Heureusement pour Candice, Chloé arriva en même temps que les enfants. Elle, qui se réjouissait de cette belle journée avec les gens qu'elle aimait, se retrouvait à devoir supporter une étrangère. Et une étrangère qui n'avait pas froid aux yeux …

La commandante avait eu le temps de dresser dehors une jolie table, accueillante et chaleureuse. Un joli bouquet de marguerites blanches trônait au milieu d'un chemin de table dans les tons de parme. Sur chaque assiette blanche, une jolie serviette aux motifs délicats y était installée, ainsi qu'un petit chocolat ou un bonbon pour les plus jeunes. Et Candice avait sorti ses plus jolis verres à pied, ceux que Pascale lui avait offerts pour son anniversaire. C'était dans son caractère, elle aimait faire plaisir aux autres, même si parfois, elle pouvait se montrer maladroite. Elle avait même pensé à acheter les bonbons préférés d'Antoine pour les déposer tendrement sur son assiette.

« Et bien, on est tous là… annonça Candice, une pointe d'aigreur dans la voix. On peut s'installer à table.

- Antoine, je me mets à côté de toi, dit Jules.

- Pas de soucis, mec ! répondit Antoine avec un grand sourire. Et Émilie, tu te mets à côté de moi aussi ? demanda le capitaine en jetant un regard à Candice.

- Volontiers Antoine ! accepta l'infermière avec une joie manifeste.

Candice, de son côté, s'était installée entre Emma et Chloé, en face d'Antoine et d'Emilie. C'était plus fort qu'elle. Elle bouillonnait intérieurement de les voir si proches, mais ne pouvait pas les lâcher des yeux. Elle observait chacune des mimiques de l'infermière, à coup de grands sourire et de yeux qui pétillent. Et parfois, elle en arrivait même à frôler délicatement le bras d'Antoine. Chaque contact donnait la nausée à Candice, un sentiment très désagréable. Antoine quant à lui, n'était pas en reste, puisqu'il distribuait sourires charmeurs et œillades. Candice était captivée il faut dire, par le spectacle, mais aussi par la présence de son ami. Il était vêtu d'un t shirt vert sapin qui faisait ressortir ses beaux yeux. Ses lunettes de soleil négligemment posées sur sa tête et sa veste en cuir, lui donnaient fière allure. Et surtout ! Il avait mis le jean que Candice préférait. Un jean noir qui épousait parfaitement le bas de son corps et lui faisait des fesses à se damner. Elle s'en était rendue compte lors d'une de leurs enquêtes, alors qu'elle était en train de faire un point autopsie avec Pascale. Antoine, ayant terminé de prendre les premières impressions des témoins sur place, revenait en direction des deux femmes. De face, c'était déjà un spectacle plaisant. Mais le clou avait été quand, ayant oublié quelque chose, il avait fait volte-face. Et là, Candice s'était sentie défaillir… Une chaleur intense s'était logée dans son estomac, se propageant dans tout son bas ventre. Elle avait senti le rouge lui monter aux joues, elle qui rougissait très facilement. Pascale, consciente de son trouble et surprise que Candice n'ai pas prononcé un mot depuis 5 bonnes minutes, s'était amusée à la charrier. Et voilà, qu'aujourd'hui, Antoine avait remis ce fameux jean. Et ce, pour Émilie…

- Candice, ta table est très jolie ! Un peu « girly » pour moi, mais tu t'es donnée du mal, sourit Chloé avec une franchise désarmante. Du Chloé St Laurent tout craché.

- Euh… Merci Chloé… hésita Candice.

- Oh, ce sont des arlequins ? s'exclama soudainement l'infermière en montrant les bonbons devant Antoine. J'adore ça, ce sont mes bonbons préférés.

Il fallait dire qu'Émilie s'était retrouvée avec un vieux chocolat à la liqueur de Grand Marnier, ceux qui traînent indéfiniment au fond de la boîte car personne ne les aimait. Vengeance quand tu nous tiens…

- Oui ! Et quelle coïncidence, ce sont aussi mes préférés. On partage si tu veux, renchérit Antoine en lui tendant une sucrerie. Merci Candice pour la petite attention, tu as fait deux heureux !

