Heya !

Pour ceux qui viennent de l'ancienne version de cette histoire : bon retour à tous, le Keeper est toujours prêt à vous accueillir ^^

Quant à ceux qui découvrent cette histoire, bienvenue à tous, j'espère qu'elle vous plaira !

Merci énormément à Andromeda pour son travail de bêta-lectrice et à Zialema pour ses conseils à l'écriture, hâte de pouvoir coordonner à nouveau nos histoires pour faire les choses les plus ridicules ;)

Sur ce, je vous souhaite à tous une bonne lecture~~!


Dans la terre gisait une enfant d'une extrême maigreur, en haillons, et au crâne rasé arborant un tatouage en idéogrammes signifiant "démon".

"Réveille-toi ! Je peux pas tout faire toute seule !"

La gamine ouvrit ses yeux d'un violet améthyste et regarda autour d'elle. Sa première réaction fut de chercher la personne qui lui avait parlé, mais elle était seule. Elle se releva, se demandant ce qu'elle faisait au beau milieu d'un chemin de terre, en pleine nuit… et avec en plus un couteau à la main !

De la lumière s'élevait de tous les côtés et elle comprit qu'il y avait quelque chose d'anormal. Aucune fête n'était prévue, sinon, elle aurait déjà été en train de travailler pour faire les préparations.

La gamine s'avança de quelques pas et se figea en voyant qu'en réalité, une bonne partie des bâtiments de l'île étaient en flammes. D'autres étaient éteints après avoir été dévorés par l'incendie jusqu'à l'effondrement. L'odeur de brûlé lui monta au nez. Qu'est-ce qu'il s'était passé ?

« Allez ! Dépêche-toi de te tirer d'ici ! » fit de nouveau la voix, la faisant sursauter.

Elle ne savait pas d'où ça sortait, mais elle était à la fois confuse et terrifiée, n'ayant aucune idée de ce qu'elle pouvait bien faire à part fuir, alors elle lui obéit et courut vers le nord. Le port de l'île se trouvait là-bas, c'était le seul moyen de partir.

Arrivant aux abords du village, elle freina dans sa course en voyant les corps sans vie d'une dizaine d'hommes en bure bleu marine, baignant dans des marres de sang. L'enfant resta immobile quelques secondes, réalisant avec un certain trouble qu'elle avait hésité à se réjouir de leur mort. S'ils ne pouvaient plus l'en empêcher, alors elle pourrait enfin partir, quitter cet Enfer…

Du mouvement attira son attention et la détourna de ses pensées morbides : trois survivants venaient de sortir d'une maison en flammes. Elle hésita un instant, essayant de s'accrocher à l'espoir d'enfin pouvoir partir d'ici, mais lorsqu'ils l'aperçurent, les trois hommes ne lui laissèrent pas le choix.

- Butez-la ! rugit l'un d'eux.

Il se mirent à lui foncer dessus et elle recula de quelques pas, levant instinctivement le couteau qu'elle avait toujours à la main. L'un des hommes passa au travers de la fumée d'une maison en flamme et aveuglé, ne put éviter la lame que la gamine s'était mise à agiter dans tous les sens dans un geste désespéré. En sentant son arme se planter dans quelque chose de mou, la gamine poussa un cri alors qu'elle voyait sa victime s'effondrer au sol.

"Reprends ton arme et barre-toi !"

Sous le choc de ce qu'elle venait de faire, et peut-être une pointe d'euphorie malsaine, l'enfant ne chercha pas à réfléchir à ce qui lui disait la voix grondante. Retirant le couteau de la gorge de l'homme mourant, elle se mit à courir aussi vite que lui permettaient ses maigres petites jambes. Le port se trouvait au bout de la rue principale, elle le savait. S'il restait des bateaux intacts elle aurait une chance de survivre et même d'être libre !

Elle ne savait pas pourquoi on voulait la tuer d'un seul coup, mais dans tous les cas elle ne voulait pas rester là !

Les deux survivants restants se lancèrent à sa poursuite et elle savait qu'elle ne pourrait pas leur échapper. Elle était morte de peur, mais continua de courir et put même voir le port au loin.

Quelque chose lui percuta le dos, lui faisant perdre l'équilibre et elle s'étala dans la terre imbibée de sang. En relevant la tête, elle vit un tisonnier qui devait être le fameux projectile. Il lui avait fait un mal de chien, mais il fallait qu'elle se relève, et vite, ou elle serait perdue.

