CHAPITRE 1 : Le grand défi des chevaliers d'Or

Un avion galope dans le ciel, direction Athènes. De chaque côté de l'appareil a été peint le slogan "LA PLUME EST PLUS FORTE QUE L'ÉPÉE, MAIS LA CRAVACHE EST PLUS FORTE QUE LA PLUME !". À son bord, occupant seule la spacieuse et luxueuse première classe, Saori sirote tranquillement son cocktail en parcourant le dernier catalogue d'équitation.

Aux commandes, le pilote fait tout son possible pour garder l'appareil droit. Exercice particulièrement difficile avec une soute à bagages aussi chargée. Il a prévenu Saori du danger, mais celle-ci lui a répondu que s'il y avait un problème, elle changerait de pilote.

Mais qu'y a-t-il donc dans la soute à bagages du jet privé de Saori Kido ? Bien peu de choses, en fait : un cheval métallique, des poneys en peluche, un piano, un juke-box, un distributeur de boissons, douze étranges boîtes recouvertes d'or et quelques passagers. Les chevaliers d'Or sont entassés les uns contre les autres. Aioros rompt le silence :

- Elle nous traite comme des marchandises !

- En plus il fait tout noir ici ! se plaint Aphrodite.

- S'il te plaît, Mû ! le prie Aldébaran. Téléporte-nous tous directement sur place !

- Impossible. La soute est tellement bourrée qu'une étincelle de cosmos l'ouvrirait. Saori le verrait sur son moniteur et j'ai pas envie de savoir comment elle nous punirait !

- Occupons-nous, alors, suggère le Taureau.

- On peut à peine bouger !

- Jouons à Cravache-Plume-Épée.

- À quoi ?!

- La cravache bat la plume. La plume bat l'épée. Et donc l'épée bat la cravache.

- Chuuuuuut ! ! ! panique le Bélier.

S'ensuit un long silence pesant. Mû reprend la parole, soulagé :

- Tu as de la chance que Saori ne t'ait pas entendu. Pour elle, la cravache est l'arme la plus puissante ! Je n'ose imaginer ce qu'elle t'aurait fait pour avoir insulté sa cravache !

- Mes frères ! lance soudain Saga. Saori ne nous montre aucun respect ! Tuons-la !

- Non ! se contredit Saga. Nous avons tous jurés fidélité à Athéna !

- Saori ne peut être Athéna ! rétorque Saga.

- Si ! Shaka lui-même nous l'a certifié ! affirme Saga.

Aior met fin au monologue du Gémeaux :

- En effet. Si même l'homme le plus proche des Dieux, qui a acquis la sagesse et la sérénité de Bouddha, nous assure que Saori est bel et bien Athéna, nous ne pouvons en douter. N'est-ce pas, Shaka ?

Aucune réponse.

- Shaka ? relance le Lion.

Toujours pas de réponse.

- Tu dors ?

Nouveau silence.

- J'y crois pas ! Il dort !

- NON JE DORS PAS ! ! ! gronde l'intéressé.

Toute la soute en tremble. Les collègues du chevalier de la Vierge sont vraiment surpris de le voir perdre son sang-froid.

- Me faire voyager, MOI, dans la soute à bagages !

- On est tous logés à la même enseigne, mec, lui rappelle Masque-de-Mort.

- Me faire voyager, MOI, dans l'obscurité la plus totale !

- Et c'est celui qui garde toujours les yeux fermés qui dit ça ! le raille Milo.

- Me faire voyager, MOI, dans une pièce aussi glaciale !

Camus fronce les sourcils.

- Glaciale ?! Qu'est-ce qu'il raconte !

- Me faire voyager, MOI, entassé au milieu de simples mortels, avec qui je dois partager mon air !

- Dis, tu nous chercherais pas un peu ? menace Shura.

- Traiter ma divine personne comme un vulgaire bagage ! QUEL SACRILÈGE !

Shaka bout de colère. Saga est tout à coup à moitié plein d'espoir.

- Alors, t'es d'accord pour qu'on tue Saori ?

Cette fois, le chevalier de la Vierge fond en larmes.

- Malheureusement non, on ne peut pas, nous sommes des chevaliers d'Athéna ! Notre cruel destin est de la servir jusqu'à la mort ! Bouddha, pourquoi m'as-tu infligé cette épreuve ?!

- Qu'est-ce que Bouddha a à voir là-dedans ?

- Bouddha m'a adressé la parole pour la première fois lorsque j'étais enfant. Il m'a dit : "Shaka ! Shaka ! Les fleurs de lotus m'ont montré ton destin ! Celui-ci est de devenir un chevalier d'Or !" C'est pour ça que je suis entré aux ordres d'Athéna, alors que je pourrais facilement rivaliser avec les Dieux les plus puissants de l'Olympe !

