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L'horloge de l'aile interdite.

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Alors que les premières lueurs de l'aube baignaient les collines du Domaine de teintes dorées, le Manoir était plongé dans un silence à peine troublé par le craquement feutré du plancher sous ses pas.

Harry, guidé par une curiosité insatiable, glissait comme une ombre à travers les couloirs déserts.

Les instructions de Maddy résonnaient dans sa tête comme un avertissement : il pouvait aller partout, sauf au second étage, là où le Jeune Maître avait pris ses quartiers. « Personne ne peut y aller, vous comprenez ? Cet étage est interdit. In-ter-dit. Les représailles seraient terribles ! »

Et Harry comprenait parfaitement.

Malheureusement pour Maddy, la moindre interdiction était, pour lui, symbole de tentation et la simple idée de transgresser les règles établies agissait comme un aimant puissant.

De plus, il n'avait jamais oublié cette histoire de « laboratoire ». Alors, profitant d'une des absences de Tom, Harry s'était… discrètement faufilé et aucune des marches des escaliers ne l'avait, pour l'instant, trahi.

Le long couloir du deuxième étage s'étendait devant Harry. Sur la tapisserie baroque désuète, aux motifs verts et or, s'alignaient, comme une fresque historique de la Dynastie des Gaunt, les portraits des ancêtres. Chaque membre de la famille était représenté dans une pose solennelle, le regard impérieux. Les visages, bien que souvent sévères, reflétaient cependant un charisme indéniable.

S'ils suivirent avec attention la progression d'Harry dans le couloir, aucun ne fit le moindre commentaire sur sa présence indésirable au deuxième étage.

Alors qu'il arrivait au bout de la galerie, il ne put s'empêcher de remarquer plusieurs profondes lacérations sur la toile du dernier tableau. Intrigué, Harry approcha et passa sa main sur la surface déchirée. Les doigts effleurèrent le visage d'un jeune homme aux yeux d'un bleu profond, d'une beauté presque surnaturelle. Ses traits rappelaient étrangement ceux de Tom Riddle, bien que la ressemblance ne fût pas parfaite. C'était comme si une version plus douce et moins ombrageuse du jeune Lord se manifestait à travers ce portrait.

Harry réalisa soudain que cet homme devait être le père de Voldemort. Les gènes de la beauté, du charme et de la prestance semblaient visiblement s'être transmis de génération en génération. Qu'avait bien pu faire cet homme pour que son tableau mérite une telle punition ? Car la main qui avait réalisé ces lacérations était sans nul doute portée par la rage… ou la haine.

Il arriva enfin au bout du couloir et se trouva face à deux lourdes portes.

Celle de droite révéla une salle de bain spacieuse mais dénuée d'intérêt particulier. La déception marqua le visage d'Harry, qui espérait secrètement que cette pièce cache l'entrée du mystérieux laboratoire.

La porte suivante, celle de gauche, s'ouvrit sur la chambre de Tom Riddle. Harry retint un instant sa respiration. La pièce respirait une certaine élégance : au centre de la chambre trônait un immense lit à baldaquin, ses voiles lourdes de velours rouge sang retombant majestueusement jusqu'au plancher à chevrons soigneusement ciré. La tête de lit était ornée d'un écusson gravé, sans aucun doute représentant les armoiries des Gaunts.

Une bibliothèque imposante, croulant sous le poids des livres, occupait un pan du mur aux teintes sombres. Harry se demanda brièvement pourquoi Tom Riddle avait choisi d'avoir une telle collection de livres dans sa chambre, alors qu'il y avait une bibliothèque complète au rez-de-chaussée du manoir.

Une méridienne Chesterfield rouge, capitonnée, avait été placée près de la fenêtre, sur un tapis persan aux motifs floraux complexes.

D'étranges objets étaient disposés avec soin sur une commode en bois sombre et Harry contempla un instant une sphère de cristal qui semblait emprisonner des volutes de brume argentée.

Les rideaux épais, encadrant la fenêtre, filtraient la lumière extérieure pour créer une atmosphère tamisée.

Alors qu'il passait à côté d'une grande tenture richement tissée, Harry senti un léger courant d'air effleurer sa nuque. Intrigué, il la repoussa légèrement et découvrit un passage étroit dissimulé derrière le tissu.

Le laboratoire.

Il avait enfin atteint son objectif ! Son cœur s'emballa d'excitation.

Des astrolabes côtoyaient des microscopes, des fioles et des bocaux renfermaient toutes sortes d'expériences et des cultures de plantes s'épanouissaient dans des coins improvisés. Des parchemins couverts de formules complexes mathématiques et d'équations magiques étaient éparpillés sur un bureau encombré.

Au fond du laboratoire, le tic-tac d'une énorme horloge à balancier attira l'attention d'Harry. Intrigué, il s'approcha pour l'examiner de plus près. L'horloge ne comportait étrangement que dix chiffres inscrits en latin sur le cadran. L'unique aiguille pointait, immuable, sur le chiffre 3. Harry se demanda s'il s'agissait d'un dysfonctionnement ou d'une invention similaire à celle présente chez les Weasley, qui indiquait la santé de chacun de ses membres.

Alors qu'Harry tendait une main hésitante vers le cadran, une voix résonna dans sa tête avec une urgence inattendue : « Il arrive ! »

Un frisson glacial parcourut l'échine de Harry. Il jeta un regard paniqué autour de lui, prenant soudain conscience de sa situation. Sans réfléchir, il fit volte-face et se hâta de retourner dans la chambre.

Il n'eut que le temps de se glisser sous l'énorme lit à baldaquin quand la porte s'ouvrit doucement, laissant place à Tom Riddle. Harry, tapi dans l'ombre, retint son souffle en priant pour que son intrusion demeure inaperçue.

De là où il était, il pouvait voir les bottes de cuir du propriétaire des lieux naviguer dans la pièce. Le jeune Lord semblait épuisé et sa respiration lourde trahissait une certaine douleur. Assis sur la méridienne, il prit un moment pour reprendre des forces.

La veste de Tom tomba au sol dans un bruit feutré et une étrange odeur parvint jusqu'à Harry. C'était léger, mais désagréable. Sa mémoire se mit en marche et il réalisa soudainement quelle était cette puanteur qui envahissait l'air : c'était une odeur de charnier, de pile de corps en décomposition. D'un lendemain sur un champ de bataille. Le souvenir le frappa de plein fouet, ramenant des images morbides à son esprit et un frisson désagréable parcourut son corps.

Mais bientôt, Tom se releva pour pénétrer dans le laboratoire et l'odeur se dissipa.

Profitant de l'occasion, Harry émergea furtivement de sa cachette sous le lit, se glissa silencieusement hors de la chambre et prit le chemin du retour pour quitter l'aile interdite.

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