qu'il viendrait m'aider lorsque j'ai envoyé ce putain de message, avant de… Bref. Là n'est pas le sujet. Ce que je veux dire, c'est que Derek a un cœur en or et il a pas à prendre tarif à cause de moi. Si Scott apprend que je suis là et qu'il m'aide… J'ai peur de ce qu'il pourrait faire. Derek, c'est un type génial et il ne mérite pas qu'on le mette à l'écart juste pour m'avoir aidé.

Quand tu partiras du loft, tu pourras me descendre, dire ce que tu veux sur moi, je m'en fiche. Mais s'il te plaît, ne dis rien par rapport à Derek. »

Le cœur de Jackson battait vite. Il fallait dire que ce monologue écrit le remuait comme il faut. S'il ne savait pas que c'était Stiles qui avait écrit cela, il n'aurait pas pu le deviner, tout simplement parce qu'il était complètement différent de celui qu'il connaissait ou plutôt… Qu'il avait connu. Stiles parlait comme s'il était une erreur, un élément perturbateur, responsable d'il ne savait quoi. D'où lui venait cette peur, cette défiance ? Était-ce à cause de Scott, de la meute en général ? Probablement tout le monde. Et puis, pourquoi pensait-il qu'il allait le dénoncer et, pire, dénoncer Derek ? Pourquoi s'imaginait-il que Derek risquait quelque chose à l'héberger et à l'aider, comme il l'avait si bien dit ?

Mais ce que remarqua Jackson, c'est que Stiles ne lui avait absolument pas parlé de ce qu'il lui était arrivé alors que c'était pourtant ce qu'il lui avait demandé. Il avait passé plus de temps à défendre Derek qu'à parler de lui, à part pour se dénigrer et montrer le fossé entre lui et la meute. Complètement perturbé, Jackson passa sa main sur le bas de son visage et plus précisément sur sa barbe inexistante. Que pouvait-il dire ? Comment réagir face à un tel aveu de fragilité ? Et puis Stiles était toujours là, à côté de lui, crispé comme jamais. Cette fois, la peur se démarquait nettement dans son odeur. Il était terrifié à l'idée d'être dénoncé, tel le traître qu'il n'était pas. Lentement, il tourna la tête vers Stiles et chuchota, par souci de discrétion :

- Si je te jure que je ne dis rien, que ce soit à propos de toi ou de Derek, tu me dis ce qui t'est arrivé ?

Stiles le toisa d'un air complètement perdu : il ne savait pas quoi répondre, tout simplement parce qu'il ne savait pas quoi en penser et qu'il n'avait aucune idée de s'il pouvait faire confiance à Jackson ou non. Et pourtant, il écrivit en bas de la feuille :

« Je sais pas et puis je vois pas en quoi ça t'intéresserait. A part pour me ridiculiser ou te moquer de moi, je vois pas. »

Jackson retint un soupir : en soi, Stiles avait raison et sa méfiance était parfaitement légitime. Au fond, il le comprenait. Comment réagirait-il, à sa place, si un membre de la meute qui l'avait oublié venait s'intéresser à son cas ? Stiles reprit la feuille, griffonna rapidement quelque chose et la lui tendit, un faible sourire sans âme étirant tristement ses lèvres abîmées. Ça, son visage meurtri et son air atrocement résigné achevèrent de briser ce cœur que l'on pensait de pierre.

« Allez, retourne en bas. Tu as une décision à approuver. »

Et Jackson sut alors ce qu'il avait à faire.

Il était temps que les choses changent.

xxx

- Ma réponse est non.

La voix de Derek avait claqué, intransigeante et implacable. Il était étonnant qu'il arrive autant à garder son calme, surtout lorsque son odeur emplie de colère était aussi peu discrète. Savoir que l'on avait accès à ses émotions ne le dérangeait pas puisqu'ici, tout le monde était logé à la même enseigne. Si certains n'avaient pas accès à l'odorat émotionnel, personne ne pouvait cacher ses émotions à son maximum.

- Et je peux savoir pourquoi ? S'enquit Scott d'un ton méprisant en haussant un sourcil.

Oui, tout le monde, y compris Scott, pouvait avoir accès à ses émotions, mais Derek avait un avantage que ce jeune loup fougueux n'avait pas : l'expérience. Si Stiles était considéré comme le stratège de la meute, Derek n'était pas en reste et il savait que le calme, bien qu'il couvrait la fureur, pouvait s'avérer dévastateur. C'était pour cela qu'il avait décidé de ne pas user de la violence, du moins tant que la conversation restait à ce niveau. Il s'était un tantinet emporté après l'énonciation de cette proposition stupide, mais il s'était vite « calmé ». Les vagues ne joueraient pas en sa faveur.

- Parce que Stiles n'a pas à être banni pour le motif que tu soulèves, répondit-il prudemment.

- Tu dois quand même bien avouer que son je m'en foutisme nous empêche d'avancer, releva Scott.

- Son je m'en foutisme, ou bien ton incompétence ?

La voix de Derek avait légèrement changé. Elle devenait lente comme un serpent, insidieuse comme un poison, acérée avec une pointe de sarcasme qui lui titillait le bout de la langue. Le regard de Scott s'assombrit d'un seul coup et autour des deux loups, l'on se tendit. Provoquer un vrai alpha n'était pas une bonne idée. Provoquer un loup l'ayant été, encore moins.

- Ne commence pas à aller sur ce terrain-là, Derek, parce que tu n'es pas très bien placé pour faire des remarques, siffla Scott entre ses dents.

