Salut à tous ! :)
Je suis désolée pour le retard accumulé ! Je ne sais même pas depuis quand je n'ai pas publié... ma santé m'a de nouveau joué des tour... je vais mieux mais je suis extrêmement fatiguée. J'ai trois chapitre de prêt, celui-là même, le n°06 et n°07. Pour le moment, je ne parviens plus à écrire mais je ne compte pas abandonner cette histoire. Alors même si la publication prend du temps après le chapitre n°07, ne vous inquiétez pas !
Quelques mots sur cette fiction : Suite des évènements d'Étoile Filante, Livre I - Mont Weather. Deux saisons sont passées depuis l'arrivée des cent sur Terre et que la Montagne est tombée. Alors que la vie reprenait son cours, L'Arche embrase le ciel.
Les étoiles filantes sont les larmes du ciel. Du moins c'est ce que disent toutes les histoires. Alors comment expliquer que l'une d'elle ait rendu le sourire à une petite fille ? L'espoir que lui apporta cette rencontre changea radicalement son destin et celui de toute une nation. - Clexa & Ranya -
Petite précision : Pour cette partie, tous les dialogues en italique sont en Triku.
Les personnages de la série The 100 ne m'appartiennent pas, tout comme les musiques que je peux utiliser dans l'histoire.
Je remercie tout particulièrement MaraCapucin d'avoir accepté d'être ma bêta et de relire mes nombreuses fictions pour que la lecture vous soit plus agréable, mine de rien c'est beaucoup de travail.
Je vous souhaite une bonne lecture et je vous retrouve en bas ! :)
Étoile filante
Chapitre n°05 - Rester ici toute la nuit
I can't breathe
You're taking my life from me
I can't breathe
Will anyone fight for me?
H.E.R. - I Can't Breathe
⸙ Anya ⸙
Je me réveille en sursaut. Le cauchemar intense que je viens de faire s'efface déjà. Mais au travers de ma respiration décousue persiste un bruit affreux. C'est le même, toujours le même depuis plus de dix ans. Je passe lassement mes mains sur mon visage en sueur avant de plaquer mes mains sur mes oreilles espérant l'atténuer. Evidemment, c'est inutile pour la simple raison que ce déchirement n'est pas réel. Je passe mes jambes sur le côté, le sol glacé qui se fige sur la plante de mes pieds me ramène lentement à la réalité pourtant, il n'efface toujours pas le bruit d'écorchement, celui d'un corps qui se déchire en deux de mon esprit.
Je ne veux pas me souvenir. Je fais tout mon possible pour éloigner de ma mémoire l'horrible tragédie qui m'a façonné. Je pensais vraiment avoir réussi à occulter le pire. Je m'étais persuadée qu'il ne restait plus qu'une image trouble de l'Habgablan, cette mélodie, surtout ces paroles insoutenables et ce songe tisser d'horreur qui troublait certaines de mes nuits.
Alors pour quelle raison, je ne parviens plus à y réchapper ? Je me lève. Mes jambes chancellent et je suis obligée de me maintenir debout en appuyant fermement ma paume sur le matelas. J'ai la nausée. Je secoue doucement la tête pour chasser cette sensation désagréable. Un regard sur le côté me permet de deviner le corps de Raven à l'autre bout du lit. Je l'observe un moment et le calme finit par me rattraper. Je reprends le dessus.
Je sors lentement de la chambre, sans faire un bruit. Je veux faire vite. Je ne prendrais pas le risque que Rudz rook se réveille sans que je sois à ses côtés. Je referme doucement la porte avant d'attraper une bougie que j'allume pour me diriger vers la cuisine. Mes jambes sont frêle, j'ai la désagréable sensation que la simple pichenette d'un enfant serait capable de m'étaler. Je me dirige donc prudemment jusqu'à l'étalage qui contient les denrées ou je laisse la faible lumière en attente pour récupérer un récipient que je remplis d'eau. Je bois doucement en observant à travers la fenêtre qui se trouve devant moi.
Pour moi, les souvenirs sont un poison. Il faut absolument que je trouve un moyen de les refouler, encore… une dernière fois. Je ne peux pas de nouveau vivre avec. Je baisse lentement les yeux. Il serait plus juste de dire que je ne le veux pas. C'est trop difficile. Pour la première fois depuis le massacre, j'étais de nouveau capable de m'imaginer un avenir même si j'essayais de ne pas trop me projeter, c'était un net progrès. Alors je déteste vraiment me retrouver nuit après nuit prisonnière de mes plus abjects et effrayants stigmates.
Je dois me reprendre. J'inspire profondément en reposant le récipient contenant l'eau avec un peu trop de force. Je grimace quand le bruit se répercute. Je me retourne en espérant que je n'ai pas réveillée Lyv ou Raven.
-Mince.
Cette voix qui surgit de nul part et que je ne reconnais pas me fige sur place. La peur m'étreint avec la force de dix hommes alors que ma respiration se bloque complètement. Je dois agir, je le sais pourtant je reste prostrée, mon corps tremble sans que je ne puisse en regagner le contrôle. C'est alors que sous mes yeux, une ombre se dresse. Dans n'importe quelle autre situation, j'aurai su comment agir mais cette fois, je suis démunie.
Je n'ai plus aucune emprise sur mon esprit qui m'assaille de souvenirs tous plus terribles les uns que les autres. Au moins quand je me suis réveillée un peu plus tôt, hormis le bruit, j'étais parvenue à occulter le reste. Mais cette fois, toute l'horreur et la désolation me reviennent en mémoire. Et, c'est trop. Beaucoup trop.
