Bonjour !
C'est le chapitre du dimanche dans la... joie et la bonne humeur ?
Pas vraiment.
Katakuri grommela de mécontentement. Le bruit des grêlons contre la vitre l'empêchait de se concentrer.
Il n'avait aucune envie de travailler, il était nerveux. Il avait mal dormi et se voyait affliger d'une horrible migraine. Il était censé passer la journée avec ses frères pour enfin mettre au point un nouveau système de surveillance côtière et compenser la perte des Pirates du Soleil. Malheureusement, à cause des erreurs de leur mère, ils étaient en mauvais termes avec les hommes poissons et ils seraient bien incapables de les remplacer. Katakuri n'avait aucune idée de ce qu'ils allaient faire. Et l'impossibilité d'obtenir de nouveaux homies les obligeait à contacter des mercenaires en qui il n'avait aucune confiance.
En bref, il était de très mauvaise humeur. Et la tempête n'arrangeait rien.
Il avait envie d'être lâche et de fuir ses responsabilités. Il ne lui restait pas beaucoup de temps avant de retrouver ses frères de toute façon. Autant profiter des quelques instants de liberté qu'il pouvait saisir avant de subir une nouvelle réunion qui ne donnerait rien. Il avait le choix entre s'éclipser pour dévorer quelques donuts bien mérités ou… Filer en douce retrouver King.
Le deuxième choix était beaucoup plus tentant même s'il redoutait chacune de leurs rencontres à présent. Il devait lui parler et lui avouer ce qu'il ressentait. Il n'avait plus le choix maintenant, cette attente devenait ridicule. Il était trop vieux et trop raisonnable pour continuer de jouer à l'effarouché. Il était quasiment certain que les choses se passeraient bien maintenant qu'il n'y avait plus d'obstacles entre eux. Et King reprenait du poil de la bête, il le savait disposé à avoir cette conversation. Ce qui l'angoissait le plus finalement, c'était d'avoir l'air trop pathétique devant lui. Faire l'étalage de son inexpérience était très embarrassant.
Cependant, cette angoisse n'avait pas lieu d'être pour l'instant. Il n'avait que peu de temps à passer en sa compagnie, il ne lui parlerait sans doute pas tout de suite. Et avec un peu de chance, King lancerait le sujet le premier…
Il quitta son bureau rapidement, déterminé à profiter du peu de temps à sa disposition, et fonça jusqu'à la porte de King. Il toqua trois fois, comme d'habitude, et attendit patiemment d'entendre le grognement habituel en réponse. Il baissa les yeux et aperçut le nouveau panier garnis que Pudding avait laissé à son attention. Il leva les yeux au ciel avec un sourire indulgent — décidément elle n'écoutait rien. Il s'étonna toutefois de le trouver sur le pas de la porte et non à l'intérieur. Il ne l'avait pas laissée entrer ?
Inquiet, il toqua de nouveau — peut-être qu'il dormait — et face à l'absence de réponse, il entrouvrit la porte discrètement. Prêt à risquer un coup d'œil silencieux. Une seconde suffit à lui faire comprendre que King n'était pas dans sa chambre. Bizarre, il était encore tôt. D'habitude il ne sortait pas de là avant l'heure du déjeuner.
Un courant d'air attira son attention. En entrant, il trouva la fenêtre grande ouverte et les rideaux sens dessus dessous. Le vent avait soufflé et renversé plusieurs objets dans la pièce et la pluie avait trempé le sol. Son premier réflexe fut de refermer tout ça rapidement, en grommelant que King aurait pu faire plus attention. Une fois le calme revenu, il inspecta davantage la pièce. Le lit était fait et en dehors du chaos causé par la tempête, tout semblait être à sa place.
Une légère appréhension s'empara de lui. Il ne voyait qu'une seule raison qui aurait pu pousser King à laisser la fenêtre grande ouverte par un temps pareil. Il s'était envolé.
Là encore, il commença par s'agacer — ce n'était pas raisonnable de voler dans son état et encore moins par ce temps — avant de se laisser dévorer par un mauvais pressentiment. Sa mauvaise humeur et sa migraine ne l'aidèrent pas à réfléchir plus posément. Un seul fait lui apparaissait clairement en tête et il n'arrivait plus à penser à autre chose.
King n'avait plus de menottes. Il n'y avait plus rien qui le retenait ici.
Il resta planté là, sur place, à laisser cette idée résonner dans son esprit et devenir de plus envahissante, jusqu'à chasser toute autre pensée raisonnée. Il ne pouvait plus bouger.
Non, c'était impossible. Il devait se tromper. Il n'avait pas pu partir comme ça.
Il réfléchit à toute vitesse : il pouvait être n'importe où dans le palais, il s'inquiétait pour rien, forcément. Il n'avait pas pu disparaître sans un mot. Il n'y croyait pas.
Pourtant son cœur, qui battait comme un tambour dans sa poitrine, s'alourdissait un peu plus à chaque battement. Pour ne pas flancher, il se mit en route. Il devait trouver Pudding. Si quelqu'un savait où le trouver, c'était bien elle. Il courut directement jusqu'à la cuisine, où il était sûr de la voir. Il passa les portes avec un grand bruit, effrayant tous les homies et les domestiques aux alentours. Pudding était bien là, occupée à préparer de nouvelles pâtisseries avec Flampée.
Toutes les deux s'immobilisèrent, surprises par son entrée fracassante. Pudding fut bien évidemment la première à s'interroger sur son état de panique.
— Katakuri ? Qu'est-ce que…
— Où est King ? Tu l'as vu ?
Il était trop fébrile pour que l'avenir lui apparaisse clairement et l'expression incrédule de Pudding ne l'aimait pas à se calmer. Pourquoi ne répondait-elle pas ?
— Tu l'as vu oui ou non ?! S'emporta-t-il, la poussant à sursauter.
— Non. Je suis passée à sa chambre ce matin mais il n'y était pas. Pourquoi qu'est-ce qu'il y a ?
Une nouvelle flèche de terreur le transperça. Mais il n'était pas encore temps de se laisser envahir par le désespoir, il y avait tant d'autres endroits où il avait pu aller. D'ailleurs, il était peut-être lui aussi en train de le chercher en ce moment. A tous les coups, il allait lui tomber dessus dans le couloir, par hasard, et il pourrait rire de tout ça, comme s'il ne s'agissait que d'une mauvaise blague. Une très mauvaise blague.