Toujours aussi modeste ! remarquent ses collègues. Puis Saga repart à la charge :

- Mais t'es vraiment sûr et certain que Saori est Athéna ?

- Hélas ! Je vous l'ai déjà expliqué. Un jour, j'ai lancé un bout de bois sur Saori, et comme il m'est revenu, c'est bien la preuve que c'est une Déesse !

Oui, vous l'avez deviné, Shaka avait bel et bien saisi un boomerang. Et les paroles de Bouddha proviennent bien évidemment d'un de ses rêves.

- Toute attaque portée contre un Dieu revient à son expéditeur, conclut-il.

- Mon maître Sion m'a raconté la même chose, approuve Mû. Vous saviez aussi cela, Vieux-Maître, n'est-ce pas ?

Silence.

- Vieux-Maître ?

Re-silence. Enfin, pas tout à fait. Un cri étouffé les interpelle.

- C'était quoi ? demande Mû.

- C'était personne ! répond illico le chevalier du Cancer.

Malgré l'obscurité, Masque-de-Mort sent toutes les têtes alentour pivoter vers lui.

- Qu'as-tu fait du vieux rabougri ! demande Milo, sévère.

- Moi ?! Rien, voyons !

- Mû t'a demandé "c'était quoi", et tu réponds "personne". Quelle étrange réponse !

- Qu'as-tu fait du vieux décrépit ! insiste Shura.

- Bon, ça va, calmez-vous... Je l'ai juste placé dans l'urne de mon armure pour... pour qu'on soit moins serrés !

- Ah, nous voilà rassurés.

- Merci, Masque-de-Mort.

- Mmmmm mmmmmmmmmm mmmmmmm ! ! ! gronde sourdement l'urne du Cancer.

- Oui, merci à vous aussi, Vieux-Maître, conclut Aioros.

Saori et ses chevaliers se dirigent vers le Sanctuaire pour s'expliquer avec le Grand Pope. Il y a peu, ce dernier a décidé de taxer les chevaliers d'Or. En effet, ceux-ci sont privilégiés par rapport au reste de la chevalerie : non seulement ils portent les armures les plus couvrantes, brillantes et onéreuses, mais en plus ils vivent dans la rue des Cités d'Or. Au contraire des chevaliers d'Argent qui occupent des logements plus modestes. Ne parlons même pas des chevaliers de Bronze qui disposent du confort minimal.

En outre, le Grand Pope a récemment promis de meilleures conditions de vie à celui qui tuerait Saori. Le caractère de celle-ci n'étant guère apprécié, peu ont hésité à s'attaquer à elle. Seuls les chevaliers d'Or sont restés à ses côtés, fidèles à Athéna... et surtout parce qu'ils sont contre les réformes du Grand Pope !


Lorsque le jet privé de Saori atterrit enfin, ses chevaliers doivent encore patienter. Parce qu'elle a tenu à être la première à débarquer. Elle descend les marches une à une, lentement, la tête haute, sceptre et cravache en mains.

- Mais qu'est-ce que je fais avec ça ? s'étonne-t-elle en jetant son sceptre.

Elle reprend sa marche triomphale, sous les acclamations du pilote qui tient à garder son emploi. Lorsque le pied de Mlle Kido foule enfin le sol du Sanctuaire, le pilote la félicite :

- C'est un petit pas pour l'Humanité, mais un grand pas pour notre Grande Déesse ! Vive Saori ! ! Et vive Athéna ! ! !

Puis il est temps de sortir les bagages, au grand soulagement de nos douze héros. Surtout Dohko, le Vieux-Maître, qu'on libère enfin.

- Cheval ! ordonne Saori.

Sitôt dit, Aioros se précipite à ses pieds et se met à quatre pattes. Athéna monte sur son dos et attend.

Devant la soute à bagages, c'est la dispute.

- C'est son tour ! clame Masque-de-Mort en désignant Dohko de l'index.

- On ne montre pas du doigt, petit, c'est impoli.

- N'empêche que c'est ton tour !

- Impossible, je suis trop petit, vous le savez bien !

- Toujours la même excuse ! Quelle tête de mule !

Saga vient régler le différend.

- Vous fâchez pas, Saga va s'en occuper.

- Pas question ! tranche Saga.

- J'ATTENDS ! crie Saori.

Finalement, les chevaliers se mettent d'accord : ce sera Shura mais en échange, ils devront lui acheter l'épée de son choix.

