Bonjour à tous,
Vous pouvez envisager cette lettre comme la suite de la dernière, celle que Drago envoie à son père. Pour moi, il y a un lien et le chemin continue pour Drago :)
Merci à Cha Darcy de m'avoir relu et corrigé ! Son avis est toujours précieux.
Merci aux personnes qui prennent le temps de lire et de laisser un message. Ca aussi, c'est précieux.
Bonne lecture !
Mère,
Je vous écris, non pas pour vous faire du mal mais parce qu'il est important pour moi, nécessaire même pour que je puisse continuer à vivre, que j'arrête de me taire.
Je suis désolé parce que je sais que la lecture de cette lettre va vous bousculer, vous faire souffrir. Je sais, j'ai profondément conscience que vous n'êtes pas prête et que peut-être vous ne serez jamais prête à lire ces mots. Mais j'ai besoin de les dire et pour la première fois depuis bien longtemps, je vais faire passer mes besoins en premier. Je vais oublier le respect que je vous dois et qui m'a été profondément inculqué. Je vais arrêter de me sentir redevable envers vous parce que vous m'aimez. Je vais simplement arrêter de vous protéger.
Vous n'avez rien fait. Vous avez détourné le regard, ce regard qui a profondément ancré en moi, le fait que je ne valais pas la peine, que ce que je vivais n'était pas grave, que c'était normal qu'on me fasse du mal. C'était normal et même mérité. Je méritais la violence silencieuse, les remarques humiliantes. Je n'étais pas à la hauteur de notre famille et ça me valait donc de souffrir.
Je l'ai si longtemps cru. J'ai réellement pensé que c'était moi le problème, moi et mes sentiments, moi et ma faiblesse. J'ai mis tant de temps à me libérer de tout ça, petit à petit. Je pense d'ailleurs que je suis encore empoisonné par cette famille qui disait tenir à moi, mais comme on tient à un trophée. Je n'étais pas et je ne suis pas un trophée. J'étais un enfant et aujourd'hui, je suis un homme. Un homme blessé et qui se sent terriblement seul
Mère, j'ai longtemps cherché à vous trouver des excuses. Encore aujourd'hui, je justifie chacun de vos manquements, toutes ces fois où je me suis senti abandonné par vous. Je pensais sincèrement que vous n'y étiez pour rien, que vous n'aviez pas le choix. Avec le temps, j'ai compris. J'ai réalisé que bien des mères prenaient des décisions radicales pour protéger leurs enfants. Qu'elles fuyaient, travaillaient, mouraient. Qu'elles s'épuisaient pour être auprès de leurs enfants. Mais, vous, où étiez-vous ?
J'ai l'impression que j'ai passé mon enfance à attendre de vous, un geste, une protection qui ne venait pas. Si c'est mon père, l'homme violent au sein de cette famille, par votre inaction, vous avez participé lourdement à cette violence. Vous avez détourné les yeux pour votre confort, parce que vous l'aimiez et tout simplement parce que je ne valais pas la peine de tout risquer pour moi. Je n'avais pas assez de valeur pour ça. C'est ce que j'ai compris et ce que je ressens encore aujourd'hui. Au final, j'ai compris en grandissant que vous l'aimiez plus que moi. Ou peut-être est-ce vous, que vous aimez plus que moi.
Cette croyance a ancré profondément en moi le sentiment de ne pas mériter d'être aimé et parfois même le sentiment de ne pas mériter d'exister. Pour tenter d'être aimé, je me pliais à ce que les autres attendaient de moi, être ce parfait Petit-Sang pur. Cet héritier que vous aviez donné à votre époux, cet enfant qui était la preuve que vous aviez rempli votre rôle et je ne devais pas noircir votre réussite. Alors vous m'avez demandé silencieusement, sans un mot de me plier à cet homme, quoiqu'il dise et quoiqu'il fasse.
J'ai joué cette comédie terrible où je me suis perdu, j'ai accepté l'inacceptable, j'ai brisé certains de mes rêves et de mes espoirs pour être ce que vous attendiez de moi. Vous ne pouviez vous empêcher de vous enorgueillir de me voir ainsi réussir et vous évitez soigneusement de regarder tous les efforts, toute la souffrance que cela pouvait me causer. Qu'importe les moyens, tant que le but est atteint, n'est-ce pas ? Alors je l'ai fait.
