- Stiles, combien de fois je vais devoir te le dire ? Soupira Derek.
L'hyperactif, bien loin de se démonter devant l'air désespéré du loup, croisa les bras sur son torse. Oui, bon, techniquement, il avait fauté. Mais, parce qu'il y avait un mais, rester assis toute la sainte journée le rendait dingue. Les papouilles et caresses, c'était bien sympa. Toutefois, cela avait ses limites et Stiles, malgré son mutisme et les différents évènements récents, restait hyperactif. A défaut d'avoir la possibilité de parler, il bougeait. Stiles grimaça, se moquant de la manière dont Derek râlait. Si tu me laissais avoir de nouveau accès à mes médicaments, aussi… Non parce que oui, Derek continuait de cacher ses boîtes d'Adderall, histoire de l'empêcher de se bourrer de cachets. La surmédication n'était pas une solution.
- Si tu n'arrêtes pas de la malmener, ta cheville ne guérira jamais.
Stiles leva les yeux au ciel. Sans déconner. Il s'en foutait un peu, de sa cheville. Elle lui faisait mal de temps à autres, certes, mais il commençait sérieusement à en avoir l'habitude. Et puis très franchement, elle n'était pas sur sa liste de priorités. Pourquoi donc l'hyperactif s'était-il activé, ce matin-là, et mis à faire bien plus de choses que nécessaire ? Parce qu'il tenait difficilement en place et que, la douceur de la veille passée, sa nature hyperactive était revenue au galop. Il avait besoin de bouger, de faire quelque chose, n'importe quoi qui puisse le défouler un minimum. Sa tête était un bordel sans nom et si démêler ses pensées n'était pas si difficile grâce à son traitement, se défouler et dépenser son énergie, c'était autre chose. Scott devait vraiment le haïr pour l'avoir privé de la seule chose capable de l'aider dans ce genre de situation.
A cette seule pensée, son assurance fébrile se fragilisa et il releva cette fois un regard incertain en direction de Derek. Le loup ne lui faisait pas peur – ledit loup se donnait d'ailleurs un mal fou pour lui être le plus agréable possible et rendre sa vie plus facile –, simplement… Il se connaissait. Et s'il n'était pas des plus faciles à vivre en général, la situation actuelle n'aiderait pas à le rendre plus supportable.
Face à lui, Derek soupira et l'obligea à s'assoir. Stiles obéit, non sans lui lancer un regard particulier, mélange de colère et d'excuse. Il s'installa à ses côtés.
- Je sais que ça te mine, mais il faut que tu sois patient. Une fois qu'elle sera guérie, tu pourras gambader où tu voudras, même courir si tu en as envie. Mais pour l'instant… Je ne peux pas te laisser faire.
Stiles lâcha un soupir silencieux. Jusque-là, ce n'était pas nouveau. Il était conscient de ses blessures et de ce qu'il fallait faire pour qu'elles se soignent vite, notamment celle-ci et pourtant… Quelque chose le retenait, l'empêchait d'être complètement raisonnable. Et ce quelque chose, c'était bien évidemment son hyperactivité. Son traitement l'aidait, oui, mais ce n'était pas assez. Être muet l'empêchait de compenser et de se montrer aussi patient que Derek le désirerait. D'un geste aussi sec que vif, Stiles fit comprendre à Derek qu'il aurait besoin d'une feuille et d'un stylo. Un instant plus tard, le loup lui ramenait son matériel habituel, y compris le support bleu marine très pratique dont il devait se servir. Stiles griffonna quelques mots et fit lire le tout au propriétaire des lieux :
« Je peux pas, genre… Avoir une béquille ? Tu m'en prends une, je te la rembourse et on est bons. Je peux pas rester tranquille, j'ai vraiment besoin de bouger. Vois les avantages : je t'emmerde moins et en même temps, je peux marcher sans trop appuyer sur ma cheville. C'est un bon compromis, non ? »
Derek grimaça.
- Il y a de l'idée, oui, mais…
Stiles eut l'air perplexe. Quoi encore ? Sa proposition était tout à fait correcte et raisonnable.
- … Mais le fait est que tu dois quand même éviter de marcher, reprit-il d'un air embêté.
L'hyperactif poussa un soupir. La discussion était bien plus stérile qu'il ne l'imaginait. Derek était adorable, il essayait de le ménager et de faire en sorte qu'il guérisse convenablement, mais se rendait-il compte à quel point il était difficile pour un hyperactif de sa trempe de rester sans remuer ? Stiles avait réellement besoin de marcher, de faire autre chose que… Lire, écrire et… Regarder le plafond en ayant l'impression de n'avoir aucun but dans la vie à part celui de se préparer à survivre à son retour chez lui, puis au lycée. En passant, il songea au fait de n'avoir toujours pas reçu de message de la part de son paternel. Heureux de constater que même lui ne trouvait pas la présence de son fils obligatoire… Peut-être même s'en réjouissait-il ? C'était bien plus simple que de laisser les choses se faire plutôt que de chercher à y intervenir. Si Stiles n'était pas là, eh bien… Qu'importe. Son absence n'empêchait pas Noah de manger, d'aller au poste, de rentrer, de dormir, de boire… L'on ne parlait pas d'addiction, plus maintenant en tout cas. S'il arrivait au shérif de céder de temps en temps et de se faire plaisir avec un petit verre de whisky, ce n'était pas pour se souler jusqu'au petit matin comme il le faisait autrefois. Et même si Noah savait se gérer et avait réussi à ne plus être esclave de l'alcool, Stiles continuait d'avoir un peu peur qu'il ne replonge de temps à autres. Cette pensée lui donnant envie de se renseigner, il écrivit autre chose à l'intention de Derek.
« Puisque je n'aurais absolument pas le cran d'envoyer un message à mon père ni même d'aller le voir avec cette gueule, tu pourrais te renseigner, savoir s'il va bien ? »
Derek haussa les sourcils. Stiles avait totalement changé de sujet et c'était un peu déroutant. Mais… C'était Stiles. Parfois, il ne fallait pas chercher à comprendre. Enfin, il essaierait quand même, mais ce n'était pas encore le moment. Il se concentra sur autre chose qu'il jugeait passablement important.
- Tu ne veux toujours pas qu'il sache ?
Le regard de Stiles était sans équivoque : non, il ne voulait toujours pas mettre son père au courant pour cette histoire. Lorsqu'il était encore chez lui, à passer le plus clair de son temps à se cacher sous ses draps, Stiles dissimulait l'état de son visage à son père, par peur… De plusieurs choses. Décevoir son père faisait partie des choses qu'il préférait éviter. D'un autre côté, celui-ci n'avait jamais eu l'air de remarquer quoi que ce soit. A l'heure actuelle, il ne lui avait toujours envoyé aucun message. Stiles n'avait pas non plus reçu d'appel de sa part, appel que Noah considérait sans doute comme inutile étant donné que son fils ne parlait plus. Et pourtant, l'acte en lui-même aurait réchauffé le cœur de l'hyperactif, en manque cruel d'affection. Si Derek lui en donnait de plus en plus régulièrement, ce n'était pas la même chose. On ne changeait ni ne remplaçait l'amour que pouvait apporter un père.
