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~Interlude~

Acte 3 - épilogue.

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Tom contempla avec intérêt le corps sans vie de Potter, baignant dans le sang. Il mit négligemment ses mains dans ses poches et se pencha légèrement en avant pour mieux observer la mise en scène : « Le rouge vous va décidément très bien. »

La poitrine d'Harry se souleva dans un soupir contrarié : « Je pue vraiment maintenant. »

Tom se redressa légèrement, esquissant un sourire amusé : « À chacun sa croix, je suppose. Relevez-vous donc, que nous puissions rentrer. »

Toujours allongé, Harry tendit ses bras vers Gaunt : « Je suis épuisé. Il est tard. Vous me portez ? »

« Certainement pas. Vous allez salir mon manteau. »

Harry laissa lentement retomber ses bras le long de son corps, dans le sang, réfléchissant : « Donc… si je n'étais pas sale, vous me porteriez ? »

Tom haussa un sourcil narquois : « Je suppose qu'on ne le saura jamais. »

Soupirant à nouveau, Harry s'assit enfin et massa longuement son cou : « J'ai cru que je n'allais pas pouvoir tenir. Ça n'en finissait pas. Heureusement que vous étiez là pour le diriger dans la bonne direction, j'ai vraiment cru qu'il allait découvrir le pot aux roses. »

« J'en doute. C'est un imbécile et vous faites très bien le mort, Monsieur Potter. »

Harry sourit de toutes ses dents : « Ouais, je sais, j'ai un talent spécial pour ça. – puis, il leva les yeux vers le ciel, encore rougeoyant de l'incendie – Je ne pensais pas qu'il foutrait lui-même le feu à son logement. Quel crétin. »

« La peur nous fait faire bien des choses. »

« Votre histoire était vraiment top. Vous avez vraiment des talents de conteur. Si jamais vous voulez vous reconvertir, changer de carrière, vous devriez pensez à ça. »

Tom esquissa un sourire amusé : « J'y penserai, merci. Levez-vous maintenant. »

Harry lui tendit la main : « Au moins ça ? Promis, je n'abimerai pas votre précieux manteau. »

Gaunt sembla hésiter un instant avant de saisir celle d'Harry, ensanglantée, et ce dernier se redressa, titubant légèrement. D'une main habile, Tom le rattrapa alors qu'il allait s'effondrer et Harry s'appuya sur lui, oubliant sa promesse de ne pas le salir.

« Merlin ! J'ai les jambes complètement engourdies. Au fait, où est passée la patte ? »

Tom haussa les épaules : « Le jeune Anton l'a récupéré juste avant que Thompson ne découvre votre corps. Ne vous fiez pas à son air de jeune premier, quand je l'ai trouvé, il avait fait les poches de centaines de nobles. »

« Je vois – sourit Harry – et manque de bol, il est tombé sur vous. »

« Je dirais plutôt que c'était une bénédiction pour lui. Même si j'ai horreur que l'on prenne ce qui m'appartient, d'autres auraient fait bien pire que l'embaucher, croyez-moi. »

« Ça me fait penser ! Vous remercierez Nathalia pour sa performance, même si je suis un peu déçu que Thomson n'ait pas fait le rapprochement : Madelyn, Maddy… »

Tom fronça le nez avec dégoût : « Oh, l'actrice. Inutile de la remercier, elle m'a pris assez cher comme cela. »

Harry hocha la tête : « Anton a quand même bien trouvé. Elle a été géniale. – Il s'accrocha soudainement au bras de Tom – Mais le mieux, c'était quand même cette patte que Rud nous a dégottée ! J'ai failli croire qu'elle était maudite, je vous jure ! Quand le doigt s'est abaissé, la première fois, j'en ai eu des frissons ! »

Tom sourit calmement : « Un sortilège intéressant, n'est-ce pas ? »

« Carrément ! Il faudra que vous m'appreniez comment faire ! Vous imaginez aux soirées, je ferais flipper tout le monde avec un truc comme ça ! »

Le visage de Tom se crispa un instant : « Vous remercierez surtout votre ami. Comment était-ce déjà ? Nicolas Flamel n'est-ce pas ? »

Harry sourit : « Lui aussi connaît pas mal de petits tours facétieux, vous ne trouvez pas ? »

La voix de Tom baissa d'un nouveau degré : « J'adorerai le rencontrer. Comment est-il ? »

Harry n'était pas dupe et il sentait bien la menace gronder, mais il était d'excellente humeur et mourrait d'envie de continuer à s'amuser : « C'est un homme fantastique, je suis sûr que vous l'adoreriez. »

« Très certainement. » C'était officiel : le pôle nord venait d'atteindre l'Angleterre.

