Le héros
Buck savourait chaque instant passé au parc avec sa nièce, endormie contre sa poitrine. Jee était bien plus qu'une simple petite fille pour lui, elle représentait un miracle, un symbole tangible de renouveau et d'espoir pour leur famille.
Il se souvenait encore des jours sombres où sa sœur Maddie avait lutté pour échapper à l'emprise destructrice de son premier mariage. Doug, son premier mari, était un monstre qui avait semé la terreur dans leur foyer, faisant de la vie de Maddie un enfer quotidien.
Buck se rappelait avoir retrouvé sa trace par hasard, alors qu'il faisait des recherches sur ses parents biologiques. Il ne comprenait pas pourquoi leurs parents l'avaient gardée, elle, alors qu'ils l'avaient tout bonnement abandonné, lui.
Il avait besoin de comprendre et il était allé la voir.
Le connard, qui lui avait fait face à l'entrée de la maison, lui avait ordonné de ne plus s'approcher d'eux, mais cela avait seulement renforcé sa détermination. Il avait trouvé Maddie à l'hôpital où elle travaillait, en train de se faire recoudre l'arcade sourcilière.
Buck avait lutté de toutes ses forces contre lui-même pour ne pas retourner tuer le connard.
Elle avait essayé de nier mais Buck n'était pas idiot, il savait à quoi ressemblait une femme battue. Il lui avait dit qu'il pouvait l'aider à disparaitre et que jamais son connard de mari ne pourrait remettre la main sur elle mais ça devait venir d'elle.
Elle devait vouloir sortir de cet enfer pour que ça fonctionne.
Quand elle avait accepté, il avait tout fait pour la sauver, demandant de l'aide à son équipe pour la tirer des griffes de Doug. Et quand il l'avait ramenée à Los Angeles, frêle et brisée mais en vie, il avait juré de la protéger à tout prix. Il avait été son rocher, son bouclier contre les horreurs du passé, et il avait promis de veiller sur elle et de l'aider à se reconstruire.
Sa mère adoptive l'avait tout de suite prise sous son aile, l'aidant à s'installer, tandis que Buck parcourait le globe pour ses missions. Ils s'appelaient souvent, nouant un lien tangible de frère et sœur comme s'ils n'avaient pas été séparés pendant presque trente ans.
Il avait alors réalisé que leur connexion était bien plus profonde qu'il ne l'avait jamais imaginé. Ils étaient liés par le sang, par l'amour et par les épreuves qu'ils avaient traversées chacun de leur côté. Et maintenant, Buck espérait qu'elle pourrait reprendre sa vie à zéro.
C'était en tout cas la chance qu'il lui donnait.
Et puis, contre toute attente, Maddie avait trouvé une lueur d'espoir dans les bras réconfortants de Chimney, un homme doux et attentionné, qui avait réussi à lui redonner confiance en l'amour et en la vie. Leur rencontre avait été un tournant dans le destin de Maddie, un nouveau départ, après des années de ténèbres et de tourments.
Buck se rappelait le soulagement qu'il avait ressenti en voyant sa sœur retrouver le bonheur, en entendant le rire léger et joyeux qui avait remplacé les pleurs et les cris de douleur. Il savait que Maddie était en sécurité avec Chimney, qu'il veillerait sur elle avec autant de dévouement et d'amour que lui-même.
Mais malgré tout cela, une part de lui restait en alerte, prêt à intervenir à la moindre menace. Il ne pouvait s'empêcher de se rappeler les promesses qu'il avait faites à Maddie, les mots lourds de sens qu'il avait murmurés alors qu'ils s'étaient enlacés dans un dernier élan de solidarité et de détermination.
« Je ne réponds plus de rien si jamais le connard montre de nouveau sa sale gueule. » avait-il dit d'une voix froide et implacable.
Et Maddie avait compris, elle avait accepté cette vérité avec la même résolution que lui-même.
Maintenant, alors qu'il se tenait là, bercé par le doux sommeil de Jee, Buck sentait une profonde reconnaissance pour les moments de paix et de bonheur qui avaient suivi les épreuves du passé. Sa famille était son ancre, sa source de force et de courage dans un monde souvent impitoyable.
Buck avait obtenu une permission.
Ce n'était pas si souvent que son chef lui disait d'en profiter, qu'ils étaient en attente d'une nouvelle mission. En fait, Buck ne se souvenait pas d'une fois où sa permission n'avait pas de date de péremption. Il espérait que celle-ci durerait un moment.
Il voulait profiter de sa famille.
De sa sœur et de sa nièce oui, mais aussi de ses autres frère et sœur, de sa mère adoptive, et de l'homme qui l'avait épousé, avec lequel il avait un véritable lien. C'était un homme bon et même si Buck, en bon fils, avait fait son enquête sur lui lorsqu'il avait commencé à fréquenter sa mère, il découvrait des facettes de son beau-père à chacune de ses visites, des facettes qui le faisaient se sentir encore plus proche de lui.
Sa mère ne méritait rien de moins que le meilleur homme du monde dans sa vie.
A vingt ans, Buck s'était engagé chez les marines et avait suivi l'entrainement des seals. Il était bon, vraiment bon et il aimait penser, qu'à sa manière, il aidait les gens, les faisait se sentir en sécurité. Il se battait à l'autre bout du monde pour que le petit ange, qui baillait dans ses bras, soit en sécurité dans sa maison.
Alors qu'il marchait tranquillement sur le sentier ombragé, savourant le calme et la tranquillité, en observant Jee dans son porte-bébé, une agitation soudaine attira son attention.
