.

~Interlude~

Acte 1 : Billy Thompson.

.

Billy Thompson s'affala sur le comptoir, son verre de gnôle à la main. Putain de rupin. Qu'est-ce qu'il foutait là ce petit minet ? Devait être paumé. C'était pas un endroit pour les mignons comme lui, ici. Il pourrait peut-être lui gratter quelques billets, s'il s'y prenait bien... S'il le faisait boire encore un peu plus, juste de quoi lui chourrer sa petite monnaie... Et peut-être même un peu plus, qui sait.

Il esquissa un sourire mauvais. Il se savait encore plutôt en forme, pour son âge. Plutôt beau garçon de surcroit et avec de la tchatche à n'en plus pouvoir. De quoi embobiner n'importe qui. Homme, femme, jeune, vieux, ça n'avait pas d'importance tant que l'argent coulait à flot. Il le prendrait, dans tous les sens du terme si possible, il le sècherait et il le jetterait. Comme il le faisait à chaque fois. Et puis il irait fêter ça dans un bar un peu plus classe pour y pêcher encore quelques culs de bourgeoises à s'enfiler.

Cette vie était un foutu paradis, une bénédiction. Dieu ne l'avait pas seulement touché du doigt, il l'avait enculé de tous ses bienfaits et, depuis des années, il vivait une vie de roi, à dépouiller à droite et à gauche, en toute impunité, tous ceux qui croisaient sa route. Et rien, absolument rien, ne lui était jamais arrivé. Si ce n'était pas la preuve qu'il était béni, alors il se demandait ce que c'était. Tous ces pigeons trop crédules, c'était encore plus bandant que du pain béni.

Il se laissa glisser un peu plus près du petit brun qui agitait, visiblement inquiet, son verre de whisky pur feu dans sa main : « Salut. Tu sembles tout stressé. T'en fais pas, mon beau, personne ne te touchera ici tant que tu seras sous la protection de Billy. »

Le petit brun releva les yeux vers lui et, bordel ! Il était encore plus excitant qu'il ne l'avait imaginé. Ces yeux, putain, ces yeux ! D'un vert perçant, comme une pierre scintillante. Billy aurait abandonné tout ce qu'il avait pour ce mec-là, s'il avait eu un cœur. Mais heureusement pour lui, il n'en avait pas vraiment : ni cœur, ni conscience, et cela lui permettait d'aller encore plus au fond des choses.

Il lui adressa un sourire capable de décrocher les étoiles : « Qu'est-ce qu'une beauté comme toi fait dans un trou pareil ?»

Le garçon lui retourna un sourire timide et Billy se sentit devenir dur : « J'essaie de me détendre un peu. Je suis entré dans le premier bar que j'ai trouvé pour boire un coup... mais j'ai la gorge serrée et je n'arrive pas vraiment à me calmer.»

Billy effleura la main du jeune homme : « Je peux t'aider à te détendre si tu veux, je connais plein de trucs. Tu peux me parler, si tu veux. Et après, on verra ce qu'on fait. C'est quoi ton p'tit nom ?»

Le garçon ne retira pas sa main et sembla se détendre un peu au contact de Billy. Bingo. Encore quelques mots doux, une caresse ou deux, et c'était dans la poche.

« Je m'appelle Harry. J'avais... j'étais censé amener de gros clients à mon Maître pour une vente très spéciale, mais mon contact m'a lâché au dernier moment. Je suis complètement désespéré. - Harry jeta un coup d'œil autour de lui avec nervosité, comme s'il craignait d'être écouté. - Il me tuera si je ne ramène personne. Mais je ne peux pas en parler, c'est confidentiel. Comme ça concerne uniquement les plus grosses fortunes d'Angleterre, je dois rester discret.»

Billy se redressa, totalement dessaoulé. C'était le putain de jackpot. Tant pis pour la baise (enfin, pour l'instant), il devait jouer serrer et tirer les vers du nez à ce gamin. Il leva une main vers le barman et commanda encore deux Whisky et plusieurs shots d'alcool fort : « C'est pour moi, petit. Ta journée a été difficile. » Alors que le barman servait les verres, Billy en profita pour glisser une main sur la cuisse du jeune, puis, il poussa un verre devant lui : « Raconte-moi. Je connais des gens. Je suis certain que je peux t'aider avec tes nobles, là. »

Harry leva le verre devant son nez et engloutit le liquide ambré d'une traite : « Je ne peux vraiment pas en parler. Si mon Maître l'apprend, ça sera terrible. »

Billy lui tendit son deuxième verre : « C'est qui, ton maître ? »

Harry s'en empara, effleurant au passage les doigts de l'homme. Putain. Il en était presque certain, il l'avait fait exprès. Il remonta légèrement sa main le long de la cuisse, s'approchant dangereusement de son entrejambe. Le petit laissa échapper un léger gémissement. Ok. En douceur. Ne pas le brusquer. Encore quelques verres et ça serait dans la poche.