Il courut un peu partout, dans son propre palais, inspectant chaque pièce où son ami avait l'habitude de s'arrêter. Puis chaque recoin improbable. Il refit un deuxième tour complet et interrogea chaque objet vivant sur sa route, mais personne n'avait de réponse heureuse à lui donner.
Au fond de lui, il savait déjà qu'il se démenait pour rien. Ses craintes étaient fondées. King était parti. Pourtant il ne s'arrêtait pas, il voulait croire qu'il se trompait. Il retournerait tout l'île s'il le fallait. Il ignora tout ce qui se trouvait sur son chemin ainsi que les appels de son escargophone pour se rendre jusqu'à la forêt où tous les deux avaient l'habitude de se rendre pour être seuls. Mais encore une fois : rien. Pas même une plume comme preuve de son passage et aucune réponse à ses appels. Il était désespéré. Il ne faisait même pas attention à la pluie torrentielle qui lui tombait dessus.
Ses mains tremblaient et son cœur continuait de battre plus vite, il se sentait mal. Vraiment très mal. Presque au point de s'évanouir. S'il s'arrêtait de le chercher maintenant…
Quelles options lui restaient-ils ? King n'avait pas pu aller bien loin. Il pouvait avoir mis les pieds sur Whole Cake Island, pour retourner fouiner dans la bibliothèque, n'importe quoi !
Il fonça sur le seul miroir alentour, dont Brûlée se servait régulièrement pour lui rendre visite quand il voulait rester loin du monde. Il plaqua ses deux mains sur le cadre doré et appela sa sœur, la voix blanche.
— Brûlée !
Elle ne répondait pas. Il hurla de plus belle, n'ayant plus la patience de supporter que les déconvenues s'enchaînent. Elle apparut alors, un peu surprise par son ton. Elle essuyait ses cheveux humides à l'air d'une serviette, Katakuri l'avait visiblement arrachée à sa salle de bain.
— Ca va, me voilà ! Pas besoin de crier !
— Laisse moi aller jusqu'à Whole Cake, ordonna-t-il sans plus de cérémonie.
Elle fronça les sourcils en comprenant que la situation était grave.
— Qu'est-ce qui t'arrive ? Tu es complètement trempé.
— FAIS CE QUE JE TE DIS !
Elle sursauta. En d'autres circonstances, elle se serait offusqué de se voir traitée comme ça par son frère préféré mais pour le moment, elle était parfaitement consciente qu'il n'était pas dans son état normal. Elle consentit à lui ouvrir un passage mais l'interrogea d'une voix douce :
— Katakuri, qu'est-ce qu'il y a ?
Il ne répondit pas et bondit à l'intérieur du miroir. Il ressortit de l'autre côté et atterrit sur les pavés humides de Sweet City. Le château en construction se dressait devant lui. Il ne croyait pas que King s'y trouvait mais il devait vérifier. Il devait contenir le feu qui brûlait en lui tant que c'était encore possible. Il gravit les marches du château à toute vitesse, ignorant ses frères et sœurs présents, direction la bibliothèque. C'était le dernier endroit auquel il pouvait encore penser le trouver. Celui où King lui avait ouvert son cœur et parlé de son peuple pour la première fois. Lui qui était toujours si secret…
Katakuri s'était senti si heureux de le voir se confier à lui. Il avait pensé que enfin, King le voyait comme un véritable allié et ami. Il ne pouvait pas croire qu'il s'était trompé à ce point. Il n'avait pas rêvé, il y avait bien eu quelque chose entre eux. Il n'avait pas imaginé ce qu'il s'était passé le soir de la Tea Party, il n'avait pas confondu la douleur dans sa voix quand tous les deux avaient renoncé à tenter quoi que ce soit. Alors pourquoi ?
Il atteignit la bibliothèque et le dernier sursaut d'espoir qui lui restait s'évapora aussitôt en trouvant la pièce vide.
Il devait voir la réalité en face : King était bel et bien parti. Il lui avait ôté ses menottes et il n'avait pas perdu une seconde avant de quitter ce pays qui n'avait jamais été le sien. Il ne pouvait pas le croire. Il repensa à leur dernier échange ; il était pourtant sûr que les choses se passaient bien entre eux. Trop bien peut-être. Il aurait dû se douter de quelque chose, comment avait-il pu être aussi aveugle et naïf ?
Soudain, le dernier mot que King lui avait adressé lui revint en mémoire. "Merci."
Sur le moment, il avait pensé que c'était une réelle reconnaissance de sa part, parce qu'il lui avait préparé un bon repas. Maintenant, il voyait plus clair. Il avait trouvé son regard lourd de sens et plein de… regrets. Ce n'était pas vraiment un merci : c'était un au revoir. A ce moment là, King avait certainement déjà planifié son départ et se doutait que Katakuri le vivrait mal. Il croyait sans doute le ménager et lui faire comprendre qu'il avait apprécié tout ce qu'il avait fait pour lui mais qu'il était temps pour lui de lever l'ancre.
Katakuri se maudit d'avoir été si bête.
Trop d'émotions se bousculaient en lui à présent. Il était à deux doigts de s'effondrer. Il avait chaud et sa vision se rétrécissait peu à peu. L'horreur du rejet et de l'abandon lui avait coupé le souffle. Il se sentait partir, il faisait de son mieux pour lutter et ne pas perdre connaissance mais c'était trop dur. Le vertige était trop grand.
Tout devint noir. Il se laissa sombrer.
/
Pudding passait un coup de chiffon sur son plan de travail en essayant d'ignorer Flampée qui râlait dans son dos. Elle n'était pas ravie de l'avoir comme commis de cuisine — en plus elle était nulle, probablement la plus nulle de la famille ! Elle n'était même pas capable de beurrer correctement un plat — mais elle tenait bon. Et il y avait quelque chose de gratifiant à être sa professeure en la matière. Elle n'avait pas l'habitude d'être celle à qui on devait obéir, ça la changeait. Avec un peu de chance, si Flampée finissait par se débrouiller, ça lui libérerait un peu de temps pour rebâtir son restaurant.
Elle avait plein d'idées ! Elle voulait complètement changer la déco et faire quelque chose de plus ambitieux, avec plus d'employés, peut-être même créer sa propre chaîne ? Qui sait. Elle s'en sentait capable maintenant. Elle hésitait encore à accepter le poste de ministre mais elle était de plus en plus tentée. Et pour ça, elle devait d'abord se prouver à elle-même qu'elle était capable de gérer une structure moindre.
