Me revoilà ! Je sais, deux semaines c'est long. Mais aujourd'hui :

C'est l'heure du coup de foudre.


King se releva lentement. Ses blessures ne lui permettaient pas encore de bouger avec souplesse mais il ne voulait pas que l'ennemi le croit aussi amoindri.

Il aurait aimé trouver les clés de ses menottes avant qu'un responsable ne l'arrête dans sa course, tant pis. D'après les hurlements qu'il avait entendus sur son passage alors qu'il brûlait des meubles vivants, il se trouvait dans la demeure de Charlotte Katakuri. L'un des fils aînés de Big Mom. Il ne l'avait jamais rencontré mais, comme tout le monde, il connaissait sa légende. C'était le combattant le plus puissant de l'équipage et un des meilleurs guerriers du Nouveau Monde.

Cette information lui avait tout de suite fait comprendre pourquoi il n'avait pas été saucissonné dans un cachot avec des chaînes de forçat. Il avait été placé sous la surveillance du fils le plus compétent de Big Mom. S'il voulait s'enfuir, il allait devoir affronter ce cerbère qui, à lui seul, était une prison largement plus efficace que n'importe quelle cellule avec des barreaux. Ça n'arrangeait pas ses affaires. Dans son état, il ne pouvait pas risquer une confrontation directe. Ses capacités naturelles étaient efficaces contre la plupart des adversaires mais contre lui... Rien ne serait aussi simple. La meilleure chose à faire, pour ne pas perdre plus de temps, était de garder son sang froid et observer. Pressé ou non, il garderait la tête froide.

Quand il se retrouva face à lui, il admit être impressionné par son charisme. L'homme était large d'épaules et très imposant, presque autant que lui, vêtu de cuir clouté et massivement tatoué. Mais King eut l'intuition qu'il se donnait beaucoup de mal pour que son apparence corresponde à une image conforme aux ambitions familiales, quand bien même sa parenté était indiscutable. Il avait les mêmes cheveux roses et le même regard impitoyable que sa mère. Quoique le sien, à l'inverse de la vieille Big Mom, paraissait plus doux et plus triste, empli de fatigue. Mais ce qui interpella King, plus que le reste, fut sa mâchoire. Il ne se souvenait pas avoir entendu parler d'un tel détail à son sujet, ni de l'avoir vue sur un avis de recherche, et pourtant il était certain que c'était à ses crocs puissants qu'il devait son épaule en charpie. Une observation plus poussée lui confirma qu'ils avaient probablement eut une petite altercation avant que King se réveille. L'homme était couvert de pansements et de bandages, lui aussi. Il éprouva un certain soulagement à l'idée qu'il n'avait pas été aussi facile à battre, même après sa défaite humiliante contre Roronoa.

L'énorme trident que Katakuri tenait à la main ne laissait pas de place au doute quant à ses intentions mais à la seconde où leurs regards se croisèrent, King crut percevoir dans ses yeux l'habituelle déroute que provoquait son visage sur autrui. Katakuri papillonna des cils, baissa brièvement les yeux pour trouver un autre endroit où regarder, puis se concentra de nouveau.

"Il est plus digne que la plupart des gens." Pensa King, agréablement surpris par sa politesse.

Ils s'évaluèrent une minute avant que l'un d'eux ne se décide à faire un mouvement. Katakuri fouilla la poche intérieur de sa veste et en sorti une clé. Il la montra à King en levant un sourcil interrogatif.

— Je crois que c'est ce que tu cherches ?

King s'abstint de répondre. Son évasion était de plus en plus compromise. Arracher sa liberté aux mains du plus puissant des membres de cet équipage allait être compliqué. Il ne se voyait pas le provoquer en duel. Même s'ils étaient tous les deux en piteux état, ils n'étaient pas à égalité. Katakuri avait l'avantage : une arme, des subordonnés, la pleine possession de ses pouvoirs... C'était la défaite assurée.

