Diri-chan : Ça fait plaisir de voir que la suite est attendue ! Réponse sur le petit mot tout de suite !
Lily Margote : J'espère que ça n'aura pas été trop douloureux à lire tout de même... Concernant les sort de légimancie, j'ai essayé de mettre les trucs les plus glauques à la fin pour avoir le moins possible besoin de m'étendre dessus... Par contre, pour la main de Drago, j'ai été (peut-etre un peu trop) insistante, parce que je voulait qu'on comprenne bien que ce n'était pas juste un coup parmi d'autres duquel Drago peut se relever facilement...
En tout cas, merci pour ce compliment sur l'écriture, vraiment ;u;
Guest mystérieux qui commente au fur et à mesure de ta lecture : Peu de chance que tu te reconnaisses quand tu liras ces mots... Mais sache que j'aprécie beaucoup de suivre ta progression :D
Il attendait.
Il attendrait.
Cela faisait des siècles qu'il était né, et des siècles qu'il avait faim.
Combien de fois s'était-il nourri ? Véritablement nourri ? Combien de fois avait-il réellement pu refermer sa bouche sur quelque chose de tangible ? Quatre fois ? Cinq fois ? La faim le reprenait aussitôt, le tenaillait, le torturait…
Il était aveugle. Il était sourd.
Il n'ignorait pas ce qu'était la vision et l'ouïe, car il avait vu et entendu. Brièvement. Quatre ou cinq fois. Le souvenir était diffus.
Il était toutefois capable de sentir, et il avait senti.
Alors il était venu. Il l'avait senti. Il avait senti ce qui pourrait enfin faire cesser cette faim séculaire, et il avait espéré.
Il n'avait jamais espéré jusqu'ici.
Il n'avait jamais pensé jusqu'ici.
Jusqu'ici, il n'avait été que faim. Désormais, il était attente.
Il attendait.
Il avait besoin de lui autant qu'il avait besoin de lui autant qu'il avait besoin de lui qu'il avait besoin de lui besoin de lui de lui…
Pour faire cesser la faim.
Il était faim, attente et besoin.
Bientôt.
Il attendrait.
·
La douleur.
Avant tout la douleur de sa main. Les abysses de l'horreur et de la détresse, une intensité dévorante, un feu furieux qui ne s'éteindrait jamais, une empreinte à jamais gravée dans sa chair… Il gémit et entendit une voix crier.
Le reste de son corps également : Sa cage thoracique, son sexe et son anus, son crâne, sa mâchoire, sa cuisse, sa cheville… Son corps entier le faisait souffrir, mais rien ne s'approchait du supplice qui lui dévorait la main droite.
Il se tendit, voulut s'enfuir, mais des mains le repoussèrent sur le dos. Il se débattit. Des sangles lui agrippèrent les poignets et les chevilles.
Toujours cette voix. Celle de Potter :
« ... et j'ai attendu ! Maintenant, donnez-lui cette putain de potion d'anesthésie !
– Maintenez-le comme ça, tenez-lui la tête »
On le força à s'asseoir. Les sangles sur ses poignets tirèrent. Les vagues de douleurs dans ses fesses lui firent pousser un cri. On lui maintint la tête en arrière et un liquide chaud et piquant se déversa dans sa gorge.
Ce n'était pas de la potion d'anesthésie.
La douleur pulsa plus fort encore : Sa main se consumait dans une fournaise indescriptible. Il hurla, rua, se débâtit, chaque mouvement le faisant encore souffrir davantage…
« QU'EST-CE QUE VOUS FOUTEZ ?!
– Maintenez-le ! Je n'arrive pas à… »
On lui renversa la tête en arrière, et une nouvelle potion se déversa sur sa langue et ses lèvres. Cette fois, le goût sucré et fleuri, la texture sirupeuse étaient les bons. Drago ouvrit grand la bouche et lapa le liquide qui s'était égaré sur ses lèvres.
On lui permit de se recoucher doucement. L'écoulement dans sa gorge cessa trop vite à son goût. Il ouvrit les yeux pour voir le flacon qui s'en allait, et aperçut la blouse vert clair s'éloigner à son tour
Il était dans l'infirmerie d'Azkaban. Une vague de panique le prit, et il voulut s'enfuir à nouveau. Les sangles sur ses poignets et chevilles le retinrent sur place. Une main se posa sur son torse pour l'empêcher de bouger.
« Malfoy, ça va aller, c'est fini, je suis là… »
Potter.
Drago tourna obstinément la tête dans l'autre sens. L'infirmier Nguyen officiait à Azkaban depuis environ deux ans. Un type a priori banal que Drago n'avait croisé que trois fois. Une trentaine d'année. De beaux yeux en amande. Il lui tournait le dos, occupé à sélectionner de nouvelles fioles dans une armoire mobile à cadenassage magique.