Sa tête était embrumée, elle se sentait comme en train de flotter…

Elle se releva et fit face aux deux hommes, son visage mué en une expression malsaine.


Le spectacle était inattendu, mais après tout, les choses seraient plus faciles que prévues. Les membres les plus éminents de la Family descendirent du navire pour admirer la ville silencieuse en proie à la destruction. Enfin, presque silencieuse.

Doflamingo s'avança, le reste du groupe sur ses talons. Tout ceci lui rappelait tellement de souvenirs. Le petit Law à l'arrière n'aimait pas cet endroit. Ou plutôt la vision qu'il lui offrait. S'il y avait eu des soldats, il aurait pu se croire de retour à Flevance. Du mouvement à quelques mètres attira l'attention de Doffy qui demanda le silence sur les bavardages de Jora, faisant que bientôt tous purent voir la scène.

Un homme brandissant une idole de métal comme une batte se jeta sur une gamine au crâne rasé et tatoué d'un "Akuma" bien visible.

- TU VAS CREVER SALOPERIE ?! hurla-t-il.

Les pirates s'attendaient à voir le type massacrer la demi-portion mais un simple geste suffit pour renverser la donne, quand la gamine s'agenouilla pour éviter le coup avant de planter le couteau qu'elle avait dans la main en plein dans la gorge de son assaillant. Elle retira immédiatement la lame d'un mouvement vif, causant un geyser de sang qui l'aspergea, mais elle ne semblait pas s'en accommoder plus que ça alors qu'elle poussait l'homme, qui tomba en arrière, sur le sol boueux où il se viderait de son sang jusqu'à ce que mort s'en suive. Le deuxième homme qui était là commença à s'enfuir lorsqu'il vit la gamine se tourner vers lui. Seulement une bure n'était probablement pas un vêtement adapté à la course, Doflamingo n'était donc pas surpris quand il trébucha et tomba au sol. Il le fut un peu plus quand la devanture d'un bâtiment s'écroula sur lui, cependant, et entendit Jora commenter avec amusement sur cette mort d'un ridicule artistique.

La petite se tourna vers l'équipage, le visage crispé en une expression qui faisant penser à une bête sauvage… "primal" était le mot qui lui venait à l'esprit. Baby 5 fut même un peu inquiétée, la voyant couverte de sang dans sa tunique en lambeaux et ne ressemblant pas du tout à une petite fille.

Celle-ci se contenta d'avancer tranquillement, fixant le visage de Doflamingo.

- Si y'a pas de place pour moi dans ce monde... commença-t-elle en accélérant le pas. Alors je prendrai celle des autres !

Elle fonça vers le pirate dans l'intention de le tuer, lui aussi, mais au dernier moment Corazon s'interposa et lui enfonça la tête dans le sol boueux. Doffy s'accroupit pour regarder la gamine se relever et lui lancer un regard noir en grondant comme une bête sauvage. Amusant. Son expression lui rappelait celle de Law, trois mois plus tôt, celle qui l'avait décidé à prendre le garçon avec lui. Une énorme soif de sang.

Elle avait même tenté de le tuer, c'était parfait, si elle n'avait pas peur de mourir ! Il agita les doigts et la gamine se retrouva ligotée par ses fils.

- Corazon, dépose-la sur le pont, ordonna-t-il. Tous les autres, amusez-vous et rapportez le plus possible !

Les membres de la Family s'en donnèrent à cœur joie, les membres dotés de pouvoirs les utilisaient pour éteindre ou traverser les incendies et piller tout ce qui semblait précieux. Et le nombre de temples qui se trouvaient sur l'île les fournit gracieusement en or et breloques de valeur !

Le butin était énorme et une fois de retour sur le navire, Doffy donna l'ordre de faire l'inventaire des gains avant de s'enfermer dans sa cabine. Ils en avaient même oublié une chose qui se rappela à eux au moment de vider un énième sac.

- C'est à moi, ça.

Les pirates se tournèrent vers la gamine, assise sur une caisse et qui les fixait de ses yeux vides. Son visage était devenu neutre, il n'avait plus rien à voir avec l'enfant qui avait grogné contre leur capitaine plus tôt.

Diamante fut le premier à prendre la parole.

- Et qu'est-ce que c'est censé nous faire ? Maintenant tout ça appartient au Jeune Maître !

- Qu'est-ce qu'il se passe, Diamante ? demanda le concerné en refermant sa porte.

- Ah, Doffy ! s'exclama-t-il. Cette gamine dit que ce truc lui appartient !