Par là, il faisait directement allusion au passé d'alpha de Derek, pas très glorieux mais pas non plus à effacer. Le Hale avait, fut un temps pris le pouvoir d'alpha de manière à constituer une meute et gagner en puissance, mais pas seulement pour cela. En réalité, il avait été aveuglé par la douleur de la perte de sa famille même des années après et s'était mis en tête de recréer la meute qu'il avait perdue. Devenir puissant ? Oui, pour mieux protéger. A cette époque, il s'était dit qu'il pouvait y arriver, mais ne s'y était pas pris de la bonne manière. Et puis, il avait perdu son pouvoir en sauvant sa sœur, ce qui n'avait pas été plus mal. Le statut de bêta lui convenait très bien et l'allégeait de beaucoup de responsabilités – qu'il gardait toutefois en mémoire. Néanmoins, Derek savait que s'il finissait par être amené à redevenir un alpha – chose improbable, mais il y avait tout de même déjà pensé – il ferait plus attention et emploierait son pouvoir d'une autre manière. Cette fois, il serait plus posé, plus compréhensif.

Et il n'oublierait plus aucun de ses membres.

A ce moment-là, le visage de Stiles apparut clairement dans son esprit. Non, il n'oublierait plus personne.

Plus jamais.

- Au contraire, j'ai appris de mes erreurs.

Il fit un pas en avant et croisa ses bras sur sa poitrine. Ce n'était pas forcément très fair-play, mais il allait faire craquer Scott. Si la meute, tout autour, assistait timidement à leur échange, il savait que, sans être totalement d'accord avec le latino, elle n'oserait peut-être pas basculer en faveur de Derek. Du moins, tant qu'il ne se passerait pas quelque chose. Ce que ça lui coûtait ! Dieu sait à quel point il avait envie d'encastrer son poing dans sa belle gueule d'alpha trop jeune et trop imbu de lui-même. Lorsqu'il repensait à ses propos et surtout son comportement envers Stiles, il fulminait.

Mais son visage, lui, gardait un air glacial. Son odeur trahissait un feu intérieur incandescent qui contrastait fortement avec son regard devenu polaire. Derek savait manier les paradoxes.

- Si on parlait des tiennes, Scott ? Demanda-t-il d'un ton mauvais.

- De quoi tu… Commença le latino.

- Tu parles beaucoup des erreurs de Stiles, le coupa Derek sans faire attention à lui, de ce qu'il n'a pas fait, mais peut-on savoir où tu étais lorsqu'il avait besoin de toi ? Lorsqu'il t'appelait à l'aide ?

- Il n'a pas…

- Si, il l'a fait. Plusieurs fois. Et toi, qu'est-ce que tu lui répondais ? Que tu étais avec Malia, que tu avais des choses à faire avec Malia, que tu devais montrer des trucs à Malia. Que tu sois avec ma cousine, je m'en fiche, tant que tu la traites bien. Mais Stiles, qu'est-ce qu'il faisait, à ton avis ? Où est-ce qu'il était ?

- J'en sais rien, je…

- Justement, tu ne sais rien. Tu ne sais rien et tu te permets de le critiquer ? Pire encore, tu te permets de le bannir de la meute sous prétexte qu'il n'avance pas ses recherches ? Scott, quel genre d'alpha est-tu, bon sang ?! Est-ce que tu sais au moins pourquoi il ne les avance pas, ces foutues recherches ?

- Non et j'en ai rien à foutre, avoua Scott sans réfléchir – et ce fut là sa première erreur. Tout ce que je sais, c'est que le résultat est là, on stagne, on avance pas.

Derek hocha la tête et d'un air toujours plus froid, toisa Scott avec mépris. Il n'y avait plus aucun doute à avoir : le latino se fichait royalement de Stiles, c'était à se demander s'il l'avait déjà porté dans son cœur. Le mutisme de l'hyperactif avait-il été, pour Scott, l'occasion rêvée de lâcher son « meilleur ami » sans que celui-ci ne vienne l'emmerder ? Derek commençait sérieusement à se poser la question.

- Tu n'en as rien à faire, rappela Lydia. Et tu trouves ça normal, en tant qu'alpha, de virer un membre de ta meute juste parce qu'en réalité, tu t'en fiches ?

La banshee s'était avancée et placée à côté de Derek, marquant son camp de manière significative. Elle n'était pas intervenue complètement dès le départ, avait juste émis sa désapprobation mais maintenant qu'elle voyait ce que Derek était en train de faire, elle avait décidé d'entrer dans son jeu. Le but était de ramener la meute dans leur camp, parce qu'il était malheureusement question de cela. Que sa proposition soit acceptée ou refusée, il était clair que Scott ne reviendrait pas sur son idée. Quand bien même Stiles ne serait pas rejeté, c'était à se demander si le latino ne se mettrait pas à lui rendre la vie dure. Qu'est-ce qui était le mieux ? L'ignorance ou la maltraitance ? A choisir, Derek préférait partir dans une autre direction. L'idée, en plus de faire craquer Scott, c'était de faire en sorte que la majorité soit de son côté. Le reste deviendrait ainsi plus contrôlable. Ce qui le chagrinait un tantinet toutefois – il était trop en colère pour ressentir une réelle tristesse – c'était de constater à quel point il s'était trompé sur Scott. Encore, fit une voix malicieuse dans son esprit, voix qu'il écarta rapidement, au risque de flancher. Ce n'était pas le moment d'avoir des doutes. A nouveau, un timide et triste regard ambré qu'il commençait à bien connaître vint s'insinuer en lui et dissipa toute son hésitation d'un coup. Il savait à qui se fier, cette fois.

En voyant Lydia défendre Stiles aux côtés de Derek, Scott eut un rire d'abord moqueur, puis nerveux. Les deux êtres surnaturels qu'il avait face à lui n'étaient pas n'importe qui et il commença doucement à en prendre conscience.

- Vous ne comprenez pas, maugréa-t-il en perdant toute envie de rire. Vous n'êtes pas des alphas, vous ne savez pas ce que…

- Arrête tes conneries, Scott, le coupa une nouvelle fois Derek. J'ai déjà été un alpha, je connais les responsabilités et pressions qui en découlent alors ne fais pas ta victime. Quant à Lydia, c'est une insulte que de ne pas la croire capable de comprendre.