« Mon maître... Oh, je ne pense pas que vous le connaissez. Il s'agit de Lord Gaunt. Et la réception à lieu au Manoir Malfoy. »

Billy laissa échapper un grincement rauque. Ces noms, à ses oreilles, c'était mieux encore qu'un orgasme. Oh quelle chance d'être tombé sur ce gamin dans ce bar si miteux. Si ce n'était pas un nouveau signe de Dieu, alors qu'est-ce que c'était ? C'était une opportunité à ne pas manquer : en tirant les bonnes ficelles, il pourrait intégrer la haute. L'élite des sorciers. Devenir puissant.

Il saupoudra un peu de sel sur le dos de sa main : « Regarde comment on fait. » D'un geste sec, il lécha le sel et avala un des shots. « À toi. »

Le petit l'imita et ses yeux se perdirent un instant dans une brume alcoolisée. Billy poussa un autre shot vers lui et l'encouragea à recommencer, ce que le petit fit sans se faire prier. « Maintenant, dis-moi en quoi concerne cette grande réception. » Il vit le gamin vaciller sur sa chaise et plaça une main autour de sa taille pour l'empêcher de tomber.

Harry balbutia : « C'est... c'est... vous devez me promettre de garder le secret. »

« Je serai muet comme une tombe. »

Harry posa à son tour une main sur la cuisse de Billy et tenta de retrouver son équilibre : « C'est une grande vente d'objets... interdits... vous voyez ? Une grosse cargaison doit arriver dans trois jours par navire. Tous les Lords vont investir dans ce business. Ça va être énorme. On parle de millions en jeu, d'une véritable fortune à se faire. Un petit investissement de départ pour de gros résultats ! »

Billy ne s'était jamais senti aussi à l'étroit dans l'un de ses pantalons : « Je veux en être. » Il tendit à nouveau un autre verre à Harry, qui s'empressa de le vider avant de s'écrouler contre son compagnon de bar.

Le petit lui murmura à l'oreille : « Sans vouloir vous vexer, vous n'avez pas l'air très noble et je ne pense pas que vous aurez les moyens. C'est trop élevé pour vous. »

Le cerveau de Billy tournait à mille à l'heure. Bien entendu, il ne pouvait pas rivaliser avec les Sang Purs, mais cela ne signifiait pas qu'il n'était pas fortuné. Aussi surprenant que cela puisse être, Billy savait être économe et, depuis ses vingt ans, il avait amassé un petit pécule non négligeable. Il ne se souvenait plus vraiment de sa toute première arnaque. Une proie facile. Une pauvre gamine qu'il avait dépouillée en bonne et due forme. Il ne se rappelait plus de son visage ou de son nom, mais il se rappelait qu'il n'avait fait qu'une erreur, une erreur de débutant, celle de l'épouser. Il glissa sa main sous la chemise du petit, complètement ivre, affalé dans ses bras, et fit courir sa paume sur le dos souple et nu. Le mariage avait été une épine dans sa chaussure, mais il s'était débrouillé et avait fini par régler le problème. Puis il avait enchaîné les conquêtes et les arnaques.

« J'ai de l'argent. » , déclara Billy.

Le petit releva la tête pour plonger son regard dans le sien : « Mais c'est trop risqué, ce genre de truc. Tu ne peux pas investir tout ton argent là-dedans... »

Billy eut un ricanement amusé. Si Gaunt et Malfoy pensaient que ça valait le coup d'investir, alors il ne fallait pas tortiller du cul trois cent ans. Ces grosses familles ne s'étaient pas construites dans l'hésitation. Non seulement il pourrait tisser des liens avec ces nobles, commercer avec eux, mais aussi doubler, voire tripler (ou peut-être plus !) sa fortune. Le petit était trop timoré, c'était pour cela qu'il n'était que serviteur et pas Maître. Billy ne ferait pas la même erreur. Une vente d'objets interdits, cela devait signifier des objets de magie noire issus de filiales souterraines. Cela voulait dire « discrétion assurée. » Et si ces nobles ne l'acceptaient pas parmi eux, il pourrait toujours les faire chanter. Les menacer de révéler au ministère leur petit trafique. C'était le plan B. Absolument rien ne pouvait mal se passer.

« Tu as besoin d'un client, c'est ce que tu m'as dit. Eh bien, je suis un client. »

Harry prit le visage de Billy entre ses mains et ce dernier cru un instant qu'il allait l'embrasser, mais ses attentes demeurèrent vaines : « Tu ferais ça pour moi ? Vraiment ? Tu me sauverais la vie ! - puis il le détailla avec un petit air dégoûté - Tu es beau, c'est sûr, mais tes vêtements, ça ne va pas du tout. Mais tu as vraiment beaucoup de chance ! Je dois avoir un costume qui t'irait parfaitement ! Tu n'auras qu'à le porter lors de la réception et tu auras alors vraiment l'air d'un noble. »

Oui, Billy Thompson était décidément bien chanceux ce soir-là. Non seulement il avait trouvé un petit cul qu'il pourrait fourrer d'ici quelques jours, mais en plus sa fortune, son prestige et ses relations sociales étaient assurés.

.