Holybleu : Ça fait du bien, mais ça ne fait pas beaucoup avancer les choses ^^


Le week-end n'avait jamais été synonyme de repos pour Drago : Quand il était petit, ou jeune adolescent, il s'agissait simplement de deux jours dans la semaine où l'on attendait de lui qu'il travaille sans l'aide ou les directives de ses professeurs. A 13 ans, les sorties à Pré-au-Lard avaient fait changer les choses : Il s'agissait alors de véritables vacances, de plages de libertés délicieuses qui avaient le goût de l'interdit, puisqu'il pouvait, s'il était discret et bien organisé, dépenser une minuscule partie de son argent de poche dans des futilités, voir même fausser compagnie à Vincent et Gregory si l'envie lui prenait. Le plaisir, comme toujours, n'avait pas duré longtemps : D'abord, les Détraqueurs au village, puis les sorties annulées, et quand elles avaient repris, elles n'avaient plus eu pour unique but que de donner à Drago l'occasion de rencontrer des Mangemorts et de transmettre des messages. Des messages de moins en moins optimistes, et il avait subi ses premiers Doloris dans la Cabane Hurlante, en s'amusant après coup d'avoir participé à la légende qui entourait les lieux.

A Azkaban, évidemment, chaque jour ressemblait aux autres pour les détenus. Les Surveillants ne travaillaient pas selon un rythme hebdomadaire, et rien n'indiquait, si ce n'était la rubrique mots-croisés de la Gazette du Sorcier, qu'une semaine avait pu passer ou non.

Quand Potter était arrivé, les choses n'avaient pas vraiment changé…

Jusqu'à la semaine précédente, quand il lui avait annoncé qu'il quitterait désormais l'île chaque Lundi après-midi pour se rendre à Londres où l'attendait son rendez-vous hebdomadaire avec cette stupide moldue qui osait se considérer comme une Guérisseuse…

Le week-end était donc désormais une période de stress et d'angoisse pour Drago.

Il parvint à se contenir le samedi, mais il explosa à nouveau le dimanche matin, et ne put s'empêcher de balancer à Potter, dès que celui-ci avait commencé à ouvrir les yeux et à bander dans le lit, tous les arguments qu'il avait contre la chose : Le danger que courait Potter en ayant un programme aussi prévisible, le danger qu'il faisait courir sur la prison alors qu'il y avait encore un Détraqueur à l'affut, le danger qui courait sur les Surveillants et les détenus, le danger qui courait sur son père, surtout si Drago ne pouvait même pas être à ses côtés. Il cracha à Potter qu'il était un sadique et un connard, et un Directeur de merde, et le regard calme et compréhensif de l'insulté, qui lui caressait les mains en hochant sagement la tête, n'avait rien fait pour le calmer.

Drago en était encore mortifié lors du petit déjeuner.

Potter tenta de lui changer les idées en parlant de futilités, mais c'était peine perdue. Il parvint par contre à son but en évoquant le travail, les courriers, les commandes… Là, Drago se sentait si coupable de ne plus parvenir à avancer convenablement qu'il se força à se concentrer, et qu'il en oublia un peu le reste.

La situation se reproduisit aux alentours de midi : Après une énième lettre ratée – La plume à Papote s'était à nouveau perdue dans des élucubrations sur Lucius Malfoy, Augustus Rockwood, Walden Macnair, Dolohov, les Lestranges, Goyle et tous les autres, comptant et re-recomptant les forces en présence – il avait voulu prendre une douche pour se réveiller. Il s'était dit que ce serait une bonne idée d'en profiter pour se changer. Il s'était convaincu que d'aller récupérer quelques-unes des robes de rechange dans sa cellule lui permettrait en outre de profiter de sa collection de bocaux, et que cette activité lui serait bénéfique, ou tout du moins, agréable.

Il s'était figé au milieu du couloir en entendant du bruit dans les cuisines.

Aussitôt, il avait perdu le contrôle de ses nerfs, de son corps, et s'était retrouvé paralysé, la respiration hachée et le corps tremblant. Les souvenirs de ce qu'il s'était passé dans les cuisines – aussi bien ses souvenirs à lui que ceux dans lesquels il s'était plongé – le clouaient sur place, l'empêchant même de tirer sur ses doigts pour s'aider à reprendre pied…

Ça avait duré des heures entières.

Et puis Potter était arrivé.

Le bruit violent de la porte qui avait claqué brutalement ne l'avait pas sorti de sa torpeur, pas plus que sa voix qui avait clamé la première syllabe de son nom et s'était interrompue, ni les bruits de pas dans son dos.

