Chapitre 64 : hôpital
Je devais aller chez lui le mercredi et il m'écrivit dans le jour pour me dire qu'il était malade. Il me dit que si cela demeurait ainsi, je serais mieux de ne pas venir ce soir-là. C'était étrange! Il ne m'avait jamais dit ça lorsqu'il était malade. Je me dis qu'il devait être très malade pour me dire ça, mais en même temps, je savais qu'il était rarement malade.
Finalement, rendu à l'heure de souper, il allait un peu mieux et il accepta que je vienne. J'en étais bien contente. Même si on passait la soirée à ne rien faire, j'aurais été contente de le voir.
J'arrivai et je m'installer dans son lit. Aussitôt, je constatai à quel point il était chaud – au sens propre. J'avais développé la capacité d'évaluer la température de mes enfants avec le temps et, lui, j'aurais estimé entre 39,5 et 40. Nous restâmes comme cela quelques minutes, puis je lui demandai de me parler de son état. Au final, il allait vraiment mal. Je lui suggérai donc de reprendre sa température et j'avais bien raison : il faisait 40 de fièvre. Avec tous les symptômes qu'il avait, j'étais inquiète et, d'un commun accord, nous décidâmes qu'il était mieux d'aller à l'hôpital.
Il avait même de la difficulté à marcher pour se rendre à la voiture, puis pour se rendre à l'intérieur de l'hôpital. Nous attendîmes quand même un bon moment avant de passer au triage. Soudainement, j'étais passé en mode « maman ». Être à l'hôpital faisait ressortir en moi toutes mes facettes maternelles, toutes les parties de moi qui voulaient s'occuper des gens que j'aimais et toutes les parties de moi qui ne pouvaient que crier que je devais protéger les gens que j'aimais.
Il fut finalement vu au triage, par un infirmier assez bête, mais il ne sembla se rendre compte de rien; il devait être trop malade. Ils l'installèrent sur une civière, puis vint une série d'actions et de tests qui furent effectués sans trop expliquer ce qui était fait.
Tout d'abord, une infirmière lui laisse un thermomètre pour prendre lui-même sa température rectale. J'étais un peu bouche bée. Il ne pouvait pas marcher, il pouvait à peine se tourner sur la civière et elle pensait qu'il pourrait prendre sa température sans aide. Personnellement, les fois où les infirmières avaient pris ma température, c'était elles qui l'avaient fait. J'aurais bien pu prendre sa température – c'était certainement une action que je faisais souvent avec mes enfants – le problème pour moi était vraiment qu'ils ne considéraient nullement l'idée de savoir s'il était capable ou non avant de lui demander de le faire.
Au final, ce fut quand même cocasse. Heureusement que nous avions une relation sans gêne; je veux dire, j'aurais pu être simplement une amie, une connaissance, quelqu'un de sa famille; il y a bien des duos de gens qui n'auraient pas voulu se retrouver dans cette situation! Il réussit tout de même à insérer le thermomètre, mais évidemment il ne pouvait plus trouver le bouton pour l'allumer. Je le fis donc pour lui. Je trouvai cela bien drôle de me dire que la première fois que j'avais contribué à manipuler quelque chose dans ses fesses, ce fut dans un tel contexte; je ne m'y serais pas attendu.
Par la suite, les infirmières vinrent faire plein de tests. Sa température diminua un peu, mais il avait toujours mal partout. Il y avait quelque chose dans le fait d'être à l'hôpital avec lui, une proximité qu'on n'avait jamais eue. Pourtant, on n'était pas physiquement proche de la manière dont on était installé, mais on avait un lien émotionnel qui n'avait jamais été de cette ampleur; un lien où, moi, j'allais rester avec lui pour m'assurer qu'il aille bien jusqu'à ce que je sois certaine qu'il puisse être laissé seul.
Le temps filait et mes enfants se faisaient garder. Je savais que je devais rentrer avant 4h de matin parce que ma mère avait un rendez-vous le matin suivant. Je demandai donc à Mage comment il voyait la suite : est-ce qu'il voulait que je reste, combien de temps, jusqu'à quand?
Il me répondit alors qu'il voulait que je reste, mais qu'il comprenait si je devais retourner chez moi pour les enfants. Je ne pouvais expliquer pourquoi, mais ça me touchait profondément qu'il veuille que je reste avec lui. Je me doute que dans ce contexte c'était toujours bien et rassurant d'avoir quelqu'un avec nous, mais quand il le disait, j'entendais plus que ça, j'entendais "je veux que TU restes". C'était comme si quelque part, il me disait que ma présence à ses côtés était réconfortante et rassurante, ce que je pouvais comprendre; si les rôles avaient été inversés, j'aurais aussi apprécié qu'il soit là.
Je décidai donc de rester jusqu'à ce que tous les tests soient faits, puis de quitter juste avant qu'il dorme pour la nuit. Bien que j'aurais aimé rester, les 2 nous savions que c'était impossible. Je profitai donc du temps que j'avais avec lui pour lui tenir la main et l'observer se reposer.
