Au départ, Stiles pensait que Derek l'avait fait monter dans sa somptueuse Camaro pour le ramener chez lui. C'était la première idée qui lui était venue, tout simplement parce qu'elle était la plus logique de toutes celles qui avaient pointé le bout de leur nez. Mais Derek ne s'était pas dirigé vers son quartier. Donc, Stiles avait tort. Il avait alors réfléchi – un peu. S'était souvenu du fait que Derek n'avait pas embarqué ses affaires, certaines toujours dans un sac, d'autres peuplant quelques étagères ici et là. En théorie, il avait donc autre chose en tête et ne comptait pas réellement lui faire reprendre le cours de sa vie d'avant. Stiles avait alors imaginé plusieurs autres possibilités, mais aucune ne s'était vérifiée : Derek n'avait pas non plus pris la direction de l'hôpital, ni du commissariat.

En fait, ils avaient quitté la ville et depuis que la voiture avait passé le panneau de Beacon Hills, Stiles n'avait plus essayé de suivre parce que… Eh bien, Derek avait essuyé chacune de ses hypothèses d'un revers de volant. Ainsi, il n'avait aucune idée de leur destination et ne comptait pas se stresser à ce sujet. Pas la peine d'angoisser davantage alors que l'équilibre de sa psyché était des plus précaires. Il préférait se dire qu'il lui faisait confiance et que… Derek avait forcément une idée derrière la tête. Une idée sympathique. Autrement, pourquoi l'emmener ? Pourquoi ne rien lui expliquer ? Enfin, Stiles ne voyait pas ce que Derek pourrait avoir, comme idée sympathique. Il continuait d'avoir l'air fermé, le regard indéchiffrable. Le silence lourd. Le genre de silence qui donnait envie à Stiles de se ratatiner sur son siège, de se faire discret jusqu'à être oublié. Effacé. Juste pour que Derek se détende et aille mieux. C'était dans ce genre de moments que Stiles se rendait compte que sa voix ne faisait pas que lui manquer. Il en avait juste besoin parce que sans elle… Comment faire ? Comment trouver les mots qu'il n'était plus capable de prononcer ? Qu'importe ce qu'il avait fait pour mettre Derek dans cet état aussi fermé qu'étrange, Stiles voulait s'excuser. Juste lui demander pardon. Et se racheter. Mais la prison de son silence l'en empêchait.

Et Derek roulait, roulait, roulait. Oh oui, il roula longtemps, si bien que Stiles fut très étonné de le voir s'arrêter devant une station d'essence – ce qui, au final, n'était pas si bizarre étant donné que les réserves de la Camaro étaient quasiment vides. L'hyperactif vit alors Derek se saisir de son téléphone et sortir de la voiture sans un regard vers lui. N'ayant absolument aucune idée de la manière dont il était censé interpréter cela, Stiles sortit son propre cellulaire de sa poche et rédigea un rapide message à l'attention du loup-garou. Techniquement, il aurait pu faire ça plus tôt… Mais sa présence l'avait bloqué. A vrai dire, Stiles avait tout fait pour se faire discret, quitte à limiter au maximum ses tics hyperactifs et nerveux, ainsi que son besoin presque maladif de bouger.

Alors maintenant, il en profitait.

Le message était simple, composé de deux mots.

« Parle-moi. »

Parce que Stiles ne voyait pas ce qu'il pourrait dire d'autre. Avait-il besoin de plus de mots pour exprimer cette demande ? Non. Même là, il avait envie de se faire tout petit, de ne pas déranger outre mesure. Et en même temps, il avait besoin de savoir. Que Derek s'exprime. Lui, il avait la chance de pouvoir le faire, alors… Pourquoi diable s'entêtait-il à ne rien lâcher ? Maintenant qu'il avait passé un moment sans sa voix, sans la possibilité de se plaindre et de parler, Stiles comprenait à quel point elle avait eu de la valeur. Parler, communiquer, c'était… Tout ce qu'il ne pouvait plus vraiment faire. Avec tout cela, comment Derek ne pouvait-il comprendre ce fait ? C'était simple. Il ne pouvait pas réaliser ni mesurer la chance qu'il avait… Parce qu'il n'était pas embêté. Lui, le silence ne l'handicapait pas. Il ne le subissait pas chaque jour qui passait, ne ressentait pas sa lourdeur appuyer sur son cœur.

Enfin, ce n'était pas grave. Stiles avait juste besoin que Derek voie son message… Et lui parle, tout simplement. Et même s'il ne se confiait pas, tant pis – c'était comme il le voulait. Si, au moins, il pouvait combler le silence… Car celui-ci devenait réellement difficile à supporter pour l'hyperactif. Il ne savait pas précisément ce qui avait mis Derek de mauvaise humeur et n'arrivait pas à savoir s'il lui faisait la tête ou non. Si l'on ajoutait à cela qu'il avait décidé, pour une raison que Stiles ignorait, de l'emmener il ne savait où… Oui, Stiles avait besoin de quelques éclaircissements pour ne pas devenir fou. Dans le somptueux habitacle de la Camaro, il perdait un peu pied. Parce qu'il pensait, pensait, pensait. Réfléchissait, s'interrogeait. Et plus le temps passait, plus le nombre de questions qu'il se posait grandissait. Un peu plus et il commencerait à se ronger les ongles en plus des sangs.

Quelques minutes plus tard, Derek revint. Il avait une poche vraisemblablement remplie de courses dans les mains. Poche qu'il mit directement dans le coffre. Et il se réinstalla au poste de conduite comme si de rien n'était, à la différence… Qu'il tendit un paquet de biscuits à l'hyperactif. Qui le prit en le regardant, effaré et confus. Que voulait-il de lui ? Pourquoi lui donner ça ? Pas pour manger là, dans la Camaro, certainement pas. Il y tenait trop et n'était pas du genre à supporter qu'on salisse son intérieur splendide.

Et pourtant, il fit un signe que Stiles comprit aisément, celui de manger. Puis, il démarra la voiture. L'hyperactif resta là, immobile, perplexe, à ne pas savoir s'il devait prendre cette espèce de demande au sérieux. Qu'est-ce qui lui prenait ? Qu'il n'aille pas lui faire croire que le fait que sa Camaro puisse être salie n'avait pas d'importance – Stiles ne le croirait pas. Était-il malade ? Parce que ce paquet contenait des sablés, des sablés qui mettraient des miettes partout. Partout. Voyant qu'il ne bougeait pas et restait là à le regarder sans comprendre, Derek refit le même signe. Et Stiles eut envie de lui hurler de parler. De dire des mots. De lui donner une information claire. Dans le fond, il était certain que Derek avait compris ce qu'il désirait.

Mais il n'ouvrit pas la bouche pour autant.

La colère commençant doucement à poindre, Stiles se détourna et ouvrit le paquet de biscuits. Derek voulait qu'il mange ? Il allait manger. Lui, il voulait que le loup-garou parle, il ne parlait pas. Alors, il allait en foutre partout et ce, sciemment. Peu importe si après cela, Derek lui passait un savon. Au moins, il les prononcerait enfin, ces putains de mots. Il ouvrirait la bouche. Il s'exprimerait. Bordel, est-ce que c'était vraiment si compliqué de le faire ?!