Ils étaient dans un coin de l'infirmerie que Drago ne connaissait pas, en dehors du bureau de consultation. Une salle longue et relativement étroite avec plusieurs lits séparés par des rideaux de tissu vert. Il reconnut les crochets et les sangles qui pendaient au plafond, bien qu'il ne les ait jamais vues lui-même…
La voix de Potter retentit à nouveau : « Quelle était la première potion ? » Le ton était agressif, accusateur. Le ton avec lequel il s'adressait systématiquement à lui, au début.
« Élixir de Baruffio, répondit tranquillement l'infirmier en revenant. Pour empêcher le sommeil. J'imagine que vous n'avez jamais entendu parler de Magie Ascendante ou Descendante ? »
Potter ne répondit pas, et Nguyen baissa ses jolis noirs vers Drago.
« Pouvez-vous me donner votre nom ?
– Malfoy… Drago Malfoy… croassa le prisonnier avec une voix éraillée.
– Savez-vous où vous vous trouvez ?
– Infirmerie… Azkaban. Mer du Nord. » Sa bouche lui semblait encombrée, comme si sa mâchoire avait doublé de volume.
« Vous souvenez-vous de ce qui vous est arrivé ? »
Drago ferma les yeux et fronça les sourcils. Il y avait eu l'huile bouillante. Impossible d'oublier. La potion d'anesthésie avait fait cesser la douleur, mais il restait la brûlure, la piqure permanente, la sensation absolue qu'il manquait quelque chose à cet endroit… Il avait été tabassé, la douleur dans ses reins indiquait qu'il avait été violé… Ackerley avait brandit le couteau…
Une nouvelle crise de panique le prit. Il voulut se redresser, porter les mains à son entrejambe, mais on l'en empêcha, les sangles le retinrent. La respiration hachée, il sentit de nouveau les larmes inonder ses yeux. Il dressa la tête, tentant désespérément d'apercevoir son sexe.
« Ils m'ont… » Impossible de prononcer le mot. « Est-ce qu'ils l'ont… Est-ce que… » Il bafouilla, incapable d'articuler une phrase cohérente… Il parvint à demander « Couper ? » d'un air misérable.
L'expression de Nguyen changea à peine.
« Non » répondit-il. Il souleva néanmoins le drap vert qui recouvrait Drago – ce dernier réalisa qu'il était nu en dessous – et ajouta en regardant vers le bas : « Mais ça explique les cicatrices. Non, à part votre main, Ils ne vous ont rien causé de permanent.
– Soignez-le, grinça la voix de Potter. Maintenant. »
Drago laissa les larmes couler, mais il était rassuré. Cette humiliation-là, au moins, lui avait été épargnée.
« Monsieur Malfoy… » reprit Nguyen en reposant le drap. Drago grimaça en réalisant que l'infirmier ignorait les ordres de Potter. « Pensez-vous être capable de rester éveillé ? Je vais devoir vous manipuler, vous ausculter. Ce ne sera pas agréable. »
Drago hocha la tête.
L'infirmier agita sa baguette, et les sangles sur ses poignets et ses chevilles se relâchèrent. L'homme le fit rouler sur le côté, face à Potter, et s'adressa à ce dernier.
« Surveillez qu'il ne s'endorme pas. Si c'est le cas, Baruffio. Et uniquement après, anesthésie. »
Drago ferma les yeux pour ne pas voir le visage haï, puis, puisqu'il fallait montrer son éveil, les ouvrit à nouveau pour observer fixement le mur. Une petite fenêtre l'ornait. Derrière la vitre, un albatros. L'oiseau lui tournait le dos mais le regardait, la tête en arrière et le bec dissimulé sous une aile. Drago sourit, malgré tout le reste.
« Pourquoi faut-il absolument qu'il reste éveillé ? grogna Potter. Vous ne pouvez pas le soigner sans le faire souffrir ? »
Nguyen soupira en s'emparant du bras droit de Drago. Il commença à tripoter la main brûlée qui avait été recouverte d'une espèce de gelée verte et emmaillotée dans un bandage. Il répondit poliment :
« C'est une conception de la Magie que vous autres, occidentaux, avez du mal à appréhender. N'importe quel Elfe, Gobelin, Tengu, Centaure, ou Vélane, comprend pourtant cela de façon instinctive, ce qui permet une maîtrise innée de la magie sans baguette…
« Là où votre magie, Monsieur Potter, a une tendance naturelle à se diriger vers l'extérieur, ou vers le haut, vers la lumière, diriez-vous… La magie de Monsieur Malfoy a tendance à se diriger vers l'intérieur. C'est ce qui a fait de lui un aussi bon Occlumens. C'est ce qui a fait de lui un épis-pousseur. C'est ce qui lui permet de cicatriser aussi vite.
