cattleyahana : Ahaha, autant j'aime mon M. Temrah, autant ma Mme. Johnson m'amuse et m'exaspère en même temps... Elle est pratique quand j'ai besoin que qqun donne son avis de façon bien tranchée. Temrah est un peu plus compliqué à mettre en scène : Je voulais qu'il soit toujours un peu là, un peu intimidant et mystérieux (spour ça que je lui ai donné une apparence bizarre), mais qu'on ne sache pas grand-chose de lui, sans pour autant qu'on sente qu'il cache quoi que ce soit...
Je suis contente de moi, au final :D

En passant : C'est beaucoup trop adorable de ta part é_è
C'est pas du tout prévu : l'écriture ne me vient pas naturellement, je suis plutot dans le dessin et la bd... Mais l'exercice me plait, alors je vais ptete continuer quand-même !

Guest : Pourtant, il ne s'y passe pas grand chose, en réalité :D Mais Monsieur Temrah a une jolie voix de conteur, ça fait passer le temps


L'attention se porta de nouveau vers Drago qui fut incapable de répondre immédiatement. Ginny Weasley, qui se tenait toujours à ses côtés, leva sa baguette pour indiquer qu'elle était prête à se battre, mais lui jeta un coup d'œil étonné et perdu par-dessus son épaule.

« Ah, il est reparti, je suppose, soupira Monsieur Temrah. Un brave garçon, tout de même. Je ne…

– Non, je… l'interrompit Drago en bafouillant. Je suis là, je… Cinq. Je crois. Cinq. »

Drago n'était pas sûr de sa réponse, mais « cinq » était le seul chiffre qu'il puisse évoquer. Il y avait eu cinq flashes lumineux quand il avait pénétré l'esprit du Détraqueur.

Monsieur Temrah hocha la tête :

« Cinq, hm ? Oui, cinq est une moyenne. Je n'ai jamais vu de Détraqueur qui n'en ait pas avalé au moins trois. Et rarement vont-ils au-dessus de six. C'est que la faim revient tellement vite, voyez-vous, alors à quoi bon ? Une vie humaine est si peu de choses en comparaison de l'immensité de leur existence. Une seule fois ai-je exploré l'esprit du Détraqueur qui s'était nourri de neuf âmes. La première était à peine humaine, d'ailleurs. Une créature à mi-chemin du singe et de l'homme, mais enfin, assez humaine tout de même pour pouvoir offrir à un Détraqueur de quoi combler quelques secondes le vide de son existence. Oui. »

Temrah reprit son récit qui dura plus d'une heure… Cette fois, plus personne n'osa l'interrompre : Il raconta comment, lors de sa première excursion dans l'esprit d'un Détraqueur, tout s'était passé si vite qu'il n'avait pas eu le temps de voir les flashes lumineux qui correspondaient aux âmes dont l'Être s'était nourri.

Il avait pourtant renouvelé l'expérience, encore et encore : Plonger en eux permettait de se décharger de ses obsessions et de ses sentiments négatifs, comme il l'aurait fait dans une pensine sans fond. Le contraire d'un homme, qui vous remplissait la tête de ce qui se trouvait en lui.

Drago repensa à la façon dont ses cauchemars impliquant Rockwood avaient cessé, juste après le combat.

Et puis il y avait eu le septième Détraqueur, et Monsieur Temrah était devenu aveugle.

« Longtemps, je crus que c'était ce chiffre, sept, qui m'avait porté malheur. Par ailleurs, ça ne changeait pas grand-chose à mon existence. Non, Voir les choses ou les entendre avait perdu tout intérêt pour moi depuis des années. Je passais alors mes journées à parcourir de nouveau les méandres de mes vies, afin de ne pas tout à fait mourir d'ennui.

« Et enfin, je fus capable de les distinguer… Profondément enfoui en moi, il y avait les souvenirs des Détraqueurs. Et profondément enfouis en eux, il y avait ceux de leurs victimes. Je ne voyais au début que des éclairs brefs, blancs et bruyants, mais avec encore un peu davantage de concentration, ceux-là aussi pouvaient s'explorer. Je pouvais faire défiler devant mes yeux des vies entières…

« La première de tous, l'une des plus courtes et délicates, était celle d'une petite fille ayant vécu à l'âge du fer. Je n'ai jamais su à quoi elle ressemblait, car elle n'a jamais de sa vie posé les yeux sur un miroir. Elle aimait sa mère, la bouillie de cheval et le bâton sculpté que lui avait offert son frère. Quand les Détraqueurs ont attaqué son camp, elle n'a pas eu le temps de prendre la fuite, la pauvre enfant.

« Le second était un guerrier et un chasseur. Un homme fort, vaillant, dévoué. Malheureusement, quand sa jambe a été pulvérisée par un Bœuf Musqué, il a perdu tout intérêt pour les siens. Ils l'ont tout de même soigné. Un moment. Et puis l'hiver est venu, et il n'y avait plus de quoi nourrir les bouches inutiles. Il a quitté le village de lui-même, et quand le Détraqueur l'a trouvé, il l'a accueilli sans un cri.

