yuishifuji : Je trouve ça trop mignon que tu arrives à voir le petit garçon blessé dans Drago... Malheureusement, même s'il parvient à ouvrir les yeux et à réaliser ce qui lui est arrivé, je suis pas sure qu'on puisse réellement guérir de ce genre de blessure d'abandon...
J'adore quand je peux montrer le Harry puissant, retors et héroïque, à la place du joyeux idiot que voit Drago la plupart du temps X)

Guest mystérieux : °o° ! Tu approches ! Bientôt, tu vas voir mes réponses et °o° !

Vous vous rappelez encore de Vif-Eclair, le hibou imaginaire ? promis, c'est la dernière fois que je vous en parle.


Il attendait…

La main de Potter se posa en douceur dans le creux de ses reins pour l'inviter à sortir de la cellule. Drago vit son père rugir : Il vit son beau visage déformé par la haine s'enlaidir encore plus. Il vit sa bouche admirable se tordre sous les protestations et les menaces, mais il ne comprit pas les mots qui en sortaient.

Il sentit la main de Potter lui effleurer la joue, puis il vit son visage s'approcher et il n'eut pas le réflexe de reculer ou de se détourner quand un baiser léger lui caressa les lèvres.

Il attendait.

Il connaissait le contact. Il avait touché, il avait été touché de nombreuses fois. Le contact avait peu d'intérêt. Le seul contact qu'il avait souhaité n'avait jamais eu lieu… Mais il attendrait.

Potter parla au Surveillant Johnson. Drago était incapable de suivre leur conversation. Il entendit des mots, de ci de là : S'occuper de tout. Parler à Dolohov. Proposer le poste à Everglade. Confiance.

Drago ne comprenait pas.

Ni ce qui se passait autour de lui, ni ce qu'il s'était passé dans cette cellule.

Il attendait.

Il n'avait pas froid. Il savait ce qu'était le froid : il l'avait vécu, brièvement, quatre ou cinq fois. Le souvenir était confus.

L'albatros avait disparu. Il regardait la fenêtre pendant que Potter discutait avec Nguyen des dommages que la perte de contrôle du Directeur avait fait subir à la collection de potions et d'onguents de l'infirmier. Les potions tue-loup ? Il n'aurait pas le temps d'en refaire assez avant la prochaine lune. Il faudrait en acheter un stock à Londres. Drago nota dans un coin de sa tête de rédiger la commande.

Il attendait.

Il reconnut sa cellule. La sienne, sa chambre, sa maison, son chez-lui. Le lit blanc dissimulé derrière les rideaux bleu nuit. La table basse gravée avec le réveil mécanique. Les pots de confiture : l'odeur du dentifrice, la couleur du charbon, la chaleur du whiskey, le son délicat des coquillages qui s'entrechoquaient, et les trois petits pots restants qui contenaient réellement de la confiture, pour le goût. Il n'avait pas réalisé. Derrière le double fond de l'étagère du bas, il y avait le couteau.

« Qu'est-ce qu'on fait ici ?

– Tu as besoin de quelque chose ? »

Il prit le livre moldu dans la niche.

Il reconnut les appartements. Évidemment. Ici aussi, il avait tout arrangé à son gout. Ici aussi, il était presque chez lui : Il y avait passé tant de temps… Il se rendit directement au balcon et s'assit par terre.

La douleur dans ses fesses. Il fallait prendre de la potion d'anesthésie. Et pour ne pas que cette dernière l'endorme, l'élixir de Baruffio. L'élixir lui remettrait les idées en place. Il ignorait si c'était une bonne idée.

Il attendait.

Une cape sur ses épaules.

Potter s'assit à ses côtés, passa son bras autour de sa taille, et Drago sentit sa tête dodeliner puis se poser sur l'épaule solide. Il ferma les yeux et soupira.

« Tu ne dois pas dormir.

– Baruffio. »

Potter sortit la fiole de verre doré de sa poche, l'ouvrit pour lui, et la lui tendit. Drago en avala quelques gouttes, et il sentit à nouveau la douleur pulser : Son intimité, son crâne, sa mâchoire, et par tous les Sangs, sa main ! Sa main droite ! Il leva devant ses yeux l'épais bandage qu'avait réalisé Nguyen avant qu'ils ne quittent l'infirmerie : La chair n'était pas visible, mais on devinait l'asymétrie, l'anormalité, les doigts plus courts que ce qu'ils auraient dû être. La gelée verte suintait par endroits. Parfois, une bulle paresseuse se formait lentement avant d'éclater avec un bruit répugnant.

