Journal de la revieweuse :
Liline37 : Haarlep est un must. C'est un perso anecdotique mais on ne peut pas dire qu'on l'oublie facilement XD... Ce qui me fume le plus, c'est que les devs ont eut pitié des joueurs qui sacrifiaient leur unique question-récompense juste pour savoir si Raphaël était un bon coup au pieu et leur donnent quand même les infos importantes. Et faire perdre la face à Raphou avec ça juste avant de le bastonner, j'adore. Ces gens sont des génies de trolls.
Oui, ne faisons pas plus attendre notre diable (et abrégeons mes souffrances littéraires lol).
Tiens bon, Espérance ! Et gaffe à tes fesses, Raphou !
CHAPITRE LXXII – LE DERNIER ACTE
Il ne fallut guère longtemps pour nos amis pour prendre la pleine mesure des menaces de l'archiviste et la mise en garde d'Espérance. Dès qu'ils quittèrent la salle des archives, ils virent que les débiteurs qui erraient auparavant dans le couloir s'étaient transformés en différentes créatures infernales. Diablotins, merregons ou sangliers des Enfers s'occuperaient avec grand plaisir de devenir leur cortège vers la prison d'Espérance.
Peu après s'être défait d'une première attaque sans grande difficulté, le groupe remarqua qu'il n'était pas au complet.
« Où est Astarion ? s'inquiéta Silesta en regardant tout autour. Je ne... »
Justement, le voici qui sortait de la salle des archives. Elle lui fit les gros yeux. Que faisait-il à traîner encore là-bas ? Le temps pressait.
« J'essayais d'augmenter nos chances de survie, bougonna-t-il en lançant à Lae'zel une paire de gantelets de fer. Tenez, ceci n'est pas assez fin pour moi. Je ne sens même pas mes phalanges là-dedans.
_ Vous avez pillé les trésors de Raphaël ? comprit Gayle en essayant de ne pas trop s'offusquer. Quoique. Un artefact de plus, un artefact de moins...
_ Ne l'encouragez pas, Gayle. Astarion, il ne faut pas nous disperser, morigéna Silesta qui sentait la marque de Raphaël chauffer sur son buste. Ce n'est pas le moment de rendre Raphaël encore plus furieux en... »
La jeune femme s'interrompit quand le roublard l'approcha pour lui attacher autour du cou un collier dont le pendentif était composé d'une grosse pierre rouge profond en forme de cœur surmontée de feuilles de houx et d'une liane de lierre tombante. Dès que le bijou toucha sa peau, une drôle d'onde d'énergie pulsa de ses pieds jusqu'à la racine de ses cheveux. Elle se sentait... plus forte.
« J'ignore quel est le pouvoir exact de cette amulette, mais je pense qu'elle ne vous fera pas de mal. Surtout si Raphaël jette son dévolu sur vous pour vous récupérer, expliqua le vampire face à sa mine perplexe. Et puis, sa conception faisait trop féminine à mon goût. »
Silesta le darda d'une grimace pincée d'un sourire vaincu. Forcément, s'il avait fait ça en partie pour espérer la protéger, elle ne pouvait plus le houspiller. Jusqu'au bout du bout, cet homme ferait tout ce qui était en son pouvoir pour avoir le dernier mot face à elle. Quel brigand.
Lae'zel se montrerait aussi bien ingrate si elle faisait des reproches à son comparse voleur ; les gantelets qu'il venait de lui donner lui conféraient une telle force que le poids de son épée entre les mains avait pratiquement diminué de moitié.
Maintenant que tout le monde était réuni, ils purent reprendre leur progression au pas de course... jusqu'à ce qu'une énorme boule incandescente de lave et de roche ne fonce droit sur eux à toute allure.
D'une incantation rapide, Gayle invoqua un mur de terre pour espérer faire barrage mais la sphère avait l'élan d'un rothé des Profondeurs lâché en plein galop. Le bouclier de roche ne tint pas plus de deux coups furieux et vola en éclats.
« Courez ! »
L'ordre fut inutile car aucun d'entre eux ne se sentait capable d'arrêter cette boule de feu plus grande qu'eux. Chacun prit ses jambes à son cou tout en ingurgitant un petite potion de vitesse pour s'aider. Hélas, tous savaient que cette aide ne serait que temporaire ; ils n'allaient pas pouvoir fuir cette chose éternellement, sans parler du fait que d'autres débiteurs transformés les attendaient au-devant. Ils allaient être bientôt pris en étau entre la sphère et un merregon au masque d'or.
