Le réveil de la Rébellion
CHAPITRE I
Tensions au Sénat
L'imposant bâtiment abritant le Sénat Impérial était bondé. Cela n'était plus arrivé depuis les débats houleux ayant suivis la défection vers les Rebelles d'influents Sénateurs tels que Garm Bel Iblis de Corellia ou Mon Mothma de Chandrila. La raison d'une telle affluence tenait en deux points : premièrement, le sujet qui allait être abordé aujourd'hui revêtait de la plus haute importance aux yeux de la plupart des mondes de l'Empire Galactique. Deuxièmement, c'était l'Empereur en personne qui allait présider la session, un rôle que Palpatine déléguait habituellement à son Grand Vizir ; Sate Pestage.
Dans l'un des couloirs principaux menant à la rotonde sénatoriale, trois Sénateurs discutaient calmement en attendant l'ouverture des débats. Il s'agissait de Tor Mellis, la représentante de Sluis Van, de Zar Ereska, qui parlait au nom du Secteur Borlas et de Bail Organa, qui était délégué par Alderaan. Il était également le Vice-Roi de cette dernière.
- Pourquoi l'Empereur prend-il tant de temps ? s'impatienta la Sénatrice Mellis. Cette Sluissi avait l'apparence habituelle des membres de sa race : la moitié inférieure de son corps, qui servait à se mouvoir, faisait penser à un serpent. Sa tête était fine et allongée. Ses deux bras se terminaient chacun par une main à quatre doigts. Du point de vue vestimentaire, elle se distinguait grâce à une veste en soie de Praestilyn qui enveloppait la partie supérieure de son tronc.
- Je pense qu'il veut faire une entrée triomphale sous un tonnerre d'applaudissements pour confirmer à la population que le Sénat est avec lui, suggéra Ereska.
Cette petite humaine originaire de Veriilos portait une combinaison sans esthétisme qui faisait irrésistiblement penser à un uniforme de pilote de chasse. Le manque d'originalité vestimentaire de la dame s'expliquait par le fait que son peuple n'avait aucunement le sens de la mode et qu'une guerre longue et difficile s'étant terminée sur un accord très contraignant avec l'Empire avait laissé des séquelles irrémédiables.
Bail Organa s'apprêtait à exposer sa version des faits lorsque une silhouette gracieuse et élégante se profila de l'autre côté du couloir. Elle se dirigeait vers lui. Lorsqu'un trou dans la foule lui permit de la distinguer plus aisément, il sourit.
- Sénatrices, dit Bail lorsque la personne fut parvenue à leur niveau, permettez-moi de vous présenter ma fille, Leia Organa.
Tor Mellis et Zar Ereska serrèrent la main de la nouvelle venue.
- C'est un plaisir que de connaître enfin votre future remplaçante, dit courtoisement la Sluissi à Bail.
Alors que l'autre représentante allait dire quelque chose, un droïde de protocole l'interpella. Elle se retira discrètement et rejoignit une console de communication.
Une dizaine de minutes plus tard, la session était sur le point de commencer.
Dans la loge réservée aux dignitaires d'Alderaan, Bail remarqua que sa fille se dodelinait sans cesse sur son siège.
- Quelque chose te tracasse ? demanda-t-il.
Leia attendit quelques courts instants avant de répondre.
- Je ne suis pas sûre d'être à la hauteur du rôle que tu veux me faire endosser. (Elle regarda par-dessus le balcon.) Surtout pour des enjeux qui revêtent une importance si grande pour l'avenir...
- Tu es une excellente diplomate ! Si je pensais le contraire je n'aurais jamais proposé au Conseil des Sages que tu me succède en tant que Sénatrice.
Sa voix était soyeuse, réconfortante, mais aussi posée, stable, pleine de l'assertivité que seule une longue vie peut accorder. Leia se rasséréna.
Bientôt, deux silhouettes emmitouflées dans des tuniques amples firent leur apparition sur le podium principal. Il s'agissait du Grand Vizir Sate Pestage et de l'Empereur Palpatine. La seule présence de ce dernier suffit à faire taire les centaines de conversations qui étaient en cours dans la rotonde. Pestage activa le micro et fit une annonce.
- La sept-cent-quatre-vingt-cinquième session du Sénat Impérial est officiellement déclarée ouverte !
Le Vizir se retourna et invita l'Empereur à prendre sa place sur l'estrade principale.
