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Le médaillon de Salazar
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« Tu es en colère. »
Ce n'était pas une question. Plutôt une affirmation.
Tom avait fini par se calmer et Harry avait enfin pu panser la plaie fraîche. Pour la énième fois, il se demanda comment il en était arrivé là, à soigner un sorcier aussi imprudent et égocentrique que Tom Riddle. La magie noire qui imprégnait ses veines ne facilitait en rien la tâche et il était conscient qu'il n'y avait que peu de choses à faire pour contrer ces effets néfastes. Et si encore cet imbécile n'avait pas été aussi stupide pour scinder son âme encore et encore ! Mais non. Monsieur ne voyait absolument pas le problème.
Il lui jeta un regard assassin et Tom lui sourit de façon presque enfantine : « Tu es VRAIMENT en colère. » répéta-t-il, affirmant une évidence qu'il semblait prendre plaisir à souligner.
Harry ne partageait pas cette légèreté. Son visage trahissait une profonde irritation, un mélange de frustration et de dégoût face aux choix imprudents de Tom. Il aurait préféré qu'il ressente la gravité de la situation, mais ce dernier semblait plus intéressé par la réaction d'Harry que par sa propre condition.
Il reposa un peu trop brutalement la bassine métallique, qui lui avait servi à nettoyer les blessures, sur la commode. L'eau éclaboussa sur le tapis et le sourire du blessé s'agrandit encore un peu plus, dévoilant ses canines aiguisées.
Harry avait du mal à contenir son ressentiment ; Il avait longtemps hésité entre le frapper ou l'ignorer. Il se retourna vivement : « J'ai toutes les raisons d'être en colère, non ? »
Tom esquissa une moue indifférente : « Ça va, je n'ai rien. Je t'ai déjà dit que je n'allais pas mourir. »
« Bon sang ! Tu ne réalises même pas l'ampleur de tes actes. Est-ce que tu as vu l'état de ton corps ? »
« Il y a un prix à payer pour tout. La grandeur exige des sacrifices. »
« Tu crois sincèrement que ça va s'arrêter là, Tom ? Elle est en train de te dévorer de l'intérieur. Si tu continues, il ne restera bientôt plus rien de toi. Tu vas devenir un monstre. »
Tom se redressa, dédaigneux : « Si j'étais faible, ça serait le cas. Mais je suis puissant. Et je suis allé plus loin que personne n'est jamais allé. Je peux vaincre la Mort elle-même. »
Harry s'approcha du lit, son regard perçant plongeant dans celui de Tom : « Personne ne peut échapper à la mort. Toi, moi, les plantes, les animaux… tout ce qui vit finit toujours par disparaitre. »
« Et je peux l'en empêcher. Je peux stopper le processus. Mon corps n'est qu'un corps, mais je peux offrir l'immortalité à mon âme. Je peux tout transcender. »
Harry, agacé, s'assit sur le rebord du lit et croisa les bras, réprimant l'envie de le secouer pour le faire revenir à la réalité : « Tu parles d'immortalité comme si c'était la clé du bonheur. Mais tu ne comprends pas que tu te perds en chemin. À quoi sert une existence infinie si tu la passes à te consumer de douleur, privé de la moindre once de chaleur humaine ? »
Tom attrapa le menton d'Harry pour l'attirer jusqu'à lui : « L'humanité, le bonheur… sont juste des chaînes qui entravent notre potentiel. J'ai choisi la puissance. »
Harry secoua la tête et se dégagea doucement des mains de Tom : « Tu te détruis, Tom. Regarde-toi. Tu n'es déjà plus qu'une ombre de ce que tu étais autrefois. Est-ce vraiment ce que tu désires ? Tu ne deviendras pas plus grand, Tom. Tu deviendras une chose… innommable. Et à la fin, même l'immortalité ne te sauvera pas de la solitude et du vide qui accompagneront chaque pas que tu feras vers l'éternité. »