Dans un geste automatique, Derek posa sa main sur la cuisse de l'hyperactif et relut ses mots alors qu'il réfléchissait à son refus. Au fond, la réaction de Stiles était compréhensible. L'on ne voulait jamais inquiéter un parent, aussi solide qu'il soit. Dans le cas de Noah, l'on devait plutôt parler de fragilité et il devenait évident que le silence pouvait le préserver. Enfin, Derek en savait peu, suffisamment toutefois pour pouvoir dresser un portrait à peu près correct du personnage. Pour tout dire, il avait déjà entendu parler par Lydia de cette addiction à l'alcool qui avait dicté sa vie pendant des années – celle de Stiles également. Par chance, l'hyperactif, enfant à cette époque, n'avait pas eu l'air de subir quelque sévice que ce soit. Du moins, de ce qu'il en savait, l'humain avait simplement grandi dans l'ombre de son père, en essayant de le réguler au mieux tout en se préservant. Derek ferait en sorte de se renseigner un peu plus sur cette période de la vie des Stilinski lorsqu'il le pourrait. Pour l'instant, il se concentrait sur Stiles et uniquement lui. S'il pouvait trouver un moyen de l'occuper et en même temps de renouer le dialogue avec son père, ce serait bien. A ses yeux, Noah devait finir par être au courant. Il avait peut-être ses fragilités, mais Stiles aussi et entre les deux, c'était lui le plus détruit à l'heure actuelle. Il avait passé des jours et des jours à cacher mal-être et blessures à son paternel, profitant tantôt de son absence, tantôt de ses talents minimes en matière de maquillage. Si Derek était d'accord pour attendre un peu et garder le secret de l'état de Stiles, il était clair qu'à son avis, mieux valait ne pas trop tarder. Le silence était d'or lorsqu'il était utile. Dans ce genre de cas, il se transformait en chaînes difficiles à briser. Le loup savait pertinemment les dégâts qu'elles causaient. Chez Stiles, ces derniers étaient d'ores et déjà visibles. Jackson avait aidé à mettre en lumière ce silence dévastateur quand Derek avait tout fait pour montrer au plus jeune qu'il n'avait pas à se renfermer ainsi sur lui-même. Il s'agissait d'une bataille de longue haleine qui ne faisait que commencer.
- Il va bien falloir que tu lui parles un jour, tu le sais ça ?
Stiles leva les yeux au ciel d'un air désinvolte mais Derek perçut très nettement le stress qui s'était invité dans son odeur particulière. Son humain avait peur et peinait à se séparer de cette vieille habitude qui le poussait à essayer de ne pas le montrer. Pour cela aussi, il faudrait laisser le temps faire son œuvre. Les paroles de Jackson avaient semé des graines dans son esprit et désormais, il faudrait juste les laisser éclore. En ce qui le concernait, Derek était de nature patiente – la plupart du temps. Enfin, c'était tout relatif. Disons qu'il était capable de faire cet effort, si la personne ou l'enjeu en valaient réellement la peine.
C'était le cas de Stiles.
Lui et sa guérison faisaient actuellement partie de ses préoccupations premières, pour ne pas dire ses priorités. Pour Stiles, Derek pourrait attendre des semaines, des mois, peut-être des années. Il avait ce quelque chose qui le rendait spécial aux yeux du loup et lui donnait envie de patienter, simplement pour le revoir sourire.
Ou juste supprimer cette peine constante et ce stress régulier dans son odeur.
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C'était fou comme le sommeil pouvait révéler l'état d'une personne, ou tout simplement lui donner un autre air. En ce qui concernait l'hyperactif, l'inconscience donnait tantôt à son visage une allure soucieuse, tantôt une attitude détendue. Derek imaginait que cela devait dépendre des rêves qui devaient peupler son sommeil pour le moins lourd. Il dormait si profondément que rien ne semblait capable de le réveiller. Cette fois-ci, ses traits étaient agréables à regarder et si son visage n'était actuellement pas une palette de peinture, l'on aurait pu penser qu'il allait parfaitement bien, qu'aucune préoccupation ne l'habitait, qu'il ne s'agissait là que d'une simple sieste. La réalité, c'était que Stiles continuait tout doucement de se remettre de ses blessures et que le moindre effort le fatiguait encore. S'il reprenait du poil de la bête, ce n'était que petit à petit. Bien sûr, la différence avec son arrivée au loft était flagrante.
Parce qu'il avait décidé d'être un peu égoïste et qu'il n'avait rien qui l'en empêchait, Derek décida de s'installer avec lui et plus précisément, derrière lui. Le canapé était assez large pour lui permettre d'enlacer l'hyperactif en cuillère. A peine eut-il passé ses bras autour de lui que Stiles se recula contre le corps chaud qui l'avait rejoint. Était-ce par pur envie ou parce que tout son être criait à l'affection, cette affection dont il avait tant manqué ? Derek n'en avait aucune idée, mais il était prêt à tout lui offrir, jusqu'à satisfaire le moindre de ses besoins. Avec une douceur empreinte de ce sentiment qu'il serait peut-être bientôt capable de nommer, le loup déposa ses lèvres sur sa nuque, dans un baiser qui fit frissonner le jeune homme endormi. Jeune homme duquel sortait une fragrance agréable, dénuée de toute lourdeur. Plus les jours passaient, moins il faisait de cauchemars et Derek n'allait pas s'en plaindre. Si Stiles se sentait en sécurité et arrivait à se battre contre ses souvenirs plus que récents, c'était tant mieux. Derek voulait qu'il s'en remette et reprenne le cours de sa vie d'adolescent…
… Même si ce retour aux sources risquait de compromettre leur relation.
Derek n'était ni dupe, ni aveugle : ils avaient quelque chose. Entre eux, une petite étincelle allumée par autre chose que de la provocation était bel et bien là, présente. Elle brûlait d'une lueur vive et réchauffait le cœur resté longtemps de glace de Derek. Depuis combien de temps ne s'était-il pas senti aussi bien avec quelqu'un ? Il n'en avait aucune idée, mais il profitait de ce cadeau que la vie lui offrait. Celle d'apprécier… D'aimer, peut-être, à nouveau. Le mot était aussi dur à penser qu'à prononcer, d'autant plus que le loup n'était pas des plus certains qu'il soit le bon pour décrire ce qu'il ressentait. Pour que les choses soient plus simples, il s'arrêtait délibérément au fait que Stiles comptait beaucoup pour lui. Qu'il avait envie de le protéger. De lui offrir tout ce dont il avait manqué, réparé les trop nombreuses erreurs qu'il avait commises. Dans un sens, il avait également sa part de responsabilité dans l'isolement de l'hyperactif. Elle n'était pas la même que celle de Lydia, Scott ou les autres, mais tout de même. Donc oui, il voulait se racheter, mais la culpabilité n'était pas ce qui motivait le plus ses actions. Non, c'était surtout l'envie de sentir de la joie, du bonheur, de la légèreté dans son odeur qui menait la barque.
Les doigts un peu calleux de Derek passèrent sur la peau tendre de la joue encore abîmée de Stiles. Ces blessures les hantaient, autant l'un que l'autre. De son côté, Derek peinait à accepter que tout cela se soit réellement passé, que Stiles ait autant souffert en silence, dans l'indifférence générale. Les bleus et ecchymoses empêchaient d'ailleurs l'hyperactif d'avancer correctement. D'une certaine manière, elles le freinaient. Pas une fois il n'avait voulu sortir du loft, ni aller voir son père. Si Lydia et Jackson avaient déjà vu son visage tuméfié, Derek savait que Stiles n'était clairement pas à l'aise avec cette idée et que s'il pouvait éviter de se montrer, il le faisait. Parce qu'il continuait d'avoir honte.