Stiles appliqua son semblant de plan sans attendre en espérant que ça fasse bien chier Derek. A ce niveau-là, il perdait patience et semblait peu à peu prêt à tout pour obtenir un mot de lui. Le loup-garou le laissait trop dans le flou et… Stiles regrettait de plus en plus d'avoir osé lui écrire ces dernières confessions. S'il avait su par avance que Derek se tairait après cela, il n'aurait rien écrit. Nada. Que dalle. Le pire, c'est que cela renforça Stiles dans son idée que le silence était parfois une bonne chose. Il évitait de mener aux situations comme celles-là. T'aurais dû te taire, laisser tes putains de fragilités de côté. Et il aurait ensuite profité d'un moment où Derek était absent pour se lâcher, se défouler. Si c'était comme ça que ça devait marcher, c'était ce qu'il ferait par la suite – si Derek voulait encore de lui. Et honnêtement, Stiles en doutait de plus en plus, et pas seulement parce qu'il mettait volontairement des miettes partout en mangeant comme un porc.

Ils ne faisaient tout simplement pas partie du même monde et Stiles se rendait compte d'à quel point le fait qu'ils aient partagé moults étreintes intimes et baisers passionnés relevait du miracle. Derek n'avait pas les yeux en face des trous, vraiment. Et lui, Stiles Stilinski, en avait égoïstement profité. A ce stade-là, il n'arrivait même pas à s'en vouloir, trop en colère pour ça. Bordel, il n'attendait qu'un mot de lui. Même des reproches, ça lui irait. Il voulait juste que cet idiot d'Apollon ouvre la bouche. Utilise sa langue. Et pas que pour lui rouler les pelles de sa vie. Il n'en voulait même plus. C'était ses pensées qu'il désirait, en cet instant. Et savoir il l'emmenait. Mais ça, ça relevait presque du détail.

Le temps fut long et Derek continua de s'entêter à garder le silence. Alors vint un moment où Stiles abandonna la partie et se dit que de toute façon, le loup-garou n'avait sans doute pas lu le message qu'il lui avait envoyé. Il n'avait pas dû avoir envie.

Et Stiles, mentalement, lâcha l'affaire au point de fermer les yeux et laisser sa tête prendre appui sur la vitre. Si Derek ne réagissait à rien, il ne voyait pas ce qu'il pouvait tenter d'autre. Alors en colère, fatigué et triste, il choisit de se laisser complètement aller. Le sommeil… Il n'y avait que ça de vrai pour oublier. Oublier pendant quelques minutes. Et même s'il ne pensait pas réellement s'endormir, ce fut tout de même ce qui finit par arriver un temps plus tard.

Le moment où Stiles se laissa embrasser par les bras de Morphée, une main protectrice se posa sur sa cuisse, à un endroit tout à fait décent. Si Derek ne le regardait pas car concentré sur la route, il gardait toutefois son attention focalisée sur lui.

Simplement, il attendait un peu pour le lui montrer.

Il attendait le bon moment.

xxx

L'inconvénient de dormir dans une voiture et plus précisément en position assise, c'était ce qui survenait presque automatiquement toujours au réveil. Une sensation de rigidité rapidement suivie d'un semblant de douleur, des espèces de courbatures qui, si elles n'avaient rien d'handicapant, avaient de quoi faire grimacer, ou grogner. Dans le cas précis de Stiles Stilinski, seule la première option était possible, son mutisme rendant la deuxième purement irréalisable. Son mécontentement et son inconfort n'étaient visibles que sur son visage. Sa joue droite portait les marques de son sweat, qu'il avait retiré et roulé en boule il ne savait quand pour s'en faire un oreiller. Qu'il ait pu faire ça dans son sommeil était surprenant et en même temps, pas tant que ça : il lui était déjà arrivé de faire des épisodes de somnambulisme. C'était rare, mais il avait déjà vécu de pareils moments sans s'en rappeler. Et là, il se réveillait doucement. Dans les vapes, seul son inconfort lui parvint et durant quelques minutes, il ne pensa à rien d'autre que cela. Se laissa le temps d'émerger sans se presser. Pour cela, il garda notamment les yeux fermés, pas vraiment prêt à les rouvrir et à affronter la luminosité presque agressive du jour. Les yeux, au réveil, étaient toujours très sensibles à cela, plus encore qu'à l'accoutumée. C'était particulièrement vrai pour les prunelles claires, bleues ou autres, mais les orbes noisette de Stiles ne faisaient pas exception. Alors il attendit ce qui, pour lui, était le bon moment.

Et lorsqu'il ouvrit enfin les yeux, il mit un peu de temps avant de se rendre compte de ce qu'il voyait. Disons qu'il dut attendre que ses prunelles se connectent avec son cerveau mal réveillé.

Alors forcément lorsque ce fut le cas, il se redressa brutalement sur son siège plein de miettes, les yeux écarquillés. La voiture roulait encore. Mais elle n'empruntait plus de route quelconque, ne sillonnait pas quelque chemin forestier que ce soit, comme il y en avait des tas aux alentours de Beacon Hills.

Non, il y avait juste… Le soleil amorçant lentement sa descente dans le ciel, des palmiers, et la plage de part et d'autre de la route claire. Du sable blanc, partout. Des gens qui marchaient ici et là, certains avaient leur chien avec eux… Et Stiles peinait à faire en sorte que ses deux neurones éveillés se connectent. Il tourna brusquement la tête vers Derek.

Stiles ne saurait dire s'il le trouvait plus détendu que lorsqu'il s'était endormi. En tout cas, il avait l'air fatigué. Combien de temps s'était-il écoulé depuis que l'hyperactif s'était laissé happer par le sommeil ? Des heures, à n'en point douter. Et… Ils étaient encore en train de rouler. Mais où diable allaient-ils ?! Si Stiles n'arrivait pas à comprendre ce que faisait Derek ni pourquoi il avait décidé de l'emmener il ne savait où, il allait bientôt avoir sa réponse. Car après avoir tourné en rond dans cette petite ville en bord de plage, il arrêta la Camaro. Lui fit signe de ne pas bouger. Et tu peux pas parler ?! Râla intérieurement Stiles. Non, vraiment, l'angoisse n'était plus vraiment là. Il était juste sérieusement agacé à force de ne rien comprendre et que Derek ne communique avec lui que par gestes simples. Un instant, l'hyperactif regretta de ne pas avoir accepté de se mettre à la langue des signes dès le départ… La communication serait peut-être un peu plus facile à l'heure actuelle. Rudimentaire, certes, car aucune langue ne s'apprenait vite, mais bien mieux qu'elle ne l'était actuellement. Alors il soupira et attendit. Une bonne dizaine de minutes plus tard, Derek vint ouvrir la porte de son côté et lui tendit sa main. Alors que la logique voudrait que Stiles la repousse pour bien lui montrer son mécontentement, il la regarda avec méfiance, avant de s'en saisir. De toute façon, il n'allait pas passer sa vie à attendre dans la voiture… Ou du moins pas plus qu'il ne l'avait déjà fait en ce jour – ce qui était déjà beaucoup. Puis, même s'il était hors de question qu'il le lui avoue – il était fortement agacé, rappelons-le –, avoir un semblant de geste affectif lui allait. Il en avait besoin pour rester à peu près calme. Néanmoins, quelque chose clochait car Derek ne lui avait toujours pas reproché d'avoir cradingué son siège. C'était à peine s'il avait jeté un regard aux miettes. Ça, ça puait l'anormalité. Comment Derek ne pouvait-il rien lui dire au sujet de cette voiture qu'il chérissait tant ? Quoiqu'il ne lui avait rien dit du tout depuis qu'il avait lu ses confessions.