Le chevalier du Capricorne prend l'urne de son armure sur son dos, attrape l'ombrelle et rejoint Saori qui est toujours assise sur son fidèle destrier Aioros. Les autres récupèrent à leur tour leurs urnes dans la soute et rejoignent leur Déesse.

- Attendez-moi ! se plaint le Vieux-Maître qui tente de soulever l'urne de la Balance. Venez m'aider, les jeunes !

- Pourquoi est-ce qu'on s'embarrasse d'un vieux croûton incapable de porter son armure ? le rabaisse Milo. Il sait même pas tenir l'ombrelle !

- Impudent ! J'ai l'expérience de plus de deux siècles ! Mes compétences et mon savoir vous sont indispensables !

- Tu parles ! Tu passes ton temps à regarder la cascade des Cinq Pics !

- C'est vrai ! renchérit Aior. Tout le monde s'est battu contre les chevaliers d'Argent, sauf toi !

- HEM !

Saori perd patience. Aldébaran, charitable, prend l'urne de la Balance sur son dos, en plus de la sienne.

Puis le cortège se met enfin en route. Aioros en tête, Saori sur son dos. Shura à côté, tenant l'ombrelle au-dessus de Mlle Kido. Et les dix autres chevaliers suivant derrière.


En les voyant s'approcher, Trémi se sent de plus en plus anxieux. Voilà donc les douze chevaliers d'Or qui ont vaincu ses frères d'armes, les chevaliers d'Argent ! Les ordres du Grand Pope sont pourtant formels : il doit atteindre Saori au coeur à l'aide de sa flèche d'or, au péril de sa vie. Comment faire alors que douze individus pouvant se déplacer à la vitesse de la lumière la protègent ?

- Stop ! ordonne Saori à son cheval.

Les voilà arrivés à quelques mètres de Trémi, qui cache son identité et son corps dégoulinant de sueur sous sa cape.

- Je suppose que tu es le guide ? l'interpelle Saori.

- C'est exalte, miss Kado... pardon, miss Kido, bafouille le chevalier d'Argent, stressé. Je suis Trémi, chevalier de la F...

Il s'est arrêté à temps. Ou peut-être pas. Saori s'adresse à lui durement, en le pointant de son inséparable cravache :

- Trémi Chevalierdelaf, ou quel que soit ton nom, conduis-moi immédiatement auprès du Grand Pope !

- Avant, je souhaiterais immortaliser ce grand moment...

Le guide dévoile un gros appareil photo monté sur trépied.

- Quel grand moment ? demande la cavalière.

- Vous et votre garde rapprochée, tous réunis ! Je vais vous prendre en photo.

- On n'a pas le temps !

- Ça ne prendra que quelques secondes !

- Non.

- Allez !

- Non, j'ai dit !

- S'il vous plaît !

- NON et NON ! ! Et puis, mes larbins vont gâcher l'image !

- Dans ce cas, je ne prends que vous !

Ce qui arrange bien Trémi.

- Bon d'accord, consent Saori. Mais dépêche-toi !

- Très bien ! Rapprochez-vous de l'objectif.

- T'as entendu, Aioros ? Allez, au trot !

Le chevalier de Sagittaire s'avance et Trémi donne ses consignes.

- Plus près... Encore... Encore... Encore... Encore un peu... Encore un petit peu... Encore un tout petit peu... Voilà !

- Mais on ne me verra pas sur la photo si vous collez ma poitrine contre l'objectif !

- C'est à cause du recul de l'appareil au moment du déclic. Faites-moi confiance !

Le chevalier de la Flèche va se poster derrière son appareil, pose son doigt sur la gâchette et... Tchac !

- Aïe ! crie Saori en heurtant le sol.

Les témoins sont tous choqués par ce qu'il vient d'arriver.

- Il l'a touché en plein coeur !

Mlle Kido se relève et va fouetter Aioros avec sa cravache.

- VILAIN ! VILAIN ! VILAIN ! VILAIN !

- Mais arrête ! panique Aior. Il est déjà assez blessé comme ça !

- C'est tout ce qu'il mérite pour m'avoir fait tomber !

Les coups de cravache sur le malheureux redoublent. Les chevaliers sont obligés d'immobiliser Saori pour l'empêcher d'achever Aioros. Mû tente de la raisonner.

- Arrête ! Il vient de te sauver la vie !

Effectivement, durant la microseconde qui a fallu à la flèche d'or pour atteindre le coeur de Saori, Aioros a eu le temps de se relever, sauvant du même coup sa Déesse, mais se prenant la flèche à sa place.

Pendant que la moitié des chevaliers d'Or retient Saori, l'autre est au chevet du blessé. Trémi profite de la confusion pour filer.

- OÙ TU VAS, TOI ! rugit Aior. PAR LA CORNE DU LION !