« Le troisième était un légionnaire Romain. Comme j'ai voyagé à travers ses yeux ! Comme il venait de loin ! »

Monsieur Temrah décrivit chacune des vies qu'il avait parcourues, et sa voix était celle d'un conteur.

« La trente-septième était une femme dont les yeux n'ont jamais pu fonctionner. Elle aimait cependant chanter, et s'accompagnait volontiers de Harpe celtique. Je pense avoir passé trop de temps en elle : Mon esprit a oublié la vision quand j'ai vécu sans ses yeux à elle. C'est sa voix que j'entends quand je baisse les paupières. Parfois, avec davantage de concentration, je peux descendre encore plus bas : Dans ses chansons, on peut trouver d'autres vies. Celles qui les ont écrites et entonnées avant elle.

« Oui, je peux plonger plus profondément encore… »

Monsieur Temrah ferma alors ses yeux blancs, se mit à fredonner doucement, et Drago reconnut l'homme sénile à l'apparence délirante qui avait débarqué sur l'île, le premier jour.

Potter quitta enfin sa position accroupie devant le vieux pour se redresser en fronçant les sourcils, comme s'il se trouvait devant une énigme.

De son côté, Kenaran avait depuis longtemps repris contenance. Quand l'histoire cessa, ses yeux sautèrent de Monsieur Temrah à Drago. Ils se plissèrent ensuite, tout à sa réflexion.

Drago profita de la pause pour se concentrer, pour tenter de se souvenir : Il y avait eu cinq flashes lumineux et sonores. Des éclats si brefs au milieu du vide qu'il semblait impossible qu'ils recèlent quoi que ce soit. On pouvait les étirer, si l'on forçait vraiment, et les faire durer quelques secondes. Et alors oui, on pouvait y distinguer un clignotement… Peut-être quelques formes et couleurs. Si l'on se concentrait encore un peu plus, si l'on plongeait un tout petit peu plus profond, on pouvait presque y voir une succession de saisons, et… Oui, peut-être quelque chose qui ressemblait à des jours. Peut-être des visages, en effet, peut-être…

« Quoi qu'il en soit, jamais aucun Détraqueur dont je n'ai pénétré l'esprit n'a changé de comportement par la suite, reprit Monsieur Temrah. La faim, l'attente, et le vide avant la legilimancie, et la faim, l'attente et le vide ensuite, toujours. Non, ce n'est pas la legilimancie qui a transformé celui-ci. C'est l'espoir. Il a senti ce qui pourrait faire cesser la faim, et il est venu en espérant trouver cette chose.

– De quelle chose parle-t-on ? questionna Kenaran d'une voix blanche.

– Et bien je l'ignore, et c'est pourquoi j'étais venu assister à ce petit séminaire. L'espoir encore : Je pensais y découvrir quelque réponse. Enfin, je suppose que je repartirai avec mes interrogations. J'ai bien interrogé le Détraqueur, mais lui non-plus n'avait aucune réponse pour moi.

– Vous voulez dire que vous avez de nouveau utilisé un sort de legilimancie sur le Détraqueur que nous avons emprisonné ?

– Bien sûr, bien sûr. Je suis un homme curieux. Ne l'avez-vous pas encore compris ? »

·

Drago ne savait pas trop quoi penser de cette histoire.

Une part de lui était rassurée de constater qu'il n'avait jamais été le seul à partir explorer l'esprit d'un Détraqueur.

Monsieur Temrah avait largement sous-entendu que lui-même n'avait pas été le premier, et qu'il connaissait quelques autres excentriques dans son genre, ayant perdu la tête, la vue, l'ouïe ou la santé en tombant sur un Détraqueur en particulier ayant aspirée une âme en particulier. Le Professore avait insisté, presque comme un enfant, pour obtenir des noms, mais Monsieur Temrah avait souri de toutes ses dents noires et refusé, prétendant avoir de toute façon des difficultés à se rappeler les gens, à différencier les vivants qu'il avait côtoyés et les morts qui vivaient en lui.

« Vous avez déjà deux cobayes entre vos mains. Ne vous suffisons-nous donc pas ?! »

Kenaran avait de nouveau fixé Drago avec une espèce de désespoir avide dans les yeux, et puis il s'était concentré uniquement sur le vieux.

Drago avait alors eu l'occasion de s'échapper. Pris de remords, il s'était tout de même forcé à aller poser une main sur le bras de son sauveur pour l'informer qu'il partait reprendre son travail et lui demander s'il avait besoin de quelque chose : Une seconde tasse de thé, ou quoi que ce soit d'autre.

« Deux thés en une après-midi ?! Non, non, mon petit Malfoy ! Quelle idée ! Pensez à mes reins ! Pensez à ma pauvre vieille vessie ! Pensez à… »

À des organes auxquels Drago n'avait aucune envie de penser, et il avait immédiatement pris la poudre d'escampette.

Il n'était ni le premier, ni le seul. Il n'était pas un complet phénomène de foire. Il appartenait toutefois à un cercle restreint, presque secret, et l'idée avait quelque chose de flatteur.

Contrairement à Monsieur Temrah, Drago ne renouvellerait probablement jamais l'expérience : Il avait trop peur de finir dans le même état.