D'un coup, Stiles retrouva sa tension de départ. Pendant un moment, son agacement, qui s'était à moitié mué en colère pure, lui avait plus ou moins fait oublier ce détail. Il se rendit alors compte que tout découlait de là.

Mais à ses yeux, son silence, la route… Rien ne lui semblait être l'enchaînement logique. Pas plus que la manière qu'eut Derek de le tirer – avec douceur, et c'était ça le plus étrange – dans une direction inconnue. Ils dépassèrent plusieurs bâtiments et s'arrêtèrent devant une devanture fort sympathique et épurée. Elle avait un style léger, des établissements que l'on trouvait non loin de la plage. En repensant à cela, Stiles tourna la tête. Elle était visible depuis là où ils se trouvaient. Il inspira, laissa l'air marin le pénétrer de part en part tandis que Derek le tirait à nouveau sans y aller trop forte. Stiles ne l'avait pas remarqué, mais il avait adapté sa démarche, de sorte à ne pas le faire trop forcer sur sa cheville. En y allant plus lentement, ça irait. Sa cheville allait bien mieux, mais il fallait encore faire attention. S'il ne l'obligeait pas à prendre une béquille et s'il ne le portait pas, c'était pour lui laisser un peu d'espace et parce que ça allait, réellement. Même si Derek ne le disait pas, il ne voulait pas que l'hyperactif se sente en cage et ce, d'aucune manière.

Mais ça, ça viendrait plus tard.

Les deux jeunes hommes entrèrent donc et pénétrèrent dans une réception petite, mais adorable. La jeune femme présente à l'accueil sourit à Derek et lui tendit aussitôt une carte magnétique en guise de clé.

- La chambre numéro vingt-cinq, monsieur. Au rez-de-chaussée, comme nous l'avons convenu il y a un instant. En espérant que vous passiez un agréable séjour parmi nous !

Elle tourna la tête vers Stiles et son sourire se fana un peu, devint plus timide. Il fallait dire que l'hyperactif gardait encore quelques marques au visage – toutes n'avaient pas encore disparu. Et même si le châtain ne comprenait rien, il le lui rendit par politesse. A l'intérieur de son crâne continuaient de fourmiller un millier de questions – et un bon paquet s'était rajouté. Qu'est-ce que c'était que cette histoire de séjour ? Qu'est-ce qu'ils foutaient là ?

- Merci, fit Derek en se saisissant de la carte.

Pardon ?! Stiles ne put s'empêcher de tourner la tête et de lancer un regard purement outré au loup-garou qui ne lui jeta pas le moindre coup d'œil. Qu'il le fasse exprès ou non, Stiles ne saurait le dire. En tout cas, il lui aurait bien fait une scène s'il avait la voix pour. Parce que cet abruti le laissait angoisser en silence depuis il ne savait combien d'heures et se mettait à ouvrir la bouche devant la première venue. Et à côté de cela, il continuait de lui tenir la main comme si tout était normal.

Derek était quelqu'un d'atrocement frustrant et purement illogique quand il s'y mettait. Nul doute qu'une fois qu'ils seraient posés dans… Dans cette chambre, Stiles lui écrirait un pavé sur son téléphone et ne le laisserait pas tranquille tant qu'il ne l'aurait pas lu en entier. Non, mais c'était quand même un sacré foutage de gueule ! Il faisait des pieds et des mains pour se faire tout petit et ne pas le déranger dans l'espoir fugace d'obtenir un mot de sa part, et lui… Il parlait à une inconnue. Enfin, parler était un bien grand mot, il lui avait juste dit merci, mais… Merde, Stiles attendait ça depuis des heures !

Tu vois, que tu ne vaux plus rien. Tu ne vaux même pas la peine qu'on te parle.

Le retour de cette petite voix malsaine qui ne désirait qu'une chose : écraser tous les progrès qu'il avait faits jusqu'à présent.

L'écraser, lui.

Pour être honnête, Stiles n'en avait pas envie, mais il n'avait pas toutes les défenses nécessaires pour la contrer complètement. Il essaya, bien sûr. Cependant, son regard se voilait déjà, de la même façon que son cœur se serrait. Valait-il réellement si peu pour que Derek cesse de lui parler ? Quel était l'intérêt de l'emmener là ? Stiles était d'avis que le loup-garou ne lui ferait jamais de mal volontairement, mais… C'était pourtant ce qu'il faisait. Le châtain voyait son silence comme une punition à son égard, comme pour lui dire qu'il avait trop pris ses aises récemment et qu'il était temps de le remettre à sa place. Et ensuite, il adressait un mot à une réceptionniste. Stiles y vit soudainement une manière plus ou moins subtile de le narguer purement et simplement. Il ne parlait plus, alors plus besoin de s'embêter à s'adresser à lui.

Mais alors pourquoi lui tenir la main ? Stiles se sentit légèrement étouffer. Et si c'était… Non, Derek n'était pas quelqu'un de malsain. Il n'aurait pas essayé de le soigner et lui montrer qu'il avait ses droits et sa liberté pour ensuite le garder ainsi, comme s'il était sa propriété. Ce qui était d'autant plus nul et stupide qu'il n'avait plus rien à offrir. S'il s'agissait de son corps, Derek passerait tout son temps à s'unir avec lui – pas besoin de faire de la route pour cela. Alors, il y avait forcément autre chose.

Sauf que Stiles se sentit mal. Un mélange de cette tristesse qu'il essayait de repousser et de cette colère qu'il accueillait chaleureusement. S'il ne voulait pas s'effondrer devant ce ramassis d'illogismes enchaînés, il avait besoin qu'elle reste avec lui. C'était comme un soutien silencieux, le rempart contre toutes ces pensées et constatations qui avaient pour objectif de le faire tomber.

Il veut te faire du mal, tu ne vois pas ? Il veut te montrer que tu n'es rien, qu'il t'a à la bonne.

Encore une fois, il y avait cette voix, contre ses certitudes parfois quelque peu vacillantes.

Ainsi, Stiles ne sut pas vraiment comment agir lorsque Derek le tira à nouveau à sa suite. Ni même quand il lui fit traverser un couloir, pour finalement s'arrêter devant une porte, qu'il ouvrit fort rapidement grâce à la clé magnétique. L'instant d'après, les deux jeunes hommes se retrouvèrent à l'intérieur d'une chambre fort spacieuse à la décoration aussi chaleureuse qu'épurée. Grand lit, literie claire, coussin à l'apparence moelleuse, lumières douces. Il y avait un espace dans lequel on pouvait trouver une sorte de kitchenette toute aussi simple ainsi qu'un petit frigo. Sur un côté, une porte donnait sur une salle de bain assez petite, mais très pratique et que les tons clairs rafraîchissaient. De l'autre côté, une baie-vitrée donnait sur une sorte de terrasse avec… Stiles peina à déglutir et se détourna de Derek, dont il lâcha la main. Bordel, l'ouverture donnait une vue sur la mer. Une vue sur la mer. Qu'est-ce que… ? Il s'en approcha en boitant légèrement et ouvrit la grande porte-fenêtre. Sentit l'air marin courir sur la peau sensible de son visage. Était-il en train de rêver ? Que signifiait tout ce bordel ? Stiles ne pouvait plus dire qu'il était sans voix puisque c'était devenu son quotidien, alors il se considéra bouche bée. Complètement bouche bée.

