Elle fixait le plafond blanc dont les lumières éclatantes l'aveuglaient presque. Ses yeux n'arrivaient toujours pas à s'adapter à ces éclairages intenses. La chambre dans laquelle elle se trouvait empestait l'odeur du désinfectant et de la javel. Son nez la brûlait tellement ces effluves était fortes et désagréables. Les murs et les rideaux étaient blancs également. Le lit sur lequel elle était allongée était rudimentaire, tout juste assez confortable pour ne pas lui créer de douleurs supplémentaires. L'oreiller, la couverture et même le matelas étaient d'un blanc terne. Tout ici semblait être blanc. La seule couleur qu'elle semblait avoir le droit de voir était le vert des différentes plantes qui l'entouraient et dont elle ne connaissait pas le nom. Deux grandes plantes avec d'énormes feuilles et sans fleurs se trouvaient de chaque côté de la porte d'entrée. À son chevet se trouvait un arbre miniature, elle connaissait le nom de cette espèce, c'était un Bonsaï. Une immense plante en pot se trouvait dans un coin de la chambre, avec des feuilles plutôt fines et qui montaient jusqu'à la mi-hauteur du mur.

Elle détestait cet endroit. Musa avait l'impression d'être enfermée dans une prison. Une prison faite pour la soigner et la protéger selon les discours de ses amis. Pourtant, elle s'y sentait plus en danger que jamais. Elle aurait aimé retrouver la chambre qu'elle partageait avec les autres fées mais la directrice l'avait interdit. Faragonda trouvait son état bien trop préoccupant et instable pour la laisser sortir. Selon la vieille femme, cet endroit devait l'aider à retrouver sa santé après l'énorme traumatisme physique et psychologique qu'elle avait vécu. Quelles inepties. L'état de la jeune femme se serait amélioré bien plus rapidement si elle avait pu sortir de cet enfer mais personne ne semblait avoir hâte de la voir quitter cette maudite pièce qui ressemblait à une cage. Comme si elle représentait un danger pour elle-même ou pour les autres. Ce n'était pourtant pas le cas, elle ne ferait jamais de mal à personne. Elle était bien trop empathique pour cela. Certes, les fées de l'esprit n'étaient pas très bien perçues, mais la brune n'avait jamais osé faire de mal à qui que ce soit avec ses pouvoirs. Son accident ne la rendait pas plus capable de faire quoique ce soit à autrui désormais. Alors pourquoi est-ce qu'on s'acharnait à la maintenir captive ? Qu'avait-elle fait de mal ? Rien. Enfin, rien seulement si elle s'en tenait à la version des faits qu'elle avait conté aux directeurs de l'école. Elle avait expliqué à Faragonda et à Sylva qu'elle avait voulu sauver ses amies, ce qui était la vérité, mais ce n'était pas la seule chose qui l'avait décidé. En effet, elle aurait pu s'en sortir indemne et réussir à aider ses amis. Mais lorsqu'elle avait aperçu les monstres dévoreurs de pouvoirs, elle n'avait pas pu s'empêcher de les voir comme son salut. Elle voulait juste que son esprit se taise, se retrouver sans son pouvoir qui la faisait tellement souffrir depuis des années. Alors, elle était entrée et s'était offerte aux monstres en espérant qu'ils pourraient l'apaiser. Elle savait pourtant qu'ils risquaient de la tuer et une part d'elle l'avait espéré. Une mort aurait mis fin à toutes ses souffrances définitivement. La souffrance qu'elle éprouvait chaque jour d'avoir le lourd fardeau d'être une fée de l'esprit. Ce n'était que temporaire toutefois, la brune savait qu'elle allait très rapidement récupérer ses pouvoirs car ses amis traquaient les monstres qui l'avait blessé. Ils pensaient l'aider. Ce n'était pas le cas mais elle ne pourrait jamais leur expliquer. Ils ne comprendraient pas. Elle avait l'impression que personne ne pouvait comprendre. Alors oui, elle pouvait reconnaître que manquer de se tuer pour se débarasser de ses pouvoirs était peut-être quelque chose de grave mais personne à part elle ne savait ce qui avait motivé son geste. Son enfermement pouvait donc s'expliquer mais si Sylva ou Faragonda savaient ce qu'elle avait fait mais ce n'était pas le cas. Ils ne lisaient pas dans les pensées et elle n'avait parler à personne de sa détresse. Peut-être avait-elle laissé trop d'indices de son mal-être mais elle avait beau réfléchir, elle n'arrivait pas à comprendre ce qui aurait pu permettre aux deux directeurs de comprendre pourquoi elle s'était offerte en pâture aux immondices inhalateurs de magie.