Et pour une fois, sa couardise était réconfortante.

Le fait de ne pas être unique ne le rendait pas moins utile : Le soir venu, il était sorti sur la plage pour envoyer quelques courriers tardifs, et avait croisé Kenaran qui retournait à son carrosse avec sa délégation. Ce dernier avait immédiatement quitté son groupe pour venir le rejoindre :

« Saviez-vous que cet homme et vous partagiez cette expérience ? » demanda-t-il sans ambages.

Drago redressa la tête un instant, surpris par son empressement. Il prit tout de même le temps de finir de nouer son petit paquet de lettres à la patte de Pistache avant de lui répondre :

« Non. Monsieur Potter, en revanche, avait pressenti quelque chose. Il trouvait que nous nous ressemblions.

– Vous semblez pourtant proches. Vous n'aviez jamais échangé sur le sujet ?

– Non. Le jour de votre arrivée, il m'a questionné, mais je ne lui ai pas répondu. Il a attendu ma réponse jusqu'à aujourd'hui. »

Kenaran poussa alors un soupir à la fois profond, bref et sonore. Sa frustration était audible.

« Je suis plus que jamais décidé à vous emmenez à Rome avec moi, Monsieur Malfoy. Votre coopération est absolument indispensable. Cet homme s'amuse à nous faire perdre notre temps ! »

Drago faillit ricaner, mais se retint. Il se releva, portant Pistache à bout de bras, murmura l'adresse du Ministère à l'oiseau, lui souhaita un bon voyage, puis l'aida à décoller en effectuant un geste ample. L'albatros battit bruyamment des ailes, le bout de ses plumes venant tout de même claquer contre le sol de l'île, puis s'éloigna avec élégance.

« Je n'ai pas encore pris ma décision, mentit Drago.

– Pardon ? » Kenaran baissa les yeux vers lui, sidéré.

« Je n'ai pas apprécié la façon dont vous avez tenté de me mettre au pied du mur. Vous saviez que le comportement du Détraqueur était suspect bien avant mon sort de legilimancie. Monsieur Potter vous avait tout raconté dès le premier jour. Vous aviez pu observer le souvenir de la Major Mullan. »

Kenaran soupira de nouveau, puis affirma :

« J'admets avoir voulu vous priver de vos soutiens ici. J'étais toutefois sincère en supposant que vous étiez responsable. Ce dont je ne vous tenais pas rigueur, par ailleurs : La connaissance prime sur les conséquences ! Je supposais simplement que cette excursion dans son esprit n'avait pas été la première. Je n'avais jamais vu quiconque avant vous utiliser un sort de Legilimancie lors d'un combat ! »

Drago haussa les épaules.

« Monsieur Malfoy, je pourrais vous menacer : Encore une fois, vous n'avez pas vraiment le choix. Je préfèrerais toutefois que votre collaboration soit volontaire. Je vous en prie, donnez-moi vos conditions. Il y a peu de choses dont le Maléfistinat n'est pas capable. »

Drago hocha doucement la tête : « Je vous soumettrai mes conditions le jour de notre rencontre avec notre Ministre et votre Président. »

Drago lui souhaita une bonne soirée, puis rentra au château. À aucun moment, il n'avait songé que l'intervention de Monsieur Kenaran puisse empêcher son transfert en Italie. Il était rassurant que ce ne fut pas le cas. L'idée qu'il puisse exiger quoi que ce soit du Sorcier en échange de sa coopération était aberrante, presque vertigineuse, et il lui fallut s'arrêter quelques instants, la main sur le mur pour ne pas tomber, pour s'assurer qu'il n'avait pas mal compris.

Il avait peur de devenir trop avide.

Une fois en sécurité dans son lit, il se concentra à nouveau pour tenter d'y voir plus clair dans les souvenirs qu'il avait emmagasinés en lui. Jamais une vision n'avait été à la fois si précise et confuse : Il pouvait voir par les yeux des victimes, entendre par leurs oreilles, ressentir à travers leurs corps… Des années et des années de vie, qu'il pouvait faire défiler en quelques secondes, ou étirer à l'infini pour observer plus attentivement le visage d'un amant, compter les étoiles, ou apprécier sur sa langue le goût d'un aliment inconnu.

Il y avait l'homme qui était devenu Hermite, puis Druide. Il y avait la femme qui avait revêtu une armure et porté un sabre. Il y avait le gamin qui avait peur des loups. L'espèce de pirate moldu. La chanteuse.

Leurs âmes avaient été arrachées par le Détraqueur, et désormais, ils vivaient en Drago. Il pouvait apprendre d'eux : Leurs langues, leurs histoires, tout ce que d'autres leur avaient raconté, tout ce qui les avaient obsédés, tout ce qu'ils avaient fini par oublier… Et oui, parfois dans certains d'entre eux, on pouvait plonger encore plus profondément, parce qu'une vie complète avait été offerte sur le temps d'un sourire, ou…

Drago remonta à la surface avec le sourire. Lui était un froussard. Lui ne ferait pas l'erreur de Monsieur Temrah.