Des images me submergent, des images que j'ai certainement trop longtemps refoulées pour toutes les accumuler d'un seul coup. A présent tout débordent. C'est irrépressible et terrifiant. Je ne parviens plus à respirer alors que mon cœur bat trop vite, bien trop vite. Et je le vois, comme si toute cette cruauté se déroulait de nouveau sous mes yeux impuissants. Les bébés découpés, les femmes violées, les hommes obligés de regarder avant de périr, le cœur arraché. Le massacre. La boucherie. L'anéantissement.
-Anya ?
Cette fois, je parviens à reconnaître Clarke. C'était juste Clarke. Je me force à reprendre le contrôle, à me redresser. Est-ce que je me suis effondrée au sol ? Je sens une main sur la mienne et je la rejette un peu trop violemment. Je crois percevoir des excuses mais elles sont trop éloignées de ma nouvelle réalité pour que je les accepte. Je me remets sur mes pieds. Je reste chancelante. Pendant un court instant, je suis redevenue cette petite fille acculée par la mort et il va me falloir bien plus de temps pour me retrouver.
-Anya, prononça de nouveau prudemment Clarke.
-Pas maintenant, je suis incapable de reconnaitre ma propre voix. S'il te plait.
Je l'ai encore en moi, cette sensation. Je veux qu'elle disparaisse. Je ne souhaite en aucun cas redevenir cette petite fille avec un clan et une famille : un père, une mère, un… un frère. N'y pense pas ! C'est trop difficile. N'y pense pas ! C'est beaucoup trop dur, pire c'est dangereux. Je dois continuer de faire comme si j'étais née le jour du massacre. Rien n'a existé avant. Rien.
J'essaye de me concentrer sur le peu que je suis capable de transmettre à Raven, sur ce que je suis heureuse de lui raconter. J'aime repenser à ce moment où presque au milieu du ciel j'ai pu évoquer pour la première fois ce qui pouvait me manquer. Je me revois appliquer le maquillage doré sur sa peau. Dans mon esprit, je lui prépare encore des châtaignes en attendant la neige. J'essaye de rester fixer sur ces souvenirs plutôt que sur les litres de sang versé cette fameuse nuit qui semble bouillir dans ma tête. Mais je suis allée trop loin et maintenant en plus de cet effroyable bruit d'arrachement qui me soulève le cœur, je me souviens aussi des rires. Les bourreaux riaient à gorge déployée en massacrant les miens. Il… l'Habgablan riait en le tuant… lui… mon frère.
Arrête ! Arrête tout de suite ! N'y pense pas ! N'y pense surtout pas !
Une poigne ferme agrippe mes épaules. J'essaye mollement de m'en débarrasser mais je n'en ai pas la force. Je suis à bout. Brisée. Ecorchée, littéralement c'est comme si le sang s'écoulait encore sur ma peau. Je tremble. J'ai envie de hurler. De pleurer. De mourir. Je ne supporte pas cette douleur. C'est trop. Il en a toujours été ainsi et je doute que cette sensation puisse changer.
Je suis dans un tourbillon, incapable de faire la différence entre l'instant présent et le passé. Je le vois. Il est là. Je me perds dans ses yeux, dans ses iris parfaitement identiques aux miennes. Pourtant son regard était si différent. Il était vraiment à part. Tout, absolument tout nous opposait et pourtant, nous étions indissociables. Inséparable. Nous aurions dû être éternellement liées l'un à l'autre. Mais rien n'est immuable. Rien. Il n'est plus qu'un souvenir.
Il est mort. Ils m'ont obligé à regarder. Il n'a pas crié. Il s'est contenté de me regarder. J'ai vu la vie s'échapper lentement de ses yeux. Il m'implorait silencieusement. Pas de le sauver. Je n'avais aucune chance d'y parvenir et il le savait. Non. Il a fait pire. Il m'intimait de survivre. Sans lui.
Vivre. Sans. Lui.
Je n'avais pas ressentie à ce point, l'écrasement du poids de son absence depuis un très long moment. Evidemment, il me manque chaque jour. Même après tout ce temps, je me surprends à le chercher à plusieurs reprises dans une même journée. Quand je me souviens qu'il n'est plus, je ressens une douleur vive, violente et incandescente. Mais je parviens toujours à surmonter cette peine et surtout à m'extraire de cette tristesse si intense. Parce qu'il le faut. Parce que je le lui dois.
Il était l'incarnation même de la vie. Il était toujours heureux. Je veux me souvenir de lui de cette manière. Pas de ces derniers instants. Certainement pas. Je n'aspire qu'à sentir encore sa main dans la mienne alors qu'il me faisait fuir un entraînement. Je souhaite entendre son rire recouvrir chaque recoin de son environnement. J'ai envie de sentir ses doigts dans mes cheveux comme toutes les fois ou il s'est acharné à vouloir les tresser alors qu'ils étaient beaucoup trop courts. Je veux encore le regarder s'entraîner à faire des ricochets jusqu'à épuisement, parfois jusqu'à ce que la lune soit à son zénith. J'aimerai sentir son front contre le miens, seul geste capable de me calmer en toutes circonstances accompagné de son regard, doux, toujours qui était tout ce qu'il me fallait pour me sentir entière.
Je vivais à travers ses yeux.
Ils peuvent entraver tout ce que tu es, ton corps et ton esprit mais pas ton coeur, jamais ! Ce sont les derniers mots qu'il m'a dit.