Il ne lui vint pas à l'esprit que Derek ait voulu lui faire quelque surprise que ce soit, non. Il imagina une mauvaise blague, une plaisanterie de mauvais goût. Dans son esprit se tissa un scénario rapide alors qu'il regardait les vagues s'échouer sur la plage au loin. Derek qui se mettait enfin à parler, mais pour lui dire que ce n'était que pour lui et qu'il le renvoyait aussi sec. Lui montrer quelque chose d'agréable, pour aussitôt le lui arracher. Pourquoi ? Après tout, Derek n'était pas comme ça – il le savait et ne cessait de se le répéter. Mais le loup-garou ne lui disait rien et la seule à qui il avait dit un mot… C'était une inconnue, bordel ! Une putain d'inconnue qui avait eu droit à sa voix, et lui… Au silence. Stiles détestait le silence, et Derek le savait. Alors pourquoi ne rien lui dire à lui et… L'emmener là ? L'hyperactif voyait mal comment tout cela pouvait se finir. Pas très bien, à son humble avis, parce qu'il n'arrivait pas à se dire que ce pouvait être un cadeau pour lui, une forme d'il ne savait trop quoi. Tout ce qu'il retenait, c'était que Derek avait cessé de lui parler dès lors qu'il avait couché ses pensées sur papier. Et qu'il avait dit un mot à une inconnue. Stiles n'allait pas plus loin – il n'y arrivait pas.

- J'ai essayé de faire en sorte qu'on ait une belle vue et qu'on n'ait pas à prendre d'escalier. Ta cheville a beau aller mieux, je préfère que tu n'aies pas à faire trop d'efforts.

La voix de Derek le fit sursauter tant il ne s'attendait pas réellement à ce qu'il parle. A lui. Sans se montrer moqueur d'aucune manière. Non, il retrouvait dans son ton sa prévenance habituelle.

Et c'était tout aussi perturbant que le reste.

Alors, Stiles se tourna brusquement vers lui et lui lança un regard. Le genre de ceux qui contenaient des mots. Colère. Confusion. Peur. Un mélange déséquilibré de tout ça. C'était ça, sa punition pour s'être confié à lui sur son mal-être ? Une imitation de bienveillance ? Et s'il était tout simplement honnête avec lui, maintenant qu'ils étaient vraisemblablement arrivés à destination ? Stiles n'était pas sûr d'y croire. Qu'était-il censé penser de tout ça ? De ce départ si soudain, de son silence ? Toutes ces choses avaient-elles un sens ? Il essayait tant bien que mal de les mettre bout à bout pour leur trouver un lien, mais rien ne lui venait.

Ou plutôt, rien ne voulait lui venir. Car Stiles se mettait actuellement des bâtons dans les roues tout seul. Il avait les bonnes réflexions à portée de main, mais il allait loin, toujours plus loin. Tout ça à cause de la peur parce que, comme d'habitude, elle prenait trop de place. Etouffante, elle l'empêchait de se diriger vers la bonne direction.

Car au fond, Stiles aimerait se dire que Derek avait voulu lui faire une surprise, l'emmener loin pour lui changer les idées.

Derek était bien placé pour savoir que la peur était un frein à la vie, la vraie. La peur de revivre le drame de la perte de sa famille avec d'autres personnes l'avait fait rester seul des années. Il en était même arrivé, certaines fois, à repousser ses sœurs, à négliger l'état paralytique de son oncle – qui s'en était finalement sorti par lui-même. La peur l'avait poussé à se montrer désagréable et presque sauvage avec ceux qui avaient la merveilleuse idée de s'approcher de lui. Et même une fois qu'il avait accepté la présence de certains – Stiles compris dans ce petit groupe fermé –, il n'avait pu s'empêcher de garder une certaine forme de distance vis-à-vis d'eux. Il s'agissait d'un moyen pour lui de se protéger, d'éviter de s'attacher à des gens qui, peut-être, disparaîtraient de sa vie en un claquement de doigts, comme ils étaient venus.

Mais il avait doucement appris à la combattre. Ce n'était pas complètement terminé et Derek avait pour ainsi dire parfois quelques comportements datant de ces différentes époques appartenant toutes au passé. De temps à autres, il se montrait sec sans raison, demandait à être seul. Envoyait balader certains proches, sans jamais se justifier d'aucune manière.

Avec Stiles, cela n'était plus arrivé depuis un moment et Derek était capable d'expliquer pourquoi.

Sa présence endormait sa peur et la rongeait d'ailleurs petit à petit. Elle la grignotait, un peu comme le ferait un rongeur. Et chaque fois que Derek se retrouvait seul, elle réapparaissait, à la différence près que ses effets se retrouvaient bien amoindris par rapport à ce qu'elle était au départ.

Derek s'approcha et alla s'assoir doucement au bord du lit. Il tapota la place à côté de lui. Stiles ne bougea pas. Le regarda, éberlué, dans la confusion la plus totale. Le loup-garou n'était pas stupide : il savait pourquoi Stiles réagissait de la sorte. Ainsi, aucune surprise. Dans sa position, il était normal de ne pas savoir sur quel pied danser – et pour cela, il ne lui en voulait d'aucune manière.

- Tu veux bien venir t'assoir près de moi, s'il te plaît ?

Sa voix était rauque de n'avoir pas parlé depuis des heures et à vrai dire… Les mots avaient du mal à sortir. Disons que Derek s'habituait lentement au fait de ne plus trop user de la parole tant Stiles et lui apprenaient facilement à se comprendre. A part en ce jour. Ladite compréhension semblait perdre du terrain, et c'était tout à fait normal, car Derek avait pris le parti de ne pas ouvrir la bouche, de ne pas prononcer le moindre mot tant qu'ils ne seraient pas arrivés ici. Dans cet endroit qu'il avait rapidement repéré avant de l'embarquer avec lui dans sa Camaro. C'était un peu stupide, un peu risqué, aussi, mais… Il avait senti que c'était ce qu'il devait faire.

Parce qu'il avait remarqué quelque chose avec Stiles. Les mots pouvaient lui faire du bien sur le moment, mais leur impact diminuait au fur et à mesure que le temps passait. C'était un jeune homme qui retenait plus les actes aux paroles. Alors, Derek avait choisi de tenter quelque chose de nouveau, d'insensé.

Face à lui, Stiles hésita. Derek le vit à son visage, son odeur, sa posture, son regard. Mais il se retrouva incapable de refuser d'accéder à sa demande. Était-ce parce qu'il était dans un endroit inconnu et qu'il ne voyait pas quoi faire d'autre, ou… Tout simplement parce qu'il n'arrivait pas à refuser quoi que ce soit à Derek ? Il restait en colère et on ne peut plus confus, mais dans le fond… Il avait besoin de se rapprocher de lui. Alors accéder à sa demande, c'était aussi un prétexte pour revenir près de lui malgré tout. En tout cas, Derek ne lui mit aucune pression et lui laissa tout de même la liberté d'aller où il le voulait, et même de finalement refuser.

Quelques instants plus tard, Stiles se laissa tomber à côté de lui. Posa ses mains sur ses cuisses avant de jeter un léger regard à Derek pour ensuite baisser les yeux et serrer ses mains en poings. Derek comprit. Prit l'une de ses mains entre les siennes, l'obligea à se desserrer et entrelaça leurs doigts. Parce qu'il savait que Stiles voulait ce genre de contacts autant qu'il en avait besoin. Avant toute chose, avant de s'expliquer sur son silence qu'il savait ravageur pour un jeune homme de sa trempe, Derek tint à mettre les choses au clair :

- Je sais que tu t'es inquiété, que tu t'es posé des questions, que tu t'es mis en colère… Et c'est tout à fait normal. Mais il faut que tu saches une chose, Stiles.

