Pardon, pardon, pardon ! Que de retard c'est intolérable !
J'ai eu beaucoup de mal avec celui-là (je pensais qu'il serait facile et court à écrire en plus, et ben PAS DU TOUT.) J'espère qu'il vous plaira !
(Petit cw : mention de torture)
Katakuri était plongé dans un demi sommeil tourmenté. Même assoupi, il avait conscience de ce qu'il avait fait.
Il ne voulait pas se réveiller pour ne pas avoir à affronter la journée a venir. Mais plus les images de son crime lui revenaient, plus il reprenait conscience. Il ne pensait pas avoir déjà connu une sensation pire que celle-ci : comprendre que son cauchemar n'en était pas un. Il avait craqué et rasé une ville entière, tué des centaines de personnes, attaqué son frère jumeau et frappé King. Qui sait ce qu'il avait pu faire d'autre et de pire ?
Les douleurs se faisaient plus présentes et cette fois, il était tout à fait réveillé. Tout son corps le faisait atrocement souffrir. Ses mains et son ventre, en particulier, le mettaient au supplice. Il se risqua à toucher son abdomen et comprit tout de suite que sa vieille blessure s'était rouverte. Voilà qui expliquait pourquoi il dormait sur le dos. Il essaya de se mettre sur le flanc pour trouver une position plus confortable et soulager brièvement ses muscles endoloris. Son mouvement fit réagir King, toujours endormi à ses côtés.
Il remua et posa son bras musclé sur le cou de Katakuri, l'empêchant complètement de bouger.
Celui-ci se rappela aussitôt ce qui s'était passé avant qu'ils s'endorment et manqua de s'évanouir plusieurs fois en dix secondes. Il ouvrit brusquement les yeux — afin d'être vraiment sûr que le corps à ses côtés n'était pas le fruit de son imagination — et se retrouva le nez contre la peau noire de King, dont le torse se soulevait doucement au rythme de sa respiration.
De toutes les choses qui se bousculaient dans son esprit, celle-ci était celle qui allait certainement prendre le plus de place pour les minutes à venir. Et c'était tant mieux.
Malgré le désastre, malgré l'horreur qui allait le submerger dans les jours à venir, King était là. Et c'était un immense soulagement. Il avait eu une peur terrible à l'idée de ne plus jamais le revoir, rien ne lui avait semblé plus cruel que de rencontrer quelqu'un avec qui il s'accordait aussi bien et de le voir sortir de sa vie. Il aurait été très heureux de s'être trompé si sa réaction n'avait pas été violente et irrationnelle.
Honteux, il profita d'avoir accès à la gorge de King pour s'y lover, tout en se demandant s'il en avait bien le droit. Le doute s'envola quand sa joue se réchauffa au contact de sa peau. Il était encore plus doux que dans ses rêves les plus fous. Il referma les yeux et respira son parfum, conscient de la chance qu'il avait de se trouver là, tout en continuant de se maudire et de s'effondrer sous le poids de la culpabilité.
Ses pensées oscillaient entre deux extrêmes et n'arrivaient pas à se focaliser sur quoi que ce soit, en dépit de l'agréable contact du corps de King contre le sien. Il aurait adoré pouvoir profiter de cette étreinte et oublier tout le reste, mais pour le moment il n'arrivait pas a s'abandonner complètement. Il avait été trop loin.
King grogna dans son sommeil — grognement qui ressemblait à un croassement de corbeau — et serra Katakuri contre lui. La tête de Katakuri s'enfonça dans les pectoraux détendus de King et pendant une toute petite seconde il pensa que ses crimes n'avait plus aucune importance et qu'il pouvait mourir en paix. Ça ne dura pas.
— Bien dormi ? Demanda King avec une voix pâteuse, trahissant son épuisement.
Katakuri n'en revenait pas qu'il lui adresse la parole. Qu'ils soient ensemble dans le même lit lui paraissait toujours parfaitement irréel. Il n'avait même pas eu le temps de se faire à l'idée. Il aurait tant préféré en être ravi et en profiter. Il voulait se sentir libre de se blottir contre lui et de lui manifester tout l'amour qu'il lui avait déclaré i peine quelques heures, mais il n'y arrivait pas. Il n'en avait pas le droit, pas après ce qu'il avait fait. Il resta figé, satisfait de se cacher comme un petit animal dans des bras rassurants.
— Moi non plus, se répondit King en changeant de position à son tour.
Il étira ses ailes et des plumes tombèrent ça et là autour de Katakuri. Chaque mouvement semblait lui faire mal, à lui aussi. Katakuri se dégagea un instant, à contre cœur, et ouvrit enfin les yeux.
Il pensait que la vision de King dans son lit le réconforterait et lui donnerai la force d'affronter la suite mais ce fut tout le contraire. Maintenant qu'il avait toute sa tête et qu'il y avait suffisamment de lumière dans la pièce, il pouvait voir dans quel état il l'avait mis.
Il avait un œil au beurre noir, des hématomes sur les bras et sur la poitrine, sa lèvre inférieure était ouverte et son épaule était profondément meurtrie, déchiquetée par la marque de ses dents. Il ne saignait plus mais des lambeaux de peau étaient visibles là où il l'avait mordu. Il ne se souvenait même pas l'avoir attaqué, il savait qu'il l'avait mordu puisque c'était à ce moment là qu'il avait repris ses esprits, mais le reste lui échappait. Comment avait-il pu faire une chose pareille ?
Il éprouva soudain une énorme rage envers sa mère, sans savoir pourquoi. Il voulait la tenir pour responsable mais il n'avait pas le droit de se dédouaner comme ça. Il s'apprêtait à supplier King pour qu'il voit un médecin mais celui-ci le devança avant même qu'il ne prononce un seul mot.
— Je vais bien, inquiète toi pour toi d'abord.
King l'invita à jeter un coup d'œil à son ventre d'un geste du doigt. Katakuri obéit et observa plus attentivement sa blessure. Lui aussi avait cessé de saigner mais la plaie n'était pas jolie. Elle était profonde, comme perforée. Sa peau était violacée et tout autour de lui était trempé de sang, ses vêtements comme ses oreillers. Mais il s'en fichait, tout ça lui paraissait superficiel.