La vision de la porte menant au boudoir de Raphaël donna une idée à Silesta.
« Tout le monde dans le boudoir ! »
Après une dernière accélération dans les jambes, les fuyards prirent un virage à l'équerre et se ruèrent dans la salle. Un gros fracas dans leur dos les fit sursauter : la sphère infernale venait de se heurter à l'encadrement trop serré de l'embrasure et était restée bloquée à l'extérieur du couloir.
« Bien joué, Silesta, félicita Ombrecoeur en essayant de reprendre son souffle. Il fallait y penser.
_ A-Ah, oui. Bien sûr. Le coup de l'entonnoir... », répondit-elle avec un sourire douloureux.
En réalité, elle avait naïvement pensé que la sphère n'aurait pas apprécié de faire trempette dans l'eau du bassin. Tant qu'ils s'en sortaient...
Gayle préféra ne pas éprouver la résistance des murs face aux assauts répétés de la boule de feu. Un petit alignement d'une Giboulée de Gayle et de différents sorts de glace finit par refroidir les ardeurs de la chose jusqu'à la transformer en gros bloc compact noir et fumant.
Un premier test du Marteau Orphique contre la roche permit de la réduire aisément en morceaux et confirmer qu'en effet, ce cristal rouge était bien plus résistant qu'il n'aurait pu le laisser paraître.
Après une courte récupération grâces aux eaux revivifiantes du bassin – qu'ils prirent aussi soin de récupérer dans quelques anciens flacons vides – les aventuriers retournèrent dans le couloir en toute hâte pour se défaire du merregon qui avait approché pour aller les cueillir à leur sortie.
Les quelques ennemis qu'ils croisèrent jusqu'au bout du couloir furent heureusement peu retors et enfin, une grande plaque circulaire dorée incrustée dans le sol attira leur attention, ainsi que l'image holographique d'Espérance qui se tenait juste à côté.
« Vous êtes vraiment venus ? s'émerveilla-t-elle avant de partir dans un éclat de rire à moitié fou. Toute la Demeure de l'Espoir brûle et Raphaël est en train de traverser tous les plans pour attraper des souris ! Allez, il est temps de brandir ce grand et beau marteau ! Brisez mes chaînes, elles sont juste en-dessous. »
L'image une fois envolée, Astarion s'occupa d'ouvrir la trappe dorée. Forcer les serrures de la demeure d'un diable ; si on lui avait dit un jour qu'il en serait là...
La trappe donnait sur une longue échelle qui s'enfonçait dans les profondeurs rocheuses sur lesquelles se dressait la Demeure de l'Espoir. Après une rapide descente, nos amis se retrouvèrent au bord d'une corniche extérieure qui faisait face à un plateau.
Le cœur de Silesta se serra tandis qu'une flopée de flashs douloureux lui revenaient. Sur la plate-forme cernée par le vide, elle vit Espérance, les bras retenus en croix par les liens magiques qui l'entravaient. La jeune femme longea des yeux les chaînes rougeoyantes jusqu'à en trouver leur base. Ces énormes pierres rouges n'étaient pas sans lui rappeler celle qu'Iwen avait utilisée dans sa crypte.
Le pas qu'elle fit en avant fut arrêté par Gayle qui lui conseilla de faire silence, l'index devant sa bouche. Elle hocha la tête et prit le temps d'observer avec les autres. Un sourire heureux se peignit sur son visage. Elle n'apercevait que les silhouettes malingres de quelques diablotins. Ce serait...
Le doigt qu'Astarion pointa vers les extrémités en grimaçant lui fit perdre tout de suite sa bonne humeur. Elle se figea. Deux spectateurs aussi hideux que celui rencontré dans les Tréfonds Obscurs flottaient tranquillement en scrutant les alentours de leur œil unique. La tâche se compliquait soudainement.
Tapi dans les ombres, Astarion attrapa son arc et mit en joue un diablotin. Il attendit quelques secondes puis relâcha la corde. La flèche siffla pour faire mouche et le petit démon chuta de sa plate-forme sans un bruit et dans l'ignorance de ses comparses qui regardaient ailleurs. Silence tendu et regard angoissé vers les spectateurs qui n'avaient rien remarqué non plus.