Légère pause.

- Je ne me moque pas de toi et ça n'arrivera jamais.

Il n'était pas de ce genre-là… Et au fond, Stiles le savait. Il avait juste peur, ou en tout cas plus que d'habitude. L'abandon général de la meute survenu après la perte de sa voix ne l'avait pas aidé. C'était même pire : il remettait toujours tout en question, sans arrêt, même tout ce qui allait bien. L'évolution de leur relation jouait aussi un certain rôle là-dedans. Parce que Stiles se demandait parfois si Derek prenait soin de lui simplement pour avoir accès à son corps tout en se rappelant presque instantanément que c'était stupide. L'ancien alpha était l'homme le plus droit et respectueux qu'il connaissait. Même lorsqu'ils peinaient à se supporter, il le respectait… Dans une moindre mesure, certes. Et s'il l'avait plaqué contre des murs un nombre incalculable de fois, jamais il ne s'était moqué de lui au sens propre du terme.

Stiles prit le temps de réfléchir au sens de ses mots, de les accepter. Derek ne le pressa pas, et ne fut d'ailleurs pas surpris lorsqu'il le vit sortir son téléphone de sa poche et taper quelque chose. « Alors pourquoi tu m'as ignoré ? Pourquoi tu as refusé de me parler tout ce temps ? Tu ne m'as rien dit, rien expliqué. J'étais avec toi, mais tu m'as laissé seul. » lut Derek une fois que Stiles lui eut montré l'écran de son cellulaire. Le reproche était là, clair et net. Stiles ne se muselait pas. Son ressentiment, Derek le voyait, le lisait, le sentait. Et il le comprenait. Sur le coup, il était vrai que sa façon de faire avait été un peu trop abrupte, brutale.

Mais sur le moment, il ne s'était pas vu faire autrement. Car les mots de son humain l'avaient hanté tout le long du trajet.

Derek retint un soupir et darda son regard si particulier sur Stiles, qui le fixait avec une intensité folle. Et même si l'ancien alpha n'avait pas été un loup, il aurait deviné avec aisance ce qu'il ressentait, tant les prunelles de son humain étaient faciles à lire.

- Je ne savais pas quoi faire, comment réagir, avoua-t-il. Alors j'ai fait la seule chose que je savais faire.

Il avait donc gardé le silence. Derek était conscient que ce n'était pas une excuse, mais il n'allait pas en chercher une. Il lui expliquait simplement les choses comme elles s'étaient passées pour lui. Il était honnête.

Stiles fronça les sourcils, comme s'il ne comprenait pas. Puis, il baissa les yeux et rédigea un nouveau petit texte sur son téléphone, qu'il tendit à Derek quelques petites secondes plus tard. Si l'ancien alpha fut surpris par ce qu'avait marqué Stiles ? Pas le moins du monde. Il s'y attendait.

« Je n'aurais jamais dû écrire tout ça. »

- Si, tu as bien fait, rétorqua Derek après avoir relevé les yeux dans sa direction. Ce que tu as écrit m'a aidé à comprendre une chose.

Stiles haussa un sourcil interrogateur, toute ouïe.

- C'est qu'avec toi, les mots ne marchent pas.

S'il y avait une chose qui n'avait jamais changé concernant Derek, quelle que soit leur relation, c'était sa façon de parler. Son côté brut de pomme, toujours direct. Ça au moins, c'était constant, et ça ne changerait sans doute jamais.

- J'aurai beau te dire mille et une vérités, tu vas toujours trouver le moyen d'en douter, ajouta le loup-garou. Je sais pourquoi, et je ne t'en veux pas.

Les insécurités de Stiles étaient trop nombreuses pour qu'il en minimise l'impact. Il lui fallait plus que des mots.

- Je sais que ma manière de faire, avec le recul, n'était pas la bonne. Mais maintenant, je suis là, avec toi. Je ne vais plus essayer de te convaincre de quoi que ce soit, Stiles. Je vais te montrer que tu n'as plus à douter.

D'autant plus que savoir à quel point Stiles se dénigrait lui faisait mal. Dans ses confessions, il avait dit n'avoir rien à offrir à part son silence. Ledit silence n'était pas un cadeau. C'était quelque chose qui l'avait détruit lui… Alors pourquoi considérer cela comme quelque chose qu'il pourrait offrir à son entourage ? Entourage qui l'avait oublié sitôt qu'il avait perdu sa voix. Cette façon de penser était encore pire que tout le reste, parce qu'elle brisait ce qu'il était. Oui, Stiles était hyperactif. Oui, il lui arrivait autrefois de parler beaucoup, énormément. D'agacer, souvent. Oui, c'était dur de le faire taire.

Mais on l'aimait comme ça. On l'aimait tel qu'il était. On s'était attaché à lui, on ne voulait pas le voir disparaître.

Ensuite, il avait perdu sa voix, et on l'avait oublié. Ça, c'était une injustice que Derek ne commettrait plus jamais.

Stiles en était arrivé au point de douter de lui. Celui qui l'hébergeait et avec qui il avait partagé des moments d'une intimité folle. On ne parlait pas juste de sexe. Derek avait déjà couché avec autrui pour son bon plaisir, mais il ne faisait rien d'autre que prendre son pied. Avec Stiles, il se dévoilait dans son entièreté, ne cherchait à cacher aucun pan de sa personnalité. Elle était là la différence. Car oui, avec Stiles, Derek se montrait intime. Parce qu'il le voulait.

Stiles doutait aussi de lui-même, et c'était peut-être ça le pire. Il était là, à ne plus savoir s'il arriverait à être de nouveau ami avec certains, à ne pas savoir non plus si son père s'intéressait réellement à lui. A force, il se demandait s'il avait la moindre importance, s'il valait quelque chose.

Derek était peut-être resté silencieux un moment, mais des choses à lui dire, il en avait des tas. Il gardait d'ailleurs une pensée toute particulière au chaud. Une pensée très importante pour lui et qui prenait de plus en plus de place. Il pourrait la prononcer, la lui offrir sur un plateau d'argent. Néanmoins, dans son état et avec sa façon de penser, Stiles pouvait ne pas y croire et, pire, mal interpréter la chose. Ça, ce n'était pas quelque chose que Derek voulait. Alors, il retint encore ces mots qu'il pensait si fort. Il les lui ferait comprendre d'une manière ou d'une autre. C'était quelque chose qui devait arriver. Après tout, Stiles ne s'était-il pas déclaré à lui à sa manière ? Derek était certain que son humain n'y avait pas vraiment fait attention. C'était un jeune homme sans filtre qui s'exprimait plus vite qu'il ne réfléchissait. Ainsi, il n'avait pas dû voir que chacun de ses mots le concernant… Voulait dire beaucoup de choses. Des choses qui auraient rempli Derek de joie, en temps normal. Qui l'auraient fait se sentir si léger qu'il aurait eu du mal à se rendre compte de la chance qu'il avait.

Mais il y avait en lui une espèce de tension qui l'empêchait de ressentir les choses à fond, de se concentrer sur elles. Bien sûr, il savait à quoi elle était due et… Comment la faire disparaître. Là aussi, cela prendrait du temps.

- Tu veux bien me pardonner mon silence ? Demanda-t-il finalement.