Il n'y avait pas que son esprit qui la faisait souffrir, son corps aussi. Ça allait bien mieux que lorsque Riven l'avait amené à bout de bras dans cet hôpital de fortune pour la première fois. Mais elle devait reconnaître qu'elle se sentait toujours épuisée, comme si elle avait été vidée de son énergie vitale. Son corps était amaigri et elle avait encore des marques affreuses partout. Après tant de réflexions, Musa se disait que la directrice avait des raisons de la garder sous surveillance finalement.

Elle secoua la tête en espérant sortir de ses pensées. Elle regarda son téléphone afin d'avoir accès à la date et compta les jours d'enfermement qu'elle avait vécue dans cette pièce. Cela faisait une semaine. Déjà une semaine qu'elle était bloquée dans ce lit, qui n'était pas le sien, et que seules ses pensées lui tenaient compagnies. Elle était seule, plus que jamais. C'était l'impression qu'elle avait et pourtant la jeune fée savait que ce n'était pas tout à fait vrai. Musa était médisante et semblait déformer la réalité sous le prisme de ses sentiments. Dire qu'elle était seule, était faux et pourtant elle le vivait ainsi. La brune avait eu plusieurs visites. Elle avait eu le droit de voir ses amis, et quelques autres personnes. Tous avaient accourus près d'elle dès qu'ils avaient pu. Alors pourquoi se sentait-elle si seule ? Elle n'avait aucune explication à cela. La jeune femme passait son temps à réfléchir dans cette pièce blafarde et elle ne trouvait rien qui pouvait justifier ce sentiment qui la rongeait. Est-ce que la rupture avec son petit ami y était pour quelque chose ? Peut-être.

Sam était venu lui rendre visite les deux premiers jours de son hospitalisation, si on pouvait l'appeler ainsi, dans l'infirmerie de l'école. Le deuxième jour, il avait fini par rompre avec elle. Pourquoi ? Simplement à cause des rumeurs qui prétendaient expliquer pourquoi elle se trouvait dans cet hôpital de fortune qu'avait construit Alféa dans son école. Selon ce que Sam lui avait répété, les autres étudiants disaient qu'elle avait voulu mourir ce jour-là, qu'elle était devenue hystérique à cause de ses pouvoirs et qu'elle referait la même chose si elle le pouvait. Ils avaient raison pour les deux premiers points, en tout cas, ces points se rapprochaient de la réalité, elle devait l'admettre. Mais elle ne le referait pas, ça, c'était faux. Musa n'allait pas s'embêter à réfuter ses bruits de couloir, ça ne servirait à rien. Ce genre de ouï-dire ne cessait pas d'exister simplement parce qu'on disait la vérité et elle n'avait de toute façon pas envie de dire la vérité. Elle préférait garder ses motivations pour elle-même. Personne ne devait savoir qu'elle avait essayé d'en finir car elle ne voyait pas d'autre solution pour arrêter de souffrir.

Ce sont ces rumeurs qui ont poussé Sam à rompre avec la brune. Son ancien petit-ami était un idiot, se baser sur des mensonges colportés par des étudiants qui ne la connaissaient même pas pour la larguer, c'était irréfléchi. Mais elle pouvait le comprendre. Après tout, elle n'avait rien démenti quand il lui avait demandé si tout ce qui se disait dans les couloirs de l'école magique était vrai. Et elle savait qu'il y avait une part de vérité dans les propos exacerbée qui la diabolisait. Musa avait pourtant essayé d'expliquer à Sam pourquoi elle avait fait ces choses-là, pourquoi elle était entrée dans cette pièce qui regorgeaient de monstre capable de la tuer, mais il n'avait pas compris. Le jeune homme avait simplement été horrifié par les propos de la fée de l'esprit, comme s'il découvrait une nouvelle personnalité d'elle qu'il ne connaissait pas et qu'il l'effrayait. Elle avait alors compris qu'il ne servait à rien d'essayer de lui expliquer, car jamais il ne pourrait se mettre à sa place. Il lui avait ainsi suggérer de mettre un terme à leur relation car ils n'étaient plus sur la même longueur d'onde. Ironique de quitter une personne qui venait de frôler la mort. Enfin, elle ne pouvait pas lui demander de rester par pitié et elle ne voulait pas qu'il reste pour cela. Ce n'était pas la faute de Sam si sa vie semblait se détériorer mais uniquement la sienne ;

Riven aussi lui avait rendu visite. La fée de l'esprit avait rapidement compris que le spécialiste, aussi rustre et désagréable soit-il parfois, avait été perturbé par ce qui s'était passé.