Elle était fière d'elle. Malgré tout les évènements qui s'étaient enchaînés et malgré la mort de Mama, elle se sentait plus motivée que jamais. Rien ne lui semblait plus insurmontable ou interdit. Elle n'avait jamais autant pensé à l'avenir et il lui semblait brillant. Elle n'avait pas encore tout réglé, elle avait toujours le cœur lourd et une culpabilité monstrueuse qui la dévorait un peu plus chaque jour, mais elle se savait entourée et soutenue. C'était tout ce dont elle avait besoin.
Un coup de tonnerre retentit à nouveau et la fit sursauter. Flampée derrière elle fit tomber les casseroles qu'elle portait à bout de bras et laissa échapper une flopée de jurons fleuris. Son boucan couvrit presque le bruit de la sonnerie de son escargophone personnel qui dormait sur l'étagère. Pudding s'étonna de voir le petit animal se réveiller. Personne ne l'appelait jamais, ça devait être important. Elle se mit sur la pointe des pieds et décrocha maladroitement le combiné.
— Oui ? Demanda-t-elle d'une voix incertaine, un peu inquiète à l'idée qu'on cherche à la joindre.
— Pudding, c'est moi, annonça Oven d'un ton grave. Tu es toujours sur Komugi ?
Flampée arriva comme une flèche et salua son nouveau frère favori en minaudant, comme la lèche botte qu'elle était. Pudding la repoussa d'un coup d'épaule. Si elle voulait qu'on la prenne au sérieux, elle ne devait pas laisser son agaçante petite sœur prendre toute la place dans la conversation.
— Oui toujours, s'étonna-t-elle, sans savoir s'il s'agissait d'un reproche ou non. Pourquoi ?
— Écoute moi bien : toi et Flampée, allez jusqu'au miroir le plus proche de vous tout de suite. Brûlée va vous emmener dans un endroit sûr. C'est urgent, faites ce que je vous dis.
— Qu'est-ce qui se passe ?
— Je vous expliquerai. Obéissez.
Sur ces mots, il raccrocha. Flampée et Pudding échangèrent un regard inquiet.
— Ça a l'air grave, s'inquiéta la plus jeune.
— Allons-y.
Pudding attrapa l'escargophone et le rangea dans sa poche avant de franchir les portes de la cuisine, au trot. Ni elle, ni Flampée ne remarquèrent quoi que ce soit d'étrange. En dehors du fait que c'était Oven qui les avait appelées, où était passé Katakuri ?
Tout était calme dans le palais en dehors des bruits créés par la tempête. Elles s'approchèrent du premier miroir qu'elles trouvèrent et appelèrent Brûlée.
La main de leur sœur apparut aussitôt et les attrapa pour les entraîner à l'intérieur. Elles se retrouvèrent ensemble dans le monde des miroirs ; le labyrinthe irréel dans lequel Brûlée vivait et grâce auquel elle était connectée au réseau de miroirs du pays. Pudding n'avait pas souvent eu l'occasion de s'y rendre et elle fut d'autant plus surprise de voir qu'autant de monde s'y trouvait déjà. Presque toute la famille Charlotte était là. Les pus jeunes, les aînés et leurs familles, tous étaient entassés les uns sur les autres avec des expressions angoissées sur le visage.
Un coup d'œil suffit à Pudding pour comprendre que la situation était plus que préoccupante. Brûlée s'était écartée d'elles sans dire un mot pour rejoindre Smoothie et Cracker en pleine discussion. Elle avait les yeux embués de larmes et l'air complètement affolé.
L'inquiétude modérée de Pudding se transforma en peur sincère. Sa famille était en proie à la panique et ce n'était pas normal. Elle chercha Oven du regard ; lui et Daifuku étaient à part du reste de la foule et parlaient à voix basse devant un miroir cachés par leurs deux silhouettes. L'un comme l'autre avait l'air dépassé par la situation.
— Oh non, gémit Flampée. On nous attaque, la Marine a envoyé un buster call !
— On les aurait vus arriver depuis longtemps, dit Pudding, plus pour elle-même que pour sa sœur. Là, on dirait plutôt une situation de crise…
Un mauvais pressentiment s'empara d'elle. Elle laissa Flampée à son stress et courut vers ses frères. Oven lui avait promis une explication, elle en avait besoin. Qu'est-ce qui avait bien pu les pousser à cacher toute la famille Charlotte dans l'espace parallèle contrôlé par Brûlée ?
— Oven ! Qu'est-ce qui se passe ? Demanda-t-elle, plus fermement qu'elle ne s'en croyait capable.
— Ah, te voilà, répondit-il, partiellement soulagé. Flampée est avec toi ?
— Oui, elle est là-bas. Pourquoi tout le monde est là ? La Marine nous attaque ?
— Viens par là.
Il l'entraîna un peu à l'écart — Daifuku sur ses talons — comme s'il craignait que les autres écoutent leur conversation, et s'agenouilla pour se mettre un peu plus à son niveau.
— Est-ce que tu as croisé Katakuri ce matin ?
Elle trouva la question un peu étrange avant de réaliser que Katakuri n'était pas dans la foule.
— Euh, oui. Vite fait.
— Et comment était-il ? Demanda Daifuku à son tour, dans son dos.
— Un peu énervé. Il cherchait King.
Elle remarqua alors que le lunaria n'était pas là non plus.
— J'étais sûr que ça avait quelque chose à voir avec ce salopard, grogna Oven en frappant le sol du poing.
— Mais vous allez me dire ce qu'il y a oui ou non ?! S'énerva Pudding. Où est Katakuri ?
Les deux frères échangèrent un regard hésitant.
— N'essayez pas de me mentir parce que je le verrais, dit-elle en leur rappelant la présence de son troisième œil.
— Le plus simple c'est de lui montrer directement, conseilla Daifuku en se dirigeant vers le miroir qu'il surveillait farouchement depuis le début.
Il fit un signe à Pudding et elle s'approcha. Le miroir explosa immédiatement et tous les deux furent obligés de se protéger pour éviter que les éclats n'atteignent leur visage.
— Merde, grogna Daifuku, à ce rythme là il va tous les briser, on doit faire vite.
— Brûlée ! Appela Oven, fébrile. On doit en trouver un autre !
Pudding ne comprenait rien. Elle n'avait jamais vu ses frères dans cet état.
Brûlée arriva à toute vitesse ; elle était toujours en larmes et parvenait à peine à articuler un seul mot. Elle vit le miroir brisé, étouffa un sanglot, et parcourut son propre labyrinthe du regard, à la recherche d'un autre.
— Par ici, dit-elle la voix étranglée.