Avec Derek, Stiles n'avait pas le choix : impossible de se cacher de lui et dans un sens, il ne cherchait même pas à le faire et c'était tant mieux. Ils se voyaient sans arrêt alors dissimuler son visage ne servait à rien. Et puis dans un sens… Se montrer au loup tel qu'il était, c'était tout de même un peu libérateur. Le seul bémol, c'était ses difficultés à se confier. Derrière son mutisme écrit, se cachait cette peur que Derek essayait désespérément de faire disparaître : celle d'être chassé. Bien sûr, viendrait un moment où Stiles devrait sans doute retourner chez lui et ça, Derek ne pourrait pas l'empêcher. En attendant cela, il le garderait ici sans aucun problème. L'avoir auprès de lui était aussi agréable que nécessaire, et pas juste parce que son loup couinait lorsqu'il ne l'avait pas dans son champ de vision. L'impression que le danger rattraperait Stiles à la moindre négligence de sa part ne voulait pas le quitter. Sans doute était-ce un accès de paranoïa : le fait était qu'il avait un peu de mal à le réfréner et avait peur d'abuser. De son côté, Stiles ne le repoussait jamais et Derek savait que ce n'était ni par peur, ni par obligation. Son odeur parlait pour lui.
Lorsqu'il dormait, ladite odeur était d'une légèreté stupéfiante. C'était comme si tous ses soucis s'étaient envolés, restaient en suspens au-dessus de lui, le temps qu'il se repose, avant de l'attaquer à nouveau dès son réveil. Un moment de répit court, mais toujours bienvenu.
Au bout d'un petit moment, le rythme cardiaque de Stiles changea et quelques secondes plus tard, il papillonna des yeux. Puisque son protégé était dos à lui, Derek ne vit pas l'expression qu'arborait son visage, mais son odeur continuait de le rassurer. Stiles se sentait bien. Encore un peu endormi, mais tout de même léger, et la présence de Derek ne semblait pas le surprendre, comme s'il s'y attendait. Une petite voix lui souffla que Stiles l'avait désiré et s'il n'avait rien qui pourrait confirmer ou infirmer ce fait, Derek se sentit un tantinet ragaillardi. Si être apprécié était une chose, être désiré en était une autre, d'autant plus que ce mot couvrait plusieurs sens. Derek se plus à imaginer celui qu'il revêtait à l'heure actuelle, sans tricher en analysant son odeur plus en détail. Parfois, il n'y avait pas besoin de tout savoir. Le mystère avait aussi son charme.
Doucement et par des mouvements aussi prudents que lourds, Stiles se retourna dans l'étreinte du loup, pour se retrouver face à lui. Il avait le regard de celui qui avait bien dormi et qui serait bien resté dans son monde quelques minutes de plus. Ses petits yeux plissés lui donnaient un air adorable et Derek ne put s'empêcher d'imaginer l'hyperactif se réveiller ainsi, chaque matin. Sans aucun bleu. Juste avec sa petite bouille encore endormie, ses iris ambrés débarrassés de toute ombre superflue. Il l'imaginait également nu sous les draps, paradant ainsi dans son habit le plus naturel et le plus confortable. A ses côtés. Derek voulait se trouver à ces côtés dans ce genre de moments. C'était tout aussi étrange que nouveau pour lui de penser cela, mais il ne pouvait s'en empêcher.
- Salut, souffla-t-il, éberlué par la profondeur de ses pensées.
Un fin sourire répondit à son bonjour, si léger qu'il crut d'abord l'avoir rêvé. Mais non, les commissures des lèvres de Stiles étaient à peine relevées, suffisamment toutefois pour qu'il le remarque. L'hyperactif se rapprocha doucement et après quelques secondes d'hésitation, initia ce qui pouvait s'apparenter à un baiser. Le contact, si léger et si doux à la fois, ressembla tout d'abord à un effleurement. Derek ne chercha pas à réfléchir, ne donna pas de sens précis à ce qui était en train de se passer. Il ferma les yeux et répondit à ce contact qui, par sa retenue, était au final des plus intimes. Ce que Stiles lui offrait n'était pas un simple baiser.
Il lui servait son cœur sur un plateau d'argent et ce, sans s'en rendre compte.
Derek ne saurait décrire ce qu'il ressentit à l'instant précis où il le comprit, où son instinct lui souffla que c'était ça et pas autre chose. Mais il l'entoura et l'étreignit avec plus d'amour qu'il n'en avait jamais témoigné pour quiconque avait partagé son intimité. Stiles initia un nouveau rapprochement en entremêlant leurs jambes sans basculer du côté aguicheur que pouvait avoir la chose. Non, c'était juste… Tendre. Hésitant. Quelque chose qu'il voulait mais qu'il était incapable de faire avec assurance, comme s'il avait peur que Derek le repousse.
Comme s'il avait oublié qu'ils s'étaient déjà retrouvés nus, l'un contre l'autre, qu'ils s'étaient embrassés à plusieurs reprises, avec passion, excitation, qu'ils avaient manqué de faire l'amour quelques fois.
Comme si c'était nouveau.
Et Derek était touché par cela, cette fébrilité nouvelle.
Car cette fois, c'était l'hyperactif qui initiait les choses, faisait le premier pas. Il l'avait déjà fait, mais différemment. Là, il semblait… Différent. Rempli d'attentes. D'espoirs.
D'amour.
On en revenait là. L'amour.
Derek savait qu'il ne pourrait pas se leurrer éternellement, ni repousser la vérité trop longtemps. Elle se trouvait là, sous ses yeux. Et alors qu'il collait l'humain contre lui dans un geste plus que possessif, il sentit son loup gratouiller aux portes de son esprit. Il le voulait. Bordel, ce qu'il le voulait ! Et il l'avait là, dans ses bras, l'embrassant avec une douceur incommensurable, une douceur qu'il n'aurait jamais imaginé possible dans sa vie.
D'un coup, il eut envie de passer sa journée avec lui, à paresser dans son lit, remettant tracas et incertitudes à plus tard.
Seuls comptaient le moment présent, et la personne qui faisait battre son cœur.
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Stiles avait de belles courbes. Discrètes, mais jolies. Derek le contemplait avec apaisement alors qu'il somnolait grossièrement contre lui, le drap cachant tout juste leurs intimités. Autrement, la nudité les habillait.
Ils n'avaient pas fait grand-chose et surtout, n'avaient pas encore passé le pas, comme si c'était trop tôt. L'envie n'avait pas non plus été des plus présente. En fait, les deux amants avaient simplement profité de l'un et de l'autre, se touchant plus ou moins intimement, mais toujours avec cette tendresse, ce calme et cette curiosité tranquille. Ils prenaient leur temps et se satisfaisaient de cela. Ce qui touchait Derek et le rendait d'autant plus patient, c'était le fait que Stiles avait pris toutes les initiatives, au final. Il avait initié chaque mouvement, chaque début de caresse, laissant ensuite Derek prendre les rênes. Il s'en était d'ailleurs donné à cœur joie.