— Ce n'est rien, grommela-t-il avant de reporter toute son attention sur King. Tu es…
Il ne savait même pas quoi lui dire. Il était épuisé. Il essaya de se redresser mais n'en trouva pas la force, la tête lui tournait. Il n'avait jamais été aussi fatigué de toute sa vie. Il voulait se concentrer sur l'état de son partenaire — qui avait besoin de soins de toute urgence — mais il se sentait à peine capable de relever la tête.
King comprit ce qu'il essayait de faire et l'immobilisa en plaquant sa main sur son épaule pour le maintenir allongé. Son geste était délicat mais ferme. Il semblait tout à fait prêt à y mettre plus de force si jamais Katakuri luttait pour se mettre debout.
— Stop ! Ne te lève pas.
Toute sa volonté s'envola d'un seul coup ; s'il avait l'ordre de ne pas bouger, alors il ne bougerait pas. Il n'avait pas l'habitude qu'on s'occupe de lui de cette façon et il était trop mal pour résister. Il s'inquiétait pour King mais il devait reconnaître qu'il était le plus en forme des deux, il pouvait se relever et de s'asseoir, lui.
Les secondes qui suivirent, King ne lâcha pas Katakuri du regard, comme si il avait peur de le voir se désintègrer sous ses yeux. Il se sentit extrêmement honteux, comme un enfant qui s'était mis en danger pour rien et qui ne supportait pas l'idée de décevoir un proche.
— Quelle heure il est ? Demanda-t-il alors, pour changer de sujet.
— Tôt, répondit King en regardant distraitement en direction des rideaux. Le jour commence à peine à se lever.
Katakuri roula sur le dos et plaqua ses mains sur son visage. L'heure de faire face aux conséquences de ses actes approchaient. Qu'est-ce qu'il allait devenir ? Après avoir fait autant de mal, il serait peut-être forcé de quitter le pays lui aussi. Et suivre celles qui avaient ouvert la voie. Comme Lola, comme Chiffon, comme Praline… Mama n'était plus là pour le punir mais il ne serait pas étonné qu'une réunion se déroule en ce moment même pour décider de son sort. C'était tellement triste d'avoir travaillé si dur pour obtenir la confiance de tous et pour finalement la perdre en à peine 24h. Est-ce qu'on effacerait son image des portraits familiaux, à lui aussi ?
King l'observa sans dire un mot et se laissa retomber sur les oreillers. Un grognement de douleur lui échappa et amplifia la culpabilité déjà monstrueuse de Katakuri. Mais quand il vint poser sa tête sur son épaule et qu'il sentit ses long cheveux blancs glisser sur sa poitrine, un frisson agréable le réconforta un peu. En dépit de tout ça, il avait enfin pu lui ouvrir son cœur et ça, il ne le regretterait jamais.
Il avait encore du mal à réaliser qu'ils pouvaient se montrer tactile l'un envers l'autre. En temps normal, il aurait sûrement déjà explosé d'embarras et rougit à s'en faire péter les veines, mais il soupçonnait son corps de ne même plus avoir assez d'énergie — ou de sang — pour se permettre de manifester son excitation. Malgré tout, sa maladresse n'avait pas disparu : il ne savait pas du tout comment se comporter.
Etait-il censé passer son bras autour des épaules de King et le cajoler ? L'embrasser ? Ou est-ce qu'il était trop tôt pour ça ? Est-ce qu'il y avait un protocole à respecter avant de manifester son affection ? Pourquoi était-il aussi gauche à presque cinquante ans ?
Heureusement pour lui, King ne lui en tenait pas rigueur. Il semblait ravit de se coller à lui.
— Tu sais que tu fais des bruits bizarres dans ton sommeil ? L'interrogea Katakuri, pour détendre l'atmosphère et ses propres nerfs.
King releva la tête et lui jeta un regard faussement indigné.
— C'est ça le premier truc que tu me dis au réveil ?
— Désolé, c'était pour…
— T'excuse pas, je ne suis pas vexé.
Il ponctua sa déclaration en déposant un léger baiser sur la joue de Katakuri. Là, son corps parvint à réagir et une agréable bouffée de chaleur parcourut son corps endolori. Il savoura ce réconfort en fermant les yeux.
— C'est l'inconvénient d'être un zoan, poursuivit King, sans remarquer le bref état d'euphorie dans lequel il avait plongé Katakuri. Je m'estime heureux de ne pas m'être transformé pendant que je dormais. Ça, ça aurait pu être très gênant.
Katakuri le regarda avec affection. Il avait vraiment de la chance de l'avoir à côté de lui.
— Et tes flammes au fait ? Réalisa-t-il. Elles disparaissent quand tu dors ?
— Oui, heureusement. T'es déjà assez amoché comme ça, je m'en serai voulu de cramer ton lit en plus.
Disant cela, King se redressa à nouveau et maintenant que la pièce était un peu mieux éclairée — les rayons du soleil progressaient de l'autre côté des rideaux — il se permit d'observer la chambre de Katakuri plus en détail. Il leva les yeux au plafond et contempla la fresque peinte au-dessus de leurs têtes avec curiosité. Katakuri se sentit un peu embarrassé. C'était la première fois qu'il laissait quelqu'un entrer aussi loin dans son intimité. Il avait rêvé de nombreuses fois de dormir avec King auprès de lui mais il n'avait pas pensé à l'après et au moment où il pourrait scruter plus attentivement son environnement.
Maintenant, il avait peur qu'il le trouve ridicule.
Il voyait bien que son visage n'était pas moqueur mais il accordait beaucoup plus de valeur à son opinion qu'à celle de n'importe qui d'autre.
— Je me demandais à quoi ressemblait ta chambre, avoua King, et je ne suis pas déçu du voyage.
— C'est positif ou négatif ? S'inquiéta Katakuri.
King le considéra de nouveau avec ce regard malicieux qu'il avait toujours quand il était sur le point d'être sarcastique. Heureusement, Katakuri le connaissait assez maintenant pour savoir qu'il n'y avait absolument aucune cruauté dans son attitude. Juste de la taquinerie.
— Non, par pitié, épargne moi je ne suis pas en état de riposter, soupira Katakuri, que la douleur rendait apathique.
King esquissa un sourire.
— D'accord. Je te répondrais juste "positif" dans ce cas. J'ai l'impression d'être dans un temple.