Arrête ! Arrête tout de suite ! N'y pense pas ! N'y pense surtout pas !
Arrête…
Seulement, il est trop tard. Plus rien ne peut arrêter l'afflux des images qui ont suivi ces mots. A nouveau, je suis obligée de regarder impuissante, la lame s'enfoncer entre sa cinquième et sa sixième côte. Est-il vraiment possible que je me souvienne avec exactitude des cris que j'ai poussé et des menaces que j'ai prodiguées alors que j'étais à ce point désespérée ? J'ai parfaitement conscience de la force que j'ai employé pour me libérer des chaînes qui m'entravai alors que l'Habgablan venait de planter son poignard dans son corps bien plus profondément que les autres fois. Les tortures étaient finies. Il assénait maintenant ses coups pour tuer. Pire. Pour lui prendre son essence et son âme. L'Habgablan voulait tout prendre. Tout. Et pour se faire, il devait… il devait…
-Por favor, vuelve conmigo. (S'il te plait, reviens-moi)
Je suis comme projeter loin du souvenir. J'ai la sensation de m'être fait passer à tabac. La nausée revient. Je perçois encore l'odeur du sang et surtout j'ai la sensation que son regard ne me quittera plus. Jamais. Alors qu'en même temps, plus rien ne pourra m'éloigner de cet instant. Celui où les bras de Raven sont si fortement agripper à mon corps tremblant. Les murmures qui accompagnent son étreinte sont terriblement rassurants. Je ne comprends pourtant pas un mot. Je me contente de laisser ce dialecte chantant me bercer comme une enfant que l'on extirpe d'un mauvais rêve. Je suis surprise par la force qu'elle emploie pour me maintenir contre elle. Son accolade, sa voix et tout ce que je suis capable de percevoir de sa personne fini de m'enraciner dans l'instant.
Le chaos de l'instant. Celui où mon visage est maculé de larmes, le cœur battant trop fort, jusque dans mes doigts, faisant presque vriller mon esprit dans l'inconscience. La paix de l'instant. Celui où des iris aussi noir que la plus sombre des nuits se plonge dans mon regard sans une once de peur, qui m'apporte un sentiment d'appartenance aussi troublant qu'inatendu et inespéré. L'instant. Simplement. L'instant.
-Hey, Raven murmure ce simple mot avec une délicatesse incroyable, te sientes mejor ? (Hey, tu te sens mieux)
Il n'y a plus qu'elle. Le reste, c'est simplement volatilisé. Impossible. Et pourtant… il n'y a qu'elle. Cette fille… femme tombée du ciel. Qu'elle.
Elle me relâche lentement et recule. Je ne peux pas l'accepter. J'ai encore besoin d'elle. Je refuse qu'elle s'éloigne. Pas tout de suite. Égoïstement, je veux qu'elle reste. Maintenant. Pour toujours. Non. Pas pour toujours. Ce serait insensé. Juste un peu… un peu plus longtemps.
Je réfléchis intensément pour la garder près de moi quand sa main droite bandée s'applique sur ma joue avec une grande douceur. Ses yeux. Son regard. Je suis incapable de lui échapper alors qu'elle essuie avec précision et douceur les larmes qui ont ravager ma peau. Elle devrait avoir peur. Non ? Pour quelle raison est-elle aussi calme ? Pourquoi ne m'observe-t-elle pas avec horreur ou pire de la pitié ? Sait-elle à quel point je suis ravagée, disloquée, anéantie ? Tout simplement morte à l'intérieur. Le sait-elle ?
Elle fronce légèrement les sourcils comme si finalement elle avait trouvé quelque chose en moi qui la dérange. Rien de plus normal. Je suis un être dépourvu d'essence qui persiste à marcher parmi les vivants. Stedaunon.
Je décide que je ne souhaite pas être témoin du moment où elle réalise que je ne suis rien d'autre qu'un monstre. Alors je détourne les yeux. C'est à ce moment que je prends réellement conscience de notre proximité. Nous sommes au sol, je suis complètement avachi contre un meuble dans mon dos, mes jambes sont disposées n'importe comment et Raven à genoux largement présente dans mon espace personnel. Une main toujours placée tendrement sur ma joue alors que l'autre tient fermement et avec une force à peine croyable mon poignet droit. Qu'est-ce que… serait-il possible que je me sois débattue dans la réalité et qu'elle m'aie retenue ? Non ! Est-ce que je l'ai blessée ?
Horrifiée par cette idée, je trouve le courage de la fixer à nouveau. J'analyse rapidement les contours de son visage, chaque parcelle qui fait d'elle un être à part entière. Si je lui ai fait du mal, même involontairement, je serai incapable de me le pardonner. Ce serait pour moi inacceptable. Pas alors que je me promets depuis que nos destins se sont croisés de la protéger. Même si pour se faire, je dois garder une distance qui me paraît de plus en plus souvent insoutenable entre nous.
-Oui, elle m'offre un grand sourire, tu es complètement toi, pas de doute. Il n'y a plus d'ombres dans tes yeux. Salut.
-Salut, je murmure, incertaine, reconnaissant à peine ma voix.
-Je ne te ferais pas l'affront de te demander si tu vas bien mais est-ce que tu te sens capable de te lever ?
Son regard. Sa voix. Ses gestes. Sa façon d'être. C'est si doux. En complet contraste avec ce que je viens de subir.
-Si tu as besoin de plus de temps, je n'y vois aucun inconvénient. Nous pouvons rester ici toute la nuit.