Les aventuriers gardèrent leur souffle en suspens pendant que l'habile archer s'occupait de faire tomber un à un le menu fretin pour n'avoir à gérer que les grosses bébêtes. Ce serait toujours plus facile avec moins de monde à gérer.
« J'immobiliserai celui de droite, souffla Ombrecoeur. Ça nous donnera le temps de nous défaire de l'autre. »
Tous se mirent en position, prêts à agir au signal d'Astarion : une petite flèche droit dans la rétine, histoire de se créer une fenêtre d'action immédiate.
« Trois, deux, un... »
La corde se relâcha en même temps qu'Ombrecoeur se concentrait sur l'autre monstre.
« Impero te ! »
La bête ne put réagir au cri de rage de son homologue car il se figea dans l'instant, bloqué par le sceau violacé qui venait d'apparaître sous son corps.
Lae'zel bondit souplement de plateau en plateau pour vite atteindre le premier spectateur blessé, soutenue par les flèches précises d'Astarion et les sorts de Gayle. Prise par surprise et attaquée en rafale, la créature furieuse tenta de lancer à l'aveuglette des rayons paralysants tout en agitant ses tentacules dans tous les sens dans l'espoir de renverser la githyanki qui fonçait sur lui. Lae'zel se débarrassa des appendices menaçants de coups d'épée nets avant de s'en donner à cœur joie.
Les spectateurs étaient de redoutables monstres magiques aux pouvoirs psychiques effrayants mais ils ne brillaient pas par leur force. De plus, la guerrière avait une revanche à prendre par rapport à celui qui l'avait bien amochée dans les Tréfonds Obscurs. Celui-ci payerait pour son homologue.
L'attaque-éclair se montra efficace face au premier monstre ; inutile de préciser que la mort du deuxième entravé par le sort d'Ombrecoeur fut rapide.
« Si on pouvait toujours avoir le temps de planifier ses attaques comme maintenant, ce serait drôlement pratique, fit remarquer Astarion face à l'efficacité de leur assaut coordonné.
_ Et pourquoi pas des combats où chacun frapperait les uns après les autres, tant qu'on y est ? ironisa Ombrecoeur en roulant des yeux. Reprenez-vous, la suite ne sera pas aussi facile. »
Silesta n'écoutait pas ses camarades se chamailler ; elle était déjà partie rejoindre Espérance sur sa plate-forme pendant que Lae'zel se rendait sur celle qui comportait la première pierre rouge magique. La guerrière se saisit du marteau et l'abattit droit sur le cristal qui éclata aussi facilement qu'une plaque de verre extra-fin. Ça marchait !
« Tenez bon, Espérance », pria Silesta en voyant la femme remuer faiblement dans sa semi-conscience.
Une fois la deuxième pierre brisée, la dernière chaîne magique disparut et la naine reprit conscience. Elle ouvrit de grands yeux face à ses sauveurs en réalisant qu'elle était en vie et elle bondit de joie. Libre ! Elle était libre ! Elle y avait cru, elle l'avait espéré, mais n'aurait jamais pensé l'être vraiment un jour.
« JE CONNAIS DES TÊTES QUI VONT TOMBER, MAINTENANT ! s'exclama-t-elle en trépignant avant de se calmer subitement, comme prise de honte. Dites, je voudrais vous demander... Je vois bien comment vous me regardez. Je dois être atrocement mutilée, après toutes ces années de torture. » Elle affronta avec bravoure les cinq paires d'yeux sur elle. « Parlez franchement. Ne me ménagez pas. »
Silesta eut un blanc qui lui empêcha toute réaction. En face d'elle se tenait une jeune femme naine au regard alerte – quoique peut-être un peu trop alerte – et aux traits encore lisses et beaux.
Elle avait tenu bon. Elle avait fait face.
L'humaine finit par sourire faiblement, les yeux brillants.
« Vous êtes... parfaite, Espérance.
_ Allons donc, vous savez comme moi que c'est faux, réfuta Espérance avec une moue qui trahissait quand même une forme de reconnaissance. Mais c'est gentil.
_ Non, franchement, ça va, appuya Astarion en l'inspectant sous plusieurs angles. Du moins, physiquement.
_ J'espère que c'est un compliment. »
La naine secoua la tête, aux abois. Plus le temps de bavasser. Il fallait se frayer un chemin jusqu'à la sortie et découper Raphaël en petits morceaux. Enfin, si tout se passait bien. Le plus probable étant que ce serait plutôt eux qui finiraient en petits morceaux.