L'attaque est si violente que Trémi s'écroule, l'armure et la cape en miettes.

- Idiot ! le réprimande Aldébaran. Non seulement on aurait pu l'interroger, mais en plus, les lions n'ont pas de corne !

- Qui traites-tu d'idiot ? Le poireau non plus n'a pas de corne !

- Le poireau ?

- Ta constellation, andouille !

- Ma constellation, c'est le TAUREAU !

Camus les rappelle à l'ordre :

- Hé, vous deux ! Il y a un blessé ici !

- DES BLESSÉS ! corrige Saori. Je me suis fait mal en tombant, vous savez !

Comme le cas d'Aioros est plus grave, c'est près de lui que les chevaliers se regroupent.

- Frangin, t'avais une bonne assurance-vie, j'espère ? pleure Aior.

- Si t'as trop mal je peux t'ôter les sens, compatit Shaka.

- Dis, je pourrai garder ta tête si tu meurs ? bave vous-savez-qui.

- Tu veux qu'on t'achève ? lui proposent gentiment Milo et son ongle.

Dohko les pousse tous avec sa canne.

- Arrêtez avec vos questions stupides et écartez-vous, je vais le soigner ! Aldébaran, ouvre l'urne de mon armure, s'il te plaît.

Sitôt fait, le Vieux-Maître sort une par une les douze armes de la Balance. Aioros pâlit à vue d'oeil.

- Tu comptes vraiment le soigner avec ça ?! s'étonne Aphrodite.

- Bien sûr que non ! Mais mes mémoires sont au fond.

En effet, l'urne de la Balance est presque remplie de vieux livres écrit à la main.

- Si ma mémoire est bonne, en 1825, j'ai assisté à un cas identique. J'ai pris note de tout ce que les médecins ont fait. Recherchez le livre de cette année-là !

Comme il n'a pas noté les dates sur les couvertures, il faut ouvrir les livres un par un. Tout le monde y met du sien, même Masque-de-Mort.

- Dis le vieux, je vois une amputation ici. C'est peut-être la solution ?

- Et qu'est-ce que tu veux amputer ?! Il est touché au coeur !

- Je sais mais la douleur vient du cerveau, donc de la tête. Si on amputait la tête, il n'aurait plus mal !

Dohko préfère l'ignorer et regarde ailleurs. Là il remarque que Shaka tâte de la main les pages une par une.

- J'arrive pas à lire !

- C'est pas comme ça qu'on lit ! réagit Milo. Ouvre les yeux !

Le Vieux-Maître panique.

- Surtout pas ! Il désintégrerait mes mémoires !

- Vous avez pas un livre écrit en braille ? demande Shaka.

- Là, j'ai trouvé ! intervient Aphrodite. "Blessure par flèche au coeur". Moi j'aurais utilisé une rose blanche : c'est plus efficace, plus propre et plus joli !

Le chevalier de la Balance récupère son livre et son visage s'illumine.

- Fantastique ! C'est le livre où je parle de mon centième anniversaire ! Regardez, il y a un dessin de moi réalisé par le chevalier du Peintre. J'avais déjà une barbe à cette époque mais ma peau n'était pas encore violette. Et il m'a peint devant la cascade des Cinq Pics. Quel décor merveilleux ! Ça me rappelle que...

- Hé ! M'oubliez pas ! se lamente le blessé.

- Pour une fois que j'évoque ma jeunesse... marmonne le bicentenaire.

Déçu, il retourne à la page qui décrit comment soigner une blessure au coeur par flèche.

- Pour commencer, il faut demander au blessé de rédiger son testament.

- Pourquoi ?! J'ai pas l'intention de mourir !

- On ne sait jamais. Tu regretteras de ne pas l'avoir fait si tu meurs avant !

Les collègues d'Aioros lui fournissent aimablement du papier et le regardent écrire par-dessus son épaule.

- Tu me lègues pas tous tes biens ? s'étonne son frère.

- Ça ne te regarde pas !

- Et pourquoi tu te lègues une partie ? T'auras plus besoin de rien si tu meurs !

- Et si jamais je ressuscite ? Je me retrouverai sans rien !

Aioros continue de griffonner. Ses amis le soutiennent.

- Tu te souviens quand tu as abîmé ma statue préférée avec ta flèche ? lui rappelle Shura. Ça méritait au moins la mort mais je ne t'ai fait que quelques coupures superficielles qui t'ont envoyé à l'hôpital pour deux mois seulement. J'ai été sympa et c'est le moment de me récompenser !

- Moi aussi j'ai été sympa ! clame Aldébaran. C'est moi qui ai porté le plus souvent l'urne de ton armure depuis que tu es le cheval de Saori !