Pourquoi ? Je ne parviens pas à comprendre. Pour quelle raison n'a-t-elle pas peur de moi ? Après ce qu'il vient de m'arriver, n'importe qui me fuirait. C'est ce que tout le monde fait. Pourquoi pas elle ?
-Est-ce que j'ai…
Ma voix est éraillée et j'ai mal à la gorge. J'ai dû hurler au milieu de la torpeur. J'espère que je n'ai rien dit d'irréparable. Je suis horrifiée à l'idée que son nom ait pu échapper à mes lèvres. Est-ce que… j'écarquille les yeux, je suis terrifiée. Raven connaît-elle maintenant ce que je considère comme mon plus grand secret ? Comment est-ce que je réagirais si je devais de nouveau l'entendre ? Je n'en ai pas la moindre idée. Il faut que j'éloigne cette possibilité de mon esprit. Rapidement. Penser à autre chose. Ne rien laisser transparaître. Oublier.
-Où est Lyv ?
C'est une question légitime. J'ai rarement fait ce genre de crise. Du moins, le passé est resté piégé dans les tréfonds de mon âme depuis qu'elle m'a donné un but. Une raison d'être. Ma vengeance. Même quand j'ai fini par renoncer à la violence, je ne suis plus tombée aussi bas. Pourquoi aujourd'hui ? Simplement parce que je suis retournée sur les terres de mon enfance ? Ou…
-Ah, Raven grimace et pour la première fois depuis qu'elle m'a tiré des mauvais souvenirs, son regard devient fuyant, et bien…
-Qu'est-ce que tu as fait ?
-Rien d'irréparable, j'écarquille les yeux en m'imaginant déjà le pire avant de me souvenir que cette fille… femme est tout, sauf violente, je l'ai peut-être mit à la porte. Elle, Clarke et Lexa. Désolée.
-Tu as fait quoi ? Je ne connais pas cette expression.
-Dehors. Elles sont dehors, elle pointe vaguement la porte de son index sans se retourner. Je les ai mises dehors.
J'écarquille les yeux, choquée par cette information. Je ne l'imaginais pas capable de se dresser aussi bien contre son amie que contre deux figures d'autorité que d'ordinaire, elle respecte toujours avec bienveillance.
-Pourquoi tu as fait ça ?
-Pourquoi pas, s'amuse-t-elle en hochant les épaules.
-Raven.
-Outch, son sourire s'agrandit encore si c'est possible, je vais avoir des ennuis. Mais je ne regrette rien. Tu avais besoin d'espace et de temps. Aucune d'elles n'était prête à te l'accorder.
-Je vais parfaitement bien.
Je réponds trop abruptement. Je ne sais pas comment réagir, simplement parce que cette fille… femme n'agit aucunement comme il se doit. J'essaye de me relever en m'appuyant sur mes bras. Je veux prendre assez de distance avec Raven pour y réfléchir comme il se doit. J'ai à peine appliqué mes paumes sur le sol que je manque de m'effondrer sur la brune. Je souffle des excuses bien malgré moi.
Je remarque à retardement que Raven a réagi immédiatement. Elle a suivi chacun de mes mouvements. Et si je ne me suis pas écraser lamentablement contre elle, c'est parce que ces deux mains maintiennent fermement mes deux épaules. Je serre les poings. Je ne suis pas faible ! Je tente une nouvelle fois de me dresser mais Rudz rook m'en empêche en accentuant sa prise.
-Qu'est-ce que tu crois faire ?
-Je ne cherche pas à te contrarier, répond-elle avec une douceur à peine croyable.
-Lâche-moi !
-Non.
Je redresse vivement la tête pour la dévisager ouvertement. Comment ça : non ? Ne vient-elle pas de dire qu'elle ne voulait pas me contrarier ? C'est totalement insensé !
-Si tu veux me frapper, évite le visage. Je dois avouer que ça fait un mal de chien !
-Je ne te ferais jamais de mal !
-Ton regard dit le contraire, rit-elle doucement.
-Mon regard n'a pas de conscience et il ne te dit rien du tout !
-Hum-hum. Si tu le dis.
-C'est une certitude.
-D'accord. Lyv, c'est la première fois depuis qu'elle m'a tiré des mauvais souvenirs qu'elle est hésitante. Lyv, répète-t-elle avec plus de conviction, a dit qu'elle ne t'avais encore jamais vu dans cet état. Que ce genre de… crise n'avait pas une fois été aussi violente.
-Je t'ai fait du mal, je demande incertaine, le cœur serré.
-Même si c'était le cas, je ne t'en voudrais pas. Pas alors que tu étais dans cet état.
-Moi si, je murmure en baissant les yeux, j'en tremble, une nouvelle nausée s'empare de tout mon être, je m'en voudrais énormément.
Le silence qui suit me conforte dans l'idée terrible que j'ai pu m'en prendre à elle. Si c'est vraiment le cas, je ne vais pas avoir d'autre choix que de m'éloigner. Je doute que cette situation soit unique. Les souvenirs sont encore présents. Ils planent au-dessus de moi comme des vautours appâtés par un animal blessé. Je vais m'éloigner dans le seul but de ne plus jamais, jamais m'en prendre à elle. Si j'ai été violente une fois, il n'y a pas à douter que je puisse l'être à nouveau.