— Les homies étaient censés m'avertir de ton réveil, navré qu'ils ne l'aient pas fait. En revanche, tu aurais pu t'abstenir de brûler la chambre.

— Les homies, répéta King. Ce sont ces insupportables objets parlants ?

— Oui. Ils n'en ont peut-être pas l'air mais ils sont indispensables au fonctionnement de Totto Land, cesse de les détruire.

Les flammes qui flottaient dans le dos de King s'agitèrent brusquement. Il n'aimait pas qu'on prenne ce ton avec lui et comptait bien le démontrer.

— Je te parle comme je veux, je suis chez moi, le devança Katakuri, la voix calme.

Les flammes se firent encore plus chaudes et plus agressives, elles léchèrent le plafond et y laissèrent une grosse tâche de suie noire.

— Je ne suis pas un enfant que tu peux intimider avec une voix autoritaire, gronda King.

— Je sais. Mais ne t'attends pas à ce que je sois aimable alors que tu essayes de brûler mon palais. Tu es mon invité mais je pourrais me montrer encore moins courtois si tu en venais à tout réduire en cendre où à brutaliser mon personnel.

King tiqua. Son "invité" ?

Comme auparavant, Katakuri sembla anticiper sa question et y répondit avant même qu'il ouvre la bouche.

— Etant donné le lien qui existe entre nos deux capitaines, il n'aurait pas été très correct de notre part de te parquer dans une cage comme un animal. Inutile de provoquer un incident diplomatique, même si tu as toi-même failli raser notre capitale le jour de ton arrivée ici. D'où les menottes.

Les choses devenaient plus claires. Ainsi donc, ils étaient toujours alliés.

— Je ne me souviens de rien, répondit-il simplement, sans s'excuser. Je suppose que c'est à toi que je dois mon épaule déchiquetée ?

Katakuri s'empourpra et eut un geste étrange ; il voulut saisir quelque chose dans le vide, juste sous sa gorge, mais il laissa retomber sa main contre son flan. King se demanda ce qu'il avait pu dire de si gênant pour qu'il réagisse de cette façon mais il ne chercha pas plus loin. Puisque l'alliance était toujours d'actualité, il n'avait aucune raison de rester ici plus longtemps. Même s'il leur devait probablement la vie, sa place était auprès de son capitaine.

— J'ai quelques questions à te poser moi aussi, devina à nouveau Katakuri. Mais avant tu voudrais peut-être...

Il désigna ses vêtements du doigt, un peu embarrassé. King baissa les yeux et se rappela tout à coup qu'il était en guenilles. Il devait avoir l'air profondément ridicule, vu de l'extérieur. Alors si on lui proposait de lui prêter des vêtements, ce n'était pas de refus. Même s'il était déjà grillé en tant que lunaria, il était toujours mal à l'aise à l'idée d'être aussi exposé.

— Je veux bien, oui.

Katakuri l'invita à le suivre d'un geste de la tête et il lui emboîta le pas. En quittant la pièce, des dizaines d'objets animés quittèrent leurs cachettes et se ruèrent entre leurs jambes pour aller réparer les dégâts causés par King. Certains lui tirèrent la langue et l'insultèrent mais il ne leur prêta aucune attention. Il n'avait plus qu'une chose en tête : son départ.

/

Katakuri éprouva un vif soulagement lorsqu'il tourna enfin le dos à King. Il se lança dans le couloir, avec de grandes enjambées, pour maintenir une distance entre eux.

Jamais il ne s'était senti aussi mal à l'aise en présence de quelqu'un. Durant ces quelques jours, il avait eu le temps de se faire une idée du genre d'individu que pouvait être le second de Kaido et il s'était préparé à lui faire face. Il pensait qu'il aurait à faire à un ersatz du célèbre empereur, un genre de brute agressive aux airs supérieurs, roulant des muscles pour asseoir sa suprématie. Jamais il n'aurait cru se retrouver paralysé de surprise devant son visage et se serait encore moins attendu à... Le trouver très agréable.