— Un temple ?
Il s'était attendu à tout sauf à ça. Il avait agencé ses appartements avec une toute autre idée en tête et il était le premier à reconnaître que sa chambre était… flamboyante. Puisqu'il était toujours forcé d'être sérieux et impassible en public, il se permettait de laisser éclater sa fantaisie en privé. Il avait cherché à en faire l'inverse d'un temple.
Devant sa confusion, King s'expliqua.
— Peut-être pas un "temple" au premier sens du terme mais ça me fait le même effet. J'ai envie de parler à voix basse et de faire attention à mon comportement pour éviter de froisser la divinité consacrée en ces lieus.
Katakuri leva les yeux au ciel, légèrement amusé par cette description.
— Sans parler de la déco, ajouta-t-il en pointant son doigt sur la fresque épique du plafond.
— Ça me change des portraits de famille qui habillent les murs de mes couloirs.
Il n'était pas sûr d'être heureux que King s'amuse à interpréter chaque détail de sa chambre. Il lui en avait déjà trop montré la nuit dernière. Il aurait préféré que King n'apprenne jamais son secret le plus terrible et maintenant il voulait qu'il s'abstienne de chercher des explications à d'autres traits mystérieux de sa personnalité en admirant sa chambre.
/
King remarqua sa morosité et décida de ne pas insister plus longtemps sur ce sujet.
Il n'était pas surpris de voir Katakuri aussi abattu — comment aurait-il pu ne pas l'être — mais il se sentait impuissant devant son état. Comme toujours. Mais cette fois il n'avait pas envie d'échouer et de le laisser sombrer seul dans la mélancolie et la dépression. Il le connaissait assez pour savoir que ce qui le préoccupait le plus était le sort de sa famille. Et ceux-ci ne tarderaient sûrement pas à prendre contact avec lui. En dépit de son interdiction de la veille.
Mais King était persuadé qu'ils ne lui en voulaient pas. En tout cas, pas les plus proches de lui. Pudding, à peine âgée de seize ans, avait bravé une tempête pour venir le chercher afin qu'il sauve son frère aîné. Si une gamine s'était donné tout ce mal pour que les choses se règlent avec le moins dégâts possibles pour Katakuri — car c'était ce qui s'était passé en fin de compte — il en allait sûrement de même avec les aînés qui connaissaient bien mieux leur frère.
Il hésitait à se lever. Ses ailes et son épaule le faisait souffrir et bouger lui ferait le plus grand bien. Mais il sentait que Katakuri avait encore besoin de son contact. Et il ne s'en plaignait pas. Il n'en revenait toujours pas de ce qui s'était passé, lui non plus. Il avait à peine eu le temps de s'habituer à l'idée que Katakuri souffrait du même trouble que sa mère et lui avait avoué son amour dans la foulée.
Tout ça était nouveau pour King : on ne s'était jamais soucié de lui autrement que pour lui arracher des informations sur son identité ou lui vampiriser ses pouvoirs innés. Et son attachement envers Kaido avait toujours été… déséquilibré. Le respect, l'affection réciproque, l'envie irrésistible de toucher la peau de l'autre, tout ça il le découvrait aujourd'hui. Il ressentait une légère honte à éprouver une telle satisfaction après tout ce qu'il s'était passé ; il se fichait bien du désastre que Katakuri avait causé ou des états d'âme de sa famille. Tout ce qui lui importait, c'était qu'il se remette.
Ça n'allait pas être facile mais il devait réparer ce qu'il avait provoqué.
Il se dégagea de la pile d'oreillers qui les avaient tous les deux ensevelis et étira enfin son corps endolori. Il ne saignait plus, sa constitution surhumaine l'avait encore une fois aidé à se remettre d'une blessure sans trop de problèmes. Il avait connu bien pire. Il se retourna tout de même pour voir si son sang n'avait pas complètement ruiné ce nid confortable.
Il croisa le regard de Katakuri qui était tout à coup parfaitement éveillé et qui le dévisageait sans s'en cacher. Pour la première fois de sa vie, King se trouva flatté qu'on le dévore des yeux. Katakuri était le seul au monde chez qui il appréciait de susciter le désir.
Mais passé l'amusement il remarqua que ce n'était pas lui qui avait perdu le plus de sang au cours de cette nuit. Les oreillers et le matelas avaient pris une teinte rouge brune du côté de Katakuri, dans des quantités assez inquiétantes. S'il se levait maintenant, il tomberait dans les pommes.
— Montre moi ta blessure, demanda King avec le même ton qu'il employait quand il essayait de coucher Kaido après une nuit de beuverie.
— Hein ?
Katakuri toujours perdu dans sa contemplation ne l'entendit même pas.
— Je suis flatté de te déconcentrer, plaisanta-t-il. Mais s'il te plaît, montre moi.
Katakuri aurait pu rougir s'il avait eu encore assez de sang pour ça mais il se contenta de se redresser et de chasser l'oreiller qui cachait son ventre, un peu embarrassé d'avoir été pris en flagrant délit. Heureusement, la situation était meilleure que ce que King croyait. A la lumière, la plaie semblait propre et elle ne saignait plus. Mais il réitéra son avertissement de tantôt, craignant que Katakuri ait oublié.
— Je pense que tu vas être obligé de rester au lit un bon moment. Tu as perdu trop de sang.
— J'en ai mis partout, c'est ça ?
— Oui, en effet. Ton service blanchisserie va avoir du boulot.
Il grimaça encore, probablement dégoûté de savoir qu'il baignait dans son propre sang, mais il n'essaya pas de se lever. King ne savait pas si c'était pour lui obéir ou parce qu'il n'en était pas physiquement capable.
— Il faut que tu manges, déclara-t-il d'un ton péremptoire. Tu as des réserves ici ? Où il faut que j'aille jusqu'à la cuisine ?
King pria de toute ses forces pour ne pas avoir à lui préparer à manger lui-même. Katakuri pourrait prendre ses compétences culinaires pour une grave offense et il ne lui souhaitait pas ça.
Katakuri haussa les épaules en réponse.
— Tu peux aussi appeler quelqu'un.
Avec toutes ses émotions, il avait oublié qu'il avait effectivement la possibilité de faire appel à du personnel. Sur Komugi, Katakuri était encore le chef et les homies ne chercheraient certainement pas à s'opposer aux ordres de King.