La potion d'anesthésie suivit : Fiole vert foncé et doré. La douleur reflua. La chose au bout de son bras n'en était pas moins repoussante.

« Comment savais-tu qu'il ne voudrait pas de moi ?

– Je ne le savais pas. Je l'espérais. Crois-moi, il ne te mérite pas.

– Je… Je savais qu'il ne m'aimait pas, mais je pensais… » Il attendait. « Je pensais tout de même… Que j'avais encore… Une valeur quelconque à ses yeux… »

Il ferma à nouveau les yeux. Potter ne répondit pas, mais ses doigts lui caressèrent doucement les flancs. L'odeur de la mer, le bruit de ses vagues, les embruns salés sur les lèvres, le froid tonifiant…

Et puis il avait les albatros, évidemment. Partout où allait Potter, ils le suivaient. Le jour où l'homme quitterait l'île, ils abandonneraient leurs nids et ne resteraient ici que les morts et ceux qui souhaiteraient l'être.

Drago ignorait dans laquelle de ces catégories il se trouvait.

Contrairement à leur habitude, les oiseaux ne se pavanaient pas devant le Sorcier en dansant et en caquetant. Ils leur tournaient le dos, perchés sur la rambarde, comme une armée de gardes du corps à plumes.

« On dirait qu'ils t'en veulent », marmonna Drago.

Potter ricana. « C'est à toi qu'ils font la gueule. T'as voulu partir sans leur dire au revoir.

– Tu as raison, je perds mes manières. Désolé les gars. Je suis incorrigible. »

Deux ou trois des volatiles leur accordèrent un bref regard de biais avant de reprendre leur garde.

« Tu sais qu'ils étaient déjà là quand les Détraqueurs travaillaient ici ? commença Potter. On pourrait croire qu'ils sont arrivés ensuite, mais le fait que l'île soit incartable a permis que… »

Drago ferma les yeux, sourit légèrement et se laissa bercer par la voix réconfortante de Potter. Sa voix, sa chaleur, sa main sur sa taille, son souffle sur son front. C'était égoïste et hypocrite de profiter de lui ainsi, mais que faire d'autre ? Lutter ? Contre Harry Potter ? Autant lutter contre la mer, autant lutter contre le ciel, autant lutter contre la marche implacable du temps…

Drago était fatigué de lutter.

Il avait lutté pour le Seigneur des Ténèbres, et il avait échoué.

Il avait lutté pour le prestige de son nom, pour son honneur, pour sa survie. Il avait échoué.

Une phrase de Potter le tira de ses réflexions :

« … On voit ça aux plumes colorées au niveau des joues. Hermès est le plus vieux de la colonie, mais je ne pense pas qu'il soit considéré comme un chef ou…

Hermès ? Tu leur as donné des noms ?

– Pour une dizaine d'entre eux, oui. C'est quand-même plus simple pour les appeler. Il y a Hermès, Péitho, Pistache, Momo-Sorbet, Lady Rowena…

– Tu as appelé un albatros Rowena ?

Lady Rowena. »

Quand il prononça ces mots, l'un des albatros perchés sur la rambarde effectua un demi-tour bancal, sauta sur le balcon en s'échouant lamentablement, puis se rapprocha de Potter en se dandinant avec ridicule.

« Tu vois ? Lady Rowena. Avec elle, il ne faut pas hésiter à en faire des caisses sur le titre. »

Il enfonça ses mains dans ses poches, et en sortit une petite poignée de friandises qu'il s'amusa à jeter, une par une, à la Lady qui les attrapait au vol. Le simple fait de deviner qu'il s'agisse d'une femelle relevait de l'exploit.

« J'espère, grinça Drago en cachant mal son amusement, que tu as appelé l'un d'eux Sir Godric.

– S'il suffisait de proposer tous les noms qui me passent par la tête, cette affaire serait réglée, mais ils sont difficiles. Tiens, celui-là, par exemple, et bien c'est un gros relou qui refuse même de me donner un putain d'indice ou bien une simple piste à explorer. » Il avait prononcé la phrase en élevant la voix, et l'albatros qu'il avait désigné s'ébouriffa légèrement, mais ne leur accorda pas un regard. Lady Rowena, en revanche, claqua du bec pour attirer de nouveau l'attention de Potter.

Le motif moucheté sur le dos, la décoloration sous le bec… C'était peut-être l'albatros qu'il avait serré contre son cœur quand le Détraqueur avait débarqué. Peut-être pas. Quoi qu'il en soit, il avait refusé de manger dans sa main, et si Monsieur Potter ne parvenait pas à lui trouver un nom, les chances que le Misérable Malfoy y parvienne étaient proches du néant.