Il vit deux jeunes garçons entourer un petit garçon, le bousculant et le poussant rudement. Sans réfléchir, Buck accéléra le pas, son instinct protecteur prenant le dessus. Arrivant rapidement près du groupe, il intervint d'une voix ferme mais calme.
– Hey, laissez-le tranquille.
Les deux voyous disparurent en riant et Buck s'accroupit devant le jeune garçon l'aidant à se stabiliser sur ses béquilles, tout en prenant garde de ne pas réveiller sa nièce.
– Est-ce que tout va bien ? s'enquit-il.
– Ouais, renifla le jeune garçon. Ce sont juste des crétins.
– Tu les connais ?
– On est dans la même école, admit-il. Ils ne supportent pas qu'un handicapé, comme moi, soit plus intelligent qu'eux.
– Certainement parce qu'ils sont des crétins sans neurones,, admit Buck. C'est toujours plus facile de faire rouler ses muscles que de muscler sa cervelle.
– Je n'ai pas besoin de pitié, cracha le gamin.
– Je sais mais je comprends ce que tu vis.
– Ah ouais ? le critiqua-t-il en le regardant de haut en bas. C'est sûr que vous êtes du genre à avoir souffert à l'école.
– On a chacun ses handicapes et si tu crois que cette marque-là, lâcha-t-il en lui montrant sa marque de naissance. Ne m'a apporté que du bonheur, tu te plantes. Moi aussi j'ai été la cible de moqueries. Mais un jour, ma maman m'a fait comprendre que c'était de la jalousie.
– Toi aussi tu étais meilleur qu'eux à l'école ?
– Oh non, rit-il. Mon Dieu, j'étais un tel cancre. Mais je n'avais peur de rien et ma mère, et bien c'était une super policière. Ça m'a aidé à prendre conscience que j'étais plus fort que je le pensais et j'ai arrêté de me laisser faire. Ça et les cours de boxe, je suppose que ça à aider aussi. Je suis... Buck, au fait, lâcha-t-il.
– Christopher, lui sourit le petit garçon.
– Est-ce que tu es seul ici ?
– Ma bis-abuela est sur le banc là-bas, elle se repose un peu.
– Est-ce que quelqu'un sait que ces idiots te mènent la vie dure ?
– Pas besoin, ils se lasseront. Merci pour l'aide, lâcha-t-il en s'éloignant.
Il le regarda partir en se demandant si ce gamin avait vraiment quelqu'un qui s'occupait de lui ou si, au contraire, il ne voulait pas inquiéter ses parents.
Il jeta un œil à sa nièce qui dormait à poings fermés.
– On va rester encore un peu, ma petite chipie. Ça permettra à maman de dormir un peu plus longtemps.
Buck reprit sa balade, gardant de temps en temps un œil sur le gamin, qui lisait à côté de son arrière-grand-mère. Il s'arrêta quand Jee se mit à geindre. Il s'installa sur un banc et sorti son biberon pour le lui proposer.
– Tu as les jolis yeux de ta maman, souffla-t-il alors qu'il la nourrissait. Je te promets que rien dans ce monde ne te fera le moindre mal. Oncle Buck, te protègera toujours.
Quand il eut fini, il la réinstalla à sa place contre lui et rangea ses affaires, prêt à rentrer à la maison. Il se leva et se dirigeait vers la sortie quand il entendit des voix d'enfants se chamailler.
Curieux, il alla vérifier quand il vit l'un des voyous frapper Christopher dans le ventre avec force.
Buck, n'étant pas homme à reculer, se plaça derrière les deux garnements hilares et leur attrapa à chacun une oreille les faisant piailler de douleur.
On pouvait dire qu'il n'était absolument pas content de la scène qu'il venait de voir.
– Vous savez ce qu'on fait aux délinquants dans vos genres dans certaines parties de cette planète ? gronda-t-il. On les met au pas !
Il les laissa pleurnichez quelques secondes de plus, avant de les relâcher.
Les deux adolescents se sauvèrent et Buck aida Christopher à se redresser. Il avait du mal à se tenir droit.
La douleur le faisait serrer les dents mais le gamin semblait être un dur à cuire.
– Ça va aller ?
– Ouais, lâcha-t-il.
– On va aller voir ton arrière-grand-mère.
– Ne lui dit pas, s'il te plait, le supplia-t-il.
– Hey, mon pote, ça ne finira jamais si tu ne demandes pas d'aide. Je sais que c'est ta décision au final mais sincèrement mon pote, ne refuse pas la main que je te tends.
Christopher le regarda dans les yeux, avant d'acquiescer finalement. Il aida Christopher à marcher, jusqu'au banc où se tenait sa bis-abuela. Il lui expliqua rapidement la situation alors que Christopher semblait honteux de lui causer du souci.
– Ça n'a pas l'air grave mais il devrait peut-être voir un médecin, conclut-il.
– C'est lui ! lâcha une femme dans son dos. C'est lui qui a agressé mes enfants.
Buck se retourna pour voir la femme, accompagnée par un officier de police, qui écarquilla les yeux de surprise.
Ça ce n'était pas de chance.
Sur les milliers d'officiers de police qui patrouillaient dans Los Angeles, il fallait que ça soit elle qui réponde à l'appel.
La surprise était gâchée.
– Je ne les ai pas agressés, je leur ai tiré l'oreille, expliqua-t-il calmement. Parce qu'ils ont frappé ce petit gars ici, et pas pour la première fois, si j'ai compris ce qu'il m'a dit.
– Buck ? s'exclama la femme policière.
– Heu, salut M'man, lâcha-t-il avec son meilleur sourire innocent.
– Mais... quand es-tu arrivé ?
– Surprise !