Il fallut que Potter le prenne dans ses bras et le berce pour que Drago éclate en sanglots incontrôlables. Ses jambes lâchèrent, et il se serait effondré si Potter ne l'avait pas maintenu debout en le serrant contre lui.

« Je suis désolé, pleurnicha Drago quand il fut à nouveau capable de parler. Je ne le fais pas exprès, je te jure que je ne le fais pas exprès.

– Je sais, je sais, le rassura Potter en lui caressant doucement les cheveux et en lui embrassant le front. Ça va aller, ne t'inquiète pas… Je suis là… »

Et bientôt, il ne le serait plus, et les pleurs de Drago redoublèrent.

« Je suis désolé, Potter, je voulais juste… Les robes propres, et puis… Et j'ai cru…

– Tu n'as pas à te justifier, okay ? Essaye juste de te calmer…

– J'ai eu peur, et je… » Drago s'interrompit.

Admettre ce fait à haute voix était probablement ce qu'il avait fait de plus pitoyable jusque-là. Le réaliser fut un électrochoc plus puissant que s'il s'était arraché l'auriculaire. Il se figea, renifla sans élégance, puis s'écarta de Potter.

« Désolé, répéta-t-il en marmonnant. J'ai encore perdu mes moyens. Ça ne se reproduira pas. »

Il se recoiffa, lissa sa robe pour se donner une contenance… Il imagina la tête qu'il devait avoir avec les déformations, les cicatrices, les dents, et maintenant la morve et les larmes, et s'essuya le visage d'une main.

Potter n'avait pas bougé et l'observait avec une pitié insupportable dans le regard.

« Je… Je vais me passer un coup d'eau sur le visage, et… Et ça va aller. Je suis désolé, répéta-t-il encore une fois en se dirigeant d'un pas ferme vers sa cellule. Tu me cherchais ? Tu as quelque chose à me dire ? »

Il repoussa doucement le paravent pour ouvrir l'espace de son coin de toilettes, et commença à faire couler l'eau du robinet. Potter ne répondit pas, et Drago lui jeta un coup d'œil nerveux avant de se nettoyer les yeux et le visage. Il n'avait toujours pas dit un mot quand Drago s'empara de sa serviette de toilettes pour s'essuyer en respirant sa douce odeur de coton encore neuf, n'ayant finalement que peu servi jusque-là.

« Je suis désolé de t'avoir inquiété, Potter… » précisa Drago, en cherchant à donner un peu plus de corps à ses excuses. « J'aurais dû laisser un mot là-haut au cas où tu passerais, et…

– Tu dois me dire qui t'a fait ça, Malfoy. »

Potter se tenait dans l'encadrement de la porte et l'observait, l'épaule contre le métal, et la tête penchée, le regard soucieux.

Drago le regarda longtemps, hésitant. D'un côté, il était coupable et devait se faire pardonner. D'un autre côté…

« Non », décida-t-il finalement.

Il replia élégamment la serviette et lui rendit sa place sur le paravent.

« Malfoy, je ne suis pas stupide. Je sais bien qu'il y avait Ackerley, et Rosier, mais il faut que je sache qui…

– C'est non, Potter ! »

Il lui lança un regard agressif, puis se rendit devant son armoire de carton où il sélectionna deux robes propres, ainsi que le t-shirt blanc et le jogging bleu nuit qu'il avait oublié de remonter. Il hésita devant les sous-vêtements et le deuxième pantalon moldu, mais décida finalement de les laisser sur place. Il pouvait toujours en avoir besoin.

« Je sais qu'il y avait un gardien, puisque je t'ai retrouvé ici ! s'exclama Potter. Dis-moi qui ! Lloyd ? Foley ? Everglade ? »

Ici ? Drago leva doucement les yeux pour examiner l'espace. Les étagères n'avaient pas bougé, ce qui était l'essentiel… Puis il vit les draps froissés. Il se redressa en tremblant, écarta les rideaux du baldaquin, et remarqua, pour la première fois, l'état de son lit… Il avait eu tant de mal à récupérer la petite trace de sang qu'avait laissé son visage ravagé par Waren sur le coton blanc… Il ne parviendrait jamais à sauver le tissu de ce nouvel outrage : Le sang, le sperme, la suie, le pus…

Ne pas montrer sa peine. Il s'était déjà trop donné en spectacle pour la journée. Tandis que Potter continuait d'argumenter dans son dos, il souleva la couette d'une main tremblante. Le matelas était sauf.

Le matelas était sauf.

Bien.

« Malfoy… »

Drago sursauta. Il s'était approché silencieusement et lui avait touché l'épaule.