- J'ai des pingouins à charge alors m'oublie pas ! tente Camus.

- Moi j'ai besoin d'une manucure tous les jours et c'est cher ! lance Milo.

- File-moi tout ton fric ou je t'achève ! négocie Masque-de-Mort.

- ASSEZ ! crie le blessé tout en déchirant son testament. J'en ai marre ! Étape suivante, Vieux-Maître !

- Comme tu veux... Il me faut un volontaire pour arracher la flèche.

Tout le monde reste interdit.

- À main nue ? demande Aior.

- Bien sûr !

- C'est comme ça qu'on est censés le soigner ?

- Si je l'ai écrit dans mon livre, oui !

- Et au fait, comment se termine l'opération ?

- Attends, je regarde plus bas... Par un décès !

Silence de mort. Saori les rejoint.

- Alors, vous avez réparé mon cheval ?

- Je suis pas un cheval ! se plaint le blessé.

- Tu peux encore tenir sur quatre pattes ?

- Saori, il a une flèche en plein coeur ! insiste Mû.

- Et alors ?

- Dans son état, le moindre effort pourrait le tuer !

- Ah, non ! Vous, vous pouvez mourir, mais pas mon cheval !

Quel choc ! Saori est encore plus froide que Camus ! Mlle Kido compose un numéro sur son téléphone ultra-moderne. On lui répond :

- Clinique vétérinaire Aniplumal. Que puis-je pour vous ?

- Mon cheval est gravement blessé, venez immédiatement !

- Où êtes-vous, madame ?

- Déesse !

- "Déesse" ? C'est le nom de la rue ?

- Non, c'est mon titre !

- On n'est pas ici pour plaisanter, madame.

- Moi non plus ! Mon cheval est mourant, alors ramenez-vous ici illico !

- Votre adresse ?

- Le Sanctuaire !

- Le Sanctuaire...

Son interlocuteur semble tout à coup hésitant.

- Quelle maison ?

- Maison ? répète Saori, interloquée.

- Oui. Vous êtes dans quelle maison ?

- Aucune !

- Vous êtes entre deux maisons ?

- Non plus !

- Est-ce que par un heureux hasard, vous n'avez pas encore rejoint une maison ?

- Oui c'est ça, confirme Mlle Kido.

- Ouf !

- Vous avez l'air soulagé.

- Oui. Aller vous secourir au milieu de ces maisons prendrait trop de temps !

- Mais qu'est-ce que vous racontez ?! Qui pourrait vivre dans des maisons aussi démodées ?

- Et si on revenait à votre cheval ?

- Ah oui ! En attendant votre arrivée, je voulais vous demander où est-ce que je peux le cravacher sans risquer de l'achever.

- Vous ne venez pas de me dire qu'il était gravement blessé ?

- Si pourquoi ?

- Alors pas de coups de cravache !

- Mais c'est qu'il m'a fait tomber, il faut le punir !

- Pas de coups de cravache !

- Juste un ou deux...

- Pas de coups de cravache, je vous dis !

Saori grogne.

- Si je peux pas utiliser ma cravache, je peux utiliser quelle arme ?

- Mais enfin ! Il faut surtout pas le frapper dans son état !

- Au fond, il est peut-être pas si mal en point que ça...

- Et s'il l'était ?

- Je sais ! Je vais vous le montrer !

Elle active le mode vidéoconférence de son téléphone et le pointe sur le chevalier du Sagittaire, pour que son correspondant puisse voir aussi.

- Dis bonjour, cheval !

- Bonjour... hennit péniblement Aioros.

- Alors, vous voyez ! ... Allô ? ... Allô ! ... Le mufle ! Il a raccroché !

De rage, Saori fracasse violemment son téléphone par terre.

- Vous en faites pas, mon grand-père m'en achètera un autre.

Dohko continue de consulter ses mémoires.

- Regarde, Mû ! Voici un portrait de ton maître le jour où il a reçu son armure !

- Faites voir !

On dirait que Aioros est condamné...

- La tête... réfléchit Masque-de-Mort tout haut. Il faut lui couper la tête avant que son corps ne meure ! Parce que si le corps meurt alors qu'il est toujours connecté à la tête, la tête mourra aussi !

Aioros est vraiment condamné...

- Ça y est, frangin !

Aior vient de le rejoindre avec une feuille de papier.

- J'ai terminé ton testament, t'as plus qu'à signer ! J'ai fait en sorte que tu te lègues tout à toi-même ! J'avoue, c'est Saga qui m'a soufflé l'idée.

Aioros regarde attentivement le testament.

- Pourquoi le "os" d'"Aioros" est écrit au crayon ?