S'il n'avait pas été un champion de stoïcisme, il n'aurait jamais réussi à garder la tête froide. A la seconde où il avait posé ses yeux sur lui, il avait aussitôt compris ce qui avait poussé ses cadets à se lancer à ses trousses : King était loin de ressembler à un pirate sanguinaire et bestial tel que Kaido. Il était plus proche des princes ou des chevaliers en armure des contes que Mama aimait tant. Ou plutôt, il ressemblait à l'image que Katakuri s'était fait des héros de ces contes. Pire que ça, il était encore plus beau que tout ce que son imagination avait pu construire au fil des années. Comment avait-il fait pour ne pas le remarquer lors de leur combat ? Il aurait dû être plus attentif, ça lui aurait épargné des palpitations. Car c'est bien ce qu'il avait ressenti ; il avait croisé le regard de King et son cœur avait manqué un battement. Pendant une seconde, il avait senti son sang se changer en miel et fondre dans son ventre avant de reprendre le contrôle.

Il n'avait jamais réagi comme ça, devant personne, et il en était mort de honte. Heureusement, King ne lui avait pas donné l'impression d'avoir remarqué son trouble. Peut-être était-il habitué à ce qu'on le contemple. Après tout, les lunaria ne couraient pas les rues. Il avait probablement confondu son choc avec de la curiosité mal placée.

Il essaya de retrouver ses esprits. Quel âge avait-il pour réagir comme une midinette devant l'homme qui avait essayé de l'écorcher vif sous sa forme de ptéranodon ? Il se figura son apparence de zoan pour essayer d'oublier son physique envoûtant. Il était plus que ridicule d'avoir des pensées de ce genre dans un moment pareil ! S'il était arrivé plus tard, qui sait ce qui aurait pu arriver aux décuplés. Il ne devait pas éprouver la moindre sympathie pour un homme aussi dangereux. Il n'avait pas le droit de se laisser aller.

Il prit à droite et monta un escalier. Même sans se retourner, il savait que King le suivait toujours. Il pouvait entendre le crépitement des flammes qui brûlaient dans son dos. Sur le chemin, des homies lui proposaient de l'aide, il déclinait. Il ne voulait pas les exposer à quelqu'un qui avait très certainement envie de les voir brûler dans d'atroces souffrances. Il se sentait idiot de lui avoir proposé des vêtements propres : le seul endroit où il pouvait en trouver et qui étaient à sa taille était son propre dressing et il était hors de question qu'il le laisse entrer dans ses appartements. Néanmoins, il le conduisit jusqu'en haut des escaliers. Une fois devant la porte de ses quartiers, il le stoppa du plat de la main en prenant bien soin d'éviter son regard.

— Attends ici.

King croisa les bras sur sa poitrine et souffla d'impatience.

La porte, une homie qui lui était fidèle, laissa entrer Katakuri. Il faillit lui ordonner de ne surtout pas laisser le prisonnier le suivre mais il se retint. Il n'avait pas à écouter les élans qui lui faisaient perdre son sang froid. Même s'il n'avait pas confiance en lui, King n'allait certainement pas violer son intimité pour des vêtements. Il se contenta de murmurer "préviens moi s'il bouge" et la porte lui répondit d'un clin d'œil. Il se dirigea vers le salon et ouvrit la grande armoire où il rangeait ses affaires.

King était plus grand que lui mais leurs carrures étaient similaires, il n'aurait pas de mal à entrer dans ses vêtements. "J'espère qu'il ne va rien interpréter." Se dit-il, après s'être demandé si c'était quelque chose de déplacé que de refiler ses vieux habits à un personnage de marque venu d'un équipage adverse. Il porta son choix sur ce qu'il avait de plus sobre et espéra que King n'avait rien contre ce qui était prêt du corps. Quand bien même il aurait quelque chose à dire, s'il préférait se balader en haillons, c'était son choix. Il referma l'armoire et rejoignit le prisonnier, qui n'avait pas bougé d'un pouce. Il observait les environs avec un air détaché.