Il pointa vers Law qui montra ce qu'il avait en main : une fine barrette à cheveux en or qui ressemblait à un sablier. Le capitaine regarda tour à tour le bijou et la gamine qui fixait l'objet sans ciller.

- Law, c'est toi qui l'a dans la main, à toi de décider ce que tu en fais, dit-il d'un air indifférent. Ce n'est qu'une babiole pour moi.

Le garçon prit quelques secondes pour réfléchir, puis haussa à son tour les épaules avant d'approcher la gamine.

- Je m'en fiche de ce truc, se justifia-t-il en arrivant devant elle.

Il chercha un endroit où l'accrocher, vu qu'elle n'avait pas de cheveux et opta finalement pour le col de sa tunique usée. Tout le long elle resta à le fixer de ses yeux vides, avant de souffler un « merci » que lui seul put entendre. Il revint auprès des autres pour continuer l'inventaire.

Le capitaine s'approcha d'elle à son tour pour la prendre sous le bras et repartir vers sa cabine.

- Je ne veux pas être dérangé pendant que je discute de certaines choses avec notre petite camarade.

L'ordre était comme souvent implicite, mais tous savaient qu'il valait mieux ne pas désobéir. Doflamingo entra de nouveau dans sa cabine et déposa la gamine devant son bureau avant de s'installer tranquillement à celui-ci.

- Je vais te poser des questions, et je veux que tu y répondes, lui annonça-t-il de but en blanc. Pour commencer, dis-moi ton nom.

- Tamashii, répondit-elle de façon neutre.

- Je veux ton nom complet, lui dit-il.

- J'en ai pas d'autre, de nom, insista-t-elle, toujours indifférente.

Le pirate avait beau regarder sa gestuelle, rien ne semblait indiquer qu'elle mentait. Après tout elle disait sûrement vrai. Beaucoup d'orphelins ignoraient leur nom, ce n'était probablement qu'une parmi tant d'autres.

- Et vous ?

- Moi ? demanda-t-il.

- Vous savez comment je m'appelle. Moi je sais pas.

Il afficha un sourire. Elle semblait plus intelligente qu'elle n'y paraissait, ça pourrait lui être utile.

- Don Quixote Doflamingo, se présenta-t-il finalement. Dis-moi, quel âge as-tu ? demanda-t-il ensuite.

Elle resta silencieuse, apparemment en train de réfléchir.

- Je sais plus, j'avais 6 ans je crois... lâcha-t-elle finalement.

Il prit le journal sur son bureau et lui présenta la Une où la date était affichée, à savoir 16 février 1508.

- J'ai 8 ans, se corrigea-t-elle aussitôt. Et vous ?

- J'ai 26 ans, répondit-il. Tu peux me parler de ce qu'il s'est passé ?

Elle garda une nouvelle fois le silence avant de finalement secouer la tête.

- Je sais pas. Je me suis réveillée et tout était en feu, expliqua-t-elle d'un air totalement indifférent à la situation. Et les prêtres, les disciples… presque tout le monde était mort.

Il médita ces paroles quelques instants. En considérant qu'elle lui ait dit la vérité, ça voudrait dire qu'elle ne lui permettrait pas de savoir pourquoi l'île était déjà pratiquement détruite à leur arrivée... Or, ses hommes n'ont rien trouvé qui sortait de l'ordinaire, si on ne la comptait pas dans le lot.

- Tu en es sûre ? insista-t-il.

Elle hocha la tête sans hésitation. Tant pis, il repartirait plus tard avec ses hommes pour fouiller plus en profondeur. Maintenant, sa présence sur cette île était déjà une anomalie dès le départ, d'où ses soupçons. Après tout, c'était un endroit consacré à un culte sectaire qui voyait les femmes comme des êtres démoniaques, comme le prouvait le tatouage sur le crâne de la gamine.

- Qu'est-ce que tu faisais ici ? Cette île est réservée aux hommes, pourtant, fit-il remarquer.

- Je sais pas, répondit-elle. J'ai toujours été là. C'était l'île de papy.

- Papy ?

- Hm. C'était pas mon vrai papy, mais il m'a dit que je pouvais l'appeler papy, expliqua-t-elle. C'était le chef avant de mourir et que je perde ma place

Aaaah... C'était donc ça. Le vieux qui dirigeait avait clamsé, faisant que sa seule protection contre la haine des religieux s'était effondrée. Ce qui expliquait ce qu'elle lui avait dit en l'attaquant, plus tôt…

Cette gamine l'intéressait. Capable de se battre comme ça à seulement 8 ans, qui plus est, n'ayant pas peur de la mort... Dans tous les cas, elle pourrait servir à quelque chose. Il la voulait dans son équipage, restait à l'embobiner, même s'il avait déjà une petite idée de comment s'y prendre…

- Tu sais, Tamashii, si tu veux te faire une place dans ce monde, je peux t'y aider...