La nausée de Candice réapparu… Et elle sentait qu'elle ne la lâcherait pas de la journée…

- Bien, commençons à manger. Je vous fait passer les salades. Jules, tu peux aller chercher la viande sur le barbecue, elle doit être cuite.

- Je te donne un coup de main Jules, proposa Antoine en se levant à la suite de l'adolescent.

- Candice, racontez-moi tout. Depuis combien de temps travaillez-vous avec Antoine ? demanda tout de go Émilie à la commandante.

- Ca fait presque 3 ans maintenant…

- Candice n'a aucune mémoire des dates ! la taquina Antoine.

- Faux ! J'ai pris mon poste le 15 septembre, donc ça fera 3 ans bientôt, le moucha Candice. Je me souviens bien de mon arrivée vois-tu …

- Oui, Antoine n'a pas super bien accueilli maman… rebondit Emma. Elle était dans un de ces états quand elle rentrait le soir.

- Oh, Antoine, j'ai du mal à le croire ! Tu es si accueillant ! claironna Émilie en battant des cils et en touchant le poignet du capitaine.

- Je le suis d'habitude ! C'est juste que l'arrivée de Candice nous a un peu tous bousculés à la BSU. Je devais être promu commandant mais son arrivée a changé tous mes projets. Mais c'est du passé maintenant ! répondit Antoine en souriant à Candice. Nous sommes devenus amis.

Le mot « ami », sur lequel Antoine avait bien insisté, formait une boule dans la gorge de Candice. Une grosse boule qui la chatouillait et lui donnait envie de pleurer. Sentant ses yeux s'embuer, elle détourna légèrement la tête. Candice se maudissait de ressentir de tels sentiments car après tout, c'est bien ce qu'ils étaient... des amis. De très bons amis certes, mais des amis. Et rien de plus. Alors pourquoi, l'évocation de ce mot la mettait dans tous ses états ?

- Bien plus ! rebondit Chloé en regardant Émilie droit dans les yeux. Dans la police, quand on est co-équipier, c'est une relation particulière qui se noue entre deux personnes. A force de passer ses journées, et parfois ses nuits, avec l'autre, on sait tout de lui, on connaît ses forces et on devine ses failles. On sait quand il va mal, quand il est préoccupé. On partage ses bonheurs aussi. Et surtout, on sera à jamais là pour son co-équipier, quoiqu'il arrive. Mais ça, Émilie, il faut travailler dans la police pour comprendre un tel lien.

Candice toucha amicalement la cuisse de Chloé pour la remercier de son intervention. Dans ce geste anodin, elle lui exprimait toute sa gratitude d'avoir résumer avec de si jolis mots sa relation avec Antoine, d'avoir aussi bien compris le lien qui les unissait, et… d'avoir mouché l'infermière.

- C'est tout à fait ça Chloé ! sourit Antoine. Tu dois avoir la même relation avec Rocher.

- Oh, ça oui je pense ! renchérit Candice en faisant un clin d'œil à Chloé. Une relation tout aussi profonde hein !

- Émilie, ça doit être pareil dans le milieu médical non ? s'intéressa de nouveau Antoine.

- Je ne travaille pas à l'hôpital donc il me serait difficile de vous dire que j'ai une relation aussi intense avec mes collègues. En cabinet, on est moins exposées… répondit piteusement Émilie.

- Oh Émilie, ne sous-estime pas ton travail, tu fais un boulot formidable pour ma rééducation, la consola Antoine.

- Il faut dire que le cadre de ta rééducation aide beaucoup aussi, je suis sûre ! le coupa Chloé. Cette maison, la présence de Candice, des enfants… Vous me dites si je me trompe Émilie, mais le mental influe également sur la guérison. Presqu'autant que les soins médicaux non ?

- Euh…oui, c'est important, répondit Émilie peu sûre d'elle.

- Et bien, alors, avec un tel entourage et une infermière…comment dire, aux petits soins, Antoine a toutes les chances de bien guérir ! termina Chloé, fière de son intervention.