« Et converser avec lui est passionnant. Je pourrais rester des heures à l'écouter. »

Tom s'arrêta et ancra son regard dans celui d'Harry : « Vraiment ? »

Harry sourit : « Dommage qu'il soit si vieux. »

Les yeux de Tom semblaient un gouffre de ténèbres prêt à l'engloutir : « Oui… dommage. » Sa voix n'était plus qu'un souffle.

« De plus, il se trouve que je préfère les hommes un peu plus jeunes. »

Tom l'observait avec attention et Harry pouvait presque deviner à quoi il pensait : « Plus jeunes comment ? »

« Ho, je ne sais pas, je ne me suis jamais vraiment posé la question. – il fit mine de réfléchir – Mais si je devais donner une idée par rapport à ce que je connais, voyons… je dirais… un peu comme vous. »

Tom sembla satisfait de la réponse puisqu'il reprit sa route. Mais Harry n'avait pas fini de le taquiner : « Comme vous mais en un peu plus élégant quand même. »

Tom se figea : « Pardon ? »

Harry fit mine de ne pas avoir compris : « Non je disais : comme vous mais… »

« J'ai très bien entendu. Merci. – gronda Gaunt – J'ai du mal à savoir où vous comptez trouver quelqu'un de plus soigné que moi. »

« Ho. Et bien… Abraxas Malfoy par exemple. »

« C'est une plaisanterie ? »

« Pas du tout. Il est plutôt charmant, vous devez en convenir. Et il a beaucoup d'humour. Je suis certain que… Outch ! »

Harry ne put pas finir sa phrase car Tom l'avait brutalement plaqué contre le mur : « Je pense que vous devez avoir quelques problèmes de vue, Monsieur Potter. Malfoy est très loin d'être « charmant ». Il est, tout au plus, un bon serviteur, quoique je ne lui accorderai certainement pas toute ma confiance. À votre place, je choisirai soigneusement mes relations. Ce n'est qu'un conseil d'ami. »

Harry ne put s'empêcher de ricaner au « conseil d'ami » de Tom, ce qui lui valut un regard noir de ce dernier. C'était quand même l'hôpital qui se foutait de la charité : enfin ! Il était loin d'être LE parfait compagnon, non ? Se considérait-il vraiment comme « charmant » ou « plein d'humour » ? Plus il y pensait et plus il trouvait ça drôle. Bien sûr, Tom savait se montrer aimable, quand il le voulait, même si c'était souvent plus une représentation théâtrale que l'expression de ses véritables sentiments. Quant au côté amusant, Harry le cherchait toujours. À moins que, pour lui, devenir un mage noir, diviser son âme et conquérir le monde soit une subtile touche d'humour. Ha ! Toutes ses victimes devaient bien se plier de rire, se taper leurs côtes décharnées, tout en bas, six pieds sous terre ! Bientôt, il allait peut-être même l'entendre dire qu'ils étaient littéralement « MORTS DE RIRE ! ».

Bon. Fallait-il rétablir la vérité et ne pas laisser Tom macérer dans ses illusions ? Harry réfléchit longuement à la meilleure formulation et occupa ses mains en les laissant réajuster le col de son vis-à-vis : « Vous êtes beau, personne ne peut le nier et je pense qu'on vous l'a déjà dit. - Il n'obtint en réponse qu'un léger grognement boudeur – Mais franchement, niveau caractère, vous n'êtes pas le plus fréquentable : vous êtes brutal, désagréable, hautain, vous n'écoutez personne et quand vous avez une idée dans la tête, impossible de vous en détourner. »

Ces qualificatifs ne plurent pas à Tom qui sembla s'en agacer : « Et vous, vous êtes naïf, bien trop indulgent et conciliant et vous avez constamment cette fâcheuse et irritable tendance à vouloir sauver la veuve et l'orphelin ! »

« Et ça me convient tout à fait ! »

« Parfait ! » répondit méchamment Tom en se détournant et en commençant à s'éloigner.

« Parfait. » répéta Harry en croisant les bras.