- C'est vrai ? demanda-t-elle, montrant un soudain élan de curiosité.

- Oui, répondit-il. On peut tous t'aider à te créer une place. Et tu ne serais plus une erreur ou un démon, quoi qu'ils aient pu te dire.

Elle pesa le pour et le contre, pour finalement afficher un faux sourire aussi vide que son regard.

- D'accord, accepta-elle.

Son estomac se manifesta bruyamment dans l'instant d'après et elle s'inclina pour s'excuser, tendue. Le pirate fut prit d'un léger rire avant de relâcher les fils qui la ligotaient toujours.

- Pas besoin de t'excuser, lui dit-il. Maintenant tu fais partie de ma famille, et je prends soin de ma famille.

La gamine parut extrêmement surprise, puis il lui fit signe de la suivre en ouvrant la porte de sa cabine. Il la conduisit au réfectoire des cadres, où vu l'heure il savait qu'on l'attendait pour le dîner. Le silence tomba dans la salle quand il passa la porte, la petite toujours sur ses talons.

- J'aimerais vous présenter notre nouvelle recrue, annonça-t-il avec son éternel sourire aux lèvres. Tamashii.

Comme un automate encore une fois, la gamine s'inclina avec un « enchantée » sans émotions, toujours dans ses guenilles, couverte de sang séché et de boue. Baby 5 voulut se réfugier près de Law quand son regard tomba sur elle en balayant la salle, mais finit par pleurer dans les bras de Buffalo quand le brun la rejeta avec un regard noir.

- Jora, l'interpella Doffy. Pourrais-tu t'occuper d'elle avant qu'on ne commence le repas ?

La femme bondit hors de sa chaise en multipliant les « Bien sûr Jeune Maître, aucun problème Jeune Maître ! ». La porte se referma derrière elle et le pirate alla tranquillement s'installer à sa place, ignorant les regards de ses hommes sur lui.

- Ne ne, Doffy... l'interpella finalement Trebol, tâtant le terrain. Tu es sûr de vouloir que cette gamine reste avec nous ?

Il retint sa respiration quand son capitaine se tourna vers lui, avant de décompresser quand il lui sourit.

- Aye, tu as vu toi-même ce qu'elle est capable de faire, Trebol, répondit-il. Je ne pense pas me tromper en disant qu'elle pourrait être un bon atout.

- Je vois, je vois...

L'ambiance resta cependant un peu tendue, les conversations étaient moins nombreuses qu'à l'accoutumée. Jora avait apparemment pris les ordres de son Jeune Maître au mot et fait aussi vite que possible. Quand elle revint, la gamine derrière elle aurait été méconnaissable si son crâne n'était pas rasé pour exhiber son tatouage ou si sa barrette n'était plus là. La saleté en moins on s'apercevait que ses joues étaient creusées et elle flottait, très maigre, dans les vêtements que lui avait donné la femme.

- Eh ! protesta Baby 5. C'est ma robe !

Personne ne fit attention à sa plainte, sauf la gamine qui, en la fixant, la fit de nouveau se cacher derrière son camarade.

- Bien, maintenant que tu es présentable, on va pouvoir passer à table ! salua Doffy. Viens donc t'asseoir !

La petite regarda la table pour trouver une place de libre et repéra un endroit en bout de table avec les autres enfants. Elle grimpa sur sa chaise avec plus ou moins de difficultés et attendit en regardant les autres se servir, ce que les adultes ne semblèrent pas remarquer.

- Qu'est-ce que tu attends ? lui demanda Buffalo.

- L'autorisation, répondit-elle.

- N'importe quoi ! fit Baby 5, visiblement toujours vexée qu'on lui ait donné une de ses robes.

Elle n'y fit pas attention, attendant simplement alors que le garçon aux grandes dents ne savait pas quoi faire.

- Mange, intervint une voix de l'autre côté de Buffalo.

Le regard froid de Law était fixé sur son assiette, mais c'était bel et bien lui qui avait parlé. Et comble de la surprise pour les deux acolytes, elle obéit et commença à remplir son assiette avec une petite portion de nourriture qui disparut bien vite.