— Je reviens, dit-il en franchissant les rideaux.
Il fit deux pas et retrouva sa chemise immonde sur le sol, qui attendait gentiment d'être ramassée. Il la récupéra, sans trop savoir ce qu'il devait en faire. Les questions qui lui venaient à l'esprit paraissaient à la fois tellement normales et tellement étranges dans ce contexte. Il lui paraissait évident qu'il avait besoin de se laver mais l'idée même de demander à Katakuri où se trouvait sa salle de bain et si il pouvait prendre une douche était… extrêmement gênante.
Il serait bien obligé de le lui demander à un moment où à un autre mais il lui fallait un peu de temps. Il n'avait pas besoin de découvrir toutes les premières fois embarrassantes au même moment. Et il était certain que Katakuri pensait la même chose. Il pouvait rester crasseux un peu plus longtemps, ce n'était pas bien grave.
Il n'eut pas à aller bien loin pour trouver un homie serviable et prêt à rapporter un chariot complet de nourriture. Il y en avait une troupe entière derrière la porte, en train de harceler la porte d'entrée pour avoir des nouvelles de leur maître. Ce qui fit comprendre à King que tout le monde sur l'île devait déjà être au courant de ce qui était arrivé à Katakuri. Après leur avoir donné l'ordre de ficher le camp et de revenir avec de quoi manger — personne ne chercha à contester son autorité — il resta interdit sur le pas de la porte.
Il avait espéré que Katakuri serait a l'abri des regards et des appréhensions chez lui. Au moins quelques temps. Ça allait être très dur pour lui de se relever de tout ça.
Il fit demi-tour et fut surpris de lui tomber dessus ; il était sorti de son nid pour venir à sa rencontre. Peut-être de peur que King lui fasse à nouveau faux bond. Mais c'était une très mauvaise idée de sa part de ne pas avoir écouté son conseil. Il le comprit tout seul alors que ses jambes tremblaient sous son poids. King dut se précipiter jusqu'à lui pour le soutenir et l'empêcher de tomber alors qu'il s'évanouissait.
Il s'écroula de toute sa hauteur dans ses bras. Il aurait heurté le sol tête la première si King n'était pas intervenu à temps. Mais il ne s'en formalisa pas. A côté de Kaido, Katakuri était un poids plume. Et son malaise ne dura pas plus de quelques secondes ; il reprit ses esprits aussitôt et se redressa en s'accrochant à lui pour s'aider.
— Pourquoi tu t'es levé ? Râla King. Je t'avais dit de pas le faire !
— Pour voir si j'en étais capable…
King roula des yeux en souriant et le conduisit jusqu'au canapé.
/
Le vertige de Katakuri se calma tout de suite après que King l'ait gentiment couché sur la banquette, posé un oreiller derrière sa tête et redressé légèrement ses jambes en les appuyant sur l'accoudoir.
Katakuri avait honte de lui imposer une telle faiblesse mais d'un autre coté, sa douceur était plus que bienvenue. Ses gestes étaient précis et délicats, ce n'était sûrement pas la première fois qu'il couchait un homme affaibli ; on devinait la routine derrière son efficacité. Mais Katakuri s'abstint de l'interroger. Il se contenta de le dévorer des yeux sans dire un mot alors qu'il s'asseyait sur le fauteuil en face de lui, tout en observant la bibliothèque et la décoration.
Maintenant que le soleil était levé, les rideaux projetaient une lueur rose chaleureuse sur le salon et sublimait les traits de King, dont la beauté spectaculaire ne cessait d'émerveiller Katakuri. Il était peut-être temps qu'il le le lui dise d'ailleurs, il n'avait aucune raison de retenir ses élans à présent. Malheureusement pour lui, il n'en eut pas le temps. Ses paupières lourdes tombèrent sans lui demander son avis et il se rendormit.
Il faisait un rêve agréable quand la paume chaude de King lui effleura le visage. Il ouvrit les yeux, ravi d'être réveillé par une sensation aussi agréable et le trouva assis sur l'accoudoir, au-dessus de lui, comme le parfait ange gardien qu'il était. King lui sourit et l'invita d'un hochement de tête à regarder sur sa gauche. Katakuri s'exécuta et trouva un chariot sur lequel trônait le plus impressionnant petit déjeuner qu'il eut jamais vu.
— Tes domestiques sont efficaces, le complimenta King. A moins que ce ne soit Pudding...
Il se releva et prit une brioche toute fraîche dans laquelle il croqua sans se faire prier. Katakuri remarqua immédiatement qu'il ne cachait pas le plaisir qu'il avait à manger et ça lui fit chaud au cœur. Dire qu'à son arrivée, il n'appréciait rien…
Les bonnes odeurs qui se dégageait des plats le firent saliver et ça l'encouragea à se lever — du moins, à se mettre sur les coudes. Son estomac grondait et il avait très envie de dévorer la totalité de cette bonne nourriture, même si la culpabilité le tenaillait.
— Tu penses que c'est Pudding qui a fait ça ? Tu l'as vue ?
— Non, mais le petit mot — il lui montra la petite carte cartonnée qu'il avait certainement ramassé sur le chariot — souhaitant un bon rétablissement me laisse croire que c'est elle.
Les yeux de Katakuri se perdirent dans le vague un instant.
— Est-ce que que quelqu'un a demandé à me voir ? Demanda-t-il encore, timidement.
King secoua la tête.
— Ça t'ennuie ?
— Non. Je ne veux voir personne. A part toi, ajouta-t-il précipitamment, de peur de le vexer.
Loin de se vexer, King s'installa de nouveau dans le fauteuil pour le laisser profiter du canapé et afficha un air prétentieux.
— Si quelqu'un essaye d'entrer contre ta volonté, je te promets de le faire voltiger à l'autre bout du couloir.
S'il accueillait cette attitude protectrice avec plaisir, Katakuri se sentit tout de même gêné. Il tendit la main pour prendre des petits pains mais ses idées noires refirent rapidement surface et son enthousiasme à manger se ternit.