Je réfléchis intensément à une solution. La moindre hypothèse qui prend vie me brise le cœur. Je comprends enfin la signification de cette expression et ce, dans la pire des situations. Il n'y a aucun doute possible, je suis entrain de vivre cette ignominie. J'ai mal, tellement mal. C'est terriblement affligeant et pourtant, je suis incapable de même penser à prendre mes distances avec Raven. Dès que j'essaye, j'ai la sensation de mourir un peu à l'intérieur.
C'est horriblement douloureux. Et pourtant, cette infamie qui gangrène tout mon être confirme ce qui était déjà une évidence : je suis complètement et irrémédiablement éprise de Rudz rook. J'aime inconditionnellement Raven Reyes. Cette fille… femme tombée du ciel m'est devenue indispensable.
Je sens une légère pression sous mon menton et je me retrouve à nouveau piégée dans ses magnifiques iris. Ce noir si profond est abyssal. Je m'y perds sans chercher un seul instant à y réchapper. Si je vivais, à travers ses yeux à lui. Je me réapprends dans son regard à elle. Mon existence s'apparentait tout juste à une étincelle depuis si longtemps. Il a suffit qu'elle tombe du ciel pour tout embraser. Et désormais, je vis avec un incendie incandescent qui ravage tout sur son passage. Réanimant le passé et m'offrant des perspectives d'avenir et chacune d'elles ont un point commun : Raven.
-Regarde-moi bien et écoute-moi attentivement Anya, murmura-t-elle, tu ne m'as rien fait, rien du tout.
-Tu…
Je ne peux pas encore me sentir soulagée. Je dois être certaine. Alors sans quitter ce point d'ancrage si rassurant, je reprends :
-Tu ne dis pas ça, seulement pour me rassurer ?
-Toi et moi savons pertinemment que je suis une piètre menteuse. Alors dis-moi Anya, sa façon de prononcer mon prénom me fait frissonner et des picotements s'attardent sur ma nuque, est-ce que je mens quand je dis que tu ne m'as rien fait ?
-Non.
Je suis bien obligée de l'admettre. Mais alors pour quelle raison est-ce qu'elle s'est sentie obligée de me retenir ? Je continue de m'interroger quand son regard quitte le mien pour s'attarder sur mon cou avec un air inquiet puis dérive vers mon poignet droit et elle grimace immédiatement.
-Tu vas avoir un bleu, constate-t-elle. Tu n'as pas trop mal ? Ta chute a été impressionnante.
-Je suis tombée ?
-Sur la table, m'informe-t-elle en faisant un vague mouvement de tête vers cette dernière. Clarke n'aurait jamais dû essayer de te relever. J'étais tellement paniquée que c'est à ce moment que j'ai mis tout le monde dehors, elle grimace en tendant sa main pour effleurer ma clavicule gauche, je n'aime pas te voir blessée. N'essaye pas de te relever tout de suite. Prends ton temps. Je reste avec toi.
En faisant cette conclusion, elle vient s'installer juste à côté de moi. En s'appuyant à son tour contre le meuble, un soupir lui échappe. Je tourne légèrement la tête afin de pouvoir la détailler. Elle frotte doucement ses paupières avant de passer ses doigts dans ses longs cheveux.
-Je ne te fais pas peur ?
Je ne peux pas m'en empêcher. Il faut que je lui demande. J'ai besoin de savoir. Sa réaction est tellement différente de celles auxquelles je suis habituée. J'essaye simplement de comprendre.
-J'ai eu peur pour toi mais certainement pas de toi.
-Pourquoi ?
Raven se tourne vers moi et je découvre un sourire en coin. Elle secoue lentement sa tête en marmonnant dans son propre dialecte. Je ne comprends pas un mot. Puis elle reprend en déposant sa main sur la mienne :
-Je tiens à toi.
-Ce n'est pas, je m'arrête net en comprenant réellement l'importance de ces mots. Tu… tu tiens à moi ?
-C'est évident. Et je sais que c'est réciproque. C'est la raison pour laquelle je te laisse me protéger. En échange ne m'empêcher pas de t'aider. Jamais. Deal, chuchote-t-elle en me tendant son petit doigt.
-Deal, j'accepte, le cœur battant à un rythme tout à fait indécent. Je pense tout de même que tu devrais avoir peur de moi.
-Arrête de dire des conneries, soupire-t-elle en tendant sa main pour m'inciter à déposer ma tête sur son épaule avant de la reposer sur la mienne. Je sais mieux que personne ce qu'on éprouve quand on se retrouve piégé dans un mauvais souvenir. J'ai mes blessures et tu as les tiennes. Si un jour, tu veux en parler sache que je suis là.
-Je ne pensais pas que ce genre de chose pouvait encore m'arriver.
-Les derniers jours ont été difficiles.
-Pourquoi tout paraît si simple pour toi ?
-Je ne pense pas que ça l'est. Mais je sais que sans ta présence ces derniers jours, je me serais effondrée. J'ai appris à m'appuyer sur les personnes auxquelles je tiens. Pas toi. Tu accumules tout jusqu'à imploser. J'étais comme toi avant. C'est peut-être pour cette raison que je comprends et que je n'ai pas… peur de toi. D'une certaine manière, nous sommes très semblables, Anya.
-Je peux être très violente.
Je formule cette réponse un peu malgré moi, en appuyant un peu plus ma tête contre son épaule. Je fixe nos mains jointes et finit par glisser mes doigts entre les siens. Je ne parviens pas à comprendre que je puisse être aussi paisible après avoir été si brutalement secoué. C'est elle. Raven est une accalmie des plus apaisante.
-Je le sais déjà, répond-elle tout doucement.