Scott commença à serrer les poings. Derek n'arrêtait pas de le couper, consciemment et il n'aimait pas ça. Il sapait totalement son autorité devant tout le monde. S'il n'arrivait pas à reprendre les rênes de la conversation, il risquait de perdre en crédibilité. Et il n'était pas idiot, du moins pas à ce point. Il avait besoin de l'appui de sa meute pour perdurer car un alpha sans meute n'était autre qu'un oméga avec des yeux rouges. Là où il était complètement stupide, c'était qu'il laissait échapper ses pensées et avouait ce qu'il pensait réellement. Oh, il aurait pu s'en sortir bien plus facilement aux yeux de la meute s'il avait simplement éludé et s'il avait réprimé cette partie qui montrait son réel ressenti quant à Stiles. Le fait qu'il désire autant son bannissement et qu'il insiste à ce point sur le motif – bancal – dudit bannissement laissaient à penser que sa décision ne concernait, au final, pas le bien de la meute. Non, il s'agissait simplement d'un acharnement pur et simple.

Autour du trio, on commençait à comprendre. Néanmoins, personne n'osait intervenir tant la tension était grande. D'un côté, Scott, vrai alpha. De l'autre, deux des membres les plus influents de la meute : Derek et Lydia. La première partie s'acharnait depuis quelques jours à rabaisser l'intéressé tandis que la seconde la défendait et n'en démordait pas.

- Vous devriez me parler sur un autre ton, les menaça Scott. Je reste votre alpha et vous devez me respecter.

- Personnellement, je ne respecte pas les alphas dans ton genre, rétorqua Derek en haussant froidement un sourcil.

Lydia hocha la tête en signe d'assentiment. Elle se tenait droite, sûre d'elle et campait également sur ses positions.

Plus que de serrer les poings, l'expression de Scott devint particulièrement sombre. D'où se permettait-il de… ?

- Moi non plus.

D'un coup, l'on se retourna vers Jackson, qui venait de passer la dernière marche des escaliers. Il arborait un air particulièrement mécontent et ses yeux noirs lançaient des éclairs.

- D'ailleurs, je suis également contre le bannissement de Stiles. Sérieusement McCall, tu commences à salement dérailler. T'aurais pas un problème dans la tête ?

La colère bien installée mais non passée, Scott fut assez perplexe. Pourquoi le kanima, l'arrogant sportif du lycée, lui parlait-il ainsi ? Pire : pourquoi semblait-il prendre la défense de Stiles ? Le latino se gifla mentalement. Bien sûr que non, Jackson ne défendait pas Stiles, il était juste… Déstabilisé, comme les autres, par cette décision certes radicale, mais profondément bénéfique. Ils le remercieraient plus tard. Car avec leur approbation ou non, il le ferait. Stiles n'avait plus sa place dans la meute, et c'était à se demander s'il l'avait déjà eue un jour, tant il était inutile. L'amitié, c'était bien sympa, mais il fallait être réaliste et pragmatique. Son utilité, rien qu'en tant qu'humain, était à revoir.

- C'est mûrement réfléchi et je ne reviendrai pas dessus, dit-il en mesurant ses mots. Il faudra vous y faire et je ne pense pas que ce sera très difficile.

Derek serra les dents et dut faire appel à toute sa force mentale pour ne pas bondir sur son alpha et lui arracher la gorge avec ses dents. Lydia, de son côté, serrait fort son avant-bras pour le retenir, même si elle n'était pas vraiment certaine qu'il sente sa prise tant la colère qui l'animait était grande. Les propos de Scott étaient une honte absolue. Un alpha n'avait pas le droit de prononcer de tels mots, surtout sans raison valable. Stiles les aurait trahis, il comprendrait : mais c'était loin d'être le cas.

Scott fit une nouvelle erreur, laissa apparaître une facette supplémentaire de sa réelle personnalité. En fait, il ne s'agissait pas d'une simple erreur, mais d'un aveu qui risquait de lui coûter cher.

- Ça sera simple, parce que vous l'avez oublié et c'était le but ! S'il ne parle plus, on ne l'entend plus et il passe complètement inaperçu. Là où il est faible, c'est qu'il n'arrive même pas à s'en remettre. On a pas besoin de ça dans la meute. On a pas besoin d'un poids mort !

Le regard de Derek devint cyan. Autour d'eux, l'horreur se peignit sur les visages juvéniles qui comprenaient à leur rythme l'ampleur des révélations lâchées par inadvertance par cet alpha stupide.

- Vous l'avez oublié, tous, et vous ne pouvez pas le nier ! Toi aussi tu l'as oublié Derek, et tu devrais pas te soucier de lui ! Lydia ne devrait pas t'épauler et toi, Jackson, je sais pas ce que tu fous mais réfléchis bien ! On est pas mieux sans lui ? T'es pas plus tranquille ? Aucun de vous ne l'apprécie réellement, avouez-le ! C'est pas mieux comme ça ?

Au lieu de serrer la mâchoire, le visage de Jackson se décomposa. Lui aussi était en train de comprendre et s'il avait mis du temps à apprécier cet idiot de McCall, il se rendit compte qu'il s'agissait en réalité de la pire pourriture qui soit.

Parce qu'il avait tout orchestré.

- Scott, me dis pas que…

Mais Isaac, qui venait de se lever, ne termina pas sa phrase. Et Scott en profita pour enchaîner :

- On est mieux sans lui, avouez-le ! Les réunions sont plus ordonnées, l'ambiance est meilleure, on l'a plus dans nos pâtes… Vous ne pourriez pas me remercier et avouer que j'ai bien fait ? Vous pensez vraiment que c'est vivable, de se coltiner une merde pareille ? Ça, c'est pas un meilleur ami, c'est un parasite ! C'est un nuisible et désolé, mais moi je peux pas continuer à me coltiner un truc pareil. Et vous non plus.