Elle courut en direction de ce qui semblait être le miroir d'une boutique. Pudding s'arrêta devant et chercha à comprendre ce qu'il se passait en plongeant son regard dans le verre poli. Elle reconnaissait l'endroit ; c'était la rue marchande principale de Sweet City. Mais elle était en flammes, complètement ravagée et noyée sous un énorme nuage de poussière. Pudding n'en croyait pas ses yeux. Ce n'était pas la tempête qui avait causé de tels dégâts.
— Qui a…
— C'est Katakuri, la coupa Daifuku.
Elle se tourna vers lui, incertaine d'avoir bien compris ce qu'il venait de dire.
— C'est lui qui a mis la ville dans cet état.
Brûlée enfouit son visage dans ses mains et fondit en larmes une bonne fois pour toutes. Pudding ne savait pas quoi dire, elle n'y croyait pas. Elle n'arrivait même pas à comprendre comment une chose pareille pouvait être possible. Son frère avait détruit la ville ?
Oven répondit à ses interrogations d'une voix désolée.
— Il fait une crise. Ça ne lui était pas arrivé depuis… Et bien, depuis ton accident, dit-il à Brûlée en lui posant une main réconfortante sur l'épaule. On va arranger ça, arrête de pleurer.
Les questions s'enchaînaient à toute vitesse dans la tête de Pudding : une crise ? Quel accident ?
— Je ne savais pas, je ne savais même pas ! Il ne m'en a jamais parlé ! Couina la pauvre Brûlée.
— Il nous a fait jurer de ne jamais rien dire. Ce n'est pas ta faute.
Pudding essayait d'assembler les pièces du puzzle.
— Attendez, une crise… Comme Mama ?
— Oui.
Une nouvelle explosion attira son attention de l'autre côté du miroir. Elle jeta un coup d'œil et distingua dans les flammes une silhouette gigantesque qui détruisait les bâtiments avec une fureur définitivement digne de celle de feue sa mère.
— Il faut qu'on se dépêche de l'arrêter, avant qu'il ne rase toute l'île, reprit Daifuku.
— On peut vous y aider ! S'exclama alors Pudding, Flampée et moi avons préparé des tonnes de donuts sur Komugi, on en a toute une cargaison. Il peut en manger tout de suite !
Malheureusement, ni Oven, ni Daifuku ne parut soulagé d'apprendre que les mets favoris de Katakuri étaient si faciles à obtenir.
— Ce n'est pas si simple. Il ne s'agit pas de nourriture. Quand Mama faisait une crise, elle était encore capable de nous dire ce qu'elle voulait et on pouvait agir en conséquence. Mais Katakuri…
Il observa le miroir, le regard toujours plus inquiet.
— Il ne dit rien. On ne sait pas ce dont il a besoin, tout ce qu'on peut faire c'est attendre qu'il se calme de lui-même. Le problème, c'est qu'il risque de causer trop de dégâts et son pouvoir peut aussi l'aider à traverser l'océan si ça lui vient à l'esprit. Il pourrait même s'en prendre aux îles voisines.
Pudding comprit pourquoi toute la famille était là ; si Katakuri ne se contrôlait plus, il était capable de blesser n'importe quel membre de la famille sans s'en rendre compte. Et contrairement à Mama, il aurait des scrupules à son réveil. Elle s'en voulut immédiatement de n'avoir rien remarqué. Elle était sûrement la dernière à lui avoir parlé avant que cet incident ne se produise. Elle avait remarqué qu'il n'était pas dans son assiette mais elle n'aurait jamais pu deviner que les choses dégénèreraient à ce point.
— On est prêt à y aller, dit Smoothie qui les avait rejoint. Brûlée, on a besoin de toi.
Brûlée reprit ses esprits et opina du chef.
— Bien, dit Oven. Toi et Cracker vous sécurisez les accès à l'Océan, Daifuku et moi on va tout faire pour le calmer.
— Comment vous allez faire ? Demanda Brûlée entre deux pleurs.
— Si on s'approche d'assez près, il va concentrer son attention sur nous. On va essayer de l'attirer dans les plaines de Whole Cake pour éviter qu'il fasse plus de morts. Avec un peu de chance, il redeviendra lui-même en voyant qu'il n'a plus rien à détruire.
— Vous êtes sûrs de vouloir faire ça à vous deux ? Les soldats biscuits de Cracker peuvent aider.
— Non, non, insista Oven. Surtout ne l'approchez pas. Vous ne vous rendez pas compte mais il est encore plus dangereux que Mama. La dernière fois, il a failli nous tuer et c'était il y 38 ans.
Tout le monde se tut pendant un instant, en proie à la crainte.
— On va se débrouiller, affirma Daifuku.
Smoothie acquiesça et partit de son côté, accompagnée par Brûlée. Pudding se sentait impuissante. Elle avait envie de proposer ses services; peut-être que son pouvoir pouvait aider Katakuri a retrouver ses esprits ? Mais si Oven ne voulait même pas laisser Smoothie mettre un pied sur Whole Cake, que pouvait-elle faire de plus ? Elle devait réfléchir, qu'est-ce qui avait pu mettre Katakuri dans un tel état de rage, au point de ne plus reconnaître les siens ? Il n'était pas comme Mama, ce n'était pas un caprice de sa part. C'était forcément important ! Qu'est-ce qui avait bien pu le faire craquer au point de ne plus reconnaître les siens ?
— Oven, demanda-t-elle soudain. Où est King ?
— Je m'en fous, grogna-t-il. Il a foutu le camp. Brûlée l'a cherché mais il n'y plus aucune trace de lui dans les parages. J'ai appris que Kata l'avait libéré de ses menottes, il a pas traîné pour s'enfuir. C'est plus notre problème.
C'était ça. C'était pour ça que Katakuri avait eu l'air si désemparé ce matin. King était parti !
— Impossible, dit Pudding dans un souffle.
Brûlée revint vers eux, prête à envoyer les jumeaux sur Whole Cake pour stopper leur frère.
— Allons-y, dit Daifuku en se plaçant face au miroir.
— Non attendez, les arrêta Pudding. C'est ça l'explication ! Il est devenu fou parce que King n'est plus là ! Il faut le retrouver !
Ses frères ne l'écoutèrent pas et traversèrent le miroir. Elle était en panique. Elle était sûre d'avoir compris. Sans King, ça ne servirait à rien, il ne reviendrait pas à la raison. Elle se précipita sur Brûlée pour lui faire part de sa théorie. Malheureusement, elle n'était pas réceptive.
— Il est parti, Pudding ! Et on ne peut pas fouiller tout le ciel !
