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~Interlude~
Acte 3 : Dernier vœu.
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Nigel se faufila dans l'interstice entre la cloison et le mur de sa maison avec une détermination presque fébrile. Ici, comprimé par les briques, il trouvait un étrange sentiment de confort, presque jouissif. Il se sentait à l'aise dans cette obscurité oppressante, comme s'il pouvait être enseveli vivant à tout moment.
Pour lui, ce passage était bien plus qu'un simple trou dans un mur ; c'était un portail vers un royaume caché, un refuge où il se sentait étrangement protégé. Dans cet étroit recoin obscur, il pouvait se dissimuler aux yeux du monde et se fondre dans l'ombre qui l'entourait.
Celle-ci chuchotait à son oreille, lui murmurant des vérités qu'il ne comprenait pas encore pleinement, mais qu'il savait inéluctables.
Edgar était un imbécile. Et les imbéciles ne faisaient jamais long feu. Il n'avait eu que ce qu'il méritait. Il aurait pu embrasser les ténèbres que Nigel lui avait montrées, mais il avait préféré fuir comme un lâche. Ce n'était pas ainsi que se comportaient les soldats. Alors l'Ombre l'avait pris avec lui, l'avait tiré dans le néant. Et c'était un honneur, n'est-ce pas ?
Il serra la main de singe momifiée dans sa main. Ici. Il ne restait plus qu'un pas avant qu'il ne rejoigne les Dieux. Il suffisait de faire un dernier souhait et les portes du paradis s'ouvriraient pour lui. Il dessinait de son index les contours du dernier doigt levé de la patte.
Un dernier vœu.
« Je souhaite, - commença-t-il d'une voix rauque – découvrir une nouvelle chose. Une chose dont personne encore n'a connaissance. Que je sois le premier et le seul à expérimenter. »
Un craquement sec se fit entendre et un rire clair résonna dans la pièce.
Plus aucun rayon de soleil n'atteignait le bureau. Il ne restait que les ténèbres.
Quelque chose goutta du plafond. Ça tombait avec une dérangeante régularité. Toujours coincé dans son trou, Carver tendit la main et y reçu, comme une obole, un liquide poisseux qu'il porta à ses lèvres.
Du sang.
Il rit.
Il rit et son rire rauque couvrit le murmure des ombres.
Il sentit d'abord une sensation de chatouillement sur sa peau, comme si des milliers de petites pattes se promenaient le long de ses jambes. Il ne voyait pas, mais il sentait les centaines, les milliers de petites morsures dévorer ses chairs, se transformer en brûlures acides. Il essaya de chasser ces bêtes qui le piquaient sans relâche mais rien n'y fit : chaque mouvement de ses doigts ne faisait qu'accentuer la douleur.
Son corps se raidit, chaque muscle tendu dans une lutte futile contre l'invisible. La patte de singe lui échappa des doigts, tombant sur le sol dans un bruit étouffé. Il voulut fuir, mais ses membres étaient comme paralysés par la terreur. Il se laissa lentement glisser le long du mur, son esprit submergé par une folie grandissante : « J'accepte ! – hurla-t-il aux Ombres – J'accepte ta bénédiction ! »
Aussitôt, comme si elles comprenaient son accord, une marée de Ténèbres se ruèrent sur lui pour l'ensevelir et Carver ne se débâtit pas, car il savait que c'était là le tribut qu'il devait payer.
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On ne força la porte de la demeure Carver que plusieurs jours plus tard, quand on commença à s'inquiéter de la disparition d'Edgar Whiltey.
Lorsqu'ils pénétrèrent enfin la porte de la demeure Carver plusieurs jours plus tard, un silence oppressant accueillit les autorités, tandis qu'une épaisse odeur de pourriture imprégnait l'air.
La lumière infiltra enfin la maison, éclairant les sombres recoins qui semblaient respirer une malédiction.
Au rez-de-chaussée, les agents découvrirent avec horreur le corps désarticulé d'Edgar Whiltey, mais ce n'était que le début de l'horreur qui les attendait.
Gravissant l'escalier avec précaution, ils montèrent à l'étage, où une atmosphère étouffante les enveloppa. Ils furent frappés par une vague de nausée en découvrant le Major Nigel Carver, à moitié dévoré, sa silhouette tordue dans une cavité qu'il semblait avoir lui-même creusée dans le mur.
Le spectacle était terrifiant. Ils s'empressèrent d'ouvrir les fenêtres, espérant dissiper cette puanteur morbide qui les assaillait.
Ils passèrent la pièce au crible, cependant, même après une minutieuse inspection, ils ne trouvèrent rien d'autre que les corps mutilés, témoins silencieux de l'horreur indicible qui s'était déroulée dans cette maison maudite.
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Tom se recula, un demi sourire aux lèvres et attendit les réactions.
« Où est passée la main ? » Demanda Madelyn avec suspicion.
« Elle n'y était plus. » Répondit Thomas d'un ton indifférent.
« Qu'est ce qui a dévoré le Major ? » Questionna Harry.
Gaunt haussa les épaules : « Personne ne l'a découvert. Je ne suis même pas certain que Nigel Carver le sache lui-même. »
« Et si – demanda Billy – et s'il avait évité les ombres, plutôt que d'y entrer ? »
Gaunt lui jeta un regard méprisant : « Et comment pensez-vous pouvoir éviter les ombres, Monsieur Thompson ? Où que vous alliez, elles sont présentes. L'essentiel est de ne pas les provoquer, vous ne croyez pas ? De faire profil bas pour qu'elles ne vous remarquent pas. »
Harry avait à nouveau pâli : « Et que se passerait-il si quelqu'un trouvait cette main et faisait des vœux ? »
Thomas haussa un sourcil : « Et bien… j'espère que cette personne ne craint pas les enfers, car croyez-moi, Monsieur Potter, ce n'est pas que la Mort que vous trouverez au bout. »
« Et si – proposa Billy – si on ne faisait pas les trois vœux ? Que l'on s'arrêtait au deuxième ? »
« Alors je suppose que vous auriez encore une chance. Enfin, peut-être. Dans le cas contraire, croyez-moi, elles sauront vous retrouver. Elles vous traqueront. Où que vous alliez. Et tous ceux qui auront fait un souhait seront leurs proies. Je connais d'autres histoires là-dessus, si vous voulez… »
Harry se redressa d'un bond, basculant la table au passage : « Oh mon dieu – balbutia-t-il horrifié – Je… Je souhaiterai tellement que tout cela s'arrête ! »
Et, dans la poche de Billy, un craquement sinistre retentit.
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