Autour de l'alpha, on tombait des nues et on alternait entre la colère et la sidération.

Néanmoins, la fureur prédominait sur tout. Les yeux lupins de Derek en témoignaient.

- C'est toi qui l'as rendu muet ? Siffla-t-il entre ses dents.

Il était à deux doigts de lui sauter dessus et c'était un miracle qu'il ne l'ait pas encore fait. Enfin, ce n'était qu'une question de secondes avant qu'il cède à ses pulsions.

Soudain, le visage de Scott se décomposa à son tour, ce qui, en soi, était une réponse on ne peut plus claire. Il en avait trop dit et venait soudain de s'en rendre compte. Le plan de Derek, bien qu'improvisé et pas vraiment maîtrisé, avait fonctionné. S'il pensait au départ simplement le pousser à avouer qu'il n'avait aucune considération pour Stiles, c'était bien plus que ce qu'il avait espéré et en même temps, cela l'emplissait d'une colère folle, d'une fureur qu'il ne pourrait bientôt plus contrôler.

Parce qu'en plus de l'écarter, Scott avait détruit Stiles. Volontairement.

Et ça, Derek ne pouvait définitivement pas le lui pardonner.

Il fit un pas, un seul. Il était menaçant et décisif à la fois. Sa voix fut particulièrement grave lorsqu'il répéta :

- C'est toi qui l'as rendu muet ?

Scott devait répondre, il n'avait pas le choix. De toute manière, qu'il ouvre la bouche ou non, il en paierait les conséquences.

Autour d'eux, on s'agitait mais surtout, on se taisait. L'air était saturé d'une tension palpable et la plupart des membres avaient fait leur choix : ils ne l'exprimaient juste pas alors qu'au centre de la pièce, il pouvait y avoir un affrontement à chaque seconde qui s'écoulait. Lydia elle-même ne cherchait plus à retenir Derek. Son regard à elle était devenu orageux et elle serrait les poings, presque au point de s'enfoncer ses ongles si bien entretenus dans la peau pâle de sa paume. Passée la sidération, voilà que la colère se mettait à luire dans les yeux encore humains de Jackson. Ceux de Derek ne quittaient pas leur occurrence lupine. Ils étaient d'un bleu non plus cyan, mais électrique. En lui, son loup était actif et ne demandait qu'à en découdre.

Dans le fond du salon, on ne fit pas attention aux escaliers.

Derek fit à nouveau un pas en avant. Ses yeux avaient beau montrer que sa part animale prenait le dessus, l'absence de changement au niveau de son visage fit comprendre à tous que l'humain était toujours là. Dans une moindre mesure, mais il était toujours là.

- Tu vas lui rendre sa voix et sans attendre, prévint-il alors que son regard devenait froid comme la glace.

Froid de la colère immense d'un homme qui n'accorderait pas de pardon à cet individu qu'il ne considérait déjà plus comme un alpha.

Scott fit un pas en arrière, montrant, sans s'en rendre compte, que Derek avait gagné.

- Je… Je peux pas. Ce que j'ai utilisé, c'est… Irréversible, avoua le latino, qui comprenait toutefois qu'il ne pouvait plus rien cacher.

Ce qu'il comprenait moins, c'était en quoi le sort de Stiles pouvait importer autant aux yeux de l'ancien alpha. Il en allait de même concernant Jackson, Lydia, et même les autres. Parce qu'il voyait bien les regards changer et même s'il était idiot, c'était au moins une chose qu'il avait remarquée. Un regard qui changeait, c'était mauvais signe pour lui.

- Répète un peu ? Irréversible tu dis ? Tu sais ce qui est irréversible, aussi ? La mort. Une fois qu'elle est donnée, impossible de revenir à la vie.

Derek, dans un instant de lucidité, imagina Stiles s'exclamer « ouais 'fin ça marche pas pour Peter, ça ! ». A nouveau, il serra les poings. Scott était une ordure de la pire espèce.

Bien sûr qu'il ne le tuerait pas, sa remarque était juste là pour être menaçante. Des actes infâmes, il en avait commis, la plupart du temps par nécessité. Simplement, il ne pouvait pas laisser Scott impuni, pas après ce qu'il avait fait. Mettre Stiles à l'écart et le bannir de la meute sans aucune raison était déjà grave en soi : détruire sa vie comme il l'avait fait était bien pire. C'était un acte montrant un égoïsme et une cruauté folle. Très honnêtement, Derek n'avait même pas réellement envie de savoir comment il s'y était pris. L'intention était là et c'était tout ce qui importait.

Plus subtil et important encore : si Scott avait été capable d'évincer son meilleur ami ainsi, comment être certain qu'il ne réitèrerait pas l'expérience avec un autre membre de la meute qui lui déplairait ? Cette pensée cheminait déjà dans l'esprit des membres de la meute présents, qui comprenaient l'ampleur de la situation, l'ampleur de la responsabilité de Scott, qui levait les mains devant lui et riait nerveusement.

- Derek, c'est pas la peine de t'énerver pour ça, c'est rien.

- C'est rien ? Non mais tu t'entends parler ? S'emporta Lydia.

Elle aussi retenait ses émotions comme elle le pouvait, mais c'était difficile. Les paroles de Scott étaient aberrantes, si bien qu'elle, comme les autres, peinait à accepter qu'elles sortent de sa bouche. N'était-ce pas lui, l'alpha qui prônait l'acceptation de la différence et des laissés pour compte ? Et voilà qu'il faisait l'exact inverse de ce qu'il avait enseigné aux membres de sa meute.