— Mais il n'a pas pu s'en aller comme ça, sans dire un mot ! Ça n'a pas de sens !
— Il a toujours été un ennemi de notre équipage, il faut se rendre à l'évidence, dit-elle rageusement. Il a profité de Katakuri, c'est tout.
— Non, tu ne comprends pas, c'est forcément un malentendu !
Pudding était persuadé d'avoir raison. Elle en était certaine. Personne n'avait plus fréquenté King qu'elle et elle savait ce qu'elle avait vu. King pouvait tromper son monde jusqu'à un certain point mais il ne pouvait pas échapper à son troisième œil. Elle savait ce qu'elle avait vu. Et ce qu'elle avait entendu. Il était profondément attaché à Katakuri. Il avait certainement envisagé de rentrer chez lui mais il n'aurait jamais fait ça sans dire au revoir. Sinon il se serait envolé à la seconde où Katakuri l'avait libéré. Et elle savait ce qu'il se passait entre eux — elle jalousait leur relation un peu plus chaque jour — elle était la mieux placée pour savoir que ne pas dire au revoir à l'être aimé était insupportable.
Elle savait que King n'avait pas pu faire ça. Cet homme était la patience incarnée, et là, sous le coup d'une pulsion quelconque il aurait mis les voiles sans même se retourner ? Impensable ! Elle devait le prouver et le retrouver. Il ne pouvait pas être bien loin et le sort de sa famille en dépendait. Elle saisit Brûlée par le poignet et imposa son autorité.
— Renvoie moi sur Komugi ! Je vais retrouver King !
— Non ! S'étonna Brûlée ! Personne ne sort d'ici !
— Fais moi confiance.
Son troisième œil brillait de détermination. Brûlée l'observa un instant avant de fléchir. Elle était si désespérée que pour elle, toute aide était bonne à prendre. Elle la conduisit au miroir par lequel elle était entrée et lui ouvrit le passage.
— Je te donne une heure.
Pudding opina du chef et sauta à travers le miroir. Elle atterrit sur le sol du palais de Katakuri sous les regards surpris des homies qui gambadaient joyeusement dans les couloirs. Elle mit fin à leur insouciance d'un seul cri.
— Écoutez moi ! Que tous les objets enchantés de ce palais se passent le message : votre maître a besoin d'aide ! Vous allez fouiller chaque pièce de fond en comble et retrouver King ! C'est compris ? Rapportez moi la moindre information ! Et que ça saute !
Incapable de résister à un ordre, les homies se dispersèrent en piaillant, prêts à retourner le bâtiment s'il le fallait. Pudding, elle, fonça directement vers la chambre.
/
Oven et Daifuku traversèrent les flammes et les gravats pendant plusieurs minutes avant de retrouver leur frère.
Il s'acharnait sur tout les bâtiments qui se trouvaient sur son passage, sans égard pour les êtres vivants qui pouvaient s'y trouver. Exactement comme leur mère, il était animé par une rage dévastatrice qui l'avait transformé en force de la nature inarrêtable.
Dans la chaleur des flammes et sous le ciel noir et toujours grondant au dessus de leur tête, la silhouette de Katakuri était insupportablement monstrueuse. Rugissant et tout crocs dehors, il était bien plus intimidant que leur mère. Il fallait être fou pour le confronter. Et les quelques civils qui avaient échappé à sa fureur s'empressaient de fuir le plus loin possible. Quelques uns d'entre eux affichèrent un visage soulagé en voyant les frères s'approcher doucement du monstre. Oven échangea un regard avec Daikufu, qui lui indiqua silencieusement de se placer à droite de Katakuri. Il s'exécuta, sans lâcher du regard le dos de son frère, qui ne les avait pas encore vus. Il était trop occupé à morceler le toit du temple où Mama récoltait les âmes des habitants de Sweet City.
Il éprouva une légère appréhension. Les gestes puissants et purement guidés par l'instinct bestial de Katakuri le mettait mal à l'aise. Il ne le reconnaissait pas comme ça. Il était habitué à le voir raide, stoïque et vigilant. Cette attitude sauvage et imprévisible — qu'il n'avait pourtant jamais pu oublier — était trop éloignée de tout ce qu'il connaissait. Même Mama ne lui faisait pas si peur quand elle était en crise. Peut-être qu'une part de lui était encore intoxiquée par les mensonges qu'on lui avait répétés sur la soi-disant nature profonde de Katakuri, que ses dents trahissaient. Il chassa ses mauvaises pensées et se concentra sur sa mission : attirer son attention et l'éloigner suffisamment de la ville pour que sa rage s'estompe d'elle-même.
Il aperçut le génie de Daifuku flotter au-dessus de lui et se tint prêt. Il siffla bruyamment, en espérant que Katakuri se retourne. Malheureusement, le tonnerre grondait fort et cachait le bruit qu'il pouvait faire. Le génie glissa jusqu'à Katakuri et lui donna un coup sec derrière la tête avant de s'éloigner à toute vitesse. Au moins, dans cet état, Katakuri n'était pas en état de voir l'avenir. Ils pouvaient compter là-dessus.
Katakuri se tourna rapidement pour voir ce qui l'avait attaqué. Ses yeux étaient réduits à deux braises inexpressives, avides de trouver une nouvelle proie à déchiqueter. Il repéra Oven en premier et bondit dans sa direction, propulsé par ses pouvoirs, eux aussi devenus l'expression d'une monstruosité grotesque qui n'avait rien à voir avec le caractère de Katakuri. Oven, satisfait d'avoir attiré son attention, se mit à courir pour l'éloigner de la ville. Il savait que Daifuku surveillait, son génie essayait de parler à Katakuri, dans l'espoir que ses mots trouvent une brèche dans le cerveau embrumé de leur frère.
Mais les deux frères avaient négligé la vitesse à laquelle leur jumeau pouvait se déplacer et l'agilité dont il était capable de faire preuve en dépit de sa masse et de son poids. Si Katakuri avait toujours été le plus fort des trois, ce n'était pas pour rien. En un seul bond souple, il coupa la route de Oven et se retrouva face à lui, atterrissant sur le sol avec la souplesse d'une panthère. Un grondement guttural s'échappa de sa mâchoire. Oven aurait préféré éviter une confrontation aussi directe, mais il n'avait plus le choix. Il leva les poings et présenta sa garde.
— Katakuri ! Arrête ça tout de suite ! Je sais déjà que tu vas le regretter, dit-il.