-Rudz rook, il serait plus prudent que tu…
-Je n'ai aucune envie d'entendre la fin de cette phrase.
-Tu détestes la violence.
-Peut-être pas pour les raisons qui te paraissent évidentes. Et si j'avais dû m'éloigner de toi pour ta violence. Je l'aurais fait il y a longtemps. Après la montagne, pendant le misae lainee. Au cas où tu l'aurais oublié, j'ai vu ce que tu as fait à ces hommes. Ils étaient vingt, sur-armé et tu étais seule avec deux pauvres poignards. Pourtant, ils n'ont à aucun moment eu la moindre chance de s'en sortir. Si ta violence avait eu une chance de m'effrayer. Je t'aurai fui après ce moment.
-Tu n'as pas fui mais préféré me pousser d'une falaise avant de tout faire exploser.
-Je t'ai déjà dit que je ne comptais pas m'excuser pour ces évènements. C'était nécessaire.
Je clos lentement les paupières. J'ai conscience qu'elle a entièrement raison. C'était nécessaire. Et je ne peux en aucun cas réfuter que j'aurais fini par suivre les autres si Raven ne m'y avait pas forcée. Si j'avais eu mon mot à dire, je ne me serais jamais éloignée d'elle. Cette idée me paraissait alors déjà inconcevable. Que serait-il arrivé alors ? Je ne préfère pas y songer. Alors pour quelle raison une part de moi ne peut-elle pas s'empêcher de repenser à ce moment précis ?
Je la revoie parfaitement s'approcher, me parler sans me laisser "en placer une". Je n'ai compris qu'après qu'elle m'ait poussé qu'elle avait utilisé ce stratagème pour nouer fermement la corde qui bien qu'elle ait fini par lâcher à cause des flammes m'a certainement sauvé la vie. J'étais trop perturbée par son calme mais surtout sa proximité pour remarquer quoi que ce soit. Je crois que c'était la première fois que je me suis véritablement laissé envoûter par la profondeur de son regard, m'y noyant presque.
C'est certainement à cet instant précis, que je suis tombée -littéralement- amoureuse d'elle. Son courage. Sa persévérance. Sa gentillesse. Sa force. Ses yeux… même au milieu du vide, incertaine de pouvoir survivre à cette chute, ses yeux refusaient de quitter mon esprit. Son regard effaçait tout le reste. En général, lorsque je suis aussi proche de la mort, ce sont les mauvais souvenirs qui émergent. Pourtant, cette fois-là, rien ne semblait parvenir à effacer ses iris d'un noir profond, presque abyssale.
Oui. Il n'y a aucun doute possible. C'est lorsque Raven m'a poussé, choisissant de rester seule pour affronter le reste, me laissant sauver Lexa que j'ai réalisé que mon cœur ne m'appartenait plus. Il était tout à elle. Il n'y avait déjà plus de retour en arrière possible. Je suis restée "les nerfs à vif" jusqu'à ce que je puisse à nouveau poser les yeux sur elle. Je me suis alors promis de ne plus jamais la laisser s'éloigner.
Si je n'avais pas aussi peur de ce que pourrait lui faire subir l'Habgablan, j'ai la conviction que notre relation serait bien différente. Mais je ne veux prendre aucun risque. Je ne supporterai pas de la perdre. Simplement parce que j'ai conscience de l'aimer bien plus que n'importe quel spectre appartenant à mon passé. Ce sentiment est incandescent, dévorant et par moment ne semble avoir ni début, ni fin. Je ne suis aucunement effrayée par ce constat mais bien que Raven puisse m'être arraché aussi violemment que tous ceux que j'ai pu aimer auparavant.
-Tu as pris la bonne décision, je fini par concevoir, comme souvent.
-Si par souvent, tu veux dire : toujours. Nous sommes d'accord !
Sa remarque me fait doucement rire. Je me sens infiniment mieux. J'ouvre doucement les yeux en inspirant fortement. Un sourire continu de planer sur mes lèvres. Je redresse la tête et me tourne vers Raven en même temps qu'elle. Nos regards se croisent. Mon cœur bat bien trop vite et je sens une chaleur inhabituelle au niveau de mes pommettes. Je m'ordonne silencieusement de ne pas laisser mes yeux dévier vers ses lèvres pourtant si envoutantes. Et alors que le creux de mon estomac se tord d'une étrange manière, je murmure un simple et pourtant si important :
-Merci Rudz rook.
-No es nada. (Ce n'est rien)
-Pas pour moi, je secoue la tête en soufflant cette réponse, c'est… non, tu es important Rudz rook.
-Tu l'es aussi pour moi, m'assure-t-elle sans que ses magnifiques iris ne se détachent des miennes.
-Mais, j'inspire profondément me forçant à reprendre une constance, s'il te plaît, ne mets plus Lyv "à la porte" de sa propre maison.
Raven éclate de rire, ce qui me laisse tout le loisir de la détail à nouveau avec un sourire qui plane sur mes lèvres. Au début, je peinais à comprendre que ces étrangers puissent exprimer leur joie aussi facilement. Aujourd'hui, je suis simplement heureuse de pouvoir assister à ce magnifique spectacle aussi souvent. Cette fille… femme est belle, tellement belle. Je ne pourrai pas me lasser de la regarder. Jamais.
-Ah oui, évidemment, s'amuse-t-elle. En faite, elle mordille sa lèvre inférieure et c'est une torture de l'observer faire ce geste qui devrait être innocent, je ne pense pas pouvoir te promettre de ne plus jamais le refaire.
-Raven, je la sermonne sans grande conviction.