Tom sourit avec mépris et Harry senti qu'il était en train de remettre l'armure qu'il avait temporairement laissé tomber : « Je ne m'attendais pas à ce que vous compreniez, Monsieur Potter. »
Ho que non. Il n'allait pas le laisser fuir comme ça. Harry escalada le lit pour se placer juste au-dessus de Tom, inversant les positions qu'ils avaient eu peu de temps avant. Il encra ses yeux dans ceux du blessé : « Tom, je sais exactement ce que tu fais. Je sais comment tu le fais. Je sais ce que tu veux. Et je sais ce qu'il va se passer si tu continues dans cette voie. »
Une grimace de dédain traversa le visage de Tom et il laissa sa main remonter lentement jusqu'à la hanche d'Harry : « Tu sais beaucoup de choses... Comment ? »
Harry repoussa doucement la main de Tom et répondit : « Parce que j'étais avec toi, dans les Enfers. Je t'y ai trouvé. Et crois-moi, ce n'était pas beau à voir. Mais tu peux encore choisir un autre chemin. Il n'est jamais trop tard pour changer. »
Tom arqua un sourcil avec arrogance : « La rédemption ? Potter, tu es vraiment naïf. Il n'y a pas de rédemption pour moi. Je suis au-delà de ça. »
Harry appuya son front contre celui de Tom et il senti la main baladeuse de ce dernier suivre, vertèbre par vertèbre, sa colonne, le long de son dos. Cette fois-ci, il ne se dégagea pas : « Tu peux te débattre autant que tu veux, Lord Gaunt. Mais je ne te laisserais pas faire. J'attraperai ta main, même si tu refuses de saisir la mienne. Je ne te laisserai pas sombrer sans me battre. Je te tirerais des enfers. Et je nous sauverai tous les deux. »
Les pupilles de Tom se dilatèrent soudainement à ces mots et sa main se pressa un peu plus sur le dos d'Harry. Son souffle se fit rauque : « Tu veux… te dresser contre moi. »
« Si te combattre est la seule façon de te faire renoncer, alors je le ferais. Je te montrerai… toutes ces choses que tu n'as jamais vues. »
Les lèvres de Tom s'étirèrent en un sourire cruel, ses yeux se pailletèrent de braises rougeoyantes et quelques volutes noires commencèrent à glisser le long de sa peau : « Je t'emporterai avec moi, dans mes ténèbres. Je ferai de toi mon esclave et tu te noieras dans l'ombre que je tisserai autour de toi. Tu ne pourras plus te refuser à moi. J'arracherai tes yeux pour que tu ne voies que moi. J'arracherai ton cœur pour qu'il ne puisse pas battre sans moi. (Les volutes noires autour de lui s'intensifièrent, créant une aura encore plus menaçante.) Je te montrerai les horreurs de l'abîme et tu les embrasseras comme une amante. Tu les trouveras si magnifiques que tu souhaiteras, chaque nuit, te baigner dedans. Tu seras à jamais lié à moi et je ferai en sorte que tu ne puisses pas m'abandonner. Quitte à te tuer s'il le faut. Alors seulement je dévorerai ton âme pour que tu m'appartiennes tout entier… »
Harry ne recula pas : « Tu es complètement cinglé. »
Tom glissa sa main le long du dos d'Harry avec une intensité croissante : « Tu penses vraiment pouvoir me résister, Potter ? »
Harry ne rompit pas le contact visuel et répondit avec un sourire carnassier : « Plus que tu ne peux l'imaginer. Mais… est-ce que toi, tu penses pouvoir me résister, Riddle ? »
Sur ces mots, Harry se libéra de l'emprise et quitta le lit. Toute la tension retomba soudainement et Tom émit un rire rauque, ironique : « Pour un serviteur, je te trouve bien impudent. »
Harry lui jeta un coup d'œil : « Tu ne m'a jamais considéré comme tel. Tout comme je ne me suis jamais considéré comme tel. Tu me laisse vadrouiller chez toi parce que… parce que je t'amuse. Je te divertis. »
« Alors qu'est-ce que tu es, pour moi ? Un bouffon ? »
Harry ignora la pique et marqua une pause pour réfléchir : « Plutôt… une vieille connaissance ? »