De ce que la jeune femme avait entendu, c'était le jeune homme aux magnifiques yeux verts qui l'avait trouvé inconsciente et qui l'avait transporté jusqu'à l'infirmerie. Il avait été couvert de son sang et pourtant il était resté près d'elle jusqu'à ce qu'une des infirmières lui annonce que l'état de Musa était stable. Une fois que le spécialiste avait été certain que la brune allait survivre, il était parti se dépêtrer de sa tenue immonde, pleine des vestiges de la bataille précédente, pour aller se laver et se changer. Il était aussitôt revenu auprès d'elle selon les paroles de ses amies, et il n'était parti que lorsque la fée de l'esprit avait repris conscience.

Musa ne s'expliquait cet intérêt soudain pour elle que par la peur que le jeune homme avait dû ressentir en la voyant à moitié morte dans ses bras. Cela avait dû être traumatisant pour lui. Elle se sentait coupable qu'il ait eu à subir son choix. La jeune femme n'avait pas voulu que quelqu'un soit impliqué et subisse cette horreur avec elle. Pourtant il avait fallu que cette tête de mule la cherche et essaye de la sauver. Contrairement à ce qu'elle pensait, et ce que tout le monde pouvait penser, Riven n'était pas un petit con égocentrique sans cœur. Il était le seul à avoir affronté cette bataille pour la sauver. Elle, qui avait décidé d'en finir avec sa magie. La fée de l'esprit ne méritait pas pourtant d'être secourue. Cette pensée ne fit qu'accroître son sentiment de culpabilité vis-à-vis du spécialiste. C'était un jeune homme perdu, qui semblait désagréable mais qui n'était peut-être pas aussi narcissique et détaché des autres qu'il voulait le faire paraître. Musa remontait la couverture jusqu'à son nez. Elle était épuisée. Et pourtant repenser aux yeux verts du jeune homme lui mettait du baume au cœur. Il était le seul à être venu la voir tous les jours. Souvent, le spécialiste se contentait de lui lancer des remarques acerbes et piquantes pendant qu'il vérifiait l'état de la fée de l'esprit. Il demandait également aux personnels compétents s'il y avait des améliorations par rapport à l'état de la brunette. Il avait ce petit sourire satisfait quand il entendait des bonnes nouvelles et cet air renfrogné quand on lui annonçait que ça s'empirait. Musa n'aurait jamais pensé décrypter les réactions de Riven un jour. Elle n'aurait jamais pensé non plus, que cela rendrait son séjour à l'infirmerie plus facile à vivre.

Et puis, son groupe d'amies était venu lui rendre visite régulièrement. Stella, Flora, Terra et Aïsha, étaient venues trois fois cette semaine. Musa n'avait pas demandé d'explication mais toutes avaient essayées de justifier le fait qu'elles ne puissent pas venir tous les jours. Les cours, les recherches pour sauver Bloom, les entraînements renforcés depuis la bataille, la quête d'une solution pour redonner ses pouvoirs à Musa... La fée de l'esprit n'avait pas besoin d'entendre cela. Ses amies n'avaient aucunement à se justifier. Elle savait qu'elles ne pouvaient pas venir tous les jours. C'était simplement ainsi. Peut-être que c'était cela qui la faisait se sentir si seule finalement. Ne pas pouvoir participer aux recherches pour sauver son amie disparue, ne pas se réveiller dans la même chambre que Terra, et sentir que la seule personne qui abandonnerai tout pour venir la voir était Riven. Le seul sur qui, elle ne pensait pas pouvoir compter se montrait être celui qui faisait tout pour lui tenir compagnie, à sa façon bien évidemment.

Elle resta encore deux semaines enfermées dans ce lit. Deux semaines à subir cet isolement et les règles strictes de l'infirmerie. Les visites de son groupe d'amies avaient baissé à deux fois par semaine. Celles de Riven, elles, avaient continué au même rythme, soit une fois par jour. Musa ne pouvait s'empêcher de se demander comment le jeune homme pouvait avoir plus de temps que ses amies. Et s'il n'avait pas plus de temps, que sacrifiait-il pour venir la voir ? Pourquoi ? Elle ne le saurait probablement jamais et pourtant son esprit bouillonnait de trouver une explication à ce comportement. Riven, avait-il pu voir autre chose ? L'avait-il vu s'avancer en connaissance de cause dans cette pièce où la mort l'attendait ? Non. Ce n'était pas possible, Musa était certaine qu'il l'aurait confronté et sermonné en voyant un comportement aussi dangereux. Alors pourquoi ? Pourquoi ? Pourquoi ? Cette question ne se tarirait pas de sitôt dans l'esprit de la fée qui chercherait des explications pendant un temps qui lui semblerait infini.