Lydia alla pour s'approcher, mais Derek la bloqua en mettant son bras devant elle. Et lorsqu'elle vit enfin son regard, elle comprit qu'elle ne devait pas insister ou bien elle subirait par accident des dégâts collatéraux. Derek tenait encore un peu son loup en laisse, mais pour combien de temps encore ? Sa résistance plutôt impressionnante témoignait d'une grande force d'esprit et si la colère le poussait à faire payer à Scott, c'était cette même émotion qui l'aidait à se contrôler un peu. Et en même temps, le visage de Stiles lui apparaissait clairement à l'esprit. Ses yeux ambrés autrefois rieurs désormais ternes. Ses adorables fossettes qui n'apparaissaient que lorsqu'il tentait d'esquisser un faible sourire. Ledit sourire qui se faisait aussi rare que les étincelles dans ses yeux mordorés. Ce qui restait ancré dans sa mémoire et lui apparaissait avec violence, c'était tous les coups qu'il avait pris, simplement parce qu'il ne parlait plus.

Toute cette violence subie à cause de l'égoïsme d'une personne bien plus perfide qu'elle n'en avait l'air.

- Dis-moi sincèrement que tu regrettes et je pourrais éventuellement songer à te laisser partir d'ici indemne.

Sans l'amocher. Et c'était un effort en soi, une fleur qu'il lui offrait alors qu'il ne la méritait pas le moins du monde. Mais Derek était comme ça. Il avait beau parler, il ne pouvait pas être fondamentalement méchant. S'il se vengeait ou en venait aux poings, c'était forcément parce qu'il avait de bonnes raisons de le faire. Toutefois, il évitait au maximum d'user de la violence. Et c'était pour ça qu'il laissait une chance à Scott de s'en aller sur ses deux jambes. Oh oui, il avait envie de l'encastrer dans un mur, de le démembrer, de le frapper jusqu'au sang. Mais dans son esprit, deux yeux ambrés emplis de douceur lui permettaient de ne pas céder. Mon ancrage, étaient les deux mots qui auraient pu lui venir à l'esprit s'il n'était pas aussi concentré à contrôler sa fureur.

Néanmoins, une lueur fugace dans le regard ébène du latino lui soufflait déjà à l'oreille que celui-ci ne comptait pas se montrer raisonnable mais bien suicidaire.

- Je regrette, articula péniblement Scott.

Il était nerveux et à raison : son cœur l'avait trahi bien avant qu'il ne prononce ces paroles mensongères. En réalité, le latino était fier de son acte. Parce qu'il s'était débarrassé de l'autre idiot sans même avoir à se salir les mains à proprement parler. Et puis, il se trouvait « gentil » d'avoir agi dans l'ombre plutôt que d'avoir pris le risque de le blesser directement en lui disant de but en blanc que leur amitié n'était rien d'autre que du flan, qu'il le haïssait, qu'il avait toujours eu du mal à le supporter.

N'avait-il pas fait preuve de charité ? A cette question, Derek répondit par un coup de poing aussi rapide que bien placé, qui envoya Scott au sol.

Lydia poussa un petit cri et mit sa main devant sa bouche. Elle savait que Derek mourait d'envie de relâcher sa fureur sur l'alpha, mais elle ne pensait pas qu'il le ferait réellement et si tôt. Même si, en soi, il avait tout de même été fort patient et beaucoup à sa place se seraient lâchés bien plus rapidement. De leur côté, Jackson resta interdit, Isaac et Liam écarquillèrent les yeux, les autres ne surent comment réagir. Le loft fut soudainement plongé dans le silence le plus total. Derek avait ouvert les hostilités physiques après que Scott ait déclaré une guerre verbale, guerre qu'il avait perdue étant donné qu'il avait plus ou moins tout avoué sans faire exprès.

Si Scott avait l'air complètement ahuri et touchait sa joue endolorie, le bleu électrique lupin ne quittait pas les yeux humains de Derek qui le toisait de toute sa hauteur.

- Dégage, siffla le Hale entre ses dents.

Même Peter ne fit aucune blague tant son neveu était sérieux et prêt à commettre un massacre.

- Derek, je…

- Sors d'ici ! S'emporta Derek qui serrait les poings. Sors d'ici si tu veux pas que je t'étripe !

Le cœur de Lydia battait fort, si fort qu'elle recula et Isaac vint se rapprocher d'elle. La banshee n'avait pas peur de Derek, pas à proprement parler. Elle avait peur pour lui. Parce que Scott était en train de se relever et que ses yeux devenaient rouges. Parce que le latino était, l'air de rien, un vrai alpha, avec la puissance qui allait avec. Derek restait fort, bien évidemment, mais son pouvoir était moindre si on le comparait à celui qui restait, à l'heure actuelle, son alpha, supérieur hiérarchique. Très honnêtement, elle comprenait sa fureur qui n'avait d'égale que sa bonté et nul doute qu'elle aurait déjà sauté sur Scott sans pouvoir se contrôler, si elle était une louve. Néanmoins, l'affrontement physique était à éviter, ne serait-ce parce que les blessures que Scott pouvait éventuellement lui causer mettraient bien plus de temps à guérir que celles d'un loup lambda, de par son statut d'alpha.

- Excuse-toi, siffla Scott entre ses dents.

Oubliées, la stupéfaction couplée à la sidération : la colère de l'insubordination commençait finalement à contrôler le latino, sous les yeux de tous. Les siens avaient pris leur fameuse teinte rubis et son visage avait changé, ne laissant aucun doute quant à la suite qu'il comptait donner aux évènements. Etonnamment, ceux de Derek restaient bleu électrique, mais c'était tout. Pour le reste, il restait complètement humain. La différence entre les deux loups était aussi flagrante que perturbante.

Mais encore une fois, Derek gagnait.