Katakuri lui tendit les habits avec la même indifférence.

— Tiens.

King accepta l'offre sans dire merci. Il les détailla, le regard éteint. Katakuri avait du mal à le lâcher des yeux. Malgré tous les prodiges dont il avait été témoin depuis son plus jeune âge, il avait du mal à croire qu'il était réel.

— Il y a "Charlotte" brodé dans le dos de cette veste, dit-il, toujours indifférent. C'est la tienne ?

— Tu auras tes vêtements à toi bientôt, le temps de les confectionner. C'est temporaire.

King leva un sourcil puis soupira.

— Temporaire, répéta-t-il, avec sa voix traînante.

Sans prévenir, il ôta sa chemise en lambeaux en roulant des épaules. Katakuri, les yeux ronds, eut du mal à cacher sa surprise. Il avait déjà des difficultés à se concentrer, si King se montrait aussi peu pudique avec lui, ça allait être encore pire. Il recula d'un pas, comme s'il avait en face de lui une bombe sur le point d'exploser.

— Tu veux te changer... ici ?

— Tout le monde m'a vu, je n'ai plus rien à cacher.

Il faisait certainement allusion à son identité de lunaria mais ce n'était pas à cela que Katakuri pensait. Pour avoir grandi dans une famille nombreuse, il n'avait aucun problème avec la nudité — hormis la sienne — mais compte tenu de la réaction viscérale qu'il avait ressentie quelques secondes plus tôt après un bref contact visuel, il n'avait pas envie d'en subir plus. Son imagination risquait de s'emballer et il devait garder son calme olympien, tenir son rôle d'aîné inflexible. Heureusement pour lui, la porte s'en mêla et le sauva.

— Ouh, mazette, quel spectacle ! Si j'avais su, je me serai arrangée ! Dit-elle en gloussant.

King s'arrêta immédiatement et fit la grimace.

— Finalement, si t'as un endroit plus tranquille à proposer...

/

Katakuri avait conduit King dans une aile plus calme du palais et l'avait laissé se changer dans une chambre vide, sans meubles parlants ou autre bestioles. Il avait apprécié l'attention. Lui qui n'aimait pas avoir tant de regards sur lui, ce palais était un vrai nid de guêpes. Mais il n'avait pas pu s'empêcher de remarquer que les quartiers de Katakuri étaient moins fréquentés par ces fameux homies, l'homme ne devait pas aimer attirer l'attention non plus.

Et il n'avait pas fait le moindre commentaire sur sa race. C'était ce qu'il y avait de plus étrange. Il pensait qu'au contraire, il profiterait de l'occasion pour observer toutes ses caractéristiques dans le détail. Puis soudainement, il se rappela qu'il était resté couché plusieurs jours. C'était peut-être déjà fait.

Mais tout de même, il n'avait pas l'habitude de voir quelqu'un se montrer aussi réservé avec lui. Il était coutumier des gens envahissants et sans gêne. Il se serait attendu à ce que les enfants de Big Mom se montrent pire que tous les autres, puisque la vieille avait une fascination malsaine pour les ethnies auxquelles elle n'appartenait pas, il était juste de penser qu'elle avait transmis cette passion à ses descendants. Il s'estimait heureux que son premier interlocuteur le considère comme ce qu'il était : un soldat puissant.

Il s'assura que la pièce était bien vide et qu'aucun objet ne pouvait se mettre à lui faire la conversation — il n'en revenait pas d'avoir à vérifier une chose pareille — puis ôta sa chemise déchirée pour la remplacer par le blouson de loubard que Katakuri lui avait prêté. Ce n'était que maintenant qu'il réalisait qu'il allait devoir la trouer pour permettre à ses ailes de passer. Il toucha le tissu de son poing enflammé et perça le cuir sans la moindre difficulté. Il regretta immédiatement son costume précédent, qui avait été pensé pour résister à ses flammes et à ses sautes d'humeur. Les vêtements de Katakuri risquaient de partir en fumée à la moindre contrariété. Rester décent allait être une épreuve.