Stiles se saisit à nouveau de son téléphone et ne se fit pas attendre pour sa réponse, que Derek lut tout de suite : « Je trouve ça un peu trop facile de te pardonner juste comme ça. Tu dois le mériter. » Et le loup-garou sentit quelque chose se desserrer dans son ventre. Ce n'était pas forcément ce qu'il attendait, mais… C'était peut-être mieux encore. Il retint un sourire. Dans le fond, il était heureux que Stiles se montre un peu rancunier, un peu sur la défensive. Parce qu'il était honnête et rappelait tout simplement à Derek qu'il avait beau être brisé, il n'avait pas complètement disparu.

Et ça, ça allait parfaitement au loup-garou, qui ne voulait absolument pas que l'hyperactif cède trop facilement ou s'adapte tout simplement à lui. Il avait sa personnalité, ses idées, ses pensées. Il devait les garder.

- Alors je vais tout donner, lâcha le loup-garou en relevant un regard déterminé dans sa direction.

xxx

- Tu aimes ?

Stiles prit son temps avant de chercher à répondre en hochant la tête. Il profitait de l'air marin un peu frais mais pas trop, des rayons du soleil couchant caressant avec douceur sa peau sensible. De ses pieds chatouillés par les grains de sable. De la main chaude de Derek, qui serrait la sienne. Il avait entrelacé leurs doigts et Stiles adorait ça.

Tout comme il aimait le fait, au final, que Derek ait choisi de venir ici sur un coup de tête. C'était un endroit qu'il connaissait grâce à Cora, qui s'était mis en tête de faire le tour de toute la côte pour trouver les plages les plus qualitatives et qui lui avait refilé les meilleures adresses la dernière fois qu'ils s'étaient vus. Il avait suffi qu'il farfouille un peu et qu'il choisisse celle qui lui paraissait être la meilleure pour Stiles et lui. Et le loup avait eu raison : l'hyperactif adorait l'endroit. On lui jetait parfois des regards curieux à cause des restes de bleus encore présents sur son visage, mais ça allait. Derek était toujours là pour les lui faire oublier. Stiles ne pouvait pas dire qu'il lui avait pardonné son silence. Dans un sens, il avait été destructeur. Néanmoins, il commençait à comprendre ce que Derek avait voulu lui expliquer, à leur arrivée à l'hôtel deux heures plus tôt. Il était vrai que Stiles n'aurait peut-être pas compris ou accepté ce qu'il lui aurait dit. Parfois, il était plus facile de se réfugier dans ses croyances plutôt que d'écouter, d'autant plus que dans son état… Il n'aurait peut-être, effectivement, pas été très ouvert à la discussion. Cependant, il était d'avis que Derek aurait au moins pu lui dire où ils allaient. Et après réflexion, le loup-garou l'avait lui-même admis. Il s'y était mal pris et en même temps… Dans un sens, il avait envie de garder la surprise, de faire en sorte qu'il ne sache rien avant d'arriver. Toutefois, il avait reconnu dans la chambre que c'était très maladroit, surtout que sur le coup… Lorsqu'il avait lu ses confessions, l'idée était venue d'elle-même. Derek n'avait pas réfléchi. Alors voilà, ils étaient partis sur un coup de tête et le noiraud s'était borné à rester dans le silence le plus total.

Stiles avait donc hâte de voir de quelle manière son amant allait se faire pardonner. Même s'il s'était doucement disposé à accepter de simples mots, il avait décidé de ne pas lui rendre la tâche trop facile… Tout en profitant un peu. A vrai dire, il en avait besoin.

- Ta cheville, ça va ?

Stiles hocha la tête, un très léger sourire étirant ses lèvres. Très, très léger. Tout petit. Mais bien présent. Derek prit un air un peu inquiet et finit par lâcher :

- On ne va pas tarder à rentrer, je n'ai pas envie que tu forces trop dessus.

Honnêtement, ça allait. Elle le tirait un peu, mais sans plus. Elle guérissait. Stiles prit sa bienveillance comme elle venait et laissa sa chaleur gagner son cœur tout en songeant qu'il était agréable de passer du temps avec une personne qui se souciait de lui. Qui essayait de lui faire plaisir. Une chose était certaine, Stiles adorait cet endroit et se voyait déjà marcher un petit peu tous les soirs au bord de la plage. Néanmoins, il empêcha cette idée de prendre trop d'ampleur dans son esprit. Pour l'instant, il ne savait pas combien de temps ils restaient, alors… Mieux valait ne pas voir trop loin. Si cela se trouvait, ils partiraient dès le lendemain – logiquement, non. Cependant, Stiles préférait ne pas se faire de faux espoirs, à se dire qu'il pourrait profiter longuement de l'endroit alors que cela ne serait peut-être pas le cas. Il pourrait demander de plus amples informations à Derek, mais il choisit de ne pas le faire. Il voulait limiter ses mots écrits au possible. Devoir sans arrêt passer par son téléphone ou une feuille avec un stylo… C'était fatigant, à la longue. Il songea alors bien plus sérieusement à ces cours de langue des signes. Oui, dans les faits, ce serait sans doute le plus pratique pour communiquer à l'avenir… La question était maintenant de savoir si Derek l'apprendrait avec lui. S'il le ferait vraiment, ou si ce qu'il avait dit quelques jours plus tôt n'était rien de plus que des paroles en l'air. Et pour être honnête, Stiles ne savait pas s'il aurait l'envie de s'y mettre s'il était le seul à le faire. Pour discuter, il fallait être au moins deux, y compris pour se parler en langue des signes. Stiles n'avait pas envie d'être seul… Encore moins dans ce domaine. Si Derek venait à lui dire qu'il abandonnait l'idée, eh bien… Soit. Lui aussi. Cela lui ferait définitivement embrasser le silence, mais… Il préférait ne pas se ridiculiser à apprendre une langue qu'il serait le seul à « parler » dans on entourage. Entourage qui lui faisait l'effet d'un cercle morcelé. Quelque chose dont il n'était plus vraiment certain de la présence, de l'importance. Pouvait-on lui en vouloir d'avoir perdu confiance en tous ces gens qu'il considérait autrefois comme proches ? L'éclatement de cette bulle avait eu un effet dévastateur… Notamment à cause de Scott. Disons qu'il était celui qui avait fait le plus gros des dégâts. Parce qu'il était son meilleur ami. C'était lui, qu'il considérait comme un frère et pour qu'il pouvait autrefois donner sa vie sans hésiter. Autant dire qu'à ce niveau-là, c'était terminé. Si même son ami d'enfance l'avait trahi et lui avait pris l'une des choses les plus chères à ses yeux, qu'en était-il des autres ? Il n'y avait plus qu'en Derek qu'il avait confiance. Plus ou moins. Enfin davantage plus que moins et surtout, lorsqu'il ne stressait pas et qu'il restait suffisamment lucide pour ne pas se monter la tête. Dans ce domaine-là, il avait encore des progrès à faire, mais ça venait doucement et Stiles se disait qu'à ce stade-là, cela ne pouvait qu'aller en s'améliorant. Il avait envie d'être optimiste.

Peut-être même besoin.

La balade se prolongea, mais pas suffisamment pour que Stiles ait trop mal à sa cheville. Elle le tirait de plus en plus. Comme toujours, il ne disait rien. Cependant, il aurait fini par le faire si cela s'était trop éternisé.