Comment avait-il pu en arriver là ? Être soulagé d'avoir quelqu'un à ses côtés pour le protéger des représailles de ses bien-aimés frères et sœurs. Il était ridicule. Il aurait mieux fait de prendre des forces et d'affronter ses responsabilités, seul. Mais il n'en avait pas la force. C'était comme si sa crise l'avait vidé de tout. De sa rage contenue depuis des lustres mais aussi de son courage. Resté là pour toujours, terré dans son trou avec King pour seule compagnie lui convenait parfaitement.
— Est-ce que je pourrais t'emprunter des vêtements ?
La question de King le tira de ses pensées.
— Oui, répondit-il maladroitement. Pourquoi ?
— Ma chemise est foutue, alors…
— Oh ! Oui, bien sûr, tu peux aller voir dans le dressing.
King haussa les sourcils.
— Tu as un dressing ?
— A coté de la salle de bain.
Il jeta un coup d'œil par dessus son épaule blessée pour découvrir où était la dite salle de bain et grimaça à cause de la douleur de sa blessure. Enfonçant un nouveau pieu dans le cœur de Katakuri qui était responsable de cette morsure abominable qui devait lui faire si mal.
— J'ai très envie de fouiller partout, dit King dont les yeux exprimaient une curiosité que Katakuri n'avait plus vue chez lui depuis la mort de Kaido.
Il lui sourit en réponse. Soudain, des coups furent frappés à la porte et fit sursauter Katakuri.
Il aurait dû rester stoïque, se lever et faire face à son destin… Mais il n'avait pas eu assez de temps pour s'y préparer. Il ne pensait pas qu'on viendrait le solliciter si tôt et pour la toute première fois de sa vie, il n'était pas prêt. Pas du tout. Il préférait sauter du haut de son balcon et atterrir tête la première sur le sol que de parler à un membre de sa famille.
King nota son trouble et se leva aussitôt.
— Ne bouge pas.
/
King aurait volontiers mit le feu au palier de l'appartement juste pour chasser cette expression terrifiée du visage de Katakuri en même temps que ce visiteur inconnu. Mais il se retint. Il se contenta de marcher calmement jusqu'à la sortie et de se tenir droit dans le couloir en ordonnant à la porte de rester close.
Il se retrouva nez à nez avec Oven.
Tous les deux se regardèrent avec de grands yeux, aussi surpris l'un que l'autre.
King l'observa un instant ; il avait l'air plus en forme que son frère. Il avait un œil gonflé et un bleu sur la pommette, ainsi qu'un bras en écharpe et son torse massif était enveloppé d'une généreuse couche de bandages encore ensanglantés. Mais ses yeux brillaient d'un éclat vif. Il se remettrait sans aucun problèùe de ses blessures et Katakuri serait sûrement très heureux de l'apprendre.
Il attendit sagement qu'Oven le salut mais comme il continuait de le fixer en silence, il prit la parole le premier.
— Qu'est-ce que tu veux ?
Oven le dévisagea sans aucune gêne, des pieds à la tête, avant de répondre sans relever les yeux sur son visage.
— A la base je voulais juste prendre des nouvelles de mon frère mais j'ai comme l'impression qu'il se porte bien mieux que ce que j'imaginais.
— Personne ne peut le voir pour le moment, répondit King sans relever son impolitesse.
Cet ordre ne lui plut pas du tout et il se renfrogna.
— Et pourquoi ça ?
— Parce que je l'ai décidé.
King croisa les bras sur sa poitrine et se rappela tout à coup l'autorité dont il était capable de faire preuve pour protéger quelqu'un. Frère jumeau ou pas, Oven serait obligé de lui passer sur le corps s'il voulait voir Katakuri. Et avec un bras inutilisable, il n'avait aucune chance.
Mais puisqu'il était en face d'une personne chère à Katakuri, il consentit à lui fournir une meilleure explication.
— Il n'est pas en état de recevoir. J'ai bien peur qu'il ne se sente pas la force de regarder un seul d'entre vous dans les yeux avant au moins quelques jours.
Oven se détendit un peu et soupira. Il accepta cette explication plus facilement que King l'avait imaginé.
— Je m'en doutais, grogna-t-il dans sa barbe. Mais c'est un idiot ! Je ne vais pas l'engueuler, je sais qu'il ne pouvait pas se contrôler.
— Je ne te ferai pas rentrer, insista King en secouant la tête.
Intérieurement, il se dit que Katakuri serait tout de même soulagé de savoir que son frère se portait bien et qu'il n'avait aucunement l'intention de l'accabler. C'était un excellent début.
— Tu te prends pour un videur maintenant ?
— Oui.
Le malheureux comprit qu'il ne pourrait pas franchir cette muraille de muscles enflammés qu'était King. Il poussa un nouveau soupir résigné mais ne s'en alla pas pour autant. King en profita pour lui demander des précisions sur la situation, Katakuri avait besoin de savoir à quoi il devait s'attendre.
— Qu'est-ce qu'il va se passer maintenant pour lui ?
— Aucune idée, Daifuku a prit les choses en main. Il parlera aux autres en son nom et il n'y a plus qu'à espérer que nos grandes sœurs ne soient pas trop en pétard. Mais elles le sont.
— Je vois.
L'idée que Katakuri ait pu perdre toute autorité à cause de son manque de jugeote lui brisait le cœur.
— Pourquoi il fallait que tu foutes le camp ? Demanda-t-il, soudain agressif. C'est à cause de toi qu'il a pété un câble. J'avais dit que je t'exploserai si tu lui faisais du mal !
— Je suis revenu.
Il ne trouvait rien de mieux à répondre. Il savait parfaitement que tout était de sa faute, il ne se défendit pas. De toute façon, Oven comprit tout seul que ça ne mènerait à rien de le blâmer, le mal était fait et maintenant King veillait sur son frère. Il recula d'un pas et sembla accepter l'idée de repousser sa visite.
— Je repasserai.
— Je m'en doute.
— Dis lui au moins que je lui en veux pas, ok ?
King hocha la tête.
— Et rhabille toi, parce que j'ai des images de vous deux qui me viennent et que je ne veux pas avoir dans la tête !
Sur ces mots, il disparut et laissa King seul sur cette réplique immonde.
— Je déteste ce type, cracha-t-il à voix haute dès qu'il fut certain que Oven avait quitté le couloir.