Les enfants étaient désarçonnés par la tournure que prenait ce déjeuner. Ils tournaient la tête comme dans un match de tennis. Hop un point pour Émilie, mais Chloé rebondit et smatche pour arracher un autre point. Les piques et paroles peu sincères jaillissaient de chaque côté de la table, si bien, qu'ils n'y comprenaient plus rien. Pourquoi Antoine montrait-il un intérêt aussi grand à Émilie aujourd'hui ? Pourquoi Chloé était remontée contre elle ? Et pourquoi maman ne disait rien et paraissait triste ? Difficile pour eux de s'y retrouver dans cet amas de sentiments …

- Je vais chercher le dessert, annonça Chloé. Antoine, tu m'aides ?

- Je viens avec toi, Antoine ne doit pas trop bouger, intercepta Candice.

- Oh, reste un peu tranquille, tu as tout fait aujourd'hui ! Allez Antoine, suis moi ! »

Chloé partit devant en direction de la cuisine pour aller chercher le délicieux gâteau-macaron à la framboise qu'elle avait pris chez le pâtissier. Il faut dire qu'en matière de sucreries, elle et Candice étaient sur la même longueur d'ondes. Deux fidèles becs sucrés. Et connaissant le penchant de son amie pour les macarons, elle avait voulu lui faire plaisir. Antoine marchait à sa suite.

Arrivés dans la cuisine, à l'abris des regards, Chloé lança les hostilités.

« Mais, enfin, Antoine, qu'est-ce qu'il t'arrive ?

- Bah rien, pourquoi ?

- Je vois clair dans ton petit jeu et ça fait souffrir Candice. Et crois-moi, je n'aime absolument pas ça !

- Chloé, tu te fais des idées…

- Pas à moi Antoine… C'est un cas typique de jalousie. Tu utilises Émilie pour rendre Candice jalouse. En psychologie, le jaloux, ici Candice, se sent menacé de ne pas être considéré et de disparaître au yeux des autres. Lorsque l'on manque d'estime de soi, on existe parfois en « possédant » et lorsqu'il y a dépossession ou que l'intérêt de l'autre se porte ailleurs, c'est à ce moment que le sentiment de jalousie explose. Parce qu'il faut bien garder en tête que la jalousie est d'abord le signal d'une souffrance personnelle, de mésestime de soi. Alors, certes, je t'ai conseillé d'agir, mais pas de faire souffrir mon amie. Si tu veux mon avis, tu t'y prends comme un manche ! Tu imagines ce que dois ressentir Candice ?!

- Oui, je ne suis pas fier de moi tu as raison… Mais comme elle ne laisse rien transparaître, je voulais savoir si j'avais une chance.

- Et lui poser la question, t'y as pensé ?

- Pour qu'elle se défile comme d'habitude ? Si tu savais le nombre de perches que je lui ai lancé … soupira Antoine.

- Et bien là, tu ne vas plus rien pêcher car elle pense que tu t'intéresses à ton infermière ! Et tu vas faire du mal aux deux car Émilie en pince clairement pour toi, mais toi tu ne l'aimes pas.

- Je me dis parfois que ça serait plus simple de nouer une relation avec Émilie… Mais je n'y arrive pas, Candice, je l'ai dans la peau… soupira Antoine.

- Si tu l'aimes autant que tu le dis, tu dois accepter de l'attendre, d'y aller à son rythme. Vous n'avez pas la même histoire tous les deux, la même confiance en vous. Candice a ses failles, et ce n'est pas en piétinant sa confiance en elle, que vous allez construire quelque chose tous les deux. Je suis claire, tu m'as comprise ?

- Oui, c'est bon. Et puis merci Chloé. Merci de m'avoir remonté les bretelles, je le mérite amplement. Et merci d'être une si bonne amie pour Candice. J'ai bien vu que tu la réconfortais à table et que tu ne t'es pas gênée pour rembarrer Émilie ! sourit Antoine.

- Je n'aime pas qu'on touche à ceux que j'aime, te voilà prévenu !

- Qu'est-ce que vous faites ? On l'attend ce dessert ! demanda Candice en se dirigeant vers eux.

- Rien, rien. On arrive ! On n'arrivait juste pas à trouver… la pelle à tarte. Mais c'est bon maintenant ! dit Antoine mal à l'aise en attrapant l'ustensile sur le bar de la cuisine.

- Tant mieux, on s'impatientait. Émilie s'impatientait … »