Jouer avec le feu

Deux émotions se disputaient en Harry Potter alors que le Poudlard Express le ramener avec les autres élèves à Londres.

Tout d'abord, la peur car quelques jours à peine plus tôt, il avait fait face au meurtrier de ses parents ou du moins, ce qu'il en restait. Le spectre avait promis de terminer ce qu'il avait commencé avec eux et cela avait terrifié le jeune adolescent jusqu'aux tréfonds de son âme. De plus, la manière dont il s'était débarrassé de Quirinus Quirell, le professeur de défense, l'avait complètement traumatisé et savoir qu'il l'avait littéralement brûlé vif le réveillait en hurlant toutes les nuits.

Le second était la colère. Une fois l'urgence passée, Harry s'était posé les bonnes questions. Comment était-ce possible que la sécurité de la pierre philosophale ait pu reposer sur trois élèves de première année ? En fait, quand il regardait bien, ça n'avait jamais été le cas et si Hermione, Ron et lui avaient passé leur chemin au lieu de se précipiter vers le danger, jamais Voldemort et Quirell n'auraient pu récupérer la pierre, ils avaient été assez stupides pour croire le contraire dans leur grande arrogance. Mais quand les adultes en qui ils devaient avoir confiance débordaient d'incompétence, il avait senti qu'il était de son devoir d'empêcher que Voldemort revienne plein de puissance.

Pourquoi ? Parce qu'il était le Survivant, chevalier en armure blanche devant sauver la veuve et l'orphelin ? Il avait pourtant cessé de croire aux contes de fées quand il avait vu Dudley être couvert de cadeaux et lui jeté dans son placard …

Autre point qui le faisait rager était le comportement d'Albus Dumbledore. Harry avait naïvement cru qu'il ne serait pas comme les autres adultes de son entourage à détourner le regard du comportement limite des Dursley mais en fait, il était pire qu'eux ! Oui, le vieux sorcier l'avait écouté jusqu'au bout mais il avait osé dire que Pétunia et Vernon l'aimaient quand même et qu'ils avaient simplement du mal à l'exprimer mais que ce n'était pas parce qu'ils ne le montraient pas de la façon dont il le voudrait qu'il le traitait mal. C'était sur ces mots qu'il lui avait proposé des bonbons au citron avant de le pousser à rejoindre sa salle commune sans même s'inquiéter si l'aventure qu'il avait vécue ne l'avait pas dérangé.

Harry ne décolorait pas depuis ce jour, même s'il ne le montrait pas à ses deux amis qui commençaient à lui taper sur les nerfs à lui demander sans arrêt ce qui s'était passé quand ils avaient dû se séparer. Visiblement, non n'était pas une réponse qu'ils comprenaient en arguant que les amis devaient tout se dire. Vraiment ? Encore à ce jour, il ne savait pas quand étaient leurs anniversaires ni leurs aspirations pour l'avenir ou simplement leur couleur ou leur plat préféré. En revanche, lui devait tout dire sans cacher quoi que ce soit et il ne devait pas remarquer que chaque confidence se retrouvait sur les lèvres de tous les élèves dans les jours qui suivaient.

Bref, maintenant qu'il savait qu'il était plus qu'un orphelin abandonné dans sa dernière famille, Harry avait l'intention d'aller au fond des choses. Puisque Vernon avait annoncé qu'il le récupérait après le travail et pas avant, il avait deux bonnes heures à tuer avant de retourner dans son enfer personnel. A force d'entendre Ron se plaindre qu'il était riche, le brun s'était douté qu'il avait plus que ce coffre dont il détenait la clé. Grâce à la cape d'invisibilité, il avait pu écouter les autres élèves parler et il avait appris qu'il existait un passage sur le quai 9 ¾ menant directement au Chemin de Traverse. Il allait donc en profiter pour se rendre à Gringotts puisqu'elle était garante des héritages et en savoir plus sur sa famille. C'était quand même un comble que toutes les personnes qu'il rencontrait se vantent de connaître ses parents mais que personne ne faisait l'effort de parler d'eux !

Son but bien en tête, Harry ferma les yeux, laissant Hermione et Ron s'indigner qu'il ne réponde pas à leurs questions.

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Albus Dumbledore écarquilla des yeux en observant l'édition de la Gazette du Sorcier sur son bureau au lendemain de la rentrée.

La Maison Potter attaque en justice le ministère !

Avidement, il tourna les pages jusqu'à l'article qui l'intéressait et blêmit au fur et à mesure de sa lecture.