« Je n'ai aucun souvenir de toi. Je suis certain que nous ne nous sommes jamais rencontrés. »
Harry esquissa un sourire avant de changer de sujet. Il désigna du doigt le bandage : « Raconte-moi ce qui t'es arrivé. »
Tom rejeta sa tête contre ses coussins : « Je pensais que tu savais déjà tout ? »
« Seulement dans les grandes lignes, pour cette partie. J'ai vu le médaillon. Je sais ce que tu as fait. Mais je voudrais savoir comment tu l'as fait. »
« Je n'ai aucun intérêt à te le dire. »
Harry sourit et prit place sur la méridienne : « Faisons un jeu : Si tu réponds à mes questions, je réponds au tiennes. »
Tom jeta un œil vaguement concerné : « J'ai mieux. Je réponds à tes questions et tu fais tout ce que je te dis de faire. »
Harry fit mine de se lever : « Ho. Si tu veux je peux aussi te laisser tout seul. Je crois que je dois finir de tailler les haies… »
Un grognement agacé lui répondit : « Très bien. Très bien. Mais tu devras répondre à toutes mes questions, sans mentir ou omettre quoi que ce soit. »
« Je te dirais tout ce que je peux te dire. »
« Je commence. Comment savais-tu que tu pourrais utiliser ma baguette sans que ça ne pose aucun souci ? »
Harry sourit et se cala un peu plus confortablement dans la méridienne : « Parce que ta baguette et la mienne sont sœurs. »
« Sœurs ? »
« C'est à mon tour. Comment t'es-tu fait cette blessure ? » D'un geste de la main, il désigna le ventre bandé de Tom.
Ce dernier lui offrit un sourire méprisant : « Un moldu. »
Harry soupira : « Non, Tom, ce n'est pas du jeu. Tu dois répondre un peu mieux si tu veux que je joue avec toi. »
Tom grogna de dissatisfaction mais finit par se plier de mauvaise grâce aux règles : « Un vagabond m'a attaqué par surprise et m'a dessiné un petit souvenir ici, au couteau. »
Harry ouvrit grand les yeux : « Quoi ? Pourquoi ? »
Tom lui lança un regard hautain : « À mon tour. Ton âge ? Est-ce que nous avons un lien de sang ? »
Harry soupira : « Ça fait deux questions. Mais très bien, je t'en offre une. J'ai 28 ans, bientôt 29. Et non, nous n'avons pas de famille en commun. - Tom sembla étrangement satisfait de la réponse, Harry continua – Pourquoi le vagabond t'a-t-il attaqué ? »
Tom planta son regard dans celui d'Harry : « Aucune idée. À moi. ».
Mais Harry l'interrompit : « Tu avais dit toi-même qu'on devait répondre aux questions sans mentir ou omettre quoi que ce soit. »
« Non. J'ai dit que TU devais faire ça. »
Harry garda le silence un long moment puis il soupira en se levant : « Très bien. »
Une voix froide le stoppa : « Où vas-tu ? »
Harry se retourna agacé : « Je m'en vais. Si tu n'es pas capable de répondre sans mentir, alors je perds mon temps avec toi. »
Un silence glacial lui répondit. Harry se détourna pour se diriger vers la porte. « Si tu franchis cette porte, je te tuerais. »
Harry se retourna à nouveau, en colère : « Ho ? Vraiment ? C'est sûr que tes menaces me donnent super envie de rester. Regarde-moi bien, Tom. Regarde-moi bien passer cette foutue porte. »
Les pupilles de Tom s'incendièrent, il tendit la main vers Harry et ce dernier sursauta en entendant la porte violemment claquer dans son dos. Il saisit la poignée, la tourna dans tous les sens, mais la porte demeura fermée. Harry fit face à Voldemort : « Ouvre cette putain de porte. Tout de suite ! »
Tom tendit la main vers la fenêtre et le verre explosa en des centaines d'éclats tranchants qui flottèrent dans les airs, comme suspendus.
Harry chercha des yeux la baguette qu'il avait posée sur la commode.
Tom suivit son regard et sa voix gronda, menaçante : « Tu n'y arriveras pas. »
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