Il entra dans l'appartement et souffla de soulagement, ravi d'être à nouveau au chaud dans le salon confortable. Il trouva Katakuri à la même place, assis sur le canapé. Il n'avait rien toujours rien avalé — ce qui était compréhensible — mais King n'oubliait pas son nouveau rôle.
— Mange, t'as du sang à fabriquer.
— C'était qui ? Demanda-t-il sans l'écouter.
— Oven.
Le visage de Katakuri afficha une expression à la fois effrayée et soulagée. King ne le laissa pas dans l'expectative plus longtemps.
— Il va très bien, le rassura-t-il.
Cette déclaration arracha un gros soupir à Katakuri. Ses épaules s'affaissèrent, soudain beaucoup plus détendues. King poursuivit.
— Tu l'as amoché mais il est toujours aussi chiant et il venait te voir pour voir si tu allais bien. Comme promis, je l'ai envoyé sur les roses mais il m'a chargé de te dire qu'il ne t'en voulais pas.
— Il devrait.
King pensait que cette information lui remonterait le moral mais ce fut tout le contraire. Des larmes apparurent au coin des yeux de Katakuri et il enfonça son visage dans ses mains, dévasté par le chagrin. Ne sachant pas quoi faire, King le rejoignit et prit place à côté de lui sur le canapé. Il hésita une seconde avant de le toucher, il craignait d'être repoussé, mais le souvenir du jour où lui l'avait consolé le jour de la mort de Kaido chassa ses doutes.
Il passa sa main dans dos, maladroitement. Il l'aurait bien serré dans ses bras mais leur position à tous les deux risquait de rendre leur étreinte douloureuse pour leurs blessures. Il se contenta de le caresser et de poser son menton sur son épaule. L'affection qu'il ressentait pour cet homme lui serrait la gorge. Elle était prête à déborder. Ça lui faisait physiquement mal de ne pas être capable de chasser immédiatement sa douleur. Il se détestait d'être aussi impuissant.
Katakuri pleura en silence, sans dire un mot, et ne le repoussa pas. King pensait que son contact le rassurerait peut-être, sans en être sûr. Ce n'était pas si important, il devait se contenter de rester près de lui jusqu'à qu'il se sente mieux.
Brusquement, il leva la tête et regarda droit devant lui. Il expira profondément. King ne bougea pas. Il avait le sentiment qu'il s'apprêtait à parler et il ne voulait pas le couper dans son élan.
— Ils ne me pardonneront jamais.
Il avait ça sur un ton si convaincu que King mit un peu de temps avant de le contredire.
— Je t'assure qu'Oven ne t'en voulais pas du tout.
— C'est parce qu'il est trop bête pour ça.
En d'autres circonstances, cette affirmation aurait fait rire King. Mais c'était le désespoir qui rendait Katakuri si gratuitement mesquin.
— Je les ai tous trahi. Je leur ai caché la vérité pendant des années et c'était une énorme erreur. Si je les avais avertis de ma condition, peut-être qu'ils auraient été mieux préparés, peut-être qu'ils auraient pu me contenir ! Mais je me suis accroché au mensonge de ma perfection. Maintenant, tout est fini. Ils savent que je suis aussi dingue que l'était notre mère. Ils ne me feront plus jamais confiance.
King savait que c'était faux. Mais il le laissa aller au bout de sa pensée.
— Je pensais que l'accident de Brûlée m'avait servi de leçon, je me trompais.
— Quel accident ?
Katakuri releva ses yeux embués sur King et il y lut une profonde douleur. Il n'avait pas du tout envie de parler de ça, King le voyait bien, pourtant il se lança.
Il lui confessa tout. Son enfance de petite teigne qui l'avait amenée à se battre avec des brutes, pour s'amuser, puis avec des pirates plus âgés, qui pour se venger avaient défiguré la pauvre Brûlée alors qu'elle n'était qu'une toute petite fille. Elle avait gardé la cicatrice de cet incident sur le visage. Katakuri avait cherché à la venger mais n'avait réussi qu'à déclencher sa rage de berserker, qu'il tenait de sa mère. Après ça, il n'avait jamais cessé de culpabiliser et avait passé toute sa vie à racheter son erreur. Refoulant tout, faisant passer ses besoins au second plan, dans l'espoir que plus jamais un membre de sa famille ne soit blessé par sa faute.
Tout semblait plus clair à présent.
King avait toujours trouvé exagéré que Katakuri soit à ce point complexé par son physique, surtout en constatant tous les jours à quel point il était un guerrier accompli et reconnu. Ça n'avait pas de sens que son apparence soit si problématique. Maintenant il comprenait, ça n'avait rien à voir avec ça. Bien sûr, Big Mom s'était servi de sa différence contre lui pour le discipliner — et elle avait réussi — mais cette dévotion à sa famille, son entêtement à rester sage et raisonnable en toutes circonstances, frisant parfois l'absurde… Tout ça relevait d'un traumatisme beaucoup plus ancien. Il n'avait jamais cessé de se sentir responsable de ce qui était arrivé à sa sœur.
Le plus triste, c'était que Brûlée ne lui en voulait visiblement pas du tout. Même King pouvait s'en apercevoir. Elle-même devait souffrir en sachant qu'elle était à l'origine du mal être de son aîné.
King réalisait encore à quel point il avait été stupide de partir sur un coup de tête. Il avait pris le sérieux de Katakuri pour un trait de caractère au lieu d'ouvrir les yeux et de voir derrière son masque. Ironique de sa part. Il ne savait même pas quoi lui répondre pour le réconforter.
— Toi aussi je t'ai trahi, dit-il encore dans un souffle, prenant King au dépourvu.
— Pardon ?
Katakuri plongea ses yeux dans les siens, hésitant à lui dire ce qu'il avait sur le bout des lèvres. King avait envie de lui dire qu'après ce qu'il lui avoué la veille, il n'avait absolument rien à craindre, mais la curiosité lui cloua le bec.
— Ce qui est arrivé à Wano, la défaite de Kaido. Tout ça, c'est de ma faute.
— Oulah…
Il attrapa Katakuri par les épaules. Il était tant qu'il réagisse. Il partait beaucoup trop loin et il ne connaissait que trop bien les effets d'une telle tristesse sur une personne.