Après le lourd tribut payé par la maison Potter dix ans plus tôt, ce clan sorcier n'avait plus fait parler de lui par la suite. La mort de son lord et de sa lady, assassinés dans leur maison à Godric's Hollow, et la dissimulation de leur fils et héritier pour des raisons de sécurité a mis cette maison en sommeil au moins jusqu'à ce qu'Harry Potter la revendique comme sienne à sa majorité.
Mais coup de grâce ! Me André Pottier, avocat inscrit aussi bien au barreau de France qu'à celui de Britannia, s'est présenté au département de la justice avec le justificatif le désignant représentant de la maison Potter et une plainte en bonne et due forme pour déni de justice envers la maison Potter.
Il est rare qu'un clan magique s'en prenne officiellement au gouvernement et dans ces cas-là, la procédure est prioritaire et particulière. Amelia Bones, directrice de la justice en Grande Bretagne sorcière, a rapidement instruit l'affaire et la première audience avait lieu le premier septembre à 13h00.
Malgré le talent certain de Byron Orow, procureur et avocat du ministère, les preuves – ou l'absence de preuves –étaient si accablantes qu'il était impossible de nier que Sirius Black, allié de la maison Potter et parrain devant la Magie de l'héritier du clan, n'avait pas pu livrer Lily et James Potter à Vous Savez Qui, ce qui aurait conduit à leur mort, ni à celles de douze moldus et d'un sorcier, Peter Pettigrow, qui avait tenté de l'arrêter dans sa folie et qui avait été décoré de l'Ordre de Merlin de 2e classe pour cet acte, car la baguette de Black n'avait lancé aucun sort qui aurait permis une explosion d'une telle ampleur et de tels dégâts, même en touchant une conduite de gaz moldu.
De plus, il s'est avéré que le dossier d'accusation ne contenait que l'ordre d'emprisonnement à perpétuité signé conjointement par Millicent Bulstrode, alors ministre de la magie, Barthelemius Croupton Senior, directeur de la justice, et Albus Dumbledore, président du Magenmagot.
Et c'était tout.
Pas de procès-verbal, pas de preuve incriminante, rien qui aurait pu justifier une condamnation aussi implacable. Un déni de justice dans toute sa splendeur que la maison Potter veut à tout prix corriger.
En moins de quatre heures, le verdict était tombé, Sirius Black, enfin présenté à la justice, était officiellement jugé innocent de toutes les accusations portées contre lui et libéré immédiatement d'Azkaban. La maison Potter, par le biais de Me Pottier, se félicitait de la réparation de cette erreur judicaire et attendait la prochaine audience pour que puisse être déterminé à qui imputer ce fiasco qui lui avait fait tant de torts …

D'un bond, le vieux sorcier jeta une poignée de poudre de cheminette et appela d'une voix étranglée Minerva McGonagall qui accourut, surprise et inquiète.

-Albus ? fit Minerva

-Le journal ! s'étrangla presque Albus

La directrice adjointe lut rapidement l'article et le reposa, les larmes aux yeux.

-Je savais qu'il n'aurait jamais pu trahir James, souffla Minerva. Quand Harry va apprendre ça …

-Il ne faut pas qu'il l'apprenne ! s'écria Albus

-En quel honneur ? s'indigna Minerva. Nous vous avons obéi quand vous nous avez demandé de ne pas lui parler de ses parents ni de son parrain en prison et maintenant que Sirius est libre, vous voulez lui cacher cette information ? Comment est-ce que vous allez réussir ce tour de force, dites-moi ?

-Vous ne comprenez pas ! se plaint Albus

-Alors expliquez-moi, pressa Minerva.

-Il faut qu'Harry reste dans sa famille quand il n'est pas à Poudlard, assura Albus. La protection de sang empêche les mangemorts de l'approcher, il y sera toujours en sécurité.

-Vraiment ? railla Minerva d'un œil noir. Vous allez me faire croire que les Dursley sont le moindre mal par rapport à cette protection ? Est-ce que vous avez réellement regardé ce garçon, au moins ? Écouté les rapports médicaux de Poppy ? Cet enfant est en danger dans ce foyer ! De toutes les façons, toute protection que vous pourriez imaginer ne fera pas le poids face à celle de la magie familiale !

-Rien ne vaut la magie de l'amour, assura Albus.

-Uniquement dans certaines circonstances, concéda Minerva.

-Faites venir Harry avant le dîner, ordonna Albus. Je vais suspendre le courrier ce matin et aller parler à cet avocat pour parler du cas d'Harry.

-Allez-y, soupira Minerva. Mais vous avez un problème.

-Lequel ? demanda Albus, surpris

-Harry Potter n'est pas à Poudlard, annonça Minerva.

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Albus Dumbledore ne comprenait pas pourquoi il se trouvait sur le banc des accusés.