Parce que même si ses yeux le trahissaient, ce n'était pas lui qui sortait de ses gonds à proprement parler et de par sa manœuvre – pas complètement contrôlée, il fallait l'avouer –, Scott obligeait à remettre en doute la validité de son statut d'alpha. En se montrant aussi belliqueux et partial, il remettait en cause, sans le savoir encore, la confiance que lui accordait chacun des membres de la meute. Il n'y avait qu'à voir Liam, autrefois son plus fervent défenseur : voilà qu'il regardait Scott d'un air terrifié. Un bêta, ou n'importe quel autre membre de la meute, ne devait pas avoir peur de son alpha. Et pourtant, c'était ce qui était en train d'arriver. Mais comment Derek avait-il le cran de continuer de s'opposer à lui, même alors qu'il s'était transformé dans cette forme médiane, à mi-chemin entre l'homme et le loup ? Voilà la question que se posait la quasi intégralité de la meute, qui n'avait d'autre choix que d'être passive, de peur de faire couler trop de sang. Mais déjà, on reculait, on s'éloignait. Et d'un autre côté, un respect nouveau naissait.

Le respect pour celui qui s'entêtait et restait droit face à l'injustice.

En soi, Lydia et Jackson avaient fait de même, mais Derek menait la barque. Il ne semblait même pas avoir peur. Et pourtant, des risques, il en prenait.

Pour Stiles. Pour son bannissement. Pour ce que Scott avait vraisemblablement provoqué, selon ses dires que son cœur n'avait pas contredits.

Ce fait-là aussi, on en prit conscience.

- Tu peux toujours rêver, rétorqua Derek d'une voix plus grave que d'ordinaire.

Scott prit le temps de peser la réponse de Derek, laissant planer un long silence volontaire, juste pour lui faire ressentir son erreur. Puis, il sortit les griffes de manière ostentatoire, de manière à ce que tout le monde puisse les voir.

- Dans ce cas, tu vas payer.

Scott fit un pas en avant. Derek allait faire de même. Oui, c'était dans son intention. Mais deux bras passés rapidement autour de sa taille le retinrent. Deux bras fins et une peau bleutée par endroits, ses manches étant retroussées jusqu'à ses coudes. Les deux mains choquèrent tant elles étaient abîmées.

On ne l'avait ni vu, ni entendu arriver, parce qu'on n'avait pas fait attention à lui, comme toujours. Mais il était là, le visage caché dans son dos, et il serrait ses bras autour de Derek pour le retenir, comme si sa propre vie en dépendait. Il tremblait, il avait peur, mais pas pour lui. S'il avait pu parler, Stiles aurait dit à Derek d'abandonner et de juste… S'excuser auprès de Scott, juste pour régler cette situation qui n'avait pas lieu d'être. Pourquoi s'embêter à le défendre alors que cela n'apportait rien d'autre que des problèmes ? Derek aurait juste dû laisser couler. Il ne l'avait pas fait, et voilà où il en était. Alors, pour lui éviter de porter le second coup qui, cette fois, provoquerait inévitablement la perte de contrôle totale de Scott, il le retenait comme il pouvait. Tant pis si on le voyait, tant pis si on se rendait compte que Derek l'avait caché tout ce temps : Stiles trouverait un moyen de se faire punir à sa place et ainsi, il lui éviterait les ennuis. C'était tout ce qu'il pouvait espérer pour Derek : le gel de son statut dans la meute et son indemnité physique. Si Scott y allait à fond, il pouvait le déchiqueter. Derek restait puissant mais comme les autres, Stiles gardait à l'esprit que le latino était un alpha et qu'il possédait bien plus de pouvoir que les autres loups.

Autour d'eux, le silence était d'or et la stupeur régnait en maître.

Scott, passablement surpris lui aussi, vit sa colère diminuer pour un temps et laissa tomber ses bras le long de son corps. S'il ne voyait pas encore le visage du trouble-fête parce qu'il se cachait involontairement derrière Derek, il avait reconnu son odeur… Insupportable.

- Qu'est-ce qu'il fait ici, lui ?

Sa voix était pleine de menace.

De son côté, Derek avait tourné la tête et ses yeux avait perdu leur lueur lupine. Néanmoins, ils étaient écarquillés de terreur. Stiles était sorti de la chambre, il s'était montré aux yeux de tous. Pour le retenir. L'empêcher de commettre l'irréparable, dans lequel il avait déjà commencé à mettre un pied. Le loup sentait les tremblements de l'hyperactif tout autant qu'il sentait la chaleur rassurante émanant de son corps. Et même si l'adolescent était terrifié, sa simple présence et son simple contact suffisaient déjà le calmer, lui faire retrouver une partie de sa raison pourtant bien présente. Néanmoins, même s'il était allé loin et qu'il allait continuer sur ce chemin, il ne regrettait pas. Plutôt mourir que de rester sous le joug de cet alpha qui avait enfin commencé à montrer son vrai visage. Celui d'un opportuniste qui n'hésitait pas à détruire pour son confort. Derek tourna à nouveau la tête vers l'alpha qui restait transformé. Et eut un geste qui fut incompréhensible pour la plupart des membres qui n'avaient d'autre choix que d'assister à cet échange inédit et sans précédent.

Il posa sa main sur celles de Stiles, jointes sur son ventre et crispées sur son haut. Et puis, instantanément, il lui prit sa douleur parce que oui, l'hyperactif souffrait toujours de ses blessures qui guérissaient à vitesse humaine. Même si Derek avait la peau tannée, ses veines noires ressortaient clairement et attiraient le regard. Mais ce qui choqua le plus, c'était le calme qui émanait de son odeur précédemment électrique, ainsi que la détente quasi instantanée de l'hyperactif contre lui, allégé de sa douleur. Et Stiles qui gardait ses bras autour de lui, comme pour continuer de retenir le loup en cas de nouvelle tentative d'attaque. Mais la posture du Hale avait à nouveau changé. Il se tenait un peu plus droit, moins vers l'avant. La prise de douleur finie, il n'avait pas retiré sa main de celles de Stiles.