Voyant qu'Harry ne semblait pas vouloir le retenir, Tom fit brusquement demi-tour et pointa un doigt menaçant dans sa direction : « Je ne SUIS PAS désagréable ! »

« Ha ! Alors peut-être devrait-on prendre du temps pour relire ensemble la définition du dictionnaire ? Je peux trouver des synonymes, si vous voulez : imbuvable, odieux, mésavenant… je continue ? »

« Ils me supplient tous pour que je sois leur Maître ! »

« Parce qu'ils ont peur de vous ! Ou qu'ils sont aussi masochistes que Malfoy ! »

« Mais vous, vous n'avez pas peur de moi et je doute que vous ayez des tendances… perverses ! »

Harry ouvrit la bouche puis la referma sans trouver quoi répondre. Dire qu'il n'avait pas peur aurait été mentir. Voldemort l'effrayait et, s'il avait pu, il aurait préféré ne jamais le rencontrer. Mais voilà, il n'avait pas eu le choix. Les adultes du monde sorcier l'avaient propulsé dans ses bras alors qu'il n'était que tout bébé : « Hop, voilà l'enfant de la prophétie, débrouillez-vous tous les deux avec ça, cela ne nous concerne pas, merci, au revoir. » Alors Harry avait dû… improviser et trouver du courage là où il ne restait plus grand espoir.

Si Voldemort l'effrayait, avec Tom, c'était un peu différent. C'était comme si Harry n'arrivait pas à associer les deux, à se dire qu'ils n'étaient qu'une seule et même personne. L'âge devait jouer, le physique aussi, il ne fallait pas le nier. Voldemort, avec son facies de serpent, blanc comme la pierre, n'inspirait rien d'autre que du dégoût.

Et Tom… Tom était une sculpture de marbre : froid et inaccessible, mais d'une beauté étourdissante. Et même si Harry commençait à reconnaitre en lui les prémices de Voldemort, il restait tout de même bien plus humain (et canon) que la version qu'il avait côtoyée lors de son enfance.

« Je… je ne sais pas. » Finit par dire Harry en laissant retomber ses bras le long de son corps. Il releva la tête vers le ciel et observa un instant les étoiles qui scintillaient dans la nuit. L'incendie avait été maîtrisé et le calme et les ténèbres étaient revenues sur le quartier. Il était tard, il était fatigué et commençait à avoir froid. Sa jambe le lançait méchamment et il voulait juste rentrer. Il sentait encore le sang coller à sa peau et la sensation était franchement désagréable. D'ailleurs, maintenant qu'il y pensait, où donc Tom avait-il trouvé une telle quantité d'hémoglobine ? Non. Il ne fallait surtout pas chercher à savoir ; l'ignorance était parfois la meilleure des amies.

« Vous frissonnez. »

Harry reposa ses yeux sur Tom : « J'ai un peu froid. » dit-il doucement.

Tom le jaugea un long moment du regard puis s'approcha doucement : « Placez un bras autour de mon cou. » ordonna-t-il lentement.

Harry le regarda, perdu et indécis. Tom précisa : « Vous avez eu une nuit agitée. Je vais nous transplaner. »

C'était totalement désarmant : un instant plus tôt, ils se chamaillaient comme des adolescents et maintenant, Thomas Gaunt proposait de le raccompagner avec une telle douceur que s'en était troublant.

« Je… vais salir votre manteau… » marmonna Harry.

Tom lui lança un regard désabusé : l'excuse était mauvaise, le manteau était ruiné depuis un bon moment déjà et Harry pouvait y voir, avec un peu de honte, toutes les traces sanglantes qu'il y avait laissé.

Ce n'était pas qu'il n'était pas habitué au rapprochement de leurs deux corps, ils avaient tous deux déjà transgressé les règles de la bienséance depuis fort longtemps, mais le contexte était différent. Tom ne jouait pas. Il ne cherchait pas à le séduire, à le manipuler ou à le provoquer, non, il offrait juste de le ramener au Manoir et cette simple proposition intimidait Harry sans qu'il ne comprenne pourquoi.

Tom s'empara du bras d'Harry et le plaça de force autour de son cou, puis il mit sa main dans le creux de son dos et Harry sentit ses pieds quitter le sol. Paniqué, il s'accrocha plus fermement aux épaules de Tom : cet idiot était en train de le porter comme une princesse : « Posez-moi ! Immédiatement ! »

« Arrêtez de gigoter ou je jure que je vous désartibule volontairement pendant le voyage. Et si vous ne me croyez pas, souvenez-vous bien que je suis quelqu'un de brutal et de désagréable. »

Un craquement plus tard, la ruelle était vide.

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Fin de l'interlude.