Aux yeux d'un observateur non averti, Palpatine paraissait vieux. Cependant, pour quelqu'un le connaissant de près ou de loin, il était évident que le dirigeant de l'Empire était plein de ressources, physiques et mentales.
- Sénateurs, délégués des innombrables mondes du glorieux et puissant Empire Galactique, je vous ai invités ici pour débattre d'une loi qui, si elle était ratifiée, permettrait aux courageux marins de la Marine impériale d'assurer un sentiment de sécurité pérenne à tous les citoyens de la galaxie.
L'utilisation de superlatifs par l'Empereur était très rare. La plupart des Sénateurs s'en étonnèrent car ils avaient l'habitude d'un Palpatine peu loquace, se contentant du minimum en matière de paroles. D'ailleurs, cela faisait quelque temps qu'il n'était plus venu au Sénat pendant les séances plénières.
Pestage vint remplacer son supérieur et déclara que les débats étaient ouverts. Il décida néanmoins de rafraîchir la mémoire de certains : il récapitula la proposition de loi.
- Si ce projet est accepté par le Sénat, les flottes indépendantes des planètes et des systèmes membres de l'Empire seront démantelées et seront remplacées par des unités de la Marine impériale. (Il regarda autour de lui.) Mesdames et messieurs, veuillez exposer vos points de vue.
Sate Pestage n'avait aucun charisme et ses discours avaient souvent une tournure bizarre mais c'était un allié de longue date de Palpatine, ce qui le plaçait haut dans les affaires impériales.
- La parole est donnée au Sénateur du système Mon Calamari.
Une plate-forme se détacha des murs de la rotonde et vint flotter à proximité de l'estrade centrale où se tenaient Palpatine et Pestage.
- Il est certain que nous bénéficierons d'une protection accrue grâce à la présence des vaisseaux modernes et puissants de la Marine impériale mais qu'en est-il des équipages des navires indépendants qui seront démantelés ? demanda le Sénateur-Gouverneur Horel Ma, un Calamarien.
Les membres de cette race se caractérisaient par une tête étirée vers l'arrière et par deux yeux globuleux très éloignés l'un de l'autre. Leurs mains étaient vaguement palmées, un héritage de leurs ancêtres ayant vécu entre la mer et la terre.
Un clerc assis en contrebas de l'estrade où se tenaient Palpatine et Pestage répondit :
- Ils seront affectés, dans la mesure du possible, à des postes au sein de la Marine, en fonction des grades dont ils jouissaient dans leur structure de commandement.
Horel Ma adressa un regard dubitatif à l'Empereur ;
- Je pensais que l'Empire interdisait aux non-humains l'occupation de postes moyennement et hautement élevés dans son administration. C'est vous même qui l'avez affirmé et réaffirmé.
L'expression de Palpatine ne changea pas d'un iota ;
- J'ai affirmé cela dans le cadre des affaires dans les Mondes du Noyau, les Colonies et la Bordure Intérieure. Mais l'Empire s'étend bien plus loin, jusque dans les confins de la Bordure Extérieure. Mon Calamari fait partie de ces planètes très lointaines n'est-ce pas ?
Ignorant la remarque prononcée sur un ton légèrement méprisant à propos de sa planète natale, Ma contre-attaqua :
- En admettant que ce que vous dites est vrai, vous ne pouvez pas affirmer que le personnel licencié aura la même place au sein de la chaîne de commande impériale !
- Il est évident que nous ne pourrons pas replacer exactement les différents éléments ; les méthodes de commandement et les échelons hiérarchiques de la Marine impériale sont bien souvent très différents de ceux d'armées indépendantes, répondit Pestage.
Le Grand Vizir remarqua qu'une demande de parole était demandée par l'un des représentants ;
- La parole est donnée au Sénateur du système Ryloth.
Une plate-forme postée dans le haut de l'édifice sénatorial se détacha doucement et vint se placer entre le balcon flottant de Horel Ma et l'estrade principale. A bord, un Twi'lek rutien répondant au nom de Jerel Taa se plaça devant son micro pour prendre la parole :
- Cette loi pourrait contraindre nombre de chantiers spatiaux et de firmes de construction de vaisseaux indépendants à fermer boutique, dit-il d'un ton calme mais puissant. (Il écarta ses bras pour embrasser l'entièreté de la salle.) Je pense que si nous acceptons cette loi, nous perdrons tout droit d'initiative à la fois sur notre défense mais aussi sur de nombreux autres points, y compris l'escorte des convois et les stratégies à adopter en cas de conflit quelconque. Je suis convaincu que cette loi, si nous l'acceptons, nous fera perdre les libertés géopolitiques dont nous jouissons à l'heure actuelle.