N'avez-vous pas vu mes regards d'enfant suppliants ? N'avez-vous pas entendu mes sanglots étouffés ? N'avez-vous pas vu mes cernes ? N'avez-vous pas entendu mes cris silencieux parce qu'interdits ? N'avez-vous donc jamais compris que le mal qu'il vous faisait à vous, il me le faisait à moi aussi ?
Vous pensiez que j'étais dupe ? Que je ne voyais pas ? Il était avec moi, comme il était avec vous. Il était exigeant, violent, manipulateur et vicieux. Il appuyait sur toutes vos faiblesses pour vous faire souffrir, pour vous dévaloriser, vous rappeler que vous n'êtes pas assez bien pour la famille Malfoy, quand bien même vous venez d'une autre grande famille. Il se moquait de vous face aux autres, ignorait votre présence bien souvent et rien ne suffisait à ses yeux. Pourtant, vous faisiez tout pour qu'il soit satisfait. Quitte à ce que moi aussi je souffre.
Et moi j'assistais aux humiliations, impuissant mais de plus en plus en colère. Je voulais lui répondre mais aucun mot ne sortait. J'avais peur, j'étais terrifié. Il ne m'a jamais frappé réellement mais a-t-on besoin de frapper pour être violent ? Les « entraînements » qu'il me faisait subir était une bonne façon de me punir. La façon dont il me regardait, le dédain, la fureur, la déception, tout cela me terrorisait déjà bien assez pour qu'il n'ait pas à se salir les mains.
Vous n'avez rien dit, rien fait. Vous étiez là et vous m'avez dit un jour avoir fait de votre mieux pour moi. Ce que vous pensiez être le mieux pour moi. Mais la réalité est autre, n'est-ce pas ? C'est un doux mensonge que vous vous répétez pour mieux dormir. Je le comprends. Je me suis si souvent murmuré des mensonges moi aussi pour tenter de trouver un peu de repos… Je le comprends mais je ne peux vous pardonner votre inaction, vos erreurs répétées années après années, dont vous ne semblez toujours pas avoir conscience.
Mère, vous devez me trouver bien dur et bien accablant. Je n'ignore pas la tendresse que vous avez eu pour moi à d'autres moments et qui sont bien inconnus de certains de mes camarades. Mais est-ce une excuse ? Est-ce tout ce à quoi il est possible d'aspirer quand on est un enfant ? Une tendresse fugace qui vous permettait vous aussi d'avoir du réconfort ?
Je ne vous demande pas réparation Mère. Vous ne pouvez plus rien réparer de mon passé, tout cela c'est à moi de le faire. Mais vous avez encore le pouvoir de changer notre avenir. Je grandis Mère et j'ai bien conscience que cela n'est pas toujours comme vous l'auriez souhaité. J'ai bien conscience que je vous déçois encore et toujours. Pourriez-vous le cacher ? Pourriez-vous, aujourd'hui que Père est loin, arrêter de faire comme si son avis était le plus important ? Pourriez-vous arrêter de me demander de lui ressembler silencieusement ?
Bien qu'un adulte, je ne reste pas moins l'enfant de deux personnes. Si j'ai perdu tout espoir avec Père, j'ose espérer qu'un jour, vous et moi pourrons être un fils et une mère, simplement. J'espère qu'un jour, vous serez fier de l'homme que je deviens. Il est peut-être loin de votre époux, de ce que vous imaginiez mais son cœur lui permet, non pas de vous pardonner mais d'accepter tout ce qui s'est passé et de poursuivre le chemin ensemble, comme des alliés. Peut-être pas avec vos critères, mais à mes yeux je m'améliore jour après jour et je suis fier de ne pas avoir réitéré les mêmes erreurs que mes prédécesseurs.
J'ai encore besoin de vous Mère. J'ai toujours eu besoin de vous. Ne m'abandonnez pas encore une fois alors que je vous demande juste d'être présente et tolérante. Je vous demande de ne plus parler du passé et d'accepter votre fils, tel qu'il est. Je ne crois pas que cela soit trop demandé après tout ce que j'ai réalisé pour vous sauver.
Rien ne vous oblige à répondre à cette lettre. Vous pouvez la brûler, y répondre ou même nier son existence. Sachez simplement que votre décision aura un impact sur la place que je vous laisserai dans la vie de votre petit-fils.
Affectueusement,
Votre fils, Drago.