« En avant ! »
Nos amis s'empressèrent de remonter à la surface. Silesta grimaça. Le « R » sur sa peau chauffait de plus en plus. Raphaël approchait. Il fallait se dépêcher de partir. Pour sa part, Espérance était plutôt soulagée d'être avec ses sauveurs et voyait sa présence comme un atout pour eux s'ils venaient à affronter le maître. Raphaël commettait des erreurs quand il était en colère... et voir sa prisonnière libre allait assurément le mettre en rage.
Le calme laissé entre les murs de la Demeure de l'Espoir après avoir tué nombreux de ses habitants n'était qu'illusoire. L'air se chargeait comme lors d'une journée étouffante d'été à l'approche de l'orage. Le bruit de leurs talons claquant contre le marbre se perdait tout de suite dans le néant, presque aspiré par la pression grandissante qui ployait sur leurs épaules.
Ils traversèrent la salle du banquet en quelques foulées. Les âmes errantes qui flottaient dans les limbes semblaient s'envoler avec encore plus d'empressement, prêtes à s'échapper pour ne pas être présentes quand la tempête éclaterait. L'allée du pont défila tout aussi rapidement et enfin, ils le virent. Le portail de sortie menant à la maison de Helsik. Les mètres s'amenuisèrent et la lueur dorée du pentagramme n'avait jamais été aussi vive.
L'espace d'un instant, le temps se figea soudain et un bruit bien connu de leurs oreilles leur parvint. Il arrivait.
Une gerbe de flammes arrêta leur course en plus de les éblouir. Quand ils rouvrirent les yeux, Raphaël était là, l'œil noir et les traits tendus.
« Vous », grinça-t-il entre ses dents.
D'un claquement de doigts, il ouvrit un portail dont la lumière fut engloutie par l'imposante masse qui en sortit.
Encore plus grand et effrayant que dans leurs souvenirs, Yurgir alla se poster aux côtés du diable sans un mot. Sa figure monstrueuse contractait ses traits dans une expression féroce mais le mouvement de ses pupilles qui allaient d'un aventurier à l'autre permettait de comprendre qu'il avait reconnu ces visages croisés dans le temple de Shar.
La contemplation de Silesta s'évanouit quand la voix de Raphaël trancha le fil de ses pensées.
« Il y a beaucoup de choses que j'exècre dans votre monde. Les portées de chatons, les babillages insipides d'enfants... Tant de bruit et de chaos, commença-t-il en plissant les yeux. Mais dans mon monde, dans MA demeure, j'exige l'ordre et une certaine forme de bienséance. »
Qu'elle était loin, la belle figure affable pleine d'amabilité du cambion qui leur proposait de passer des marchés avec lui. Il ne restait qu'un homme au visage fermé qui se crispait sous un courroux grandissant. Ils avaient osé faire irruption chez lui sans invitation préalable et pour le voler, de surcroît.
Silesta sentit sa poitrine brûler lorsque Raphaël planta ses yeux sombres dans les siens.
« Vous étiez la seule invitée que j'attendais avec impatience, Silesta, lui dit-il avec rictus. Petite cachottière dont je vais prendre grand soin. Vous auriez pu avoir une vie calme et en sécurité mais comme je l'avais prévu, vous avez cédé à la tentation. Encore une fois. Vous avez décidément un penchant inquiétant pour les hommes qui vous mènent en bateau. »
La brûlure acide qui incendia ses entrailles fit écho à une nausée honteuse qui la prit à la gorge.
« Fermez-la ! s'étrangla-t-elle d'une voix cassée. Iwen n'est plus ! J'ai survécu et je suis libre ! Je ne serai plus la chose de qui que ce soit, et certainement pas la vôtre !
_ Mais vous voici, comme convenu. Et je compte bien récupérer ce que vous m'avez promis, prophétisa le diable en fronçant du nez avec mépris face aux autres. Pauvres imbéciles que vous êtes. Si vous aviez traité avec moi de manière juste et sensée, vous auriez pu vous élever au panthéon des héros. Mais vous ne valez pas mieux que Karsus, ignorants de vos propres limites et condamnés à précipiter votre monde dans les flammes.
_ FAUX, C'EST FAUX ! rugit tout à coup Espérance. Ils sauveront leur monde et vous mettront en pièces ! »
La grimace dédaigneuse de Raphaël s'accentua quand il baissa les yeux sur elle.