- Euh... Le stylo était en panne !

- Et pourquoi t'as une gomme dans la main ?

Le chevalier du Lion l'avale à la vitesse de la lumière.

- Je t'ai vu ! le sermonne son frère.

- Allez, tu vois bien qu'on peut plus rien pour toi. Alors fais un dernier geste d'amour pour ton petit frère chéri !

Adieu, Aioros...

Aldébaran désigne soudain la première maison du zodiaque.

- Dites... On trouvera peut-être un docteur là-haut ?


D'abord Saori est retournée à l'avion pour récupérer son cheval mécanique, énième cadeau de son grand-père, qui trotte et qui galope presque aussi bien qu'un vrai. Mais contrairement à Aioros, ce cheval est insensible à la cravache, ce qui en fait un gros défaut aux yeux de la cavalière.

Puis ils se dirigent tous les douze, Saori et ses onze chevaliers en bonne santé, vers une étrange maison.

Soudain, alors qu'ils montent les premières marches, une averse de cailloux s'abat sur eux !

- On est attaqués ! crie Aphrodite. Vite, nos armures !

Le chevalier des Poissons a la peau si sensible qu'il ne supporte pas le moindre petit bobo. Ce qui explique son instant de panique. Sur le coup, la panique a été contagieuse car tous les chevaliers d'Or présents ont revêtu leurs armures.

Ils se tiennent maintenant immobiles sur les marches, regardant vers la petite silhouette à l'entrée de la maison. Celle-ci s'adresse à eux, solennel :

- Halte ! Si vous faites un pas de plus, je ne pourrai pas vous garantir la vie sauve !

Ainsi vient de parler Kiki, gardien de la première maison du zodiaque. Il fixe sévèrement le chevalier du Bélier.

- Maître Mû, tu fais donc toi aussi partie des renégats ?!

- C'est toi, le renégat !

- En garde, traître !

Kiki, portant une armure de Bronze, provoque délibérément Mû, son maître, un chevalier d'Or ! La confiance du Bélier s'en trouve ébranlée.

Tout à coup, l'enfant s'agenouille.

- Grand Pope Sion !

À l'annonce du nom de son maître, Mû se retourne. Mais c'est ce que Kiki attendait ! Il profite de la distraction de son maître pour se téléporter près de lui, lui porter une attaque, puis revient sur le seuil de sa maison en se re-téléportant. Mû hausse les épaules.

- Cette feinte est indigne d'un chevalier ! En plus, ton attaque ne m'a fait aucun effet !

Soudain, tous les autres chevaliers d'Or éclatent de rire. Sauf Shaka qui a les yeux fermés.

- Qu'y a-t-il de drôle ! s'emporte Mû.

Il se regarde dans un miroir et comprend mieux. Les deux points rouges qui ornaient son front ont disparu ! Mû fusille son disciple du regard.

- Sale petit monstre ! Tu m'as défiguré !

- Pas de panique ! panique Kiki. J'ai simplement utilisé de la peinture de la même couleur que ta peau, tes deux points sont toujours là !

Voilà qui calme un peu son maître. Kiki en profite pour fanfaronner de nouveau.

- Je t'ai bien eu, hein ? Je suis pas le chevalier du Petit Renard pour rien ! Je suis rusé comme un renard !

Alors qu'un Mû en colère s'avance pour punir son disciple, ce dernier change de tactique :

- Ça va, j'abandonne !

- C'est encore une ruse ?

- Non, j'abandonne vraiment !

- Que ce soit vrai ou pas, je m'en fous ! Tu vas payer !

- Et puis de toute façon, je suis de votre côté !

- M'en fous aussi !

- Et je peux vous aider à soigner votre copain. Aioros, c'est ça ?

- M'en fous aussi !

- Ça suffit, Mû ! gronde Saori.

- Mais...

- SILENCE ! Il a dit qu'il pouvait réparer mon cheval, donc tu le touches pas !

Mû ne peut qu'obéir à Athéna. Tout en contenant sa rage, il se nettoie le front. Kiki s'adresse au groupe :

- Comme Trémi vous l'a dit, vous devez traverser les douze maisons du zodiaque et ramener le Grand Pope ici.

Mlle Kido et ses serviteurs s'interrogent du regard.

- Il ne nous a pas dit ça !

- En fait, il ne nous a presque rien dit. Aior l'a tué avant.

- Bon dans ce cas, c'est moi qui vais vous expliquer, les rassure Kiki.

- Et comment tu sais ce que Trémi voulait nous dire ?

- Eh bien, c'est évident : quiconque reçoit une flèche d'or en plein coeur ne peut compter que sur l'aide du Grand Pope !