A plusieurs reprises, pendant leur session de caresses et embrassades improvisées, Derek avait manqué de prononcer les mots. Ces mots qui changeraient tout, qui, soit poseraient les bases d'une toute nouvelle relation, soit réduiraient à néant tout ce qu'ils avaient. Et c'était idiot parce qu'au fond, il savait que Stiles avait plus ou moins les mêmes idées que lui sur ce qu'ils étaient, mais il avait atrocement peur de le brusquer et lui rajouter des préoccupations aussi supplémentaires qu'inutiles. Ce qui comptait le plus pour l'instant, c'était le moment présent et la guérison aussi bien physique que mentale de l'adolescent. Ce détail… Ça pouvait attendre. Ils avaient le temps, tous les deux. Pas la peine de se précipiter.
Stiles se blottit contre lui, profitant de la chaleur que son corps lupin dégageait. Une chaleur agréable et pas le moins du monde étouffante. Et Derek l'étreignit avant de poser un petit baiser sur le bout de son nez. Un léger sourire paresseux étira les lèvres de l'hyperactif qui, sans rouvrir les yeux, vint l'embrasser au coin des lèvres. Derek sentit une nuée de frissons le parcourir et une envie folle le prendre.
Stiles le rendait fou.
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Derek déposa une assiette bien remplie devant Stiles, qui fit la grimace. Se nourrir, c'était une chose. Se goinfrer en était une autre. Pourtant, cela faisait un moment que le loup avait commencé à augmenter les doses et l'hyperactif se rendit compte qu'il ne plaisantait réellement pas lorsqu'il disait prendre soin de lui. Mis à part ses soins qu'il lui faisait tous les jours, Derek faisait réellement attention à faire en sorte qu'il ne manque de rien et qu'il se remplume.
- Quoi, c'est trop ? Demanda le loup en voyant son protégé grimacer.
Stiles hocha la tête.
- Mange ce que tu peux, conclut rapidement le loup en prenant place en face de lui.
Nouveau hochement de tête.
Le repas se passa dans le plus grand calme et Stiles fit des efforts. Pas pour lui, mais pour Derek. Grossir, reprendre du poids… Ce n'était pas sa priorité. Toutefois, il savait que le loup face à lui y tenait. Et puis, il faisait tant d'efforts pour lui que Stiles ne se voyait pas ne pas lui rendre la pareille. Si c'était ce que Derek désirait… Soit, il le ferait, même s'il ne voyait pas pourquoi cela lui importait autant. Ainsi, il mangea un peu plus de la moitié de ce qui se trouvait dans son assiette, avant de déclarer forfait dans un soupir bienheureux. Manger faisait du bien. Petit bonus, Derek était un fin cordon bleu, ce qui rendait la chose un peu plus simple. Néanmoins, son estomac avait ses limites et il regarda le loup d'un air désolé en repoussant doucement son plat.
Loin de s'en formaliser, Derek sourit et mit les restes dans une petite boîte qu'il mit au frigo. Ici, on ne jetait rien qui pouvait encore se manger. Stiles voulut l'aider à débarrasser mais son hôte refusa toute aide, pour le même motif que d'ordinaire : sa cheville. L'hyperactif pesta intérieurement et accepta son sort sans trop résister. L'air de rien, manger autant – plus que d'habitude –, c'était fatigant. Se faire chouchouter de cette manière relevait plus de l'agréable. Stiles avait eu tellement rarement droit à ce genre de traitements de faveur qu'il choisit, pour une fois, de ne pas insister davantage.
Lorsqu'il eut terminé, Derek vint naturellement l'embrasser avant de le porter et de l'amener au salon. Déposant l'hyperactif sur la masse de coussins, il rapprocha son matériel d'écriture de lui, avant de s'installer à son tour et d'allumer la télévision. Il n'avait pas envie que Stiles se retienne de communiquer avec lui juste parce qu'il n'avait pas ce qu'il fallait sous la main. Une idée le percuta alors. Deux, en fait. D'une part, il savait que son mutisme était apparemment définitif, mais il ne savait toujours pas comment Scott s'était débrouillé pour cela. Ensuite…
- Dis-moi, ça te dirait d'apprendre la langue des signes ? Demanda-t-il à l'hyperactif après avoir tourné la tête vers lui.
L'expression détendue de l'hyperactif changea instantanément. Jamais Derek n'avait vu son visage se fermer aussi vite. Il fronça légèrement les sourcils alors que Stiles secouait la tête.
- Pourquoi ? Ça te permettrait de communiquer sans avoir à écrire sans arrêt et…
Derek s'interrompit lorsqu'il remarqua que Stiles avait pris son matériel d'écriture et qu'il rédigeait quelque chose à son intention. Il lui passa la feuille d'un geste sec, presque… Froid.
« Pour quoi faire ? Pour parler à qui ? »
- A moi, répondit tout naturellement Derek, sous-entendant ainsi qu'il l'apprendrait aussi.
Stiles repartit alors sèchement écrire un petit monologue.
« Je n'ai plus de voix, mes gestes ne comptent pas. Alors admettons que je l'apprenne et toi aussi : si tu ne veux plus discuter avec moi, il te suffira d'éviter de me regarder et pour moi, c'est pire. Tant qu'à être ignoré et oublié, autant ne pas me bercer d'illusions. »
En cet instant, Derek ne reconnut pas le Stiles avec qui il vivait depuis un moment. Il eut d'ailleurs l'horrible impression de revenir à la case départ. L'hyperactif n'avait-il pas compris qu'il était de son côté ? Qu'il ne le lâcherait plus ?
- Stiles, fit-il prudemment, tu es conscient de ce que tu dis ?
Sans relever les yeux vers lui, le susnommé hocha la tête. Son odeur était piquante. Derek se recula légèrement, avec la sensation de s'être fait poignarder en plein cœur. Toutefois, si la douleur le submergea, il essaya de ne pas trop le montrer. Ce n'était pas le fait qu'il ne se sente pas légitime de souffrir – même s'il y avait un peu de cela – qui le poussait à se contenir, mais plutôt de ne pas incommoder le jeune homme à ses côtés. Pour régresser à ce point-là… Et puis, Derek se rappela de quelque chose. Stiles était intelligent et gentil par nature. Il ne blessait jamais, ou du moins, jamais sans raison. Faire du mal simplement pour s'amuser, ce n'était pas lui. Il n'y avait qu'à voir son attitude lorsqu'il avait quitté la meute : il avait tout fait pour essayer de le convaincre de s'excuser auprès de Scott et ainsi, de préserver sa place, même si cela signifiait élargir le fossé entre eux, et son oubli à lui. Parce qu'il était clair que le latino aurait interdit à Derek d'avoir de nouveaux contacts avec lui. Et Stiles était conscient de cela alors même qu'il le poussait à ne pas se séparer de cette deuxième famille qu'il s'était créée. C'est alors que Derek comprit.
Stiles se protégeait.
Oui, avec du recul, il ne pouvait que faire cela pour se protéger. De quoi avait-il longtemps manqué ? De sécurité, d'affection, d'attention. Pour l'instant, il en avait. Mais avoir goûter à l'enfer durant à peine plus d'un mois avait suffi à changer sa vision des choses. On l'avait abandonné une fois, et cette unique fois était suffisante, parce qu'elle avait participé à sa destruction mentale. Derek comprenait, oui, mais il fallait qu'il trouve un moyen de lui montrer le contraire. Ce n'était pas à Stiles de s'adapter : c'était plutôt à lui de faire des efforts. Comme les autres, Derek était fautif. Au départ, il ne faisait certes pas partie du cercle intime de l'hyperactif, seulement de sa meute. Mais dans une meute, l'entraide devait primer et Derek, comme Lydia, avaient réagi un peu tard.