« Ah, Espérance. Ta touchante naïveté est ce que je préfère chez toi. Je consentirai à te pardonner cette petite rébellion une fois que je t'aurai châtiée comme il se doit.
_ Ce n'est pas une rébellion. C'est une révolte. JE ME RÉVOLTE ! » clama la naine avec véhémence.
Le cambion eut un ricanement sarcastique, doucement amusé par le spectacle et une pensée ironique. Il n'y aurait donc plus d'espoir pour Espérance.
Il eut un mouvement de tête blasé vers l'orthon posté à ses côtés.
« Commandant, tu pourras récupérer quelque trophée sur ces insectes une fois que j'en aurai fini avec eux, mais ne touche pas à l'humaine. Enfin, celle qui ressemble à une humaine.»
Tous les yeux se tournèrent vers Yurgir dont les furtifs froncements de nez dénotaient une certaine forme d'agacement. Ces « insectes », comme le disait si bien Raphaël étaient ceux à qui il devait la fin de cette maudite chanson dans son esprit et de son emprisonnement dans le temple de Shar.
Astarion crut déceler la naissance d'une brèche dans le manque de franche réaction de l'orthon et chercha à s'y engouffrer :
« Pour ce marché piégé que Raphaël vous a proposé. Pour votre liberté retrouvée, même si c'était un accident, rappela l'elfe, droit dans les yeux enflammés du colosse. Pour... hmm... me remercier de ne pas vous avoir tiré dessus directement ?
_ Vous avez une dette envers nous, appuya Lae'zel sans détour. Ralliez-vous à nous et vous serez définitivement libéré de ce manipulateur. »
L'orthon considéra le groupe, interdit. Ils avaient raison. Même s'il s'était retrouvé dans un nouveau contrat avec Raphaël, il avait été arraché à son premier engagement vicié grâce à ces personnes. Les mortels étaient des créatures vraiment fascinantes... et complètement imprévisibles.
Ses traits rêches se détendirent dans un rictus admiratif.
« Vous vous dressez devant un diable dans sa propre demeure ? Voilà qui ne manque pas de courage, salua-t-il de sa voix rocailleuse. Je suis avec vous. En paiement de ma dette. »
La grimace pincée de Raphaël s'accorda à la fausse indolence polie qu'il adressa à Yurgir. Fallait-il alors comprendre que l'orthon voulait mourir avec eux ?
« Je veux me battre avec eux, corrigea le goliath sans faiblir.
_ Qu'importe, trancha son créancier d'une voix glaciale. L'issue sera la même pour vous tous. La griffe s'abattra sur vos têtes ! »
Tout s'enchaîna très vite. Une colonne de flammes entoura Raphaël et la seconde suivante, Silesta se sentit soulevée du sol et emportée dans un formidable coup de vent. Elle n'eut que le temps d'entendre ses compagnons l'appeler et des ricanements inconnus s'élever.
Une fulgurante douleur dans son dos lui comprima tout à coup les poumons et une pression se resserra autour de sa gorge qui avait le goût du sang. Sa forme de démon revêtue, Raphaël retenait la jeune femme contre l'un des piliers ouvragés qui décoraient la salle et qui étaient à présent en train de se charger d'une étrange aura d'énergie.
« J'ai largement de quoi faire pour gagner en puissance, lui susurra le diable avec délectation. Mais il paraît que vous avez une condition un peu spéciale, n'est-ce pas ? »
Silesta retint un râle étouffé et chercha à desserrer l'étreinte de la main du diable autour de son cou. Derrière lui, elle entrevoyait les silhouettes rouges d'autres diables venus en renfort pour leur maître.
« Votre premier amour était un homme très intelligent et inventif, ricana Raphaël en savourant la douleur qu'il ravivait dans le regard de sa captive. Voyons ce que vous avez dans le ventre. Hmm... Quelle était la formule, déjà ?
_ N-Non...
_ Quod exeatis sumo ? »
Une lueur se mit à briller sous les doigts griffus du diable en même temps que des liens magiques scellaient Silesta à son pilier. L'aura de l'obélisque sembla se transfuser directement en elle avant d'être réinjectée dans la pierre avec encore plus de force.
Quand Raphaël relâcha son otage, ses yeux s'agrandirent de stupeur extatique. Ça marchait. La condensation de sa magie servait de batterie pour amplifier une autre source.