-Je ne m'excuserai pas pour ça non plus, répond-elle avec beaucoup de sérieux.
-Il va falloir que tu t'excuses.
-Peut-être envers Lyv et Lexa mais certainement pas envers toi.
-Oh.
Je pense que je suis incapable de prononcer aucun autre mot. C'est impensable. Pas avec le vacarme qui chamboule tout mon être dans ma cage-thoracique. Il faut que je me concentre sur autre chose, que je trouve une diversion pour retrouver le contrôle de mon esprit. Si je ne suis pas plus prudente, je pourrai déraper et je finirai inévitablement par le regretter. C'est alors que mon regard s'arrête sur sa main droite dont les bandages sont complètement desserrés, devenue parfaitement inutile.
-Ta main te fait toujours mal ?
-Un peu, répond-elle en la bougeant doucement. Je crois que j'y suis allée trop fort, grimace-t-elle. Mais, elle relâche doucement ma main pour venir masser la sienne, toujours endolorie, je suppose que ça en valait la peine.
-Si tu penses ça seulement parce que ta réaction m'a empêché de les tuer immédiatement, ce n'est absolument pas suffisant, je m'agace.
-Non, c'est… c'est simplement la première fois que, elle défait lentement la bande, laissant apparaître les contusions, je tiens tête à un membre de la castre supérieur.
-Je ne suis pas certaine de savoir ce qu'est une castre, je réponds en me levant pour récupérer de quoi lui refaire un cataplasme.
-Tu ne devrais pas te lever, m'arrête-t-elle.
-Je vais bien.
Son regard est incertain, elle m'observe avec beaucoup d'attention. Je comprends. Je dois avouer que je suis la première surprise en réalisant que c'est la stricte vérité. Je me sens beaucoup mieux. Je ne pensais pas que ce serait possible et pourtant, c'est bien le cas. Les mauvais souvenirs se sont comme évanouies. Je sens encore une fragilité omniprésente mais la proximité de Raven me permet de passer au-dessus.
Je récupère donc le récipient contenant la décoction puis des bandages propres. Je me réinstalle ensuite près d'elle. Raven me tend le tissu de gaze souillée parfaitement plié que je dépose entre nous avant de prendre doucement sa main entre les miennes. J'observe les dégâts. Ses phalanges sont bleues, presque noir et il y a quelques plaies peu profonde. Malgré les apparences, elle s'est bien débrouillée. Elle aurait pu se faire bien plus mal.
-Pour quelqu'un qui s'entraîne depuis aussi peu de temps, tu t'en es très bien sortie, j'assure.
-Ah oui tu trouves, demande-t-elle sceptique.
-Je suis formelle, je souris en immobilisant de nouveau sa main. Ils étaient plus nombreux et tu n'as écopé que d'une entaille au front.
-Tu oublies ma main.
-C'est parce que tu as encore du renforcement à faire mais tu as bien frappé, comme à l'entraînement.
-Comment tu peux le savoir ?
-Si ce n'était pas le cas, tes doigts seraient brisés. Et voilà, je laisse traîner ces deux mots en me perdant encore une fois dans ses magnifiques iris, les bandages devraient tenir un moment.
-Tu devrais peut-être mettre quelque chose sur ton poignet et ta clavicule, grimace-t-elle, la couleur que prend ta peau est de plus en plus inquiétante.
-J'ai connu pire, j'assure en hochant négligemment les épaules.
-Anya, elle prononce mon prénom avec une certaine autorité qui pourrait sans nul doute me faire plier.
-La douleur me permet de rester lucide, j'avoue. J'en ai besoin pour le moment.
La douleur et toi. Surtout toi.
J'inspire profondément, comme pour m'habituer à cet aveu intérieur. Je clos doucement mes paupières. Je suis en paix avec ce que je ressens peut-être pour la première fois depuis une éternité. Raven Reyes est mon accalmie. Cet étrange oiseau tombé du ciel m'a finalement apporté tellement. Une harmonie qui frôle la perfection.
-Anya, je ne suis pas certaine que…
-Est-ce que tu l'as entendu ?
-Ton poignet ? Faire un bruit des plus inquiétants quand tu es tombée. Carrément !
-Non.
Je suis si apaisée. Je me sens en sécurité. Je suis incapable de me souvenir de la dernière fois que ce sentiment m'a envaie. La douceur que m'apporte cette quiétude est enivrante. Je suis si tranquille que j'en viens à me dire que je suis prête à me réconcilier avec une partie de mon passé. C'est la seule explication possible à ce qui va suivre.
-Non, je répète d'une intonation légèrement tremblante. Son prénom, ma voix se brise. Est-ce que tu l'as entendu ? Je ne parviens pas à savoir si je l'ai prononcé. Je… ça m'effraie. Si je l'ai dit, je secoue lentement la tête, ouvrant les yeux, laissant quelques larmes m'échapper, si tu l'as entendu, il, j'ai envie d'hurler, de m'enfuir et en même temps, je refuse de m'arrêter là, une part de lui serait à nouveau ancré dans le présent. Et je… je ne sais pas si je suis capable de le supporter. Dès que je pense à lui, c'est comme si une part de moi se retrouvait incapable de respirer, d'avancer, mourait un peu mais, je trouve la force de me tourner vers Raven, retrouvant ses yeux, je veux vivre, pour toi, ces mots restent encore mon secret. Tu… ce sentiment m'a quitté depuis si longtemps. Je ne suis pas certaine de savoir quoi en faire.