Néanmoins, la situation lui posait une colle. S'il voulait faire payer à Scott, Stiles allait l'en empêcher et il risquerait de le blesser. Si Scott attaquait, Derek n'aurait pas juste à se protéger lui, mais également Stiles. Et puis s'il voulait le pousser, le mettre à l'écart du combat, Scott pouvait très bien changer de cible au dernier moment et foncer sur son « meilleur ami ». En outre, l'hyperactif était en danger et ce, dans tous les cas.

Dans un sens, c'était Scott qui avait le dessus cette fois-ci.

- Ça te regarde pas, répondit calmement Derek même si la colère était toujours là.

- Oh que si ça me regarde, rétorqua Scott en faisant à nouveau un pas en avant.

Sur sa joue, il n'y avait pas d'hématome, les conséquences du coup de poing de Derek étant déjà guéries. Néanmoins, Scott commençait à faire peur. Il était sombre et différent, on aurait dit une autre personne.

- Il est banni de la meute, rappela le latino sans prendre de pincette.

Stiles resserra ses doigts sur le haut de Derek. Se contrôler. Il devait se contrôler. Réagir le moins possible.

- Dans ce cas, je la quitte, annonça tout naturellement Derek, la voix un peu plus posée qu'auparavant.

C'était l'un des seuls moyens qu'il lui restait pour régler la situation rapidement.

Des soupirs d'étonnement se firent entendre et le brouhaha de cette annonce fut tout de même discret. Néanmoins, on ne pouvait pas empêcher les membres actuels de la meute de réagir. Et là, Derek jouait sans vraiment trop le savoir sa dernière carte. Sa priorité actuellement n'était plus de venger Stiles, mais de le protéger. A l'heure actuelle, Scott et sa semi-transformation étaient le plus grand danger. S'il quittait la meute, le loft n'était plus son territoire mais uniquement le sien. Ainsi, la meute devrait obligatoirement s'en aller car elle outrepasserait les lois lupines. Même Scott devait se plier à cette règle.

Derek avait toujours voulu être dans une meute, un peu pour combler le vide qu'avait laissé celle de sa famille. Mais si c'était pour rester dans un groupe dirigé par un tyran qui éliminait qui il voulait de sa meute de la pire des manières et selon son bon vouloir, ce n'était pas la peine. Et puis, il ne pouvait pas laisser Stiles seul. Fini le temps de l'isolement. L'hyperactif devait comprendre qu'on pouvait se battre pour lui, qu'il méritait qu'on fasse attention à lui. La colère, loin de s'être envolée, était reléguée dans un coin de son esprit, dans un endroit froid où elle ne pouvait pas régner en maître. Derek pensait à nouveau complètement comme un humain. Un humain qui sentait que celui derrière lui commençait à avoir du mal à tenir sur ses jambes. Il fallait expédier, encore plus si Stiles avait entendu la plupart des propos de Scott, ce qui était largement possible. Et puis son odeur… Elle parlait plus que tout le reste. Même plus que ses tremblements. A son annonce, elle s'était remplie d'une dose de souffrance supplémentaire. Ça, ça prédominait sur beaucoup de choses.

Le visage de Scott commença à redevenir humain.

- Tu penses pas sérieusement ce que tu dis ?

Son ton était un savant mélange entre la colère provoquée par son insubordination et un désespoir nouveau : s'il perdait Derek, la meute risquait de s'effondrer. Il était idiot mais de ce fait, il était tout de même conscient. Hale avait une influence folle même s'il ne s'en rendait pas vraiment compte.

Derek soutint son regard sans aucune difficulté. Il était sûr de lui et savait que sa décision prise à la va-vite était nécessaire, tout autant qu'il ne pourrait pas revenir en arrière.

- Si, alors maintenant, tu dégages de chez moi. Cet immeuble n'est plus votre propriété à tous, mais uniquement la mienne.

Son ton était ferme, sans équivoque.

- Pourquoi tu fais ça Derek ? Pourquoi tu te ranges de son côté ? Je suis ton alpha, tu me dois respect et obéissance ! Et puis j'ai tout fait pour toi, tu peux pas me laisser tomber, tenta l'ancien alpha, sa colère laissant peu à peu la place à un sursaut d'intelligence.

Il ne pouvait pas laisser Derek partir comme ça. Pas alors qu'il était important pour la meute. Néanmoins, l'idiotie allait de pair avec son intelligence. Il se rendait compte des choses, mais ne s'y prenait que rarement de la bonne manière.

- Tu serais un bon alpha, tu aurais parlé au nom de la meute. Tu serais un bon alpha, tu n'aurais pas banni un membre de ta meute sans raison valable. Tu serais un bon alpha, tu ferais passer l'intérêt de ta meute avant le tien. Tu serais un bon alpha, tu n'aurais pas détruit la vie d'un des membres de ta meute. Mais tu n'es pas un bon alpha. Et moi, je veux pas d'un alpha comme ça. Alors oui, je quitte ta meute.

Il se retourna et obligea Stiles à décrocher ses mains de sa taille. L'hyperactif garda la tête baissée mais Derek vit sans mal ses yeux et joues rougis, les traces des sillons frais, tout ça au travers de ses bleus toujours présents. Le loup passa un bras autour de lui et le soutint alors qu'il savait qu'il s'appuyait sur ses deux chevilles, dont celle blessée. Il vit vaguement le jeune homme hocher négativement la tête, vaine tentative de lui faire signifier qu'il ne devait pas faire ça, mais c'était peine perdue. Derek était décidé et toutes les crasses qu'avait avouées Scott étaient impardonnables à ses yeux.

Autour du petit groupe, on était subjugué par la prestance de Derek qui restait fidèle à ses revendications et ne fléchissait pas malgré le danger que représentait Scott. Danger largement diminué sachant que sa décision était sérieuse et que dans ce cas-là, l'alpha enfreindrait les codes du monde surnaturel en refusant cela et perdrait sans doute petit à petit sa meute. Qui volait déjà en éclat sans qu'il s'en rende compte. Mais il prendrait connaissance des conséquences de ses actes bien vite.