Dohko tâte sa barbe d'un air pensif.

- Je n'ai jamais entendu pareille histoire de toute ma vie... Pourtant, je ne suis pas né de la dernière pluie !

- T'es en train de nous dire que t'as la science infuse ?! attaque Masque-de-Mort.

- Non, mais j'ai jamais entendu parler d'une légende où le Grand Pope ôte une flèche d'or du coeur de quelqu'un. Et j'ai une excellente mémoire !

- Ah oui ?! Quelle est ma date de naissance ?

Plus Dohko réfléchit, plus il sue.

- Euh...

- Alors, Monsieur Excellente Mémoire ? Vous séchez déjà ?

- Vingtième siècle !

- Essaie d'être plus précis !

- Tu es né en juin ou en juillet !

- Évidemment, puisque je suis Cancer !

- Rien à voir. Je me souviens que, neuf mois plus tôt, j'ai rencontré une femme.

Masque-de-Mort est soudain tétanisé.

- Mes légendes l'intéressaient beaucoup.

Masque-de-Mort se rassure un peu : sa mère ne devait certainement pas aimer les légendes !

- Enfin, surtout mes débuts de légendes, précise Dohko. Elle était envoûtée dès que je disais "il était une fois".

Le visage de Masque-de-Mort s'illumine. "Il étête une fois" ! Puis il est de nouveau pris de panique. Lui aussi aime le début des légendes !

- Alors vous avez rencontré la mère de notre psychopathe ? demande Milo.

- Oui, c'était bien elle.

Masque-de-Mort pâlit et n'arrive plus à respirer.

- Alors vous êtes le papa de Masque-de-Mort ! conclut Shura.

- Non, on n'a fait que discuter.

Et instantanément, Masque-de-Mort reprend vie.

- Vous m'avez fait une de ces peurs ! Me refaites plus jamais ça !

Pendant que Masque-de-Mort soupire de soulagement, Kiki reprend ses explications :

- Seul le Grand Pope peut ôter la flèche du coeur de votre ami. Bien sûr, pour pouvoir le rencontrer, vous devrez réaliser l'exploit de battre ses douze gardiens, les douze chevaliers de Bronze, aussi appelés les Chevaliers du Zodiaque, et cela en moins de douze heures !

Ces révélations n'impressionnent nullement les chevaliers d'Or. Alors Kiki renchérit :

- Et depuis la création du Sanctuaire, jamais personne n'est parvenu à franchir ses douze maisons !

Le silence de Dohko ne fait que confirmer les dires de Kiki. Il continue :

- Et laissez-moi vous avertir : dans les douze maisons, vous pouvez être aussi rapides que vous voulez, mais en dehors, c'est impossible. Dans les escaliers, vous ne pourrez pas courir plus vite que des humains sans cosmo-énergie !

- C'est pas vrai ! râle Masque-de-Mort.

- Si. Et les escaliers qui séparent les maisons sont les plus longs au monde !

- C'est pas vrai !

- Si.

- Je suis tellement pressé de voir quelles têtes ont les douze gardiens du Sanctuaire... et de les ramener chez moi !

- Il y a des escalators, au moins ? s'enquiert Aphrodite.

- Non.

- Mais transpirer, c'est pas bon pour ma peau !

Camus est songeur.

- Si je comprend bien, traverser les douze maisons va prendre du temps.

Kiki opine.

- Qui sait si on reviendra à temps pour Aioros ? Je devrais peut-être l'enfermer dans un cercueil de glace le temps qu'on revienne avec le Grand Pope.

- Inutile ! tranche Saori. Vous reviendrez sûrement à temps.

- Mais Aioros va souffrir pendant ce temps-là !

- Ce sera sa punition pour m'avoir fait tomber !

- Bon, on se met en route ? s'impatiente Masque-de-Mort, pressé d'agrandir sa collection.

Mais Kiki les arrête de nouveau.

- Attendez ! J'ai pas fini mon rôle, moi !

- Quoi, encore ?!

- Vos armures.

- Quoi ? Elles sont en excellent état ! rétorque Mû. J'ai même pas eu besoin de les réparer une seule fois !

Parce que les 36 autres chevaliers d'Or se sont entretués au cours du tournoi galactique, à coups d'Athéna Exclamation. Les rares survivants ont été achevés à la cravache, punis pour avoir détruit le Colisée. Au bout du compte, le tournoi s'est terminé sans vainqueur, personne n'a pu remporter le sublime et tant convoité premier prix mis en jeu : la cape d'or. [Note du narrateur : Dans ce scénario inversé, il y a 48 armures d'Or et 12 de Bronze]

- Nos armures sont aussi solides qu'au premier jour ! assurent Saga et Saga. Elles n'ont même pas été égratignés lorsque nous avons battu les chevaliers d'Argent.