— Tu n'as strictement rien à voir là-dedans, tu m'entends ? On a tous sous-estimé Chapeau de Paille, Kaido aussi, admit-il un peu tristement. Ce n'est pas parce qu'il t'a battu que…
— Justement, l'interrompit Katakuri, sans ciller et sans baisser les yeux. Chapeau de Paille ne m'a pas battu.
Un silence se prolongea quelques secondes. King fronça les sourcils, sans comprendre où il voulait en venir.
— Je l'ai laissé s'échapper. Volontairement.
King encaissa, sans savoir comment réagir.
— C'est parce que je l'ai laissé partir qu'il a pu rejoindre Wano et vous atteindre.
— Pourquoi ?
Il aurait aimé dire autre chose mais il avait besoin de savoir. Katakuri évita son regard, il n'assumait pas.
— Je le pensais capable de battre ma mère.
Il n'ajouta pas un mot de plus. King non plus. C'était un choc mais... il ne lui en voulait pas. Il s'en tenait à sa version : Katakuri n'y était pour rien si l'équipage des Cent Bêtes avait sous-estimé Chapeau de Paille. Et puis, lui avait lancé le navire de Big Mom dans l'Océan. Ils étaient quittes. Finalement, peut-être qu'ils avaient tous les deux œuvré à faire tourner les rouages de leur propre rencontre. Il préférait le voir comme ça, il était hors de question qu'il blâme Katakuri pour le choix qu'il avait fait. Quelle importance ça avait maintenant ?
— Voilà, conclut tristement Katakuri, il avait l'air soulagé mais sa voix était toujours éteinte. Je n'ai plus de secret. Si tu veux t'en aller, je comprendrais.
En réponse, King reposa sa tête sur son épaule et colla son visage au sien. Des fois il n'y avait pas besoin de mots pour se faire comprendre.
La vulnérabilité de Katakuri le touchait, il se sentait si indigne de lui. Il lui avait livré tellement de choses depuis qu'ils se connaissaient. Il lui avait dit tout ce qu'il y avait à dire sur sa personne et montré les aspects les plus compliqués de son existence. Il lui avait fait confiance et avait vu en lui une richesse qu'il n'avait jamais soupçonnée. Et qui n'avait rien à voir avec sa force ou sa race. King se sentait toujours démuni face à cette sincérité, comment pouvait-il lui prouver qu'il n'avait plus l'intention d'aller où que ce soit ? Quelque chose qui le convaincrait sans hésitation et qui pourrait enfin les mettre sur un pied d'égalité…
/
Le geste affectueux de King lui donna encore plus envie de pleurer. Là encore, il se sentit stupide. Après tout ça : sa crise et son ultime révélation, King ne bougeait pas. Au contraire. Il restait près de lui et le baignait de sa chaleur douce. Il n'avait pas l'intention de l'abandonner, il ne le ferait jamais. Il le savait. La voix pernicieuse dans sa tête qui venait régulièrement le tourmenter et le culpabiliser n'avait plus aucune prise sur lui à cet instant.
Dès le premier jour, King avait été différent des autres en sa compagnie. Il ne l'avait jamais jugé ou insulté, n'avait jamais rien attendu de lui et même maintenant, alors que Katakuri avait meurtri sa chair : il restait en sa compagnie, le touchait avec tendresse, lui offrait sa sympathie et ses sourires. Il ne le méritait pas. Il lui rendit son accolade et osa réclamer un baiser d'un petit coup de museau. King le lui donna sans hésiter, avant de se plonger dans ses pensées.
Ils restèrent comme ça, dans le calme, pendant un moment. Katakuri aurait pu se rendormir immédiatement, juste comme ça, s'il n'avait pas senti King s'agiter. Il ouvrit les yeux et l'observa, toujours inquiet de la tournure que pouvaient prendre les évènements. Il essaya de voir un indice sur l'avenir mais il était trop fatigué pour ça. Il se contenta d'observer son langage corporel.
King restait collé à lui mais il se tordait les doigts et avait les yeux dans le vide, comme figés sur un souvenir très précis. Comme il le connaissait bien, Katakuri comprit qu'il hésitait à prendre une décision. Son cœur se serra, il était persuadé qu'il voulait rester près de lui mais il ne pouvait pas s'empêcher de craindre son départ soudain. Au bout de plusieurs minutes passées à le voir gigoter et respirer un peu plus fort que d'habitude, Katakuri craqua.
— Qu'est-ce qu'il y a ?
King leva des yeux apeurés sur lui. Katakuri fut surpris par ce regard, il pensait connaître toutes les nuances de ses expressions mais il n'était pas sûr d'avoir jamais vu celle-ci, pleine de terreur. Il ressemblait tout à coup à un gosse malheureux et désemparé, cherchant ses mots.
Il se décolla de lui — Katakuri en fut déchiré — et se plaça de façon à le regarder droit dans les yeux. Il devina qu'il avait quelque chose de très important à lui dire et il retint son souffle. Il n'était pas sur d'être prêt à affronter la suite mais il le devait.
King n'avait pas l'air sûr de lui non plus, il s'était assis bien droit, comme pour lui annoncer quelque chose d'important, mais il était parfaitement incapable de soutenir son regard. Ce qui ne le rassurait pas vraiment. Heureusement, il finit par mettre fin à son supplice.
— Moi aussi j'ai un secret à t'avouer.
Il avait dit ça avec un ton si grave et si plaintif que Katakuri ne savait pas à quoi s'attendre. Est-ce qu'il avait tué un de ses proches dans la mêlée hier et il avait oublié de le lui dire ?
King soupira doucement, comme résigné, et plongea de nouveau son regard dans celui de Katakuri.
— King n'est pas mon vrai nom.
Katakuri resta interdit un instant, incapable de trouver une réponse appropriée à cet aveu surprenant. King se risqua à sourire devant son air étonné.
— C'est celui que Kaido m'a donné quand il m'a rencontré. Mais ce n'est pas mon prénom.
Il fit une nouvelle pause, laissant le temps à Katakuri d'assimiler l'information.
— Je m'appelle Alber.
Katakuri ne savait pas quoi répondre à ça. Il oublia toutes ses appréhensions et éprouva soudain une énorme curiosité.
— Alber ?
— Oui. C'est le nom que mes parents m'ont donné. Mon nom lunaria.