Un détail lui revint cependant en mémoire lorsqu'ils regagnèrent la chambre de leur hôtel. Déjà, il avait faim et se demandait où ils allaient manger, mais surtout… Il avait besoin de son traitement. Pour l'instant, ça allait, mais l'Adderall n'était pas un traitement sur lequel il pouvait se permettre de faire l'impasse. A un moment où à un autre, certains des symtômes qui avaient aidé à diagnostiquer son TDAH allaient devenir difficilement contrôlable et à ce moment-là, Derek risquerait sans doute de regretter leur petite escapade improvisée. En fait, il allait tout sauf vouloir rester avec lui, à ses côtés. La gorge de Stiles devint sèche alors que ses doigts se resserraient sur ceux du loup-garou. Une seule pensée l'habitait désormais : il va en avoir marre. Car lorsque les effets de son traitement pris le matin même commenceraient à s'estomper, il allait devenir ingérable. Purement et simplement insupportable. Stiles lâcha alors soudainement sa main et se saisit de son téléphone, qu'il alluma sans attendre. Il détestait devoir se justifier ou avouer quelque chose le mettant peu en valeur, mais il se dit que Derek préfèrerait être au courant. De toute manière, le jeune homme ne se voyait pas rester là, à attendre que son TDAH incontrôlé le rende progressivement imbuvable. Dans la réalité, il exagérait un peu la chose… Sans vraiment s'en rendre compte car encore une fois, c'était son stress qui prenait le dessus. Il ne savait plus vraiment le gérer. En situation de crise, Stiles savait y faire parce qu'il n'avait pas le choix. C'était comme ces fois-là où il devait garder la tête froide pour la meute… Sauf que cette fois-ci, il n'y avait pas de danger de mort à l'horizon. Juste le risque d'agacer Derek.

Et ça, pour lui, ça devenait pire que tout le reste.

Alors, le message fut rapidement rédigé, et vite montré à Derek.

« J'ai pas mon Adderall. Ça va être la merde. Je vais devenir… Chiant. Insupportable, au bout d'un moment. Et le truc, c'est que je n'ai pas envie de te faire fuir. Sauf que dès que mon cerveau se considèrera en manque, c'est ce qui va finir par arriver. Tu vas en avoir marre, et tu vas fuir. J'ai pas envie que tu t'en ailles. Y a moyen qu'on passe par une pharmacie ? »

Il ne disait pas tout, essayait d'y aller mollo sur son côté guimauve et cet amour qu'il avait pour lui. Pour sa compagnie. Parce que ce n'était pas correct et que Derek ne ressentait probablement pas la même chose le concernant. Une forme d'attachement, certainement. Mais pas celle-là. Celle qui lui donnait envie de passer tout son temps avec lui, de se perdre dans ses yeux, de s'imaginer dans ses bras encore des années plus tard.

Comme pour ces vacances improvisées, Stiles préférait ne pas voir trop loin et surtout… Profiter de ce qu'il avait déjà.

Pour sa plus grande surprise, Derek esquissa un petit rictus et lui tendit sa main libre qui, quelques secondes plus tôt, s'en était allée farfouiller dans une de ses poches. Stiles cligna des yeux en s'emparant de ce qu'elle contenait. Qu'est-ce que…

- On n'a peut-être aucune affaire, mais j'ai pensé à prendre ça.

Stiles contemplait la boîte d'Adderall qu'il tenait maintenant entre ses doigts. Dans sa poitrine, son cœur battait à une allure incroyable.

Lui vint l'envie soudaine d'épouser cet homme. Envie qu'il décida bien évidemment de garder secrète. Parce que bordel, Stiles était sérieux. Il serait bien capable d'accepter de porter son nom à côté du sien pour une simple attention de ce genre. Une attention qui, bien qu'elle paraisse insignifiante, signifiait beaucoup, pour lui. D'ailleurs, Stiles n'aimait pas lorsque les choses n'étaient pas prévues : il aimait notamment préparer ses affaires lui-même. Là, Derek avait décidé de leur départ et de leur destination sur un coup de tête sans rien emporter d'autre que son traitement. Mais bizarrement, ça le dérangeait de moins en moins. Parce que… Ce n'était peut-être pas si mal, au final.

Stiles tourna la tête vers Derek et, s'il ne lui sourit pas, tenta de lui transmettre toute sa reconnaissance à travers son regard. Il allait peut-être réussir à le garder près de lui, au final. Il ne savait pas à quel point son cœur lui était acquis, à quel point Derek voulait rester à ses côtés. Et ce n'était pas son TDAH qui allait le faire fuir, ni le repousser d'aucune manière. Ses raisons d'autrefois étaient les excuses qu'il bannissait de sa vie aujourd'hui. Stiles se rapprocha un peu du loup, qui initia le même mouvement. Savoir qui enclencha l'action fut un peu plus difficile tant ils furent coordonnés sans même le faire exprès. Tout ce qu'il fallait retenir, c'est qu'ils s'embrassaient enfin. Après des heures de silence, avec comme seuls contacts leurs mains entrelacées de temps à autres. Fondant directement, Stiles passa ses bras autour du cou du loup et le laissa prendre les devants, l'allonger avec douceur sur ce lit à la taille aberrante. Il n'avait pas d'envie particulière en cet instant, encore moins au niveau sexuel, mais si Derek voulait… Stiles était ok.

Mais comme ils étaient sur la même longueur d'ondes, il ne se passa rien. Il y eut juste de la douceur, des caresses simples. Des baisers aussi langoureux qu'emplis de patience, de cette forme d'amour dont aucun des deux amants ne parlaient jamais, mais dont tous deux avaient besoin. Ils savaient se l'apporter sans se dire ce qu'ils voulaient, pour la simple et bonne raison qu'ils le savaient déjà instinctivement.

xxx

Le repas servi par l'hôtel dans le restaurant qui y était intégré avait été fort bon, mais Stiles apprécia davantage le fait de revenir dans la chambre. Il continuait d'avoir un peu de mal avec le regard des autres et en même temps, il s'entraînait doucement à leur donner peu d'importance. Il fallait qu'il apprenne, et il le savait. L'hyperactif devait toutefois avouer que sortir un peu lui faisait du bien. Il adorait le loft, mais voir un paysage différent et apercevoir des gens… Malgré l'inconfort qu'il en résultait, ça lui allait. Stiles avait conscience qu'une confiance en soi, ça se regagnait et ce n'était pas en se souciant sans arrêt du regard d'autrui que ça allait s'améliorer. Il devait faire comme avant : s'en foutre. En soi, cette petite virée improvisée sur la côte était un bon exercice puisque Stiles n'avait d'autre choix que de s'adapter et de travailler ce qui n'allait pas encore.

Et en même temps, il ne pouvait s'empêcher de profiter de ces moments où il était dans la chambre, seul avec Derek. Déjà deux jours qu'ils étaient là et… C'était génial. Stiles le laissait s'occuper de tout et retranscrivait discrètement dans l'application de notes de son téléphone tout ce qu'il avait besoin de lui dire et qui se résumait à de moins en moins de choses. C'était comme si, doucement, il reprenait les habitudes qu'il avait commencées à développer à ses côtés. S'exprimer au minimum à l'écrit, pour en faire passer un maximum dans le regard. De cette façon, la communication était extrêmement rapide.