- C'est tout ? s'étonna Baby 5.

- Faut manger plus ! s'exclama Buffalo. C'est pour ça que t'es toute maigre !

- Ah, fit-elle simplement.

Sur ce mot qui figea de nouveaux les deux autres, elle se resservit une part un peu plus grande qu'elle engloutit tout aussi rapidement. De derrière ses lunettes, alors qu'il participait à la conversation avec les membres de sa famille, Doflamingo observait la petite agir et se dit que son départ malheureux dans la vie lui serait décidément très utile. Docile et malléable comme elle semblait l'être, la faire obéir au doigt et à l'œil serait, sans mauvais jeu de mot, "un jeu d'enfant".


Après le repas, Tamashii avait été amenée par la drôle de dame "zamasu" dans une cabine, avec les autres enfants. Il y avait deux lits superposés de chaque côté de la pièce, et un autre lit avait été fixé au sol entre les deux. La gamine le voyait à cause des clous qui dépassaient.

- Allez, tout le monde au lit ! déclara la femme.

Les enfants ne se firent pas prier, les garçons d'un côté et la petite fille aux cheveux noirs de l'autre. Mais Tamashii ne bougea pas, cherchant quelque chose du regard.

- Qu'est-ce que tu fais ? lui demanda l'étrange dame.

- Je ne vois pas mon tapis, lui répondit la gamine.

- Ton tapis ?

- Ben oui, le tapis où je dois dormir, insista-t-elle, comme si c'était une évidence.

L'adulte cligna des yeux alors que l'autre petite fille éclatait d'un rire moqueur.

- Qu'est-ce que t'es bête ! s'écria-t-elle. Les gens dorment pas sur des tapis !

- Baby 5, surveille tes manières ! s'offusqua la dame.

Elle se tourna de nouveau vers Tamashii qui la regardait fixement.

- Petite, à partir de maintenant tu ne dors plus sur un tapis, mais sur ce lit, compris, zamasu ?

Elle pointa du doigt le lit du bas, vide de tout occupant. L'enfant fronça le nez, essayant de comprendre si c'était un piège qu'on lui tendait ou pas, mais après quelques secondes, la femme la souleva par le col pour aller la déposer sur le matelas.

- Voilà ! Maintenant, tout le monde dort !

La dame se dirigea vers l'interrupteur et éteignit, plongeant les enfants dans le noir, avant de sortir de la pièce, refermant la porte derrière elle. Il se passa plusieurs minutes où elle resta assise bien droite, dans l'obscurité et le silence qui n'était dérangé que par les discrètes respirations des occupants de la cabine.

Toujours un peu méfiante, Tamashii consentit tout de même à s'allonger sur les draps, trouvant un certain réconfort dans le matelas qui remplaçait le tapis posé sur le sol auquel elle avait droit d'ordinaire.

- Eh, toi, tu dors ? chuchota la voix de la petite fille au-dessus d'elle.

Tamashii ne lui répondit pas. La dame avait dit de dormir, si elle l'entendait parler avec sa voisine du dessus, elle serait cuite.

- Pfff… Vraiment pas drôle… ronchonna Baby 5.

- La ferme, lança une voix froide depuis l'autre côté de la pièce.

- D'accord.

Il y eut de nouveau un long silence qui s'étira dans la pièce. L'enfant était réticente à fermer les yeux malgré l'ordre qu'on lui avait donné, mais malgré elle, au terme d'un combat acharné, elle tomba de fatigue.


Quelques heures plus tard, alors que les cinq occupants de la cabine dormaient, Tamashii ouvrit les yeux, le visage arborant une expression neutre. Avec des mouvements fluides, précis et discrets, elle se redressa et descendit du lit, marchant à pas de loups en direction de la silhouette endormie de la dame.

Pendant de longues minutes, elle resta à l'observer, debout devant le lit de l'adulte, immobile et silencieuse. Ses mains commencèrent lentement à se lever, puis à se tendre en direction de la gorge de la femme… Plus près… Un peu plus près… Elle pouvait presque la toucher à présent…

Une légère quinte de toux en provenance des lits des garçons la fit sursauter violemment.

Elle cligna des yeux, confuse, avant de retourner dans son lit, bien moins discrète, mais heureusement pas assez bruyante pour réveiller les autres. Toujours aussi confuse et épuisée, et malgré toutes les questions qu'elle se posait sur ce qui venait de se passer, l'enfant ne mit pas très longtemps à se rendormir.