Chapitre 33 : Hexaphorus
Miss Black développa une étrange allergie au soleil que Madame Pomefresh peinait à combattre. Ce fut la fable que je fis circuler pour expliquer pourquoi l'adolescente était désormais exclue de toutes les activités extérieures, et notamment des cours de vol sur balai de Madame Bibine. Pour accréditer cette fable, j'avais concocté une potion qu'elle s'appliquait de temps à autre sur les mains ou une partie de la figure et qui faisait apparaître des plaques rouges très convaincantes.
S'il n'avait tenu qu'à moi, Delphini Black n'aurait plus circulé qu'à l'intérieur du château entre la salle commune des serpentard et ses salles de cours, car c'était la meilleure façon d'assurer sa sécurité en évitant de l'exposer à une éventuelle nouvelle tentative d'enlèvement tant que nous ne savions rien des motivations et des complices de son kidnappeur. Mais dans mon dos, elle était allée plaider sa cause auprès de notre Directrice pour pouvoir continuer à assister aux cours de Soins aux Créatures Magiques avec Hagrid, et celle-ci avait cédé pour mon plus grand déplaisir. Il me paraissait stupide de prendre un tel risque, alors qu'il ne restait que trois semaines de cours et que Delphini Black n'avait strictement rien de à apprendre sur les aspects pratiques de cette matière. Cependant, plutôt que de perdre mon temps à tenter de faire revenir McGonagall sur sa décision, je me contentai, en vrai serpentard, de négocier les conditions dans lesquelles Miss Black assisterait à ce cours. Elle devrait, pour ne pas sortir, ne circuler qu'entre la cheminée de mon bureau et celle d'Hagrid, puis ne pas dépasser le seuil de sa cabane pour rester à l'abri des protection magiques que nous avions installées Lupin et moi. Hagrid n'aurait qu'à se débrouiller pour faire ses cours devant sa porte.
J'étais d'autant plus soucieux que la sécurité de Miss Black se règle d'une façon pas trop compliquée qu'une autre question requérait toute mon attention. Je menais des recherches sur ce vieux potionniste, dont mon rêve m'avait rappelé l'existence. Initialement, c'était faute d'idée sur l'identité d'autres adeptes d'une magie très très sombre dans nos rangs, mais mon intérêt s'aiguisait au fur et à mesure que mes recherches avançaient pour la simple raison que je ne trouvais rien.
L'école où j'avais fait mes études de potionniste avait été totalement incendiée pendant la guerre opposant Voldemort et ses partisans au reste du monde sorcier. Jusque-là pas de grande surprise, bien d'autres destructions avaient eu lieu. Mais quand j'avais demandé à Harry de consulter pour moi le double des archives de cette école conservé au Ministère, il n'avait rien trouvé. Les archives en question avaient disparu. Cela commençait à faire beaucoup de hasards.
Aucun de mes professeurs de l'époque n'étant encore vivant, ce qui pour le coup était moins étonnant, étant donné leur âge vénérable plus de trente-cinq ans en arrière. Je réfléchis donc à qui aurait pu garder un souvenir de ce vieux sorcier à l'époque où il tournait autour des élèves de mon école. Le nom de l'un des étudiants de mon année finit par me revenir en tête. Malgré toutes les injonctions de nos professeurs à ignorer cet individu, je l'avais vu lui parler à plusieurs reprises, sans doute séduit par ses promesses de gloire et de puissance. Je n'avais jamais revu cet ancien condisciple qui n'avait pas fini ses études de potionniste, car toute sa famille avait fui la guerre en partant se réfugier sur le continent. A ma demande, Harry mena des recherches au sein du Ministère et il eut vite fait de le localiser en Italie.
La politesse aurait évidemment voulu que j'envoie à cet ancien condisciple un hibou pour lui demander une entrevue au lieu de débarquer chez lui sans m'être annoncé. C'est pourtant ce que je fis dès la fin de la semaine. Après avoir prévenu McGonagall que je serai absent pour quelques heures, je transplanai directement devant son domicile. Il ne fit pas plus semblant d'être ravi de me voir que je ne fis semblant d'être passé par hasard, ce qui nous permit d'en venir rapidement à l'essentiel. Dès que je me mis à parler de l'école de potionniste, il sembla encore moins ravi de ma venue.