« Nous allons faire de grandes choses ensemble, Silesta. Même sans la couronne de Karsus. »
Elle l'entendit à peine, trop en proie à de violentes quintes de toux dont la moindre tentative de respiration ne faisait que remonter une plus grande douleur.
Le rugissement bestial et furieux qui couvrit le chaos ambiant lui fit mieux regarder autour. Yurgir venait de se jeter sur Raphaël dans l'espoir de le trancher d'un coup d'épée mais le diable avait été plus rapide et repoussa son adversaire.
Silesta remua faiblement, en vain. Elle avait mal partout en plus de ne pas pouvoir prévenir ses compagnons. Si elle servait de catalyseur pour Raphaël, le combat était perdu d'avance.
Elle força comme elle put sur sa larve et pria pour être entendue des siens.
« Les obélisques ! Détruisez-les ! Raphaël les draine pour gagner en puissance ! »
La sensation qui la traversait en continu parasitait sa concentration. Le flux magique passait sur elle comme le cour d'eau d'une rivière. Ce n'était pas douloureux comme lors des séances de ponction avec Iwen mais c'était tellement stimulant que cela en était perturbant. Son corps s'agitait frénétiquement sans pourtant remuer le moindre muscle.
Quand ses idées parvinrent à s'éclaircir un peu, la jeune femme put enfin avoir un aperçu de la situation. Yurgir accaparait l'attention de Raphaël par des assauts hargneux pendant que ses compagnons s'occupaient des diables venus en renfort. Espérance se battait aussi comme une lionne et apparemment, ses capacités de prêtresse n'avaient pas été aussi consumées que son esprit. Les êtres infernaux ployaient sous les sorts radiants qu'elle leur assenait quand elle ne s'occupait pas directement de les bannir.
Une détonation au-dessus de sa tête fit sursauter Silesta et elle se crispa un instant. Elle releva le nez et un nuage de poussière la fit tousser. Le sommet de son pilier venait de se fendiller sous l'impact d'un projectile.
Une silhouette qui arrivait près d'elle lui fit baisser les yeux. C'était Astarion. Elle ouvrit la bouche mais sa voix ne produisit qu'un râle sifflant.
« Ne parlez pas, lui conseilla le vampire en lui faisant boire une potion de guérison. Tenez. »
La chaleur qui traversa ses cordes vocales descendit jusqu'à son ventre et l'anesthésie dans son dos disparut aussitôt.
Le roublard pesta quand sa tentative de briser les liens magiques qui attachaient son alliée au pylône ne donna rien.
« Inutile, je les alimente sûrement aussi, contra Silesta. Layos avait raison, je suis devenue un catalyseur magique. J'absorbe la magie de l'obélisque pour la renforcer. »
L'elfe fronça du nez et regarda le pilier d'un air désemparé. Les missiles magiques de Gayle pouvaient peut-être attaquer la roche mais cela prendrait trop de temps, ce n'était pas assez puiss...
« Mais oui ! s'exclama Astarion en se tournant vers Silesta, les yeux pétillants. Continuez !
_ Q-Quoi ?
_ Vous êtes peut-être un catalyseur, mais vous êtes un catalyseur intelligent ! Vous pouvez décider comment gérer la magie qui vient à v...! »
Une explosion de feu dans le dos du roublard souffla un tel vent brûlant au visage de Silesta qu'elle crut que sa peau allait fondre.
« Astarion ! s'écria-t-elle en voyant son compagnon au sol, son pourpoint noir et fumant.
_ On ne dérange pas mon catalyseur pendant qu'il travaille, somma Raphaël, la main encore tendue vers l'elfe.
_ Vous payerez pour ça ! »
Elle se débattit encore de toutes ses forces nouvellement retrouvées mais ne parvint pas à se libérer.
Qu'avait dit Astarion avant de s'effondrer ? Gérer la magie qui venait à elle ? Mais oui ! Elle n'était pas qu'un catalyseur, elle était aussi une ensorceleuse ! Une ensorceleuse... qui faisait ce qu'elle voulait de sa magie. Une ensorceleuse qui ne subirait plus ce qu'elle était.
Fermant ses oreilles au capharnaüm ambiant, Silesta ferma les yeux et apaisa son esprit du mieux qu'elle pouvait. Gayle disait qu'elle n'avait qu'à ressentir les choses.
Elle visualisa la forme longiligne et gracieuse du Marteau Orphique, sa masse à l'allure certes fragile mais résistante comme le diamant. Puis, elle imagina la poigne assurée et ferme de Lae'zel autour du manche en train d'armer sa posture avec toute sa force. Un balancement de bras puissant.