-Anya.
Mon prénom est à peine un murmure mais son regard est criant de vérité. Raven me voit. Elle est la première à en être capable depuis si longtemps. Ses yeux ne sont ni emplis de pitié, ni consumés par la peur. Ce n'est plus déstabilisant, seulement beau. Éclatant d'une simplicité et d'une force incroyable. Je me reconnais tellement à travers son regard. Je suis absolument certaine de l'observer aussi de cette façon.
Nous agissons en miroir. Nous percevons les blessures sans chercher à les effacer mais plutôt en proposant notre aide pour la surmonter. Sans l'oublier, simplement en acceptant ce que les épreuves ont fait de nous. Nous avons toutes les deux été façonnées dans l'horreur. Pourtant une parcelle de nous restait lumineuse, comme une étincelle qui au contact de l'autre incendie l'obscurité dans laquelle nous nous complaisions à nous masquer.
-Stedaunon : Un être dépourvu d'essence, de la moindre lumière mais qui s'acharne à rester marcher auprès des vivants alors que son esprit est morcelé, mort. C'est ce que je suis… étais, j'espère.
-Tu es en vie Anya, m'assure-t-elle en encadrant mon visage de ses mains légèrement tremblantes. Tu es en vie. Certainement pas parce que tu t'acharne à marcher auprès de ceux qui le sont, poursuit-elle en embrassant avec la douceur d'une caresse mon front, mais parce que tu ris, tu pleures, tu apprends, tu te trompes, tu… tu aimes, ce dernier mot est à peine murmuré. Tu es en vie, conclut-elle avant de me serrer fort dans ses bras. Je ne te laisserai pas croire le contraire.
-C'est ce que je suis, son étreinte se resserre légèrement comme si mes propos parvenaient à la faire souffrir physiquement, était, je me reprend et je sens un profond soulagement s'engouffrer en elle.
-Dès que ma main se sera remise, je frapperai tous ceux qui auront le malheur de t'appeler : Stedaunon !
Un petit rire m'échappe. Elle se redresse vivement, me "fusille du regard" avant de me frapper avec plus de force qu'habituellement au milieu du bras droit. J'écarquille les yeux en ne comprenant pas sa réaction.
-Ce n'est pas drôle, me sermonne-t-elle.
-Je ne me moquais pas, je réponds sérieusement. Je suis heureuse.
-Vraiment ?
-J'ai accepté que tu m'aides. En contrepartie, tu me laisses te protéger, je rappelle doucement. Alors, j'inspire un peu plus longuement, aide-moi Rudz rook.
-Je vais le faire.
-Je n'en doute pas.
-Les Trikus voudront encore de nous si je défigure tout le monde ?
-Si tu le veux bien, avant de "ravaler la façade" de tout le monde, nous allons d'abord continuer ton entraînement.
-Excellent, elle éclate de rire. Je n'aurai jamais cru entendre cette expression sortir de ta bouche !
Raven est si belle quand elle rit. J'espère que rien ne pourra jamais le lui enlever.
-J'accepte de continuer à m'entrainer avant de "casser des gueules" !
-Deal, je murmure hésitante en tendant comme elle mon petit doigt entre nous.
-Deal, répond-elle en accrochant son auriculaire au mien. Et Anya ?
-Oui.
-Je n'ai entendu aucun prénom.
J'écarquille les yeux. J'avais presque oublié que j'avais trouvé le courage de lui poser cette question. Je suis bien plus déstabilisé que ce que j'aurais pu m'imaginer.
-Ne sois pas effrayée, poursuit-elle.
-Il ne peut pas en être autrement.
-Il ne peut pas en être autrement, pour l'instant, me corrige-t-elle. Un jour, tu parviendras à prononcer son prénom, constamment, sans avoir la sensation de t'effondrer.
-Raven…
-... c'est une promesse.
Je redresse vivement la tête. Je n'avais même pas remarqué que je l'avais baissé. Je fronce légèrement les sourcils avant de bégayer :
-Tu ne peux pas me faire ce genre de promesse.
-Je te mets au défi, me répond-elle avec beaucoup de sérieux.
-Je ne comprends pas.
-Je te mets au défi de me faire briser une promesse que je te fais.
Cette fois mon cœur va s'arrêter. Il ne peut pas en être autrement. Je ne peux pas croire qu'il puisse poursuivre une course aussi effrénée sans se stopper net. Pourtant, il continue de marteler à une cadence tout à fait indécente. Et, il est loin de pouvoir s'en remettre avec cette conclusion :
-Impossible.
Voilà pour le nouveau chapitre de cette fiction. J'espère qu'il vous a inspiré et qu'il vous a plu ! Des suppositions pour la suite ? J'ai hâte de connaître vos réactions. Encore une fois, je vous ai plongés dans les souvenirs terrifiants d'Anya. Certain l'avait deviné, le "il" n'est autre que son frère, mort sous ses yeux lors du massacre. Pourtant, l'horreur a été repoussée par Raven et grâce à son intervention, le Ranya s'est encore rapproché. Anya n'est absolument pas prête à repousser ces barrières et à avouer haut et fort qu'elle aime cette fille… femme tombée du ciel mais les faits sont là. Le moment venu, elle se dévoua corps et âme dans cette relation qui la tire de l'obscurité et qui lui redonne envie de vivre.
Je suis évidemment ouverte à toutes les critiques, qu'elles soient positives ou négatives, à condition que le commentaire soit constructif.
En espérant vous retrouver pour le prochain chapitre !
GeekGirlG