Stiles avait besoin de réelles preuves et c'était on ne peu plus compréhensible. On ne pouvait pas le blâmer de croire que brièvement à ces mots qu'il avait tant rêvés. Il les acceptait, y réfléchissait, puis doutait.
Derek lui prit la main et soupira.
- Je sais que ce que je vais te dire… Tu ne vas pas forcément y croire, mais je tiens à toi, Stiles, vraiment. Je sais que ne plus parler te mine et pour te dire la vérité, moi aussi. Ta voix me manque.
L'hyperactif darda sur lui un air sceptique, l'air de dire « tu te foutrais pas un peu de moi, par hasard ? ». Il doutait de ses mots, à raison. Autrefois, Derek, comme les autres, lui demandait de se taire, parce qu'il parlait trop. Insupportable, c'était le mot qui ressortait souvent et si le loup ne l'avait jamais prononcé à proprement parler, il avait déjà sous-entendu préférer le silence. Et maintenant, il lui sortait cette connerie ? Bien sûr que Stiles ne pouvait pas y croire. C'était… Idiot et contradictoire.
- Je sais n'avoir pas été tendre avec toi quand on s'est connus et c'est bateau, mais je le regrette profondément. Si j'avais su ce qui allait arriver… Evidemment, c'est facile de dire ça. On dit les choses seulement après qu'elles se soient passées, comme on se rend compte de ce qui compte vraiment lorsque certaines choses qu'on aime disparaissent. Le fait est que c'est réel. Ta voix me manque. Quand je te vois, je m'attends automatiquement à t'entendre et je… Me rends compte que je suis heureux à cette idée. Et puis je me rappelle de la situation, de ta situation.
Il fit une pause, se mit à doucement caresser du pouce le dos de cette main abîmée qui guérissait doucement. Il n'avait jamais aimé parler, c'était un fait encore réel même à l'heure actuelle : mais il communiquait. Il communiquait parce qu'il le fallait et à force… Il se prenait au jeu, même si c'était très loin d'en être un. Disons simplement qu'il commençait à en avoir l'habitude. Peut-être finirait-il par ne plus trouver cela déplaisant, même si l'idée de pouvoir lui parler autrement, sans un mot, faisait doucement son chemin dans son esprit.
- Je sais que c'est quelque chose qu'on ne peut pas changer, même si au fond, c'est ce que je souhaiterais le plus, pour toi. Je sais que je ne pourrai jamais me mettre à ta place, mais je peux imaginer ce que tu ressens. Ne pas pouvoir parler, c'est ne pas pouvoir t'exprimer. Tu es muselé et tu dois passer par l'écriture. Je sais ce que tu penses. Tu te dis qu'ainsi, c'est plus facile pour les autres d'éviter de faire attention à toi et pendant un temps, ça a été le cas. Il faut que tu comprennes que c'est fini, définitivement fini.
Il était là, à présent. Qu'importe ce qu'ils pourraient être l'un pour l'autre, amis comme ennemis, amants comme amoureux, chiens comme chats, Derek n'avait qu'une parole.
Et il n'avait plus envie d'en prononcer une seule, comme s'il avait dépassé son quota pour la journée. Pourtant, c'était nécessaire. Il savait pertinemment que Stiles mettrait du temps à le croire et qu'en attendant, il se devait de continuer de lui prouver ce qu'il avançait.
- Accepterais-tu… De me faire confiance ? Demanda-t-il simplement.
Stiles le toisa longuement, indécis. Son hésitation, il la comprenait totalement, mais il fallait bien que la balance finisse par pencher d'un côté. Du sien, de préférence. Il ne pouvait pas imaginer les progrès de l'hyperactif s'envoler et voir celui-ci retomber à nouveau dans les limbes de la solitude. Il en avait bavé pour lui faire remonter la pente. C'était loin d'être fini, bien sûr, mais c'était déjà énorme à ses yeux. Chaque avancée était pour lui un pas de géant, d'autant plus que Stiles partait réellement de loin. Derek le fixa d'un air inquiet car il fallait l'avouer, il n'était pas certain que l'hyperactif lui réponde par la positive. Oui, il voulait l'aider, rendre son mutisme un peu plus supportable. Mais le stress le gagnant, il ne put s'empêcher de cesser de caresser la main du jeune homme. Son appréhension atteignait des sommets qu'il n'aurait jamais imaginés. Stiles avait toujours eu le don de le mettre dans des états dans lesquels il découvrait différentes facettes de lui-même, avec certains côtés qu'il ne soupçonnait pas forcément.
Ce qui embêtait Stiles n'était pas tant de se fier à Derek que de croire en une promesse. Ce genre de choses, c'était… Trompeur. On pouvait faire une promesse et certifier que l'on n'y dérogerait pas, mais au fond, qu'est-ce qui empêchait de la transgresser ? Rien. Les promesses n'étaient rien d'autres que des mots. Et dans un sens… Derek lui avait déjà montré à maintes reprises qu'il était là pour oui. Si, effectivement, il pouvait arrêter cela du jour au lendemain, le fait était que pour l'instant… Il l'épaulait. En quelques jours, il en avait fait plus que la majorité de ses amis en plusieurs années. Mais était-ce suffisant ? S'il n'était pas sur une pente aussi raide, Stiles lui aurait accordé sa confiance sans hésiter. Mais il était fatigué et il n'avait pas fallu longtemps pour qu'il découvre la signification du mot « enfer »… Enfer duquel Derek l'avait sorti, quand il y repensait. En fait, il adorerait se fier à lui et en y réfléchissant, il ne serait pas idiot de lui accorder sa chance, qu'il avait déjà amplement méritée, en soi… Tout ce qui bloquait Stiles, c'était la peur qu'il ressentait. Honnêtement, il se sentait bien avec le loup, qui faisait tout pour le mettre à l'aise. Dire le contraire serait complètement stupide et irréfléchi. Simplement… Les choses étaient si compliquées ! Et en même temps pas tant que ça.
Stiles n'avait autrefois qu'une devise : suivre son instinct. S'il devait donner un seul conseil dans sa vie, ce serait celui-ci. C'était bien joli mais il fallait maintenant l'appliquer pour… Lui-même. S'il réfléchissait correctement… Il était simple pour lui d'avouer qu'il n'en pouvait plus de se méfier, de s'attendre à être lâché du jour au lendemain et de retrouver cette vie qu'il avait déjà envisager de quitter. C'était réellement usant. La perspective qu'avait l'air de lui offrir Derek était franchement séduisante. Plus que ça… Elle l'emplissait d'espoir. Non et puis sincèrement… En pensant de manière objective, Derek n'embrassait pas n'importe qui. Si Stiles devait être complètement honnête et lucide, il ne laisserait pas le loup agir avec lui s'il ne se sentait pas aussi à l'aise en sa présence. Pas pour tout, il fallait le dire, mais disons que dans un sens… Oui, il lui faisait déjà confiance. Hormis le fait qu'il avait toujours été son fantasme et que cette proximité le charmait, elle lui faisait surtout un bien fou. Sans Derek… Ouais, peut-être qu'il aurait fini par faire une connerie. Parce que tout ça, son quotidien, l'attitude de Scott, l'oubli général… Oui, ça l'avait miné et ça continuait, dans une moindre mesure cependant. Disons qu'il arrivait à essayer d'aller mieux, parce qu'il n'était pas seul. En cela, il était contradictoire : il avait peur que Derek le laisse et pourtant, il se reposait déjà sur lui.