Un nouveau coup de tonnerre retentit comme seule réponse. Puis avec un rugissement digne des pires crise de leur mère, Katakuri se jeta sur lui.
/
Pudding montait les escaliers quatre à quatre. Il n'y avait pas une seconde à perdre.
Elle appelait King de toutes ses forces sans réelle conviction qu'il allait lui répondre. Son troisième œil était à l'affût du moindre détail anormal qui aurait pu la renseigner. Mais rien. Et d'après les homies qui cavalaient autant qu'elle, eux non plus n'avaient rien à signaler.
Elle atteignit la chambre de King. Le panier qu'elle avait déposé ce matin n'avait pas bougé. Il n'avait donc pas ouvert la porte après son passage ? Elle comprit que si il n'avait pas répondu quand elle avait frappé, c'était sûrement parce qu'il était déjà parti. Quelle idiote, se dit-elle. Pourquoi n'avait-elle pas ouvert la porte à ce moment là ?
Elle entra vite et trouva une chambre dérangée, comme si elle avait été mise à sac. Elle eut un pincement au cœur.
— Pauvre Katakuri, murmura-t-elle.
Elle tourna sur elle-même, en quête d'indices, son troisième œil toujours en alerte.
Comme sa petite taille lui permettait d'avoir un point de vue inédit sur le mobilier de la chambre, elle repéra tout de suite la feuille de papier qui s'était glissée sous la commode. Elle n'était pas là hier, c'était nouveau.
Elle se mit à quatre pattes et rampa sous le meuble pour la saisir. Elle tira dessus et grogna quand elle entendit le papier se déchirer un peu. Évidemment, il fallait que le seul élément inhabituel du décor se trouve au pire endroit ! Heureusement, la déchirure ne rendait pas ce qu'il y avait écrit dessus moins lisible. L'écriture était droite et soignée, quoiqu'un peu rigide — indubitablement celle de King, pensa Pudding.
Elle la lut immédiatement et fut tout à la fois profondément soulagée et atterrée. Elle froissa la feuille avec un geste rageur.
— Mais quel … espèce de… gros DÉBILE !
Comme elle le pensait : tout cela n'était qu'un affreux malentendu. King était parti, certes, mais il voulait revenir. Et cet imbécile avait laissé un mot, comme s'il était tout simplement parti faire les courses ! Il avait dû se réveiller à l'aube et partir sur un coup de tête. Pudding était stupéfaite qu'il n'ait même pas pris la peine de prévenir qui que ce soit de son départ. C'était de la négligence pure et simple, comment avait-il pu croire une seconde que laisser un mot ferait l'affaire ?
Elle se consola en se disant qu'il avait prévu de prendre un escargophone avec lui, pour qu'on puisse le joindre à tout moment. Et qu'il n'avait certainement pas déposé sa note lui-même sous la commode. Il avait du s'envoler et Katakuri ne l'avait pas vu. Il croyait que King l'avait abandonné mais il se trompait ! Il voulait régler ses affaires avant de revenir pour de bon, c'est tout. Il aurait pu l'annoncer de mille autres façons mais au moins : la vérité était là. Katakuri ne devait pas se désespérer, King n'allait pas le laisser tomber.
— Je savais qu'il ne pouvait pas partir comme ça, murmura Pudding à voix haute, se félicitant d'avoir correctement interprété les sentiments de l'un et d'autre.
Pour les avoir éprouvés et pour avoir eu le cœur déchiré de voir Sanji partir sans pouvoir le suivre, elle était la mieux placée pour comprendre ce qu'il se passait. Et maintenant, elle entrevoyait une solution au problème. Il fallait faire comprendre à Katakuri que King n'avait pas disparu. Mais s'il était comme Mama… Lui parler pour l'apaiser ne suffirait pas. Il fallait retrouver King et l'amener directement devant lui.
Et il n'y avait qu'elle qui était capable de le retrouver. Elle savait ce qu'il lui restait à faire. Elle sortit en courant de la chambre et demanda au premier homie sur son chemin de foncer jusqu'à sa propre chambre pour lui ramener Nitro et Rabiyan, ses deux compagnons. En attendant leur arrivée, elle chercha à joindre Brûlée. Contrairement à King, elle ne commettrait pas l'erreur stupide de ne pas avertir les autres de ses intentions.
Pendant un moment, l'escargophone sonna dans le vide. Elle s'en étonna. Même si Brûlée était très occupée, elle devait certainement tendre l'oreille et surveiller un éventuel appel de Pudding. Elle ne lui avait donné qu'une heure et elle espérait la revoir au plus vite dans le monde des miroirs. Comme elle ne décrochait pas, Pudding trouva un miroir non loin de là et l'appela.
— Brûlée ! Je suis là, j'ai compris ce qu'il se passe !
Pas de réponse. Le miroir ne lui montrait rien d'autre que son propre reflet. Devait-elle s'en inquiéter ? Elle jeta un coup d'œil au bout du couloir, suppliant pour que ses homies se dépêchent de la rejoindre. Il n'y avait pas une minute à perdre et King était parti depuis longtemps. Si elle voulait l'atteindre à temps…
— Brûlée ! Appela-t-elle à nouveau. Je ne vais pas pouvoir rester, réponds moi !
La surface polie du miroir de brouilla enfin et montra à Pudding le visage effondré de sa sœur aînée. Elle était encore plus paniquée que toute à l'heure et de grosses larmes coulaient sur ses joues.
— Pudding ! Gémit-elle, c'est horrible ! Je… Oh non. Pitié Pudding, reviens immédiatement !
Le troisième œil de l'adolescente se fixa sur ce qu'il se passait dans le dos de sa sœur. Elle reconnut le plastron bleu de Daifuku. Il portait à bout de bras la silhouette inconsciente de Oven. Il l'allongea sur le sol et elle put voir que tout les deux étaient couverts de sang. Probablement celui de Oven.
Pudding étouffa un cri, choquée.
— Oh mon dieu, glapit-elle en comprenant que même ses deux frères aînés n'étaient pas de taille face à un Katakuri déchaîné.
Brûlée pleurait tout en tendant la main à Pudding pour qu'elle vienne se réfugier avec eux. Elle retrouva tout de suite ses esprits, elle devait leur dire ce qu'elle savait.
— Je sais où est King ! S'exclama-t-elle. Il n'a jamais eu l'intention d'abandonner Katakuri ou Totto Land, c'est juste une erreur. Je vais aller le chercher ! Dis à Smoothie et Cracker de rester en position, il ne faut pas que Katakuri quitte Whole Cake Island ! Je vais le ramener le plus vite possible.