Il était quand même le leader de la Lumière, par Merlin ! Il ne pouvait pas faire quoi que ce soit de mal !

Mais ce n'était pas l'avis de la maison Potter. Et désormais, de l'ensemble de la population sorcière de la Grande Bretagne.

En apprenant que le Survivant ne se trouvait pas à Poudlard, Albus avait vraiment paniqué. Il avait commencé par convoquer Hermione Granger et Ronald Weasley qui lui avaient confirmé qu'Harry avait bien dit qu'il quittait Privet Drive et que sa famille aussi puis il s'était rendu à son domicile pour récupérer le gamin – qui avait dû rentrer après la rentrée et donc, raté le train – mais la maison était vide. Une rapide séance de légilimencie sur les voisins lui avait indiqué que ces derniers pensaient qu'ils étaient encore en voyage mais que c'était étonnant car ils ne partaient jamais aussi longtemps. Son dernier arrêt était pour Gringotts pour rappeler qu'il était Régent Potter et donc, que le gamin devait aller là où il le déciderait et que ce n'était pas parce qu'il y avait un représentant pour la maison Potter que ça allait changer.

Ce fut le bluff de trop.

Alors qu'il quittait la banque hors de lui parce que ses désidératas n'avaient pas été exaucés, Albus Dumbledore avait été arrêté sur le parvis par les aurors internationaux et exfiltré vers une prison hors du pays. Là-bas, on lui avait signifié qu'il était accusé d'atteinte à la maison Potter par le biais de l'emprisonnement illégal de Sirius Black. De fil en aiguille, avocats et juges en étaient venus à la raison d'une telle décision et il avait avoué qu'il voulait avoir le plein contrôle du Survivant pour qu'il puisse vaincre Voldemort sous ses ordres. Pour cela, rien n'était trop grave, d'écarter son dernier parent en vie jusqu'à « guider subtilement » l'assassinat de ses parents. Sa désignation comme Régent Potter par le Magenmagot en comité réduit alourdissait les charges car l'assemblée n'avait jamais été compétente en matière de tutelle et une régence était uniquement dictée par les clans magiques. La liste des méfaits exécutés sous cette fonction usurpée était conséquente et l'accusation put y ajouter le détournement de fonds, entre autres.

Quand vint son tour de prendre la parole, Albus voulut éluder le sujet en arguant qu'il fallait plutôt se concentrer sur la disparition du Survivant qui ne s'était pas présenté à Poudlard le jour de la rentrée. Avec un sourire inquiétant, Me Pottier avait balayé le sujet en rétorquant que c'était uniquement parce qu'il avait été arrêté le lendemain de la rentrée qu'il ne savait pas que la maison Potter avait retiré Harry Potter de Poudlard car l'école ne répondait plus depuis longtemps aux standards d'éducation attendus et que cet enfant n'était désormais plus son problème.

Sur ses bonnes paroles, l'audience avait repris pour se conclure rapidement sur la culpabilité d'Albus Dumbledore pour atteinte à la maison Potter par abus de pouvoir. Le clan ne s'était pas caché vouloir traîner le vieux sorcier en justice notamment sur le cas d'Harry Potter, de son placement illégal dans un foyer dysfonctionnel à l'accaparation de la régence sans aucun droit. Avec tous ses déboires, le conseil d'administration ne pouvait le garder à la tête de Poudlard, le Magenmagot encore moins à sa présidence et il fut rapidement démis de tous les postes qu'il occupait, ce qui avait donné lieu à quelques surprises. Condamné pour quinze années de prison, il fut mené sous les huées de la population à Azkaban et enfermé dans les cellules de moyenne sécurité, sans aucun contact avec les quelques alliés qui lui restaient.

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Lord Hadrian Potter, 27 ans, relisait attentivement le dossier de la maison Potter à l'encontre d'Albus Dumbledore qui allait être libéré d'ici peu.

Essentiellement condamné pour avoir piégé Sirius Black en l'enfermant sans procès à Azkaban pour avoir le plein contrôle de son filleul surnommé le Survivant, le vieux sorcier avait perdu tout son prestige et sa réputation et désormais, c'était à la limite si on ne crachait pas sur son nom. Quand les mots « abus de pouvoir » avaient été placés sur son comportement, une équipe du département de la justice avait été mandatée pour étudier tous les actes de l'ancien président du Magenmagot depuis sa victoire contre Gellert Grindelwald et les résultats avaient été édifiants. Les quinze années n'avaient pas été de trop pour éradiquer toute mention et conséquence du plus grand Bien qu'il prônait, notamment les discriminations entre Serpentard et le reste des maisons de Poudlard, les magies « blanche » et « noire », ou encore entre les nés de moldus et les nés de sorciers ou les sorciers et les autres peuples magiques.