Stiles laissa sa tête se poser sur l'épaule du loup en soupirant. C'était si simple. Si simple et pourtant, il avait peur d'avouer sa conclusion à Derek, par crainte de… De quoi, au final ? Qu'il le trouve ridicule ? Contradictoire ? Con tout court ? A force de réfléchir, il ne savait plus. Pouvait-il simplement suivre son instinct et ses besoins ? Ses envies aussi comptaient. Durant longtemps, il s'était fait passer au second plan, détruisant progressivement son estime de lui-même au profit du bonheur et du bien-être des autres. L'arrivée soudaine de son mutisme n'avait rien arrangé, bien au contraire. L'accélération avait été si brutale qu'il n'avait pu rien tenter pour se protéger, d'autant qu'il avait été au départ dans le déni, se disant que l'on allait se lasser, le laisser tranquille.
Et depuis un moment, Derek s'évertuait à faire tout ce qui était en son pouvoir pour le mettre à l'aise. Il l'encourageait, le soignait, s'évertuait à le pousser à se confier et c'était… Franchement agréable. Ça faisait du bien.
Au final, il avait bien le droit à un peu de soutien, non ?
- Stiles ?
L'hyperactif releva la tête après quelques secondes et son regard devenu un tantinet brumeux s'ancra dans les yeux clairs de Derek. Des prunelles aussi claires que limpides dans les émotions et l'inquiétude qu'elles transmettaient. Pour être honnête, Stiles voulait arrêter de réfléchir et commencer à suivre son instinct qui, d'expérience, n'avait jamais été mauvais. A force de trop songer à ce qu'il pouvait faire ou ne pas faire, à se limiter dans chacune de ses pensées et ses actions… Vivre et guérir était difficile. Et il avait envie d'avancer, réellement. Il fallait que les choses finissent par bouger, tout simplement parce que tout ne pouvait pas rester ainsi.
- Qu'est-ce qu'il y a ? Tu veux écrire, me dire quelque chose ? Lui demanda Derek.
Stiles secoua doucement la tête. Non, il ne voulait pas écrire, ni parler. Ce qu'il désirait ne passait pas par des mots. S'il avait encore sa voix, il aurait tout de même eu l'audace de lui dire ceci : je veux t'embrasser. Mais cela aurait été gênant, si bien que Stiles fut tout aussi heureux de ne pas être capable de prononcer ces mots qui, peut-être, lui auraient valu un refus de la part du loup. Réflexion stupide au final, puisqu'ils s'embrassaient assez régulièrement. Tu penses trop, agis, s'encouragea-t-il.
Et il le fit.
Lorsque ses lèvres se posèrent sur leurs consœurs, Stiles ferma les yeux tandis que des sensations toutes plus agréables les unes que les autres l'assaillaient et qu'un bras musclé passait autour de sa taille. C'était là qu'il voulait être. Contre cet homme dont il avait longtemps sous-estimé la bienveillance. Ce loup qui avait sacrifié sa place dans la meute, pour lui. Cet être incroyable qui le faisait se sentir si spécial et étrangement… Aimé. C'était étrange comme, à ses côtés, il n'avait pas l'impression d'être de trop – sauf lorsqu'il réfléchissait à outrance.
Pour être honnête, sa proposition quant à la langue des signes était touchante, mais la peur empêchait Stiles de l'accepter. S'il était prêt à prendre potentiellement le risque de faire complètement confiance à Derek, apprendre quelque chose qui pouvait plus ou moins permettre un évitement n'était pas à l'ordre du jour. Plus tard, peut-être. Pour l'instant, il voulait juste sustenter ce besoin irrépressible de partager le même air et la même salive que Derek. Il sentit d'agréables frissons parcourir son échine alors que le baiser s'intensifiait et qu'il laissait le loup l'allonger sur le canapé. Pourquoi était-ce si… Normal entre eux ? Pourquoi s'embrassaient-ils et se caressaient-ils avec autant de naturel et d'envie ? Impossible de nier ou d'étouffer ce désir réciproque. Il était là, c'était un fait et aussi étonnant que cela puisse paraître, Derek semblait réellement apprécier ces lèvres, ce corps, cette personnalité. Mais du coup, c'est pas juste du désir, réfléchit l'hyperactif avant de se baffer mentalement. Il fallait stopper là les réflexions et profiter. Plus que profiter : se laisser aller, s'abandonner. Parce qu'il en mourrait d'envie.
Oui, s'abandonner à Derek.
Faire exploser toutes ces barrières qu'il s'imposait, ces défenses qu'il avait érigées pour se protéger. Être sans arrêt sur le qui-vive, à redouter le malheur, à l'attendre de pied ferme et à se préparer à la déception, c'était fatiguant. Stiles était usé, profondément usé. Et il avait besoin de lui.
Un soupir tremblant passa au travers de ses lèvres entrouvertes. Si le mutisme ne le privait pas de sa voix, il aurait gémi. Parce que ce que lui faisait Derek… Bordel… Disons que Stiles découvrait que le côté droit de son cou était une zone particulièrement érogène. Un peu trop peut-être. Mais bordel que c'était agréable. Il se cambra, entraînant son bassin contre celui du loup, qui émit un grognement de satisfaction. Instinctif, animal. La succion de sa peau constellée de grains de beauté s'intensifia alors que les mains du loup se baladaient sous ses vêtements avec une liberté folle et un désir clair. Stiles ne se priva pas et explora le corps si parfait du loup sous ses vêtements encore présents. Qu'importe qu'il les garde ou non, Stiles n'était pas certain de vouloir aller jusqu'au bout. Tout était encore frais et douloureux. Il voulait passer outre, oui, s'en sortir et réussir à ne plus être dominé par ses réflexions : mais cela ne se ferait pas en un jour. Elles se bousculaient encore aux portes de son esprit, si bien qu'il devait se battre pour les repousser. Les délicieux traitements que lui infligeaient Derek l'aidaient, mais c'était encore difficile. Toutefois, il participa activement aux baisers qu'ils échangèrent, aux caresses, s'amusa à titiller les boutons roses de Derek, qui pointaient discrètement sous son marcel.
Stiles n'arrivait pas à croire ce qu'il était en train de faire. En fait, ça lui paraissait parfaitement irréel, et complètement normal. Mais embrasser et toucher Derek, c'était si naturel… Une sorte d'évidence. Et pourtant, il n'avait jamais cru en ce genre de choses. Mais là, force était de constater que c'était le cas.
Et pour la première fois de sa vie, il avait réellement envie d'accorder l'entièreté de sa confiance en quelqu'un. Il voulait croire tout ce que lui avait dit Derek, lui laisser une chance. Mais ce serait la dernière fois.