Brûlée cligna des yeux, incapable de comprendre pourquoi Pudding attachait d'importance à King.
— Mais…
Pudding ne la laissa pas argumenter, elle devait imposer son point de vue.
— Il n'y a que lui qui pourra le calmer ! Je le sais. Et je suis la seule à pouvoir le poursuivre, Rabiyan va m'aider.
— Tu ne peux pas partir comme ça, toute seule !
— On a pas le choix !
— Ce n'est pas à toi de…
— J'ai calmé la crise de Mama la dernière fois, ce sera encore moi cette fois-ci !
Ce n'était pas entièrement vrai mais sa sœur y croyait. Et il fallait qu'elle le croit encore. Comme Brûlée ne répondait plus, elle ne lui laissait pas le choix.
— Je vous appelle dès que je le retrouve, il n'y a plus une minute à perdre. Préviens les autres de mon départ, j'ai un escargophone sur moi. Je vous tiens au courant.
Absolument désespérée, Brûlée renifla et opina du chef. Au même moment, Rabiyan et Nitro arrivaient dans le couloir.
— C'est quoi ce chantier ? L'autre emplumé a foutu le feu ? Se moqua Nitro.
— Tu feras de l'humour plus tard, grogna Pudding en grimpant sur son tapis volant. Il y a urgence. Fonce jusqu'au bureau de Katakuri, Rabiyan !
Il ne lui manquait qu'un Eternal Pose. Après ça, elle pourrait se mettre en route. Elle espérait de toutes ses forces que King n'était pas allé trop loin. En vol, le voyage devait être bien plus rapide mais elle n'avait jamais pris la peine de s'intéresser au trajet. Combien de temps avait-il fallut à Mama pour arriver sur place déjà ?
Elle prit son escargophone et tenta de joindre King une première fois. Là encore, son appel resta sans réponse.
— Pourquoi est-ce qu'il ne décroche pas ? Grogna-t-elle, les mains tremblantes.
— C'est ça que tu cherchais ? Demanda Nitro après avoir englué un Eternal pose.
— Oui, parfait ! Allons-y !
Le tapis volant jaillit par la fenêtre et s'envola vers le ciel. Le vent et la pluie glaciale fouettèrent aussitôt le visage de Pudding. Elle mit son bras au-dessus de ses yeux pour les protéger et s'agrippa au tapis du mieux qu'elle pouvait. Avec toutes ces émotions, elle avait presque oublié la tempête.
— Tu es sûre de toi là ? Râla son homie, appréciant très peu de voir des éclairs jaillir tout autour de lui.
Pudding ne répondit pas et poussa son tapis à se lancer à toute vitesse au-dessus de l'océan. Elle tenta encore d'appeler King mais seule la tonalité lui répondait.
— Allez répond, répond…
/
King n'avait pas anticipé la météo. Le temps était si terrible que voler lui était très inconfortable. Heureusement, il n'était pas pressé. Il avait décidé de faire une pause et d'attendre tranquillement que la tempête se calme un peu avant de poursuivre sa route. Il avait trouvé un îlot rocheux avec une cavité suffisamment énorme pour le protéger du vent. Et les vagues qui claquaient contre les rochers lui amenaient des poissons juste sous le nez afin de le rassasier.
Sa forme de ptéranodon lui avait manquée.
Tout semblait si simple, si facile, quand il prenait sa forme animale. Il éprouvait une joie immense rien qu'en avalant quelques poissons. Évidemment, la décision qu'il avait prise plus tôt n'était pas étrangère non plus à la sérénité qu'il ressentait. Il était rassuré d'avoir un plan. Néanmoins, ses pensées se firent plus complexes maintenant qu'il s'était posé et qu'il contemplait le ciel noir. Il se demanda quelle heure il était et ce que pouvait bien faire Katakuri en ce moment.
Il revint à sa forme humaine et en profita pour essorer sa chemise trempée. La première chose qu'il ferait en arrivant à Wano serait de retrouver ses propres vêtements. Il avait besoin d'en récupérer des plus résistants. Pour le moment, il avait l'air d'être tombé à l'eau. Le ptéranodon se moquait bien d'être mouillé — l'eau roulait sur lui comme sur les plumes d'un canard — mais le lunaria, malgré ses flammes, n'était pas de taille à rester sec face à une tempête pareille.
Un bruit attira son attention. Avec le vent dans ses oreilles, le bruit de la pluie battante et les coups de tonnerre, il avait presque oublié qu'il avait emporté un escargophone : il entendait enfin sa sonnerie. Il avait bien fait de s'arrêter, qui sait combien de fois on avait essayé de l'appeler sans qu'il ne décroche. Il ramassa l'animal, anticipant l'engueulade qui allait venir, et décrocha.
— Oui ?
Un véritable hurlement de rage retentit au bout du fil, il eut un mouvement de recul.
— MISÉRABLE ! PAUVRE CON ! ON NE T'A JAMAIS APPRIS A DÉCROCHER TON PUTAIN D'ESCARGOPHONE ? IMBECILE !
S'en suivirent des marmonnements plaintifs que King ne comprit pas, même s'il était certain d'avoir identifié son interlocutrice.
— … Pudding ?
— OUI C'EST PUDDING ! ESPECE DE SOMBRE ABRUTI !
Il leva les yeux au ciel et soupira. Il ne pensait pas qu'elle serait la première à essayer de le joindre. Décidément, cette gamine avait un problème d'attachement. Il se doutait que son départ la vexerait aussi mais il ne pensait pas qu'elle irait jusqu'à l'insulter par escargophones interposés.
— Moi aussi ça me fait plaisir de t'entendre, se moqua-t-il. Tu es contrariée si j'ai bien compris ?
— Ca te fait RIRE ? Hurla-t-elle à nouveau, peut-être un peu plus fort que ce qu'une simple colère pouvait déclencher. Où es-tu ? Tu dois revenir tout de suite !
Elle continuait de crier mais il avait l'impression que c'était parce qu'elle ne l'entendait pas bien.
— Je vais rentrer, t'inquiète pas. J'en ai pas pour très longtemps. J'ai juste besoin de... tourner la page.
— Tu ne comprends pas, reprit-elle. Tu ne te rends pas compte de ce que tu as fait…
Elle se mit à pleurer et King resta incrédule devant les imitations que son escargophone faisait des émotions de son interlocutrice. Pourquoi réagissait-elle comme si il lui avait personnellement brisé le cœur ?