« Tormentum ! »
Le hurlement enragé de Raphaël couvrit presque la fulgurante détonation qui explosa dans le dos de Silesta pour la projeter une dizaine de mètres plus loin. Le brouillard auditif qui grésillait à ses oreilles douloureuses se dissipa lentement, le temps pour Gayle d'aller accourir auprès de sa cadette pour l'aider à se relever.
« Même quand vous n'avez plus de poudre explosive sur vous, il faut encore que vous fassiez l'intéressante », admonesta le magicien avec un grand sourire soulagé malgré tout.
La jeune femme balaya rapidement la scène chaotique du regard avant de reporter son attention sur son allié.
« Servez-vous de moi.
_ Pardon ?
_ Vos projectiles magiques ! s'impatienta Silesta. Je suis trop lente. Vous avez le talent et moi, la ressource. Allez, Gayle Dekarios ! Il y a encore trois piliers debout ! »
Elle lui prit une main et Gayle fut secoué d'une sublime onde magique qui le laissa d'abord bouche-bée. C'était comme s'il venait de plonger tout entier dans un lac de magie pure.
L'expression sidérée qu'il renvoya à son alliée s'évanouit quand ses yeux rencontrèrent ceux de Raphaël qui s'apprêtait à fondre sur lui pour récupérer son précieux catalyseur.
« Tormentum ! »
D'épais éclairs rouges jaillirent de la paume de Gayle et s'abattirent de concert sur les trois obélisques noirs. Les colonnes explosèrent dans un craquement sonore accompagné d'une pluie de marbre et de poussière, arrêtant net le mouvement de Raphaël vers ses cibles. Profitant de ce bref instant de relâchement, Yurgir se jeta sur le diable pour lui asséner un violent coup d'épée dans le dos.
« Finissons-en ! » rugit l'orthon avec rage.
C'était exactement le genre de phrase qu'adorait entendre Lae'zel, surtout quand l'ennemi en question avait déjà un genou à terre. Épaulée d'Ombrecoeur qui, comme elle, avait l'armure noircie de suie, la githyanki resserra sa poigne sur la hampe du Marteau Orphique et l'abattit de toute sa force sur Raphaël en même temps que la lance de Séluné le transperçait de part en part.
Silesta toussa, gênée par un fourmillement sur sa gorge. Le sceau de transvasement apposé par Raphaël venait de disparaître mais elle était à des lieues de s'inquiéter de ça.
Sans perdre plus une seconde, la jeune femme abandonna Gayle et courut se précipiter aux côtés d'Astarion.
« Astarion ! Astarion ! » l'appela-t-elle d'une voix blanche en le redressant avec précaution.
Restée non loin du roublard pour veiller sur lui, Espérance vint poser sa main sur son épaule pour la rassurer. Il survivrait. Elle leva les mains au ciel en fermant les yeux.
« Vos curo. »
Une onde bleutée traversa les corps fatigués et blessés. Silesta espéra que cette vague douce et tiède qu'elle venait de ressentir avait fait le même effet à son compagnon... qui grimaçait de douleur ? Il revenait à lui !
Elle sourit en se pinçant les lèvres pour retenir la brûlure à ses yeux.
« Ne me faites pas peur ainsi, morigéna-t-elle, les mots chevrotants. Vous n'avez plus besoin d'en faire autant pour que je vous regarde, vous le savez.
_ Pff. Vous vous faites peur toute seule, contra le vampire en rouvrant les yeux dans un grognement d'inconfort. Quel imbécile descendrait aux Enfers sans avoir bu au préalable une potion de résistance au feu ? »
L'humaine retint un rire ; pas lui, de toute évidence. Elle le laissa reprendre ses esprits, perdue dans les traits de son visage marqué de suie. Il aurait pu mourir tout à l'heure. Si elle l'avait perdu... S'il était mort...
À croire qu'il lisait ce qui se tramait derrière ces yeux gris embués d'émotion, Astarion gratifia la jeune femme d'un sourire canaille bien à lui.
« Vraiment, j'adore quand vous criez mon nom, savoura-t-il avec délice. Mais l'intonation catastrophée n'est pas celle que je préfère. »
Dans un rire aigre-doux, elle lui donna un petit coup dans le poitrail pour se venger de cette délicieuse insolence dont elle n'aurait su se passer non plus. Sa joie de le savoir sain et sauf était incommensurable.
