Chapitre 14 : l'admission (fin aout 1999, Londres)

C'était le moment de vérité, pensa Drago au moment où il réceptionna une lettre tendue vers lui par un grand hibou au pelage argenté. Le volatile semblait épuisé par ce long trajet et pourtant, il s'envola à l'instant même où il prit sa lettre.

Drago se tenait sur le perron de la maison des Granger, la porte d'entrée grande ouverte, révélant une pile de caisses en carton contenant ses affaires ainsi que les malles d'Hermione prêtes à partir pour Poudlard dans quelques jours. Tandis qu'elle passait la journée à acheter ses dernières fournitures scolaires sur le chemin de Traverse, il en profita pour ranger ses dernières affaires, souvenirs de plusieurs mois de bonheur passé dans cette maison.

Il trouvait étrange qu'une maison de moldue lui procurait un tel sentiment d'affection. Pourtant, il avait passé de magnifiques moments en compagnie d'Hermione, comme un aperçu de leur future vie ensemble : les longues soirées de discussion au coin du feu, les dîners en amoureux devant un bon plat qu'ils préparaient ensemble – Hermione l'aidait pour les tâches les plus faciles- et leurs après-midi à jardiner. Tous ces moments lui semblaient si lointains, comme le souvenir d'un rêve dont il ne voulait sortir pour revenir à cette brusque réalité.

À présent il lui faut quitter cette vie à deux, Hermione entamerait sa dernière année à Poudlard tandis que lui retournerait chez ses parents tout en étudiant ses cours à distance, pensa-t-il, morose. Il pouvait toujours s'inscrire dans une école de potion à Londres, lui avait suggéré Hermione lorsqu'un soir, il lui avait confié son ennuis. Après tout, il existe de bonnes écoles réputées dans l'apprentissage de la préparation de potions. Suivant son idée, Drago s'était renseigné à l'Académie préparatoire où il fut accueilli par un professeur qui lui avait expliqué leur programme d'études ainsi que les différents cours de potions. Le programme était intéressant, avait pensé Drago en quittant l'établissement, il régnait dans l'école une atmosphère agréable et les professeurs paraissaient à l'écoute des élèves. Néanmoins, Drago ne pouvait s'empêcher de songer à l'Institut Nicolas Flamel qui proposait davantage d'options, des cours atypiques mêlant alchimie et potions anciennes, mais surtout, pensa Drago, le cœur bondissant dans sa poitrine, des cours destinés à la recherche de nouveaux remèdes, ce à quoi il aspirait profondément.

Plus le temps passait, plus ses pensées se tournèrent vers l'Institut Nicolas Flamel. La journée, il ne cessait de penser à l'école, ce programme si prometteur, les possibilités de carrière qui s'offraient devant lui, les innombrables voyages qu'il pourrait entreprendre. La nuit, il rêvait de sa vie à Paris, Hermione à ses côtés puis il se réveilla le lendemain matin, se rappela tristement que Hermione avait déjà ses projets, ici, à Londres… sans lui. Une après-midi, alors qu'Hermione révisait à l'avance ses ASPIC, Drago prit une fois pour toutes une décision : il rédigea, sous le coup d'une impulsion, une lettre de motivation destinée à l'Instit. Dans cette lettre, il confia son envie de découverte, sa soif d'apprendre et d'étudier dans l'une des écoles des plus prestigieuses d'Europe. Il mentionna également son envie d'un nouveau départ, de commencer une nouvelle vie loin de Londres et de la réputation qui le précède. Lorsqu'il eut terminé, il ne prit même pas la peine de se relire, car il ne voulait rien changer à l'authenticité de cette lettre. Il avait écrit d'une traite, à cœur ouvert, ses espérances, ses envies, son parcours… était-ce trop personnel, pensa-t-il au moment où le hibou emportait sa lettre dans le ciel, il n'en savait rien. Peut-être que sa lettre n'était pas assez formelle pour une demande d'inscription. Dans tous les cas, il ne regrettait rien. Il laissait le destin décider.

À présent, il tenait cette lettre entre ses mains tremblantes, excité et inquièt à la fois. Que se passerait-il si sa demande était rejetée ? Il s'inscrirait à l'école de Londres tout simplement, se dit-il, sans enthousiasme. La véritable question, fit une voix dans sa tête, est la suivante : que ferais-tu si tu es accepté ? Il préféra rejeter cette question et ouvrit, d'une main fébrile la lettre en parchemin ancien, déchirant le sceau de l'école – une pierre grossièrement taillée – et découvrit, le contenu de sa lettre. Ses yeux s'écarquillèrent au fur et à mesure qu'il comprit – son cœur bondissant dans sa poitrine- qu'il était admis pour le cursus scolaire de septembre !

« Votre lettre reflétait la sincérité et la motivation que nous recherchons chez l'ensemble de nos étudiants », lit-il, incrédule. « Après une enquête approfondie concernant vos résultats scolaires de l'école Poudlard, nous avons la conviction que vous possédez les compétences requises pour votre inscription dans notre prestigieux Institut ».