À travers les courtes discussions que nous eûmes, une attira mon attention. Il mentionna quelque chose en lien avec l'idée de « medical play ». Je ne pourrais dire exactement ce qu'il a dit, mais je trouvai cela cocasse que c'était une chose à laquelle il pouvait penser en étant à l'hôpital. Je ne me rappelai pas vraiment comment il avait parlé de la chose parce c'était une information inutile pour mon cerveau. Personnement, s'il y avait bien une chose qui ne m'intéressait pas dans le spectre des roleplay était le médicalplay. Même bien léger et tout gentil, le simple fait de savoir que certaines personnes s'y adonnaient de manière, disons, plus réaliste, avec des aiguilles, du sang et tout, ça me suffisait pour simplement évacuer toute information qui allait en ce sens de mon cerveau. En plus, les hôpitaux en général étaient des endroits que je n'appréciais pas, et cela s'appliquait à tout ce qui les entourait.
Pour une raison encore une fois inconnue, la discussion bifurqua vers la prise de vidéo pornographique. C'était vraiment drôle comme en cette soirée ou peu de mots avaient été dits, de tels sujets étaient tout de même ressortis. Je n'avais pas grand-chose à dire sur le sujet, surtout qu'il savait déjà ce que j'en pensais. Il parut presque surpris quand je ré-itérait que tout ce qui entoure l'idée de filmer/être filmé était quelque chose que je trouvais plaisant, mais il n'y avait rien de surprenant dans de tels propos venant de quelqu'un qui avait des vidéos pornographiques sur internet. Je me doutai bien que sa surprise venait plus de lui qui suivait à peine la conversation parce qu'il était trop malade. Alors la conversation se finit bien assez vite pour qu'il essaye de se reposer un peu.
C'était drôle que ce fût les 2 choses qu'il aborda spontanément, alors que, moi j'avais longtemps parlé de tout ce qui entoure l'idée de ddlg. Honnêtement, certainement que tout ce qui était roleplay était intéressant, mais ce qui semblait le plus palpitant de cela, je l'avais déjà avec lui : la sécurité, le sentiment de « being cared for », le sentiment de laisser quelqu'un choisir, de s'en remettre à quelqu'un pour choisir. Et s'il y avait bien un sentiment qui ressortait en étant à l'hôpital c'était cela, mais à l'inverse. Moi j'avais l'impression de m'occuper de lui (au niveau de mes capacités), mais surtout d'avoir une attitude de « caring » et de « nurturing » à ce moment. Bien que dans beaucoup de moments de ma vie quotidienne, je le considérais dans mes actions, être avec lui à l'hôpital amenait ces sentiments à un autre niveau. Bien que j'étais triste pour lui qu'il soit pris avec une telle douleur, j'étais contente d'avoir la chance d'être à ses côtés.
Finalement, je quittai après les examens puisque l'infirmière nous dit qu'il risquait de passer la nuit là. À peine arrivé à la maison, il m'écrit pour me dire qu'ils le laissaient sortir. J'étais encore une fois outré! Comment pouvait-il le laisser partir alors qu'il ne pouvait pas marcher?
J'allai donc le chercher pour le ramener chez moi; nous décidâmes d'un commun accord qu'il était mieux de ne pas rester seule.
De retour à la maison, ma mère fut catastrophée de le voir. Elle semblait ne pas du tout me faire confiance pour m'occuper de lui, mais elle nous laissa tout de même monter et elle quitta. Pour une rare fois le soir, je m'installai dans le lit où il dormait et nous nous enlaçâmes. Après quelques minutes j'allai dans mon lit parce que je tombais de fatigue.
Le lendemain, j'allai le rejoindre dans son lit, puis je le laissai pour aller reconduire mes enfants. Au retour, nous mangeâmes, puis nous allâmes nous coucher.
À peine réveillé, j'entendis la porte de la maison ouvrir et je compris que ma mère était entrée. Elle m'avait écrit et j'avais tardé à répondre puisque je dormais et, soudainement, elle avait pensé qu'on était mort. Je me dépêchai de descendre pour lui dire que tout était correct. Ce moment fut plus que dérangeant!
Mage se sentait enfin un tout petit peu mieux, alors il décida de rentrer chez lui. Une fois chez lui, je lui dis de me tenir au courant. Je voyais qu'il allait mieux, mais, comme j'avais vu ce que ça avait été, j'avais encore un peu peur.
Ce petit tour à l'hôpital me confirma donc ce que je savais déjà : je l'aimais comme quelqu'un qui faisait partie de ma famille. Je faisais avec lui, exactement comme je faisais avec mes enfants parce qu'il prenait (presque) autant d'espace qu'eux dans ma vie, dans mes pensées et dans mon bonheur. En dedans d'un an et demi, il s'était taillé une place dans ma vie et dans mon cœur qui serait pour toujours à lui.