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Stiles regarda son reflet dans le miroir. Plusieurs jours étaient passés et son visage commençait enfin à reprendre une allure un peu plus… Normale. Des bleus, il en avait toujours. Toutefois, sa peau paraissait moins marquée et la plupart de ses hématomes jaunissaient doucement. La dernière étape avant leur disparition presque complète. Le reste de son corps ne le faisait plus souffrir, mis à part concernant quelques petits détails. Ses mains guérissaient mais elles le piquaient encore un peu et sa cheville continuait d'être enflée. Elle était dans un meilleur état grâce au repos que lui imposait Derek, mais Stiles s'impatientait. Il était comme ça : pour lui, les choses devaient avancer, tout simplement. En soupirant, il se tourna et attrapa les béquilles que lui avaient achetées Derek. Au moins, il pouvait se déplacer seul, sans avoir à quémander son aide pour marcher. Mais lorsqu'il avait trop mal ou qu'il avait besoin de lui pour autre chose, il avait fallu innover. Puisque Stiles refusait d'apprendre la langue des signes, ils avaient établi un code. Pour le faire simplement venir, l'hyperactif tapait deux fois des mains. S'il s'agissait d'un problème urgent, une seule suffisait. Rapide et efficace.
Stiles sortit doucement de la salle de bain. Les béquilles avaient beau être pratiques pour se déplacer, l'hyperactif peinait à marcher de manière… Adroite. Ces trucs étaient incroyablement instables ! Il s'agissait, grossièrement, de deux bâtons, en soi et Stiles n'arrivait pas à savoir à quel point il pouvait se reposer sur ces choses. Alors forcément, chaque pas était une épreuve. Mais il apprenait, c'était l'essentiel. Derek avait bien essayé de lui montrer des petites techniques pour rendre la chose plus facile, mais Stiles avait un mal fou à les intégrer.
En arrivant péniblement au niveau des escaliers, Stiles dut se résoudre à taper deux fois dans ses mains. Tant pis pour les béquilles, qu'il posa contre le mur. Tant pis pour Derek également, mais il fallait bien qu'il pose son pied au bout d'un moment. Un minimum. Juste pour être stable en position debout.
Derek soupira lorsqu'il arriva à son niveau et qu'il eut remarqué sa position, il passa un bras autour de lui et avant toute chose, déposa ses lèvres sur les siennes tout en grognant. C'était sa manière à lui de lui signifier qu'il n'était pas content, tout en agissant naturellement. S'embrasser était devenu pour lui, pour eux, quelque chose de tout à fait normal qu'ils faisaient de plus en plus souvent, sans se restreindre. Parfois, ils se caressaient, se faisaient jouir selon leurs envies, mais aucun n'avait encore décidé d'aller plus loin.
Puis, Derek porta Stiles et ses béquilles jusqu'à l'étage inférieur, où il lui dit expressément de ne pas marcher à outrance. Même avec ces bâtons, le loup n'était pas tranquille. Stiles était maladroit, mais ce n'était pas le seul problème. Il voulait le protéger, le préserver et surtout, que cette foutue cheville guérisse au plus vite. Stiles l'avait trop longtemps négligée, et voilà le résultat : elle prenait son temps pour changer d'état. Une fois qu'il l'eut déposé sur le canapé, il l'informa qu'ils mangeraient un peu plus tard que d'habitude. Stiles fronça les sourcils.
- J'ai commandé japonais, expliqua simplement Derek.
Stiles leva les yeux au ciel et se saisit de son matériel d'écriture, négligemment posé sur la table basse. Après avoir griffonné quelques mots, il tendit la feuille au loup, qui la parcourut rapidement du regard. Il commençait à s'y faire, à cette écriture en pattes de mouches.
« Non mais sérieusement, t'aurais pu me dire que tu voulais bouffer japonais mais que t'avais la flemme de faire à manger. Si j'avais su, je t'aurais fait ce que tu voulais. »
Derek ne dit rien, mais sourit. Stiles reprit sa feuille et ajouta autre chose.
« Je suis pas mauvais en cuisine. Je dirais même que je suis excellent. Tu savais que je préparais toujours les repas de mon père ? Là tu vois, je ne suis pas là : je suis sûr qu'il bouffe de la merde. Quand je ne m'occupe pas de lui, il a tendance à dériver assez facilement sur ces conneries de burger et de malbouffe alors qu'il n'a pas la santé pour. Alors tu peux me croire, je cuisine bien, puisque ça lui arrive même d'apprécier les légumes que je lui fais, tu imagines ? Là, j'ai la nausée à l'idée de tous les trucs gras qu'il doit s'enfiler en mon absence. Qu'il profite ! Quand je reviendrai, la récréation sera terminée. Retour aux trucs sains. »
Derek souffla du nez et il eut une idée. Il le regarda d'un air espiègle et lâcha qu'il avait l'habitude de commander des plats tous prêts et bien gras. Parfois, il enchaînait plusieurs jours à ne manger que des tacos, des burgers avec leurs suppléments de frites bien huilées, de sauces fournies. Stiles le regarda d'un air outré, effaré, comme si ses mots étaient un sacrilège en eux-mêmes.
« Tu peux pas être un Apollon et manger comme une merde. »
Derek fit comme si ce compliment ne l'atteignait pas mais son loup adopta une attitude fière. Il n'était jamais désagréable de se faire complimenter, surtout lorsque ses mots venaient de la personne qui lui plaisait. Parce que c'était la vérité. Enfin, une partie de la vérité. Son étendue le dépassait pour l'instant bien trop pour qu'il songe à penser à autre chose. Mais une partie de lui savait qu'il aimait serrer l'hyperactif contre lui, l'embrasser à en perdre haleine. Qu'importe le nombre de ses ecchymoses, qu'importe leurs couleurs. Parce que tout était en train de guérir et qu'aucune de ses blessures ne diminuait sa beauté, autant l'extérieure que l'intérieure.
« Va falloir remédier à ça, Sourwolf. C'est pas parce que tu es un loup-garou que tu ne dois pas prendre soin de toi. Purée, heureusement que je suis là. Je vais te changer ton alimentation, tu vas voir. »
Derek releva des yeux brillants d'amour et de malice avant d'embrasser son humain et de lui chuchoter à l'oreille :
- Fais attention, je pourrais m'y habituer.
Stiles se mit à rougir tant il comprit le sous-entendu plus ou moins volontaire de Derek. Néanmoins, il ne fut pas aussi heureux qu'il ne le devrait. Parce que son quotidien chez le loup lui apportait son lot d'affection et de soutien, mais… L'ombre de la culpabilité continuait d'habiter son regard ambré. Sentant le changement léger s'opérer dans son odeur, Derek perdit son sourire et se recula légèrement. Stiles semblait cette fois-ci un peu embêté. Pas comme si la proposition sous-jacente le dérangeait. Plutôt parce qu'il se sentait doucement filer vers le mal-être duquel il tentait réellement de s'éloigner. Il fallait avancer dans la vie, et il essayait sincèrement de poser un pied devant l'autre sans trop reculer. Mais la réalité le rattrapait, écrasait le rêve créé par les baisers enchanteurs qu'il échangeait avec le loup, qui le regardait d'un air un tantinet inquiet. Stiles se mordit la lèvre inférieure. Il se sentait incapable de dissimuler ce qu'il ressentait : tout juste pouvait-il contrôler le flot d'émotions qui affluaient en lui.
Parce qu'il avait beau essayer de passer outre et d'ignorer ce qu'il avait indirectement causé, ce n'était pas quelque chose qu'il pouvait effacer. Les conséquences n'étaient pas comme les bleus parsemant sa peau : elles restaient. Sauf qu'il avait tendance à l'oublier et que le rappel était difficile à accepter.
