CHAPITRE 7 - UNE TERRIBLE NOUVELLE

L'hacienda des Verdugo était située à quelque distance du pueblo de Monterey. Il suffisait de quarante minutes en calèche pour s'y rendre, d'une demie-heure à cheval mais Zorro fit le trajet en un quart d'heure. Phantom allait vraiment aussi vite que le vent, moins bien dressé que Tornado mais plus rapide. Zorro ne devait normalement pas s'y rendre mais après avoir rendu visite au gouverneur, il était comme poussé par une force irrésistible vers l'hacienda des Verdugo. Il voulait revoir Anna-Maria. Il n'avait déjà que trop tardé la jeune femme s'était déjà peut-être lassée d'attendre son retour. Peut-être qu'un autre homme la courtisait. Ricardo pouvait aussi l'avoir finalement épousé et Zorro voulait savoir, amoureux comme on pouvait l'être.

Il descendit de cheval rapidement et se hissa sur le mur qui entourait le patio, se laissant ensuite glisser de l'autre côté. Aucun bruit, tout le monde devait dormir. Zorro se demanda un instant ce qu'il faisait au beau milieu de la nuit dans la demeure de la femme qu'il aimait. Puis il poursuivit sa progression silencieuse. Il jeta un coup d'œil à travers le carreau et se figea soudainement : l'intérieur était dévasté et saccagé, les meubles renversés, des bibelots gisaient, cassés pour la plupart. Zorro n'hésita plus : il devait entrer à tout prix. Ana-Maria était peut-être en danger. Cette pensée le fit frémir.

Il commença par vérifier si la porte d'entrée était ouverte. Par chance, il la trouva entrebâillée mais le fait l'intrigua et il se tint sur ses gardes : quelqu'un était sûrement à l'intérieur. Il poussa brusquement la porte et attendit un moment. Rien ne bougea. Il entra silencieusement. Après avoir fait tout le rez-de-chaussée, il décida de monter à l'étage. Il progressait sans bruit quand un bruit le figea net. Cela ressemblait à un gémissement, cela venait de là ; il ouvrit la porte et tomba nez à nez avec une jeune fille aux mains liées et la bouche couverte d'un bâillon. Zorro se précipita pour aider la jolie señorita qui gisait sur le sol et lui retira le chiffon qui lui avait été fourré dans la bouche.

- Cela va mieux, señorita ?

- Oh, oui ! Vous êtes Zorro ?

- Lui-même, señorita. A votre service, fit Zorro en s'inclinant.

La jeune femme reprenait ses esprits. Cela faisait beaucoup pour un soir d'abord ces bandidos et voilà qu'elle se retrouvait face à celui que tous les soldats et toutes les señoritas de Californie recherchaient, pour des raisons différentes toutefois.

- Que s'est-il passé ? Pourquoi étiez-vous enfermée et attachée ? reprit Zorro d'une voix qui trahissait une pointe d'émotion pour quiconque y prêtant attention.

- Il y a deux heures environ, quatre hommes sont entrés, ont menacé tout le monde et ont attaché toutes les personnes qui se trouvaient ici. Puis il y en a deux qui sont repartis avec quelqu'un mais je ne sais pas qui était-ce.

- Et où sont les autres serviteurs ?

- Je ne sais pas, señor Zorro ... sûrement à l'étage mais je ne sais pas où exactement.

- Très bien, señorita. Quel est votre nom ?

- Carlita, señor.

- Eh bien, Carlita, tu vas rester ici en attendant que je délivre les autres serviteurs. D'accord ?

- , señor. Je ne bougerai pas d'ici sans que vous ne me l'ayez ordonné, promit la jeune femme.

- Très bien.

Il allait partir quand Carlita le rappela.

- Faites attention à vous, señor Zorro, ils sont armés. Il y en a un avec un pistolet et un autre avec une épée.

- Gracías, sourit Zorro puis il referma la porte et partit à la recherche de ces bandits.

Au détour d'un couloir, il aperçut l'un deux. Il recula précipitamment alors que l'homme déchargeait son pistolet. Ni une, ni deux, Zorro se précipita sur lui, le prit à bras-le-corps, roula à terre et après deux coups de poing, il l'assomma définitivement. Il se redressa ; la bagarre n'avait heureusement alerté personne. Du moins, l'espérait-il.

Il continua, ouvrant toutes les portes qu'il rencontrait. Une, cependant, restait désespérément fermée. Mais tandis qu'il s'escrimait sur la serrure, un homme surgit dans le couloir et aperçut le célèbre justicier, s'écriant :

- Zorro !

Celui-ci se retourna et voyant que l'autre avait déjà dégainé, fit de même, le sourire aux lèvres. Chaque duel était un jeu où il ne devait son salut qu'à la pointe de l'épée. Après un bref temps d'observation, les deux adversaires finirent par engager le fer. Zorro renvoyait les attaques et parait avec une extraordinaire fluidité, jouant de l'épée comme s'il s'était agi d'une baguette de chef d'orchestre. Son antagoniste n'était pas spécialement maladroit. Néanmoins, ses yeux exorbités, ses dents serrées et la sueur qui coulait de son front laissait peu de doutes sur l'issue prochaine du combat et l'identité du vainqueur. Après un enchaînement technique, Zorro désarma magistralement son adversaire et lui posa l'épée sur la poitrine.

- Qui es-tu ? Parle si tu tiens à la vie, intima-t-il d'un ton menaçant en appuyant un peu plus fort.

Le bandit préféra répondre.

- Je suis un homme du señor Varga.

Quoiqu'interloqué, Zorro répliqua aussitôt.

- Le señor Varga ? Mais il est mort...

- Je sais bien mais je parle de son fils, souffla l'homme. Il m'a chargé de vous transmettre un message.

- Lequel est-ce ?

- Après avoir rassemblé tous ceux qui se trouvaient dans l'hacienda, deux de nos hommes sont repartis avec la señorita Verdugo. Et si vous ne venez pas dans les trois prochains jours à la maison en bas de la montagne du Diable, vous pourrez lui dire adieu.

De surprise, Zorro relâcha la pression de son épée. Anna-Maria aux mains de ses bandits ! C'était pire qu'il ne pouvait se l'imaginer. Il réfléchit quelques instants, puis considéra avec amertume le visage goguenard du bandit et l'assomma du pommeau de son épée. L'homme s'écroula sans dire un mot. Zorro rengaina d'un geste sec. Ce bandido n'avait eu que ce qu'il méritait.