Pestage afficha un regard surpris mais Palpatine, quant à lui, ne manifesta pas la moindre émotion :
- L'Empire est un gouvernement galactique, s'exclama-t-il. C'est à lui, et à lui seul, qu'il revient de régler les conflits géopolitiques. Le Sénateur Taa est peut-être trop jeune pour se rappeler que les libertés dont il parle furent à l'origine de la terrible Guerre des Clones.
Humilié, le représentant de Ryloth se retira sans autre mot. Le Sénateur Ma avait quant à lui rejoint sa place depuis le début du discours de son collègue.
- Nous invitons le Sénateur de Balmorra à prendre la parole, dit le Grand Vizir.
- Chers confrères, je ne vois pas en quoi la proposition de loi de l'Empereur pourrait être un mal. J'y vois au contraire une bénédiction autant pour les systèmes intérieurs que pour ceux situés à la limite de l'Espace Sauvage.
Bail Organa vit l'Empereur adresser un regard satisfait à l'homme qui venait de parler. Il songea que le nombre des thuriféraires de Sa Majesté ne faisait qu'augmenter au fil des années, et qu'il ne resterait bientôt plus personne pour le mettre en difficulté.
- Je pense que les arguments que le Sénateur de Balmorra a avancés sont suffisants pour faire passer la motion, s'exclama Krez Trrrola, le délégué de la planète Brentaal, dont la plate-forme flottait un peu au-dessus de l'estrade principale.
Cette dernière intervention éleva une vague de murmures à travers la rotonde. Voyant cela, Bail Organa activa le communicateur permettant de contacter n'importe quel autre balcon du Sénat.
Alors que le brouhaha ne cessait de s'intensifier malgré les demandes de silence de Pestage, l'hologramme de la Sénatrice Gre Portalla, de Denab, apparut sur le petit projecteur :
- Vice-Roi Organa ? demanda-t-elle d'un air intrigué.
L'utilisation du titre de dirigeant d'Alderaan n'avait rien de surprenant, étant donné que Portalla avait longtemps été l'ambassadrice de l'Empire sur la planète natale de Bail. Elle était donc habituée à utiliser le terme Vice-Roi au lieu de Sénateur.
- Il faudrait que nous nous parlions au plus vite, dit l'Alderaanien.
Portalla fronça légèrement les sourcils :
- Quoi ? Maintenant ?
Bail vit son interlocutrice regarder dans son écran holographique pour suivre les débats en cours ;
- Attendez au moins que la session s'achève...
Bail accepta le compromis et coupa la communication. Sa fille lui adressa un regard interrogateur :
- Je viens d'apprendre par mes contacts que Denab va faire l'objet d'une attaque préventive de l'Empire, s'expliqua le Sénateur.
Avant de demander de plus amples informations, elle s'exclama :
- On pourrait nous entendre !
Bail sourit et lança un regard rassurant à sa fille ;
- J'ai placé un isolateur phonique avant d'entrer en contact avec Portalla.
Leia se détendit.
- De quel genre d'attaque préventive est-il question ?
- Le Bureau de la Sécurité Impériale a découvert une base de chasseurs rebelles sur la planète. Apparemment, un escadron d'attaque entier sera mobilisé pour l'opération, qui doit avoir lieu dans quelques semaines, voire quelques jours...
Leia fronça les sourcils :
- Tu parle en intervalles de jours : cela pouvait attendre la fin des débats.
Bail fit un signe de tête négatif :
- Denab vient de faire l'objet d'une révision générale de ses systèmes de communication planétaire et extra-système, ce qui empêchera toute transmission de parvenir à temps.
Leia ne répondit rien et se retourna vers les débats. Elle demanda à son père s'il comptait intervenir :
- Tout dépendra de la tournure des événements, mais à l'heure actuelle, je ne pense pas que dévoiler de quel côté nous nous sommes rangés soit une bonne idée, dit-il.
- Sage décision, répondit Leia.
Bail désactiva l'isolateur phonique et ils reportèrent leur attention sur les débats.