Il sourit malgré lui. Quelque part, c'était touchant de savoir que son départ avait bouleversé quelqu'un. Il était déçu que Katakuri ne l'ait pas appelé le premier et il le soupçonnait d'être en colère mais dès qu'il lui aurait parlé, ça passerait. Il savait qu'il comprendrait. Il pouvait aussi se débrouiller pour ne pas revenir les mains vides de Wano, pour se faire pardonner. Par contre il n'avait aucune idée de comment faire un cadeau, il n'avait jamais fait ça avant.
— Tu n'es quand même pas en train de pleurer pour moi là ? Se moqua-t-il gentiment. Ca ne va pas très bien avec ton côté dure à cuir, fais attention. Je ne suis parti que depuis ce matin quand même.
— ARRÊTE ! Hurla-t-elle de nouveau. Tu as fait une erreur monumentale ! Pourquoi tu ne nous a pas prévenus que tu partais ?! A cause de toi, Katakuri…
Elle s'arrêta pour sangloter à nouveau et cette fois, King cessa de rire. Il y avait une différence entre le comportement d'une adolescente blessée et celui d'une adolescente au bord du désespoir. Maintenant, il connaissait assez Pudding pour savoir qu'elle n'était pas en train de se jouer les enfants gâtés. Et la mention du nom de Katakuri attira son attention, si elle réagissait comme ça, peut-être qu'il devait aussi s'inquiéter de sa réaction à lui.
— Je t'en supplie, reprit Pudding toujours en pleurs, il faut que tu reviennes tout de suite. Il est devenu fou, il va détruire Whole Cake Island… !
Toute trace d'humour s'effaça définitivement du visage de King. Il n'était pas sûr d'avoir bien entendu.
— Qu'est-ce que tu racontes ?
— Il a déjà rasé Sweet City à l'heure où je te parle ! Il a… Il a peut-être tué Oven, je ne suis pas sûre ! Dis moi où tu es !
King se figea. Il était incapable d'enregistrer les informations qu'elle venait de lui annoncer.
— …Quoi ?
Il sentit la chaleur quitter son visage. Il resta immobile et muet pendant quelques secondes, laissant le temps à Pudding de lui donner plus de détails.
— Il croit que tu l'as abandonné alors il fait une crise. Notre mère faisait ça aussi ! Je n'ai pas le temps de t'expliquer mais la seule chose qui peut le calmer c'est toi !
— Mais…
Il ne comprenait pas. Il ne comprenait rien. Katakuri était devenu fou ? Il avait attaqué son frère ? A cause de lui ? Qu'est-ce que c'était que cette histoire ? Tout ce que Pudding lui disait ressemblait à un cauchemar.
— Mais je n'ai jamais eu l'intention de… Comment il a pu penser que… J'ai laissé un mot.
— Il n'a jamais lu ton mot, idiot ! Je l'ai retrouvé sous un meuble ! C'est comme ça que j'ai su où tu allais ! Mais il ne contrôle plus rien, il ne peut pas entendre raison. Il faut qu'on lui donne ce dont il a besoin et je sais que c'est toi. Dépêche toi de revenir !
Tout se bousculait dans sa tête et il avait toujours du mal à comprendre que ce qu'il entendait était bien réel. Il était passé de la sérénité à la peur en un clin d'œil. Jamais il n'aurait pu imaginer que les choses se passeraient comme ça. Katakuri ; toujours sérieux, réfléchi, raisonnable… avait perdu l'esprit suite à son départ ? Il ne pouvait pas y croire. C'était impensable.
Pourtant, d'après Pudding, dans sa rage il avait peut-être assassiné son propre frère jumeau ?
Il se passa nerveusement une main dans les cheveux. Comment avait-il pu déclencher une chose pareille ? Pour une maladresse ? Un bout de papier envolé ? Une impulsion ? Toutes ses décisions lui parurent soudain d'une stupidité ahurissante. Mais il n'avait pas le temps de s'apitoyer sur ses erreurs. Pudding avait raison, il devait revenir et vite.
— J'arrive, dit-il enfin en retrouvant un semblant d'assurance.
— Dans combien de temps ? Gémit Pudding, comme si elle était gênée pour parler.
— Si j'y mets toute ma force — il regarda le ciel pour faire une estimation — une heure ou deux. Tenez bon d'ici là.
— Je viens à ta rencontre, déclara-t-elle.
— Quoi ?!
— Je suis sur la route de Wano. Je pensais que si je pouvais te rattraper…
King comprit qu'elle devait être sous la tempête elle aussi. Depuis combien de temps est-ce qu'elle le cherchait ? Quand est-ce que Katakuri était devenu fou ? Tant de questions auquel il n'avait pas le droit de réfléchir tant qu'il n'aurait pas réparé son erreur.
— Idiote, grogna-t-il. Pourquoi tu ne m'as appelé depuis Komugi ?
— J'ai essayé ! Tu ne répondais pas.
— Bon, ne bouge plus. Trouve un endroit où t'abriter, je vais te ramasser au passage.
Il reprit immédiatement sa forme de ptéranodon, glissa l'escargophone dans son bec, bien à l'abri de la pluie et s'envola. L'orage grondait toujours mais ce n'était pas ça qui allait l'empêcher de voler à vitesse maximale. Il fila à travers le ciel, plus vite que jamais. Il ne réalisait toujours pas ce qu'il venait d'apprendre.
Katakuri croyait qu'il l'avait fui, sans même dire un mot.
Il ne parvenait pas à l'intégrer. Il voulait tout le contraire ! Il regrettait de ne pas le lui avoir montré mieux que ça. Il avait naïvement pensé que c'était encore trop tôt pour être explicite. Il voulait faire les choses proprement. Au lieu de ça, il avait déclenché une détresse qu'il aurait tellement voulu éviter.
Il avait passé toute sa vie à regarder Kaido se noyer de chagrin dans l'alcool, impuissant, alors il était hors de question qu'il laisse ça se reproduire avec Katakuri.
J'aurais jamais écrit un chapitre aussi vite. Ca coupe trop tôt je sais mais je pense que le prochain va être long ! Et j'ai HÂTE !
Pauvre Katakuri. Mais pour la défense de King, dites vous bien que lui : Ja-mais il aurait pu savoir qu'il provoquerait une chose pareille. Pour lui c'est impensable que Katakuri, toujours si droit et inflexible, puisse perdre les pédales comme ça. Et heureusement il va réparer son erreur.
J'espère...
Le prochain chapitre sera le dernier de la 4ème partie de l'histoire. La 5ème approche et je pense qu'elle va vous plaire. La suite pour le 14/04 !