C'était la première fois qu'il lui livrait quelque chose d'aussi franc sur son passé. D'habitude, il esquivait toujours le sujet ou prétendait ne se souvenir de rien. Katakuri comprit ce qu'il essayait de faire et ne dit plus un mot. Il l'invita à continuer du regard.
King croisa les mains sur ses genoux et se remit à s'agiter nerveusement. Il mit fin à leur contact visuel et se mit à contempler le sol, soudain très nerveux. Mais déterminé.
— Je le garde secret parce que c'est tout ce qu'il me reste, avoua-t-il alors, la voix blanche. Quand j'étais jeune, j'ai…
Sa voix s'étouffa avant qu'il ne puisse finir sa phrase. Ce qu'il s'apprêtait à dire lui demandait un courage monstrueux. Katakuri voulait le rassurer mais il eut le pressentiment qu'il valait mieux ne pas le toucher, alors il se montra patient et ne fit pas un geste. King souffla pour se donner du courage et reprit.
— J'ai été retenu captif par le gouvernement mondial. Pendant un certain temps.
Katakuri eut l'impression de prendre une gifle.
— Tu étais esclave ?
— Pas officiellement, répondit King, toujours sans le regarder. J'étais un "spécimen rare destiné au département scientifique & militaire de la Marine". Un cobaye, précisa-t-il pour ne laisser aucune place au doute. Placé sur Punk Hazard, là où se trouvait l'ancien laboratoire du célèbre Vegapunk.
Il cracha son nom avec une haine que Katakuri n'avait encore jamais entendu dans sa bouche.
— J'ai passé des mois enfermé comme un animal dans une cage capitonnée, mes plumes coupées pour que je ne m'envole pas et drogué tous les jours pour éviter que je ne me blesse moi-même. Les seules fois où j'en sortais c'était pour être attaché sur une table d'opération, où les braves employés du département scientifique défilaient pour étudier… mon corps et ses particularités, lâcha-t-il dans un souffle. Ils me volaient mon sang, m'ouvrait tout le thorax pour regarder comment j'étais fait à l'intérieur, me branchaient sur des machines... Le reste du temps, ils me jetaient dans un bain d'eau glacé ou dans un four, pour voir comment je réagissais. Ou plutôt comment j'encaissais et jusqu'où ils pouvaient aller avant que je ne meurs. Pendant mes séances, ils me bombardaient de questions sur mon peuple. J'ai toujours refusé de répondre. C'est pour ça que j'ai tout oublié.
Katakuri restait muet.
— Je ne voulais pas leur donner quoi que ce soit. C'était plus facile d'oublier et de me focaliser sur une vengeance potentielle. La colère m'a tenu en vie. Mais je n'ai jamais pu oublier mon prénom, puisqu'ils le connaissaient. Il m'appelaient et me parlaient comme si j'étais leur petit animal de compagnie, dit-il avec une nouvelle voix sifflante, pleine d'une rage enfouie qui remontait doucement à la surface. Puis un jour Kaido m'a sorti de cet enfer et m'a emmené avec lui. Je ne lui avais rien demandé, pourtant il m'a sauvé. Quand il m'a proposé de prendre un nouveau nom et de travailler pour lui, je n'ai pas hésité longtemps.
Il s'arrêta et releva la tête, un sourire épuisé sur les lèvres.
— Maintenant que Kaido est parti, tu es le seul à qui j'aurais révélé mon prénom de mon plein gré en trente ans.
Comment Katakuri pouvait-il réagir à une telle révélation ? Il n'aurait jamais pu lui imaginer un passé pareil — ou peut-être que si mais il n'aurait pas osé y songer — pourtant maintenant qu'il était au courant, beaucoup de choses s'expliquaient. Comme la réticence surprenante de King à se faire examiner par un médecin. Ou son apparent désintérêt pour la nourriture. Il n'y avait rien d'étonnant à ce qu'il n'y voit qu'un moyen de survivre. Katakuri savait qu'il avait souvent été traité avec curiosité et qu'il déclenchait la fascination malsaine des gens sur son passage, mais s'il avait su qu'il avait vraiment été un objet entre les mains du gouvernement mondial…
Il souhaita tout d'un coup refaire une crise et la diriger contre Punk Hazard, contre tous ses bourreaux.
Il comprenait aussi pourquoi il lui avait avoué ça. Ça avait dû lui coûter un effort surhumain pour se mettre à nu comme il venait de le faire. Simplement pour l'aider à se sentir moins dépouillé. Katakuri n'avait plus de secret, King venait de lui en donner un à protéger précieusement.
Katakuri aurait encore pleuré s'il n'avait pas eu la conviction que tous les deux avaient besoin de se voir sourire, l'un comme l'autre. Il se redressa et tendit enfin le bras vers les gâteaux qui attendaient sagement d'être dévorés. King sembla se réjouir de le voir reprendre du poil de la bête et se détendit quelque peu, même si Katakuri remarqua que ses mains tremblaient encore de lui avoir confié les horreurs de sa vie.
— Comment dois-je t'appeler ? L'interrogea Katakuri avec délicatesse.
King considéra la question. C'était sûrement la première fois qu'on le lui demandait.
— Et bien… Je me suis appelé King pendant beaucoup plus longtemps, dit-il. Et je ne tiens pas à ce que d'autres connaissent mon vrai nom. Mais garde le en mémoire.
Katakuri hocha la tête et King retrouva son air curieux de tantôt, comme si rien ne s'était passé.
Maintenant, le soleil était complètement levé et les bruits de la ville commençaient à leur parvenir. Comme ils étaient bien là, enfermés dans cette pièce où personne ne pouvait les atteindre. Il ne leur aura fallut qu'une matinée pour se livrer entièrement l'un à l'autre.
Ils pouvaient désormais partager le poids beaucoup trop lourd qui leur avait toujours alourdi les épaules.
Je vais avoir pas mal de fluff à raconter maintenant.
Ils sont bien et tout mignons là mais comme ils le disent ; il y a beaucoup de premières fois marrantes à enchaîner maintenant. J'espère que je vais avoir moins de mal à les écrire.
Maintenant je vais me reposer parce que je suis épuisée ! Normalement il ne devrait pas y avoir de retard la semaine prochaine ! Croisons les doigts !