Parallèlement à ce grand ménage, la maison Potter avait exigé que son héritier soit examiné soigneusement aussi bien physiquement que magiquement. Si les Dursley avaient payé en espèces sonnantes et trébuchantes leurs « soins aimants » – ils avaient été condamnés pour maltraitance d'enfant et l'autorité parentale leur avait été retirée pour leur fils – la découverte d'un horcruxe dans la tête d'Harry avait fait comprendre qu'il y avait une autre raison pour laquelle Dumbledore tenait tant à avoir son contrôle. L'affaire de l'héritier de Serpentard – le journal ensorcelé avait été récupéré quand Percy, Fred et Georges Weasley avaient alerté leur directrice de maison du comportement étrange de leur jeune sœur – avait mis la maison sur la piste de Tom Riddle et au fur et à mesure du retracement de sa vie, ils avaient pu mettre la main sur les autres horcruxes créés par Voldemort en moins de trois ans.

La disparition de Bertha Jorkins n'ayant pas été passée à la trappe à cause de son étourderie, tous les moyens furent mis pour la retrouver et les aurors tombèrent sur l'homoncule Voldemort dans le manoir abandonné de sa famille paternelle où il fut capturé avec Peter Pettigrow, soi-disant mort. Soigneusement interrogé par le département des Mystères, son procès se fit à huis-clos et sous le regard de la Magie et il fut condamné à voir son âme – ou ce qu'il en restait – aspirée par un détraqueur et ses horcruxes détruits. Depuis l'âge de quinze ans, Harry Potter était donc seul dans sa tête.

Puisque la libération de son parrain avait entraîné une révision des conditions de détention à Azkaban, le gouvernement avait décidé que chaque prisonnier devait être visité toutes les semaines par une équipe de médicomages et soignés le cas échéant. A chaque passage, il avait été rapporté que Dumbledore était obnubilé par le Survivant et on ne pouvait pas trop se tromper en pensant que la première chose que le vieux sorcier allait faire en sortant était de se rendre chez Harry Potter. Ce dernier n'avait pas l'intention de se laisser faire ni de l'impliquer dans sa vie, aux vues des premiers résultats catastrophiques mais surtout, aux mesures qu'il comptait prendre pour son avenir. Son mariage, notamment, l'avait fait grincer des dents, pas la future mariée, puisque Ginevra Weasley désormais Longbottom était une bonne amie, mais le contrat de mariage était à vomir – toutes les décisions du couple devaient avoir l'autorisation explicite de Dumbledore, limite s'il ne devait pas lui demander la permission pour se torcher – et supporter Ronald Weasley – qui était toujours aussi fainéant et jaloux que dans son adolescence – comme beau-frère était au-dessus de ses forces.

Harry comptait faire le strict minimum si l'ancien directeur se manifestait : il le recevrait au manoir Potter – où ses parents auraient dû se réfugier s'ils n'avaient pas écouté le vieux fou qui leur avait assuré qu'il saurait les protéger – en compagnie de Sirius – lord Black, parce qu'il s'était avéré que les petites manipulations du vieux sorcier avaient amené le Magenmagot en comité réduit, toujours pas compétent dans ce domaine, à refuser qu'il reprenne la tête de la maison Black – et de Ginny Longbottom – qu'il hébergeait le temps qu'elle prépare son dossier pour ouvrir le volet de vente par correspondance de Weasley3, Farces, Attrapes et Métamorphoses, qu'elle avait ouvert avec Fred et Georges à leur sortie de Poudlard – ainsi que de Me André Pottier, toujours fidèle au poste et devenu un grand ami. Lors de cette visite, le brun allait se faire un plaisir de lui indiquer que contrairement à ce qu'il avait envisagé, il ne s'était jamais contenté des miettes d'informations qu'il lui laissait et qu'il avait toujours été capable de chercher ce qu'il voulait sans que le monde entier ne se sente concerné. Se rendre seul à Gringotts était donc tout à fait à sa portée malgré ses presque douze ans, récupérer la tête de la maison Potter – ce qui était possible dès ses onze ans puisqu'il était sang pur – malgré son absence totale de connaissances sur le monde sorcier – merci Dumbledore – une évidence et se venger légalement un projet de très longue date. Il attendrait qu'il comprenne que son arme patiemment modelée était en réalité à l'origine de sa descente aux enfers avant de le prier fermement de disparaître de sa vie.

Il avait joué avec le feu, il s'était brûlé, qu'il assume les conséquences …

Fin