De son côté, Derek avait recommencé à réduire son débit de parole – déjà pas bien grand. Mais cette fois-ci, le silence était loin d'être désagréable ou lourd. Il redevenait lentement naturel, brisé seulement par des demandes qui ne pouvaient se traduire en un regard. Stiles continuait néanmoins de se demander si son amant voudrait apprendre la langue des signes avec lui. Car même si c'était Derek qui était à l'origine de cette idée, il pouvait très bien avoir changé d'avis. Stiles le lui demanderait, un jour. Pas maintenant. Pas pendant ces vacances improvisées. Hors de question de gâcher ce séjour dont il profitait au maximum, à sa manière. Stiles et Derek ne faisaient pas grand-chose. Souvent, ils marchaient au bord de la plage, parfois, ils se baignaient – et Stiles y allait avec un maillot acheté sur place et un t-shirt, pour cacher ce corps marqué avec lequel il avait encore un peu de mal. Au moins, il commençait à mieux différencier les suçons de Derek des bleus qu'il lui restaient. C'était un peu bête, mais ce simple fait lui faisait du bien. Il n'aimait pas se dire qu'il ne savait pas voir ce que Derek lui faisait. En tout cas, maintenant, c'était le cas, et ça le soulageait. C'était quelque chose qui le minait parfois.

D'un autre côté, un sujet revenait lentement mais sûrement le hanter. Un sujet qu'il faisait tout pour oublier… Mais ce n'était pas le genre de choses qu'il pouvait mettre de côté. Du moins pas indéfiniment.

- A quoi tu penses ?

Stiles n'eut même pas envie de soupirer. Il se saisit simplement de son téléphone et tapa un mot, un seul : « Lycée. » Pour lui, ça suffisait. S'il comptait le lui cacher ? Absolument pas et de toute façon, Derek le saurait. Néanmoins, Stiles ne comptait pas s'étaler. Il se confiait, mais il n'avait pour autant pas l'intention de rester sur le même sujet pendant des heures. Ce serait se gâcher le moment.

En guise de réponse, Derek passa ses bras autour de lui et l'attira contre son torse. Stiles ne lâcha pas son téléphone même si le contact le faisait déjà fondre. « Pour te résumer ça : j'ai peur. Je ne suis pas sûr de vouloir y retourner, et mon père ne me motive même pas à me concentrer là-dessus. Il ne me parle pas, je crois qu'il m'a oublié et bizarrement, ça ne me fait pas aussi mal que ça ne le devrait. Mais ça ne me stresse pas. C'est le lycée qui m'angoisse. Ma scolarité. Ça va, d'accord ? C'est juste que parfois, j'y repense et c'est pas quelque chose que je peux mettre de côté. Enfin pour l'instant je peux, mais viendra un moment où je devrai me pencher dessus et je le ferai. » Stiles fit la moue. Il avait voulu résumer la chose, mais il avait du mal à ne pas développer un minimum. Des choses à dire, il en avait… En particulier depuis qu'il avait perdu sa voix. Ses pensées parfois s'endormaient, parfois se démultipliaient. Concernant ce sujet-là, elles ne cessaient de croître.

Derek le retourna vers lui et déposa un délicat baiser sur ses lèvres avant de lui dire :

- A mon avis, tu devrais envoyer un message à ton père.

Parce que Stiles ne l'avait toujours pas fait. Face à l'indifférence apparente de Noah à son égard, l'hyperactif se bornait à garder le silence. Il était persuadé que le shérif l'avait oublié, lui aussi. Après tout, il ne lui reprochait pas ses absences au lycée, des absences de plus en plus nombreuses. Ne cherchait apparemment pas à en connaître la nature. Le lycée avait déjà dû le contacter et, pour être tranquille, Noah avait dû leur sortir une excuse, quelque chose.

En fait, Stiles ne s'imaginait pas une seule seconde que son père puisse se soucier de son sort. Si on lui disait qu'à l'heure actuelle, le shérif se démenait pour punir ceux qui lui avaient fait du mal, il n'y croirait pas. Parce que Noah n'était pas au courant de ce qui lui était arrivé, de toute façon. Stiles avait tout fait pour qu'il reste dans l'ignorance. A côté de cela, Noah ne lui disait rien. Il ne lui avait pas envoyé le moindre message et ne le ferait sans doute pas par la suite.

Ce serait mentir que de dire que l'hyperactif ne se sentait pas abandonné par son paternel. Mais il faisait tout ce qui était en son pouvoir pour y penser le moins possible. Rester auprès de Derek et laisser celui-ci l'enlacer toute la journée était un bon moyen d'oublier. D'ailleurs, il commençait à lui pardonner son silence de l'autre jour. Doucement, mais sûrement. Il fallait dire que celui-ci faisait tout pour cela : jamais on n'avait autant cocooné. Après chacune de leurs balades à l'extérieur ou chacune de leurs sorties en général, Derek prenait un moment, comme au loft, pour s'occuper de sa cheville, et du reste aussi. Il avait acheté de quoi, à la pharmacie du coin, tout comme il leur avait pris de quoi se laver les dents… Et ce, dès leur premier soir ici. En ce qui concernait vêtements et dessous, Stiles était venu et avait participé. De son côté, il continuait de noter secrètement tout ce qu'il aurait à lui rembourser. Il n'avait pas grand-chose sur son compte en banque mais une fois qu'il travaillerait… Il n'y aurait aucun problème.

- Par rapport au lycée… Je t'avoue que je préfèrerais m'assurer personnellement que tu y seras en sécurité avant de te laisser y aller, lui confia le loup.

Piqué par sa curiosité, Stiles écrivit : « Qu'est-ce que tu entends par 'personnellement' ? » Derek haussa les épaules.

- Je leur ai fait peur mais… Je me dis que leur arracher la gorge avec mes dents pourrait être un moyen de m'assurer définitivement qu'ils te laissent tranquilles.

Stiles esquissa un sourire amusé, qui aurait été un rire dans d'autres circonstances. Depuis qu'on s'en était régulièrement pris à lui au lycée, il avait du mal à se lâcher. C'était comme si ça allait doucement mieux, mais… Qu'il avait quelque chose de caché. Quelque chose qui ne se réparerait jamais vraiment, même avec tous les soins du monde. Il décida néanmoins de faire un peu d'humour, de s'essayer à cet exercice qu'il avait un peu oublié, à force. « Ou alors tu me mords et 'je' leur arrache la gorge avec mes dents. Moi aussi je peux mordre, si on m'en laisse l'occasion. »

Derek sourit. Resserra son étreinte sur lui. Même s'il aimerait communiquer avec lui autrement, il adorait le lire. Découvrir ses pensées, voir comment elles prenaient forme… Et pas seulement dans son regard. Cela lui rappelait un peu cette époque… Quand Stiles parlait encore. Avec le recul, Derek s'en voulait d'avoir si souvent voulu le faire taire. Il aurait dû profiter de cette voix qui lui manquait… Avec une telle puissance qu'il choisit de fourrer son nez dans son cou pour trouver du réconfort dans son odeur.

- Si j'étais un alpha et si tu l'avais vraiment voulue, je t'aurais accordé la morsure sans hésiter.

C'était dit aussi sérieusement que c'était honnête. Le genre de choses qu'il pensait du plus profond de son être. Une déclaration discrète, subtilement sous-entendue. Derek se demanda si Stiles l'avait perçue et comprise. En tout cas, il vit son sourire s'allonger, sentit son odeur s'alléger drastiquement. La manière dont l'hyperactif fondit contre lui et attrapa ses lèvres le fit frissonner. Ses mains se posèrent d'instinct sur ses hanches, qu'il sentait un peu moins fines qu'avant. Et ça le rassurait : doucement mais sûrement, Stiles se remplumait.

Doucement mais sûrement, il guérissait.

Doucement mais sûrement, sa lumière intérieure se ravivait.