Drago proposa pourtant :

« Sir Godric ? »

Pas de réaction.

« Méfie-toi, prévint Potter, ils attaquent quand tu proposes plusieurs fois le même nom, ça les vexe que tu ne les écoutes pas.

– Monsieur Gryffondor ? Chevalier Godric ? Godric tout court ? »

En effet, l'oiseau tourna légèrement la tête et émit un caquètement qui avait tout de l'avertissement.

Drago ne put s'empêcher de glousser.

« Nick ? Quasi-Sans-Tête ? Nicholas de Mismy-Porpington ? McGonagall ? Potter ? Weasley ? Scrimgeour ? »

Il avait assisté à la torture et à la mise à mort de Scrimgeour. Ça n'avait vraiment rien eu de drôle, et Drago regretta profondément d'avoir prononcé le nom du Sorcier.

« Qu'est-ce que je te disais ? Il va finir par s'appeler Pépère, et ce sera bien fait pour lui, fit Potter sur le ton de la menace.

– Est-ce réellement pire que Momo-Sorbet ? » Drago posa la question à voix basse. Si l'oiseau susnommé était présent avec eux sur le balcon, il ne voulait pas le vexer.

« J'étais fatigué, et Momo-Sorbet aime la glace », répondit Potter sur le même ton confidentiel.

Ils se regardèrent et se sourirent. Après tout, qui étaient-ils pour juger…

Drago reprit ses propositions à l'albatros qui l'ignorait ostensiblement.

« Un nom classique ? Harry ? Ben ? Jack ? Oliver ? Thomas ? Un nom d'étoile alors ? Pollux, Arturus, Belgeteuse ? Non ? Ozymandias ? Tu es sûr ? J'aime beaucoup Ozymandias… » Nouveau caquètement agressif. « Prometheus ? Une qualité peut-être ? Clément ? Juste ? Loyal ? Je me rapproche ? Superbe ? Magnifique ? Le Puissant ? Force-de-la-Nature ? Oui ? Non…Tsunami ? Volcan ? Tonnerre ? Foudre ? Éclair ? Vif-Eclair ? »

Drago se tût quand l'albatros, qui avait doucement tourné sa tête vers lui au fut et à mesure des suggestions, l'interrompit d'un cri bref.

Les deux Sorciers eurent un mouvement de recul.

L'oiseau pencha sa tête d'un côté, puis de l'autre, puis sauta à son tour sur le balcon, son ventre heurtant le sol avec un bruit sourd, avant de se relever tranquillement et de se diriger vers eux.

« T'es sérieux ? s'exclama alors Potter. Vif-Eclair ? Tu trouves ça mieux que Paracelse ?! »

Un nouveau caquètement agressif pour Potter, puis il grimpa tranquillement sur la cuisse de Drago qui éclata enfin d'un véritable rire clair. Vif-Eclair. Il avait voulu un petit hibou au plumage doux et parfumé, et se retrouvait avec un mastodonte inélégant qui sentait la marée. Il prit tout de même la défense de l'animal en riant :

« Vif-Eclair a plus de goût que toi ! Oui, Vif-Eclair ! C'est un nom superbe, et il te va parfaitement bien ! Tu peux être fier de le porter, c'est un nom de roi ! Attends ! Bien sûr, attends… » Drago fouilla les poches de la cape que Potter lui avait attribuée malgré l'oiseau qui claquait du bec contre son visage, lui révélant une haleine à réveiller les morts. Il referma les doigts sur une poignée de croquettes qu'il tendit le plus loin possible de lui pour éloigner l'animal.

Ce fut Lady Rowena qui lui gifla la main, répandant les friandises au sol. Elle n'eut le temps d'en becqueter que quelques-unes avant que Vif-Eclair ne la chasse en battant furieusement des ailes. Hermès en profita pour descendre de son perchoir et se servir. Quelques secondes plus tard, le sol avait disparu sous l'amas d'oiseaux qui se chamaillaient bruyamment.

Drago eut besoin de l'aide de Potter pour se relever : Ses jambes et son fessier étaient douloureux, et surtout, les albatros lui passaient dessus sans considération, battaient des ailes contre ses mollets ou dans son visage, le faisant trébucher et l'empêchant de trouver une zone sans danger pour poser sur le sol sa seule main valide.

Impossible, dans ce tas de plumes mouvant, de reconnaître Vif-Eclair parmi ses congénères.

Mais Drago savait qu'il était là, et c'était comme un petit Patronus terne au fond de son cœur.