Leurs autres alliés ainsi que Yurgir vinrent les retrouver, bien contents de voir que leur comparse roublard avait réchappé aux talents pyrotechniques de Raphaël.
« Quel combat, soupira Gayle, encore grisé par sa connexion magique avec Silesta. Je suppose qu'il ne fallait pas s'attendre à moins de la part d'un homme comme Raphaël.
_ Et encore, je trouve que cette rencontre aurait été sublimée par un petit quelque chose en plus, nuança Astarion entre ses pensées.
_ Comme quoi ? questionna Silesta, atterrée par ce qu'elle entendait. Une musique dramatique ?
_ Oh, j'aime bien ça ! Et chantée. Par notre cher cambion, bien sûr. Quitte à jouer son dernier acte, autant se le chanter soi-même. »
Ils échangèrent un rire salvateur qui leur permit de se délester des derniers relents d'adrénaline qui leur collaient à la peau.
La voix d'Espérance les tira tout à coup de leur bulle.
« Il est totalement absurde que nous soyons en vie, réalisa-t-elle, figée par la stupeur. Peut-être que nous ne le sommes pas ? » Elle s'ébroua de peur. « PINCEZ-VOUS POUR VÉRIFIER QUE NOUS NE RÊVONS PAS ET QUE NOUS NE SOMMES PAS EN TRAIN DE MOURIR DANS D'ATROCES SOUFFRANCES ! »
Les mains sur les oreilles, les aventuriers lui confirmèrent qu'aussi fou que cela pouvait être, ils étaient bien vivants. Le diable n'était plus et plus personne n'aurait à redouter ses contrats douteux ou ses tourments.
« Vous êtes libre, Espérance, lui sourit Silesta, bercée d'un soulagement bienheureux. Il ne vous fera plus rien. Que comptez-vous faire pour la suite ?
_ Espérer, bien sûr, lui répondit doucement la naine. J'espère retrouver les fragments de mon esprit qui m'ont fuie au cours de toutes ces années pour me reconstruire. J'espère que les cris de souffrance et les souvenirs douloureux finiront par s'effacer. »
La saltimbanque ravala une boule dans sa gorge étriquée. Sa douleur se dissolut quand Espérance la regarda avec une rare et apaisante sérénité.
« Mais surtout, j'espère que vous connaîtrez une fin heureuse, vous aussi. »
L'émotion de la jeune femme créa un faible écho chez ses alliés qui gardèrent un silence respectueux.
La saltimbanque proposa à Espérance de rentrer avec eux sur le Plan Matériel mais celle-ci déclina. Avec un un peu de réorganisation et de décoration, cette demeure pourrait devenir une maison agréable à vivre. Et puis... que seraient les Enfers sans une part d'espérance pour y survivre ?
« Je comprends, sourit Silesta en lui serrant les mains pour lui souhaiter bonne chance. Prenez soin de vous, Espérance. »
Le groupe d'aventuriers eut à se scinder quand Yurgir s'avança entre eux et prit la parole.
« Merci à vous, mortels. Grâce à vous, je ne suis plus l'obligé de Raphaël. Je vais pouvoir retourner au front, leur dit l'orthon avec une inclinaison de tête. Je saurai m'en souvenir. Que tremblent vos ennemis. »
Sur ces mots, le goliath infernal se créa un portail de flammes qui l'engloutit dans une gerbe d'étincelles.
« Finalement, il est plutôt sympathique, accorda Astarion avec nonchalance.
_ Assez traîné, coupa Lae'zel fermement. Le Marteau Orphique est nôtre, rentrons vite pour en avertir Voss et allons libérer mon prince. »
Pour une fois que la rencontre suivante ne s'annonçait pas hostile... Normalement.
Oui, je sais, je n'ai pas rendu hommage comme il se devait au fight avec Raphou qui est un beau bazar quand on ne fait pas appel à la magie de la « barrelmancie » (3 tonneaux de poudre à canon par pilier et un trait de feu, ça suffit pour s'en défaire d'un seul coup et ça vous permet de jouer avec Raphou).
Cette fic m'a convaincue de ne plus jamais me remettre dans le registre « aventures ». C'est trop chiaaaaaaan!t ç_ç
Liiiiiiiiiiiives, all mortal liiiiiiiiiiiiiiiives, expiiiiiiiiiiiiire...