Il tourna la lettre et découvrit au dos, un post-scriptum :

« Voici ci-joint, les différentes modalités de payement pour votre premier semestre ainsi qu'une liste complète des dispositions à prendre pour commencer la rentrée du premier septembre. Vous recevrez également, dans quelques jours, une lettre des différentes fournitures à acheter dans le cadre de vos premiers cours. Si vous ne disposez pas du matériel nécessaire, vous pouvez introduire une demande de location au sein de l'école »

Veuillez agréer, Mr Malefoy, nos plus respectables salutations.

Hélène Lepage, Directrice du département d'inscription

Institut de recherche Nicolas Flamel.

Il dut relire la lettre à plusieurs reprises, n'en croyant pas ses yeux. Malgré qu'il eut envoyé sa lettre il y a plusieurs semaines, il prit entièrement conscience, à cet instant, que sa vie s'apprêtait à changer. Dans un mois, il vivra et étudiera à Paris, la ville la plus belle au monde. Enfin, après quelques secondes où il encaissa la nouvelle, il se mit à penser à Hermione. Hermione, réalisa-t-il.

-Drago, fit sa voix derrière son dos, qu'est-ce que tu fais ?

Elle l'observa depuis l'arcade donnant sur le salon, son livre intitulé « préparez ses ASPIC en toute sérénité » à la main.

-Je… c'est… heu… une lettre de l'Institut Nicolas Flamel… ils m'ont accepté pour étudier là-bas, annonça-t-il encore à moitié abasourdi.

Contre toute attende, Hermione poussa un cri strident et se jeta dans ses bras.

-Drago ! C'est formidable ! C'est l'école la plus ancienne et privilégie d'Europe ! Tu te rends compte ?!

La pression se relâcha aussitôt et pour la première fois depuis qu'il avait ouvert la lettre, il explosa de joie à son tour.

-Je n'arrive pas y croire !

Il prit Hermione par la taille et la souleva de tout son poids en l'air, le cœur bondissant d'allégresse. En un instant, il s'imagina dans un vieux cachot, peut-être celui même où Nicolas Flamel avait découvert les fondements principaux de l'alchimie ! Il s'imagina à Paris, main dans la main avec Hermione, la ville la plus romantique au monde !

À nouveau il poussa un hurlement de joie.

-Oh… mais ! Mince, alors ! Réalisa Hermione, une fois l'instant d'euphorie passé. Ça veut dire que… Oh Drago !

Ils se regardèrent, dans les yeux l'un de l'autre, comprenant enfin les différents enjeux de cette nouvelle situation.

-Oui, je vais devoir apprendre le français.

-Oh, mince ! Enfin, je suis tellement contente pour toi, lâcha-t-elle le plus sincèrement du monde. Et nous deux dans tout ça ?

Un long silence s'installa. Personne ne sachant quoi dire.

-Rejoins-moi à Paris, quand tu auras fini tes ASPIC. Il y aura de magnifiques opportunités là-bas ! On pourra se créer une nouvelle vie, comme lorsqu'on était en Australie tu te souviens ?

-Oh, tu veux rester définitivement là-bas ?

-Je n'en sais rien, peut-être… nous verrons bien.

-Drago… je ne peux pas ! Ma vie est ici, à Londres. Il y a notre famille et puis nos amis et… McGonagall et Kingsley disent que je peux avoir un bel avenir au sein du Ministère, tu sais à quel point j'ai envie que les choses changent !

-A Paris aussi il y'a un Ministère, tu peux très bien y travailler.

-Ce n'est pas la même chose ! C'est ici que je veux changer le système judiciaire, toi, mieux que quiconque tu sais à quel point il est défaillant ! Je croyais que tu le comprenais !

-Tu n'es pas la seule à vouloir changer le monde, Granger, répliqua-t-il, piqué au vif. Moi aussi j'ai des rêves, des ambitions ! Même si je ne suis pas comme toi un monsieur-je-sais-tout !

-Qu'est-ce que tu veux dire, demanda-t-elle en haussant le ton.

Toute trace de joie avait disparu de son visage, à présent crispé et tendu.
-Que je ne veux pas sacrifier ma carrière, moi non plus ! Il n'a pas que toi qui comptes ! Pourquoi devrais-je me sacrifier dans une école médiocre ?!

-Toi, tu parles de sacrifice ?! Depuis toujours JE ME SACRIFIE pour nous ! J'ai sacrifié mes amis, ma réputation pour te sauver ! Je me suis enfouie dans un pays inconnu pour toi en laissant derrière moi toute ma vie !

-Tu voulais rechercher tes parents ! Lui rappela Drago.

-Sans pour autant être une hors-la-loi ! répondit-elle froidement.

-Je ne t'ai jamais demandé de faire tout ça ! Écoute Hermione, dit-il en essayant d'apaiser la tension qui régnait, il faut que l'on réfléchisse calmement aux solutions qui s'offrent à nous, en discuter sans s'énerver. Tu es d'accord ?