Sa douce joie un tantinet refroidie, Derek s'installa à côté de lui et vérifia rapidement où en était sa commande. Il eut un très léger hochement de tête en voyant que le livreur en avait encore pour quelques minutes. Parfait. Il allait utiliser ce temps à bon escient. D'un geste de la main, il indiqua le matériel d'écriture à son humain, qui comprit instantanément et s'en saisit, avant de se mettre à coucher ses pensées sur papier sans rechigner, sans doute parce qu'il savait ne pas pouvoir lui cacher ses états d'âme. Et parce que ça l'arrangeait aussi, dans un sens. Sans doute s'était-il rendu compte que parler était une bonne manière de commencer doucement à guérir. Il n'y avait pas que son corps qui réclamait des soins : sa psyché en avait pris un coup, elle aussi. Tant que son esprit n'irait pas mieux, sa guérison physique irait au ralenti. On était toujours conditionné par son mental.
De son côté, Derek fut heureux que Stiles soit humain. Ainsi, il pouvait lui cacher ses propres émotions. Le fait de lui dissimuler le négatif ne lui plaisait pas en soi, parce que cela revenait à mentir, mais ce n'était pas pour l'embêter, bien au contraire. Son but était de l'aider, pas de le plomber. En fait, continuer de le voir écrire le minait. Ils avaient un autre moyen de communiquer, quelque chose de plus direct, qui établirait un réel dialogue, mais Stiles avait exprimé son refus de manière catégorique à ce sujet. Il ne voulait pas apprendre la langue des signes. De la même manière, il n'avait pas cherché à connaître la façon dont Scott s'était débrouillé pour lui faire perdre sa voix à tout jamais. Il n'avait pas non plus essayé de contrer ce mauvais sort, avait tout de suite cru au côté définitif de la chose. En fait, il n'avait émis aucune contestation, prenant ces affirmations pour acquises. Sans doute l'étaient-elles. Derek se doutait bien qu'il s'agissait pour lui d'une façon de le protéger, mais il était indéniable que cela ne l'aiderait pas sur le long terme. A force, cela finirait par le ronger et l'hyperactif viendrait à ne plus penser qu'à cela. Il n'avait jamais aimé les zones d'ombres : pourquoi se mettrait-il à les apprécier ? L'ignorance rassurait, jusqu'à ce qu'elle engloutisse et torture l'esprit dans le silence le plus total.
Alors même si tout avait l'air d'aller depuis cette foutue réunion catastrophique, Derek ne s'était jamais fait d'illusions. Il se doutait que les démons de l'hyperactif finiraient par refaire surface. Ce jour était arrivé, semblait-il. Avec une certaine appréhension, il saisit la feuille qui noircissait à vue d'œil – Stiles n'en changeait que lorsqu'il arrivait à court de place.
« Je repensais juste à un truc. Tu as dit que tu pourrais t'y habituer… Donc potentiellement t'habituer à moi, à ma présence, à tout ça… Mais je sais pas si c'est une bonne chose. Je crois que tu as tendance à l'oublier, mais je t'ai fait perdre quelque chose de très important. A cause de moi, tu n'as plus de meute. Si tu veux t'habituer au malheur, grand bien te fasse, mais je ne te laisserai pas faire. Si j'étais complètement égoïste, je crois que j'en aurais rien à foutre et je te garderais pour moi. En fait, je ne te le rappellerais même pas et te laisserais t'enfoncer avec moi. Sauf que tu es important pour moi, plus que tu ne l'imagines. Là, je t'ai fait perdre ta meute. C'est quoi la suite ? Pour l'instant, Jackson et Lydia ont l'air d'être de notre côté et ils ont dit vouloir quitter la meute. Mais c'est le genre de décision qu'on regrette toute une vie. »
- Je ne regrette rien, souffla Derek en lui jetant un regard. Et cette décision, c'est la mienne. Tu n'y es pour rien, Stiles.
Stiles reprit sa feuille sèchement et bombarda le blanc de mots noirs. Sa main tremblait légèrement.
« Tu verras dans quelques semaines, quelques mois. Un loup, ça a besoin d'une meute. Tu as déjà perdu ta famille, Derek. Si je t'avais pas envoyé ce foutu message ce jour-là, tu n'aurais jamais su. Tu ne serais pas venu me chercher, tu ne m'aurais pas gardé ici, la réunion n'aurait pas eu lieu ou du moins pas de cette façon. Si je n'avais pas été là, tu n'aurais pas pris ma défense. Dans un sens, c'est moi qui t'ai poussé à partir. Tu n'as plus de meute, Derek. Quoi que tu dises, c'est ma faute. Ça ne changera pas. »
Derek fronça les sourcils sans décoller son regard des mots tracés avec empressement et fébrilité. La graphie déjà minuscule et irrégulière de Stiles en pâtissait.
- Alors tu en es encore là, souffla-t-il.
Stiles détourna le regard. Moui, et il n'en était pas fier. Evidemment qu'il voulait avancer, mais c'était difficile. Il pouvait faire de son mieux et mettre certains éléments de côté, la plupart se rappelaient à lui à des moments où le bonheur était censé le frapper. Parce que bordel, Derek lui apportait tant de choses ! Forcément, la culpabilité finissait par pointer le bout de son nez. Fut un temps où Stiles n'aurait jamais cru pouvoir susciter l'attention du loup, encore moins quelque type de douceur que ce soit. A cette époque-là, il faisait tout pour le provoquer, pour avoir une chance de pouvoir capter ce regard bleu-vert, sans trop d'espoirs non plus.
Aujourd'hui, les choses étaient si différentes… Presque irréelles. Derek le comblait et pourtant, ils n'étaient pas ensemble. Pas vraiment. En fait, Stiles ne savait pas ce qu'ils étaient vraiment et dans le fond… Cela ne le dérangeait pas vraiment. Parce que de sa vie, jamais il n'aurait imaginé ni même espéré en arriver là avec l'ancien alpha. Les baisers, les caresses, les étreintes… Toutes ces choses lui faisaient un bien fou et si parfois il arrivait à en profiter, ce n'était jamais pleinement.
Parce que dans le fond, il s'en voulait. Il aimait Derek, sans réellement se l'avouer. Il aimait ses attentions à son égard. Il aimait lui faire plaisir à son tour.
Mais il était brisé. Il voulait aller mieux, c'était clair, mais le fait était que quelque chose en lui s'était irrémédiablement cassé dès lors qu'il avait perdu sa voix.
Un paria, voilà la condition à laquelle l'avait mené son mutisme. L'isolement et la solitude l'avait longuement accompagné. Derek vivait très bien, jusque-là. Lydia et Jackson aussi. Mais il avait fallu qu'on se sente pousser des ailes de bons samaritains, qu'on le sauve, qu'on l'aide, qu'on se mette de son côté. Scott le virait de la meute ? On suivait Stiles. Un jour, tous trois se rendraient compte qu'il s'agissait d'une mauvaise idée. On ne trouvait pas une meute comme cela, en claquant des doigts.
Derek déposa la feuille sur la table, sans lire le reste. Il arborait un air fermé, un air qui fit aussitôt naître une angoisse sourde à l'intérieur des entrailles de l'hyperactif. Pour la première fois depuis longtemps, il fut impossible pour Stiles de décrypter son regard.