« C'est loin tout ça. » grommela-t-il. « Et puis, je n'y ai même pas passé une année entière. Je ne vois pas de quoi je pourrais me souvenir mieux que vous. »
Pour endormir un peu sa méfiance, je commençais par lui parler de plusieurs des professeurs que nous avions eu en commun, en lui demandant si, par hasard, il n'aurait pas gardé quelques photos d'eux. L'incendie de l'école me permit de prétendre qu'il ne restait plus aucune image de certains d'entre eux. Après l'avoir noyé sous pas mal de lieux communs et sous prétexte de vérifier certains de mes souvenirs, je fis brusquement allusion au vieux sorcier bizarre qui tournait autour de notre école pour le plus grand déplaisir de nos professeurs. Je fis mine d'avoir avoir oublier son nom, alors que je ne l'avais jamais su. J'espérais qu'en le prenant par surprise il me donnerait le nom de ce type. Pas un tressaillement ne vint traduire un quelconque malaise de son côté, lorsque je fis cette allusion. Au lieu de ça, il parut s'interroger aussi réellement qu'inutilement sur la question de son nom. Soit il avait une incroyable maîtrise de lui-même, soit tout aussi invraisemblable que ça paraisse, il ne se souvenait plus de ce vieux sorcier.
Je décidai alors de changer de tactique.
« Et ces photos que vous vouliez me montrer ? » demandai-je dans l'espoir qu'il se détourne.
Bien que sommaire, mon plan fonctionna, il se retourna pour fouiller dans un meuble. Je saisis ma baguette sans la sortir de ma poche et lançai un Legilimens informulé. La chance était de mon côté, son absence de capacité en Occlumencie m'ouvrit grand les portes de son esprit sans même qu'il s'en aperçoive. Je passai donc en revue rapidement les souvenirs de l'école de potionniste que notre conversation avait ramenés à la surface de son esprit. Des coupes sans subtilité avaient été effectuées dans les souvenirs en question, puisque la personne qui l'avait oublietté, n'avait pas pris la peine de reconstruire le moindre souvenir pour boucher les trous. Du vieux sorcier que je recherchais, il n'y avait que quelques vagues images dans sa mémoire, mais pas la moindre trace de leurs discussions.
J'avais ainsi appris de lui la seule chose qu'il pouvait m'apprendre, à savoir que quelqu'un avait suffisamment envie de faire oublier cet individu pour prendre la précaution d'aller l'éliminer de sa mémoire, et sans doute de celles d'autres élèves-potionnistes qui avaient pu le côtoyer de près. Je profitai alors qu'il soit seul chez lui, sa famille étant sortie, pour l'oublietter à mon tour et effacer le souvenir de ma visite, puis je transplanai sans attendre. C'est ce que je racontai le soir même à McGonagall et à Lupin, notre Directrice ayant souhaité que je leur fasse un point discret sur mes recherches dans son bureau après le dîner.
« Tu n'as pas honte de l'avoir oublietter ainsi ! » s'indigna Lupin.
« Pourquoi le serai-je ? Il n'avait pas l'air de souffrir beaucoup des trous précédents dans ses souvenirs. » me défendis-je avec un haussement d'épaule. « En tout cas, ça n'a plus rien d'une idée en l'air, un véritable écran de fumée entoure ce type qui nous tournait autour à l'école de potionniste. Il y a forcément une raison à cela. »
« Mais cette raison a-t-elle quoi que ce soit à voir avec les évènements récents ? Puisque tu ne crois pas toi-même qu'il puisse être encore vivant. » objecta Lupin.
« Logiquement, non, en effet. » soupirai-je. « Il n'empêche que c'est mon seul embryon de piste. Alors, je dois au moins vérifier qu'il est bel et bien décédé et, s'il l'est, essayer de trouver quels potionnistes il aurait pu former. Mais, c'est impossible tant que je ne connais pas son nom ! »
Je retournai dans mes quartiers et j'étais sur le point de me servir un petit verre de Whisky Pur Feu, quand une voix me fit sursauter au point que je faillis lâcher la bouteille dont je venais de me saisir.
« Il s'appelle Hexaphorus. » répéta la voix, sans doute parce que je restai sans bouger ni parler.
« Albus Dumbeldore. » murmurai-je en me tournant lentement vers le miroir installé sur mon mur. « J'avais donc raison de penser que vous appreniez à lire sur les lèvres ! »
« Avec votre habitude d'assourdir les tableaux des anciens directeurs et directrices dès que vous dites quelque chose d'intéressant dans le bureau de Minerva, il fallait bien que je fasse quelque chose. » se justifia-t-il avec un petit sourire. « Et puis, il faut bien que j'occupe mon temps, la conversation de mes prédécesseurs n'est pas toujours très passionnante. »
C'est sûr que ce n'était pas plus stupide que de passer son temps à faire des essayages de toges ou à s'envoyer des vannes comme le pratiquait mes ancêtres sur les murs du Manoir.
« Hexaphorus, vous dites. C'est un nom ? un surnom ? » demandai-je
« Son nom de famille à ma connaissance. » me répondit l'image de notre ancien Directeur. « Quant à son prénom, il le cachait soigneusement, en lien avec des parents un peu trop amateurs de mythologie grecque, si je me souviens bien. »
« Mais pourquoi connaissez-vous son nom ? » repris-je.