- Je ne parle pas de leur solidité ! Vous autres chevaliers d'Or, vous êtes tellement concentrés sur le septième sens que vous en oubliez tous les autres. Regardez donc vos armures, voyez comme elles sont sales !

Les intéressés se regardent tous, excepté Shaka qui a toujours les yeux fermés, et constatent les dires du jeune chevalier de Bronze.

- Comme elles sont poussiéreuses ! s'indigne Shura.

- Elles sont pleines de crasses ! grimace Aphrodite.

- Et souillées de sang ! se réjouit Mû le réparateur d'armures.

- Oui, vos armures sont laides ! résume Kiki. Mais pas seulement du point de vue de la vue ! Sentez-les donc !

- Elles puent ! tousse Milo.

- Et écoutez-les donc se lamenter !

Chacun écoute, mais personne n'entend rien.

- Comme je vous l'ai dit, vous avez trop utilisé votre septième sens et maintenant, voyez ce qui reste de votre ouïe ! Vos armures se lamentent car elles ont honte que vous les ayez négligées à ce point. Elles vous méprisent tellement qu'elles peuvent vous quitter d'un moment à l'autre !

Une expression choquée s'affiche sur le visage de chaque chevalier d'Or.

- Mais ne vous inquiétez pas ! Laissez-les moi, je vais les nettoyer !

Aldébaran en a les larmes aux yeux.

- Tu ferais ça pour nous ?!

- Bien sûr ! Comptez sur moi !

- Merci ! T'es trop gentil !

Le chevalier du Taureau étreint chaleureusement Kiki.

- Aaaaargh ! agonise ce dernier.

Tous les autres, en dehors de Mû, courent délivrer Kiki avant qu'il ne soit broyé.


Pendant que Kiki lustre les armures d'Or, celle du Sagittaire incluse, leurs propriétaires retournent auprès d'Aioros. Dohko semble soucieux.

- Que va-t-il devenir pendant qu'on sera occupés dans les douze maisons ? Nous ne pouvons pas le laisser sans protection !

- Pas de souci, le rassure Saori. Je viens d'appeler Tatsumi avec mon second téléphone de luxe pour qu'il me ramasse mon sceptre. Il est troisième dan de kendo, il défendra Aioros.

Les autres n'en croient pas leurs oreilles.

- Mais ton sceptre est à quelques mètres, et en plus tu l'as jeté toi-même ! s'exclament-ils.

- Je sais mais tout bien réfléchi, je veux le récupérer. Mais là il est par terre et tout sale.

En attendant, ils jouent tous à "Saori a dit". C'est comme "Jacques a dit", sauf que c'est Saori qui dit.

- Saori a dit : tous à quatre pattes !

Ils obéissent.

- Saori a dit : galopez tous !

Ce qu'ils font.

- Arrêtez-vous !

Seul le Vieux-Maître s'est arrêté.

- Pourquoi tu t'arrêtes toi ! J'ai pas dit "Saori a dit" !

- Je sais mais j'ai des courbatures !

Avant qu'elle ne le punisse, une douzaine de gens vêtus de noir apparaissent et viennent à leur rencontre.

- Nous vous tenons ! triomphe le plus âgé du groupe. Nous sommes les chevaliers noirs. Je suis Balance Noir. Vous devinez qui sont mes collègues ?

Quelle poisse ! Les chevaliers d'Or sont attaqués au moment où ils n'ont pas d'armure !

Chose curieuse, les chevaliers noirs ressemblent énormément à leurs homologues dorés.

- C'est faux ! me contredit papy Dohko. Le mien a l'air beaucoup plus jeune que moi !

- Tu as raison, avoue Balance Noir. Mais on n'a trouvé personne qui avait ne serait-ce que la moitié de ton âge pour porter cette armure !


Dans le prochain épisode...

Nos héros sont dans de beaux draps ! Ils vont devoir se battre à seulement 11 contre 12, et sans armure, contre des ennemis dont ils ignorent tous les talents...

- Qu'est-ce qu'il est rapide ! s'ébahit Aldébaran.

... et tous les pouvoirs !

- Par la Suie de Diamant ! lance Verseau Noir.

Les chevaliers d'Or doivent s'entraider s'ils veulent s'en sortir vivants !

- Aïe ! crie Saga en se tapant dessus.

Nos héros vont devoir se surpasser pour survivre à cette terrible bataille ! Alors, venez les encourager lors du prochain chapitre !

- Et toi, as-tu déjà ressenti la cosmo-allergie ? vous interpelle Seiya.