Drago lui adressa un bref sourire pour le rassurer, puis décida de séparer la couette de sa housse.

« Tout va bien, Potter, parvint-il à articuler en bataillant à nouveau contre sa main handicapée. Laisse les cuisiniers tranquilles. Tu te doutes bien que ce n'est pas eux qui m'ont ramené ici.

– Et c'est un hasard si toi et Ackerley vous êtes tous les deux brûlé la main ? » râla Potter en essayant de l'aider.

Drago haussa les épaules. Ackerley avait été stupide, mais ce n'était pas une raison pour l'être à son tour. Il ne dénoncerait personne.

« J'ai été patient, Malfoy. Je n'ai pas immédiatement puni tout le monde parce que j'ai préféré m'occuper de toi, mais je ne vais pas rester éternellement les bras croisés. »

Drago garda le silence.

« J'essaye de régler les choses dans le calme, Malfoy ! J'essaye d'aller à ton rythme, j'essaye de ne pas utiliser la violence pour me défouler, mais si tu continues à te taire, je vais juste faire comme ça s'est toujours passé ici, et ça sera Doloris pour tout le monde ! Ceux qui sont resté sans rien faire auront le même traitement que ceux qui ont participé, et le seul – les seuls ! – qui s'en sortiront seront les gardiens qui pourront recommencer quand ça leur chante, c'est ça que tu veux ? »

Le sang avait traversé le tissu de la housse, et la couette présentait une large tâche brune…

Drago pouvait la laisser à l'endroit, et le cocon propre serait préservé. Ou bien, il pouvait la retourner, et la tâche serait invisible. Un choix difficile.

« Je vais te forcer à regarder, Malfoy ! Je vais les torturer chacun leur tour, et je vais juste juger à ton regard lesquels sont… »

Drago le fixa sans ciller.

Potter s'interrompit, soupira… Il regarda ailleurs puis Drago à nouveau et reprit :

« Je vais vraiment le faire. Je vais commencer par Ackerley et lui laisser une chance de dénoncer les autres. Je ne vais pas me contenter des Doloris, parce que je veux qu'il garde une cicatrice permanente, lui aussi ! Tu te souviens du Sectumsempra que j'avais utilisé sur toi ? J'ai pas eu l'opportunité de m'en servir à nouveau, c'est l'occasion idéale, je pense ! »

Drago frissonna à l'évocation du souvenir, mais il ne cilla pas. Il serra les mâchoires et garda le silence tandis que Potter décrivait cruellement les doigts qui tomberaient un par un, phalange après phalange…

« Et quand il sera si faible que même moi je n'arriverais plus à le réveiller, je passerais au suivant ! Ce sera Rosier, et je…

– Pas Rosier. »

Les mots et les larmes lui échappèrent en même temps.

Enfin, Drago admit sa défaite. Il baissa honteusement les yeux, et répéta :

« Pas Rosier. Il n'a rien fait.

– Comment veux-tu que je croie, Malfoy… » La voix de Potter s'était adoucie. « Tu dis ça pour tout le monde. Tu disais même ça pour Waren.

– Pas Rosier ! s'écria Drago en essuyant son visage. C'est mon ami. Laisse-le tranquille.

– Ton ami ? Tu les défends tous ! Tu n'arrives même plus à…

– Ça t'arrange bien quand c'est de toi qu'on parle ! cracha soudain Drago en le fusillant de ses yeux dégoulinants de larmes. Qu'est-ce qu'il y a, Potter ?! C'est si dur à croire qu'un Sang-Pur soit parvenu à garder sa bite dans son froc quand tu en as été incapable ?! »

Potter recula d'un pas, et…

Et Merlin ! Ses sourcils se tordirent à nouveau dans une expression de douleur qui…

Drago se précipita aussitôt vers lui en sentant ses larmes redoubler.

« Je suis désolé, Potter, je suis désolé, excuse-moi, je t'en supplie, tu n'as rien à voir avec eux, je suis désolé, je… »

Il lui attrapa la nuque et le serra contre lui, pour le rassurer à son tour.

« Je suis désolé, Potter, je… Je raconte n'importe quoi parce que tu… Parce que je suis à bout, mais… »

Il sentit les bras de Potter l'entourer, et à nouveau, il se sentit bercé dans une étreinte réconforte. Il était incapable de contenir ses pleurs… Il voulait soutenir Potter et échouait lamentablement. Il n'était d'aucune aide pour le Survivant. Il était un poids, un problème de plus à régler, un sujet d'inquiétude permanent, une faiblesse et un oppresseur…

« Je suis désolé », répéta-t-il dans une litanie pitoyable…