« Mais quand il perd connaissance, quand son esprit ignore ce qu'il faut soigner et à quel point il est blessé, la magie tourne en rond, elle s'obstine à réparer une zone qui n'a peut-être aucun besoin de l'être, et des aberrations peuvent survenir. Des malformations. Des tumeurs. Des gangrènes. J'imagine que vous avez voulu soigner ses dents, et vous voyez maintenant le résultat. De façon générale, on évite de soigner un épis-pousseur avec des sortilèges. »
Drago fit glisser sa langue du côté gauche de sa mâchoire, là où Ackerley l'avait cogné et lui avait fait sauter quelques dents. Il découvrit en effet la gencive déformée et rugueuse. Il leva sa main valide et toucha une quantité de chicots largement supérieure à ce qu'il aurait dû trouver à cet endroit.
« Je l'ai déjà soigné plusieurs fois, grogna Potter. Il n'y a jamais eu de problème. »
Drago gloussa nerveusement. C'était donc ça qu'avait senti Macnair, des semaines auparavant, quand il lui avait annoncé sa mort prochaine… Son corps avait été trop soigné, et sa magie le torturait malgré lui… Il avait cessé d'être blessé, il avait cessé d'être soigné, et son corps s'était remis tout seul. Nguyen expliquait mieux les choses.
« Quoi ? s'exclama Potter d'une voix inquiète et radoucie en lui déplaçant le visage. C'est faux ? tu as eu mal ? Ces fois-là aussi, j'ai fait des conneries ?! »
Drago conserva les yeux obstinément fixés sur la fenêtre, malgré la main qui lui caressait doucement la joue. Il garda le silence.
« S'il était conscient, supposa Nguyen, si ça ne s'est pas passé juste avant qu'il ne s'endorme, alors je suppose que les complications n'ont pas dû être trop pénibles. Probablement de la fatigue, des vertiges, des douleurs fantômes… »
Drago hocha tout doucement la tête, autant que la main sur sa joue le lui permettait.
« Hier soir, avoua Potter, il s'est… Je l'ai… Vous savez. Il s'est évanoui. J'ai essayé de le soigner…
– Quels sorts ? » demanda Nguyen.
Il avait fini ses soins sur la main de Drago. Il fit descendre une sangle du plafond pour lui maintenir le bras en l'air pendant qu'il s'occupait – Drago eut un haut-le-cœur – de vérifier l'état de la zone brûlante et suintante entre ses fesses. Le prisonnier tourna la tête vers le membre suspendu, mais ne vit rien : Sa main avait été enveloppée dans une espèce de sac blanc mais opaque, serré au niveau du poignet, et duquel coulaient un ou deux filets de gelée verte et tremblotante. Drago tenta de remuer les doigts. Il sentit un mouvement mais ne vit pas le sac s'agiter.
Potter était en train de répondre :
« Revigor, Enervatum, Finite, Anapneo, Pulmonis reponam, Cor reponam, Cerebrum reponam, Immobulus… » Tant de mots latins qu'on aurait dit une musique… Drago ne connaissait pas la moitié des sortilèges évoqués. « Et Sicco, pour finir. Mais il était éveillé à ce moment-là. Je l'avais mis dans de l'eau chaude puisque la magie ne fonctionnait pas… Et tout à l'heure, Episkey, Tersus Maxima, Reponam, Emendo, Revigor, Enervatum, Finite, Mobilicorpus. »
Les gestes de Nyugen avaient ralenti au fur et à mesure que la liste s'allongeait, et il était désormais totalement immobile… Après quelques secondes, il termina d'appliquer un baume, puis fit de nouveau basculer Drago sur le dos. Il lui toucha les côtes, le front, le cou, puis soupira...
« Et bien voilà d'où vient la fièvre… Et pas mal des blessures internes… » Il remplit un bac d'eau fraiche dans lequel il fit tremper les pieds et les mollets de Drago après avoir fait disparaitre une partie du brancard sur lequel il était couché. Drago se sentit immédiatement mieux et plus alerte, comme lorsqu'il s'était lavé à l'eau froide la veille au soir. Se faisant, l'infirmier continuait ses explications médicales : « … Et le cerveau s'y est mis, d'où les saignements nasaux et auriculaires… Ne vous flagellez pas trop : Les épis-pousseurs sont rares, il est normal que ce sujet spécifique ait échappé à votre formation d'Auror. A l'avenir, vous saurez qu'il vaut mieux utiliser des potions plutôt que des sortilèges de soin, en cas de doute… »
Potter ne répondit pas.
« Monsieur Malfoy, reprit Nguyen. Les saignements datent bien d'hier soir ? Sauriez-vous estimer la quantité de sang perdue ?
–Oui, marmonna Drago. Pas beaucoup. Quelques gouttes.
– Au moins cette quantité », répondit Potter à sa place.
Il lui posa alors quelque chose sur le ventre. Drago baissa les yeux, et reconnut, désespéré, la lettre qu'il avait écrite à son père, avec la large trace brunie de sang séchée en bas.
Lucius Malfoy ne serait pas prévenu.
Tout ça pour rien.
« Va te faire foutre, Potter… »
Pauvre Lucius qui n'est au courant de rien :( C'est triste, hein ?