Face à lui, le regard de Derek ne flanchait pas.

Dans sa tête, il avait déjà quitté la meute.

Et puis, l'on ne voyait pas que Derek. Stiles, le grand oublié de la meute, faisait déjà parler de lui. On s'horrifiait de ses blessures, on mourrait d'envie d'aller lui demander ce qui lui était arrivé, sachant qu'il était sacrément abîmé. Et en même temps, on ne le fit pas. Parce que la confrontation était toujours en cours et parce qu'on n'osait pas. On s'en voulait. On se disait qu'on l'avait réellement oublié et son apparition, aussi soudaine qu'inattendue, leur avait fait un rappel brutal de la réalité. Stiles était là, Stiles existait.

Lydia voulait aller le voir, le prendre dans ses bras, le forcer à remonter et à se reposer. Derek l'avait mise au courant au préalable de la présence de l'hyperactif au loft – il n'allait pas le faire partir juste à cause d'une réunion. Et si au départ, le geste de Stiles pouvait sembler suicidaire, elle se rendait compte qu'il avait beaucoup servi et que grâce à lui, Derek était toujours indemne. Scott n'avait pas pu l'attaquer.

Mais surtout, Derek avait provoqué un tollé, un remue-ménage que Scott n'était pas prêt d'oublier, parce que sa meute était d'ores et déjà en lambeau.

Mais ce que retenait Lydia, c'était que Stiles avait pris la bonne décision même si cela l'obligeait à montrer l'état dans lequel il était. Les traces de larmes témoignaient de l'émotion qu'il avait ressentie et la banshee espérait sans trop y croire qu'il n'ait pas tout entendu du ramassis de connerie débité par Scott. D'un autre côté, Derek avait également pris une excellente décision.

Et Lydia savait qu'elle allait le suivre et qu'avec elle ou plutôt sans elle, Scott n'arriverait plus à rien. Que pouvait-il faire sans ses deux piliers ? Mis à part Stiles, Derek et elle étaient ceux qui soutenaient la meute depuis le début, ou presque. Lorsqu'elle sentit Isaac et Jackson se rapprocher d'elle, elle sut que Derek avait réussi quelque chose de fort.

L'ancien alpha soutenait Stiles, sans se cacher, que ce soit sur le plan physique ou moral. Le bras autour de sa taille le maintenait fermement debout contre lui et en même temps, il s'était légèrement décalé, de sorte à se retrouver un peu plus devant en cas de danger. Il le protégeait. Alors non, Stiles ne semblait pas heureux et c'était on ne peut plus normal. En plus de connaître le vrai visage de Scott, il voulait protéger Derek, lui aussi et ça, Lydia l'avait bien compris. Néanmoins, il l'avait déjà sauvé sans le savoir.

- Tu vas te retrouver sans meute… Souffla Scott en perdant complètement sa forme semi-lupine. Tu peux pas faire ça…

Derek souffla du nez, manquant de rire à gorge déployée. Alors comme ça, l'alpha était désemparé quant à son départ et il le suppliait, implicitement, de rester ? Resserrant son espèce d'étreinte sur l'hyperactif qui ne pouvait s'empêcher de trembler de peur et de frustration de ne rien pouvoir dire, Derek lui lança un regard glacial. Son calme entièrement retrouvé et la glace l'emportant sur son feu intérieur grâce à l'hyperactif qui se tenait involontairement à ses côtés, il répondit le plus naturellement du monde :

- Contrairement à toi, je peux avancer sans meute. Désolé pour toi, mais tu vas devoir faire sans moi. Maintenant, tu vas gentiment dégager de chez moi et emmener ta meute avec toi. Mais ne crois pas que je laisserai passer ce que tu lui as fait.

D'un léger signe de tête, il désigna Stiles. Puis, ses yeux limpides se posèrent à nouveau sur l'alpha qui, pour la première fois depuis le début de leur confrontation, recula de plusieurs pas en frissonnant de manière visible.

- T'es une ordure, McCall, et je ne veux plus jamais avoir affaire à toi. Et si tu oses t'approcher ou parler à nouveau mal de Stiles, je t'arracherai la gorge, avec mes dents. Alpha ou pas, j'en ai rien à faire.

A ce moment précis, l'on sut qu'il y arriverait, bêta ou non. Et sa menace habituelle perdit tout son côté comique lorsqu'elle sortit de sa bouche sur un ton mesuré, plus tranchant que n'importe quelle lame. Stiles essaya bien de lui lancer des regards paniqués et tristes à la fois, mais Derek n'y fit pas attention.

Si Stiles était banni, il s'en allait. Et il n'avait absolument aucun regret.

Amorçant un pas pour s'en aller vers les escaliers en compagnie de son précieux protégé – à qui il essayait d'éviter de mettre trop de pression sur sa cheville blessée, Derek se retourna une dernière fois et continua d'ignorer les tentatives désespérées de Stiles de le ramener à la raison. Avec sa voix, il aurait pu l'assommer de paroles juste pour l'obliger à l'écouter, mais là… C'était peine perdue. Alors, Derek restait ancré dans cette idée – stupide, selon lui – de quitter la meute.

Son regard fut encore plus glacial que la fois précédente.

- Tu as trois minutes pour décamper d'ici.

Scott déglutit un peu bruyamment, perdant le peu de prestance qu'il avait encore.

- Tu peux pas me faire ça Derek, tu…

- Tu n'as que ce que tu mérites sauf ton statut d'alpha, que j'espère que tu perdras, lâcha Derek d'un ton qui n'appelait pas de réponse, mettant ainsi finalement fin au débat.

Et puis il se retourna et emmena Stiles à l'étage, plus que conscient qu'il n'y avait pas de retour en arrière possible. Mais il allait l'éloigner de Scott, le mettre un peu plus en sécurité et c'était tout ce qui lui importait à l'heure actuelle.