« Parce que je le connaissais lui, mon ami. » m'expliqua tranquillement Dumbeldore. « Vous savez, Severus, Hexaphorus et moi sommes de la même génération. Même s'il n'est pas passé par Poudlard, je l'ai côtoyé à de nombreuses reprises, notamment lorsqu'il était professeur à l'école de potionniste, et même après. »
« La légende disait donc vrai, il avait bel et bien été professeur dans mon école ! » relevai-je. « Mais ça ne me dit pas pourquoi vous l'avez fréquenté vous, puisque vous n'avez été ni enseignant, ni étudiant dans cette école. »
« En effet, mais il m'est arrivé d'échanger avec lui. Disons de le consulter sur des questions très pointues, car c'était un potionniste de génie. » admit-il.
Une idée très dérangeante me traversa la tête.
« Ôtez-moi d'un doute, Albus. » articulai-je en le regardant droit dans les yeux. « Vous ne l'auriez quand même pas consulté à propos de la transformation d'Harry. »
« Auriez-vous préféré que je ne consulte personne, mon cher Severus ? » me questionna-t-il sans répondre directement à ma question. « Disons que je l'ai consulté parmi d'autres sur les principes généraux de cette potion. Mais que de tous, il était le plus ouvert aux questions portant sur des potions inusuelles, et de ce fait sans doute le plus utile. »
Je me mis à marcher de long en large dans mon salon pour essayer de faire le tri entre toutes les idées qui se bousculaient dans ma tête.
« J'étais plutôt un bon voire un très bon potionniste, mais je n'allais quand même pas me lancer dans un tel projet avant d'avoir recueilli tous les conseils possibles. » poursuivit-il pour se justifier.
Comme je continuais à marcher de long en large sans lui répondre, notre ancien Directeur m'interpella sur un ton plus affectif :
« Vous n'allez quand même pas me dire, mon cher ami, que vous m'en voulez encore pour la transformation d'Harry. »
« Si ça peut vous rassurer, Albus, je vous garantis que je vous en veux pour bien plus de choses que ça. » répliquai-je d'un ton hargneux.
« De quoi vous plaignez vous, Severus, vous avez un fils, trois petits-enfants ... » commença-t-il.
« Dont un ne veut pas entendre parler de moi et une ne sait même pas que j'existe. » l'interrompis-je sur un ton ironique.
« Vous avez un fils qui vous aime et qui ne rêve que votre affection et votre attention. Et un petit-fils qui vous adore autant qu'il vous admire. » reprit-il « Bien des hommes traversent toute leur vie sans en avoir autant. »
Parlait-il de lui ? Je n'avais pas plus l'intention de lui faire des confidences que de recueillir les siennes, j'en revins donc à la question du jour :
« En plus de savoir son nom Albus, auriez-vous par hasard une idée de ce qu'est devenu le dénommé Hexaphorus. Je veux dire depuis l'époque où il trainait autour de mon école jusqu'à son décès. J'ai besoin de retracer son parcours pour savoir quel potionniste il aurait pu former à ses pratiques. »
« Mort ? Mais pourquoi serait-il mort ? » demanda-t-il dans ton faussement naïf.
« Eh bien ... » commençai-je avant de m'interrompre.
Je n'allais pas lui dire abruptement « parce qu'il avait le même âge que vous ». Mais il entendit sans que je l'aie dit, puisqu'il répondit par une plaisanterie à la remarque que je n'avais pas formulée à voix haute :
« Vous savez, Severus, que si je n'avais pas eu l'envie stupide de passer à mon doigt la bague des Gaunt, j'encombrerais peut-être encore votre quotidien. »
« Merlin m'en préserve ! » répondis-je sur le ton de la provocation, ce qui eut pour résultat de le faire pouffer dans sa barbe.
« Il y a un peu plus trente ans, Hexaphorus a été accusé par la rumeur d'être à l'origine d'un certain nombre de disparitions inexpliquées. » me raconta-t-il. « Et bien que le Ministère n'ait plus établir des preuves formelles que pour deux d'entre elles, il a été condamné à un enfermement à vie par le Magenmagot. Comme je ne faisais pas encore partie du Magenmagot et que le Ministère a imposé la discrétion à ses membres sur cette affaire « pour ne pas donner de mauvaises idées à d'autres », je ne peux pas vous en dire plus. Et concrètement, j'ignore ce qu'il est advenu d'Hexaphorus après son procès. Mais le Ministère le sait forcément, et Harry devrait pouvoir vous renseigner sans problème sur ce point. »