Il voyait que ça ne servait à rien. Hermione était au bord des larmes, sa respiration s'accélérant dangereusement, prête à exploser en crise de larmes. Peut-être devrait-il la laisser seule, le temps de digérer l'information ? Lui-même avait besoin de temps pour réfléchir à tout ca…

-A quoi veux-tu réfléchir ? Lui demanda-t-elle sur le ton de la fatalité. Tu as l'air d'avoir pris ta décision.

Sur ces derniers mots, elle quitta le salon sans un regard dans sa direction et le laissa en plan dans le hall d'entrée, sa lettre d'admission toujours serrée au creux de sa main. Ils passèrent la journée à s'éviter, Hermione restait enfermée dans leur chambre à réviser – ou pleurer supposa-t-il- tandis qu'il expédiait ses derniers cartons contenant ses affaires au Manoir. Les mains préoccupées par sa tâche, Drago essaya de ne pas songer à son avenir avec Hermione. Qu'adviendra-t-il de leur histoire ? Il ne pouvait la perdre, c'était inimaginable. Pouvaient-ils envisager une relation longue distance ? Par correspondance ? Il se sentait perdu… il avait besoin de lui parler… Il monta l'escalier, le pas hésitant, puis se ravisa et fit demi-tour à la moitié des marches, préférant lui laisser quelques heures de solitude. Au dîner, l'ambiance était tout aussi pesante qu'à un repas mortuaire. Aucun des deux n'osait se regarder dans les yeux. Hermione gardait son regard fixe sur sa soupe à laquelle elle ne touchait presque pas. À plusieurs reprises, il ouvrit la bouche puis la referma, ne sachant quoi dire.

Il se sentait tellement désolé et triste. Toute l'excitation et la joie qu'il avait pu éprouver durant leur étreinte dans le hall avaient disparue. À présent, il se demandait quelle folie lui était passée par la tête quand il s'était décidé à écrire cette stupide lettre. Après tout, l'école de Londres n'était pas si mal non plus… se dit-il. Il imaginait déjà la réaction de ses parents… l'indignation de son père de voir son fils unique laisser échapper une telle opportunité.

-Je monte me coucher, annonça Hermione d'une voix rauque après toute une journée de silence.
Il la regarda s'éloigner sans un mot puis se lança.

-Hermione, attends s'il te plaît ! Il faut qu'on parle.

Elle le rejoint d'un pas lent sur le canapé comme si elle aussi appréhendait la conversation qui allait suivre.

-Il fau…

-Je…

Tous deux s'esclaffèrent, laissant échapper un sourire avant que Drago laissa Hermione prendre la parole en premier.

-Tu ne peux pas refuser une pareille opportunité. Tu as fait de même pour moi lorsque je t'ai annoncé que je voulais retourner à Poudlard terminer mes études… tu me soutiens à chaque fois que je te parle de mes ambitions au Ministère ! À présent je fais la même chose pour toi, dit-elle en lui prenant la main.

-Tu es certaine ? Il s'agit de trois années entières passées à l'étranger, lui rappela-t-il. J'y ai longuement réfléchi toute l'après-midi, ça serait préférable que je reste à Londres. Je passerai te voir le week-end à Pré-au-lard et tu m'aideras à réviser mes cours, ça sera sympa.

Il laissa échapper un sourire comme pour la rassurer à son tour.

-Drago… oh ça me brise tellement le cœur de te dire ça…- des larmes silencieuses coulaient le long de sa joue- mais tu dois y aller. J'ai… j'ai vu à quel point tu étais heureux tout à l'heure lorsque tu as lu cette lettre ! Je ne t'avais plus vu aussi enthousiaste depuis si longtemps, c'est là-bas que tu dois être !

-Mais…

-Non, laisse-moi continuer sinon je n'y arriverais pas, dit-elle à moitié hoquetant, tu as toutes les compétences nécessaires pour réussir, ça sera une expérience incroyable pour toi, il ne faut pas que tu rates cette opportunité à cause de moi. Tu finiras par me détester de t'avoir privé de cette belle expérience. Tu détesteras l'école de Londres, car tu ne cesseras de penser à l'Institut… et moi je culpabiliserai trop de te voir malheureux… on finirait par se déchirer, il en est hors de question !

-Que proposes-tu, dans ce cas ?

-Nous nous écrirons, proposa Hermione d'une voix brisée, nous nous verrons durant les vacances scolaires et puis je viendrai te rendre visite ! Tu me feras visiter Paris.

Il sentit son cœur plus léger, une sensation d'allégresse à l'idée de partager ces projets avec Hermione. Oui, ces trois prochaines années seront longues et difficiles, éloignés l'un de l'autre, mais ce qu'ils avaient vécu dans le passé était pire, se souvint-il. Il se sentait confiant pour leur avenir, il savait que leur amour est indestructible.