Il enfila la veste en se contorsionnant pour faire passer ses ailes. La droite lui faisait atrocement mal, plus que ce qui aurait dû être une douleur normale. Il y jetterait un œil plus tard, pour le moment il voulait des réponses. Il fallait qu'il se dépêche. Il balança les restes de son pantalon pour enfiler celui que Katakuri lui avait prêté. Il l'enfila et, arrivé à la taille, fut surpris de trouver une résistance. Il souffla d'exaspération. Katakuri était aussi large d'épaule que lui mais avait le bassin plus étroit, à ce qu'il semblait. Il sautilla sur place pour rentrer dedans et remercia le ciel qu'il n'y ait aucun témoin pour le voir dans cette situation. Au prix d'un effort surhumain, il parvint à fermer le bouton du pantalon. Il avait l'impression que le cuir cherchait à fusionner avec sa peau tant il était serré. Un mouvement de trop et c'était la catastrophe. Au moins, il ne se sentait pas trahi au niveau du style vestimentaire. Il regagna le couloir, impatient d'avoir une conversation digne de ce nom.

Il retrouva Katakuri, immobile comme une statue, qui l'attendait patiemment, les bras croisés sur la poitrine.

— J'ai bousillé ta veste, dit-il en désignant ses ailes du pouce.

— Peu m'importe.

— On peut parler maintenant ?

Katakuri opina du chef et s'appuya contre le mur. King pensait qu'il le conduirait dans un salon mais si ça ne lui posait pas de problème de discuter dans le couloir, soit.

Ils se retrouvèrent face à face et s'évaluèrent du regard pendant une longue minute. King parla le premier.

— Tu peux peut-être m'expliquer comment j'ai atterri ici ?

Katakuri baissa les yeux et prit la parole. King pensa que c'était pour ne pas avoir à affronter son regard mais il comprit à la façon dont ses yeux se baladaient et se focalisaient sur plusieurs points différents que c'était simplement une façon de se concentrer. Il était bien présomptueux de penser qu'il pouvait intimider un tel personnage.

— Tu as chuté sur le bateau de ma famille alors qu'ils étaient en route pour Wano. Ils t'ont rapatriés aussitôt, sur ordre de Mama.

— Je vois, dit-il. J'ai toujours eu beaucoup de chance...

Katakuri ignora son sarcasme et poursuivit.

— Tu étais gravement blessé et tu n'as pas supporté le transport. Dès ton arrivée, tu as détruit tout un quartier de notre capitale, j'ai dû intervenir pour t'empêcher de faire plus de dégâts. Tu étais impossible à raisonner. Après t'avoir maîtrisé, j'ai pris la décision de te prendre sous ma responsabilité.

King n'avait aucun souvenir de tout cela. Il avait de la chance d'être toujours sur ses deux pieds et s'en étonnait. Big Mom tenait vraiment à avoir un lunaria dans ses rangs ; ce qu'il avait fait méritait une exécution. Il ne devait la vie qu'à ce qu'il représentait à ses yeux.

Le regard de Katakuri s'attarda sur l'épaule de King, là où il l'avait mordu. Il s'empourpra une seconde et passa à autre chose.

— Tu es resté inconscient toute une semaine. Tes blessures étaient graves, et ça n'a pas été simple de trouver un médecin pour...

— Quoi ? L'interrompit King. Combien de temps tu as dit ?

— Une semaine.

La panique s'empara de King. Il était loin d'Onigashima depuis aussi longtemps ? C'était pire que ce qu'il pensait. Qui sait ce qui avait pu se passer en son absence ! Katakuri le tempéra encore une fois d'un geste de la main. Il était toujours calme.

— Attends, avant de t'emballer. Laisse-moi finir. Mama n'est pas ici, dit-il gravement. Nous n'avons eu aucune nouvelle, ni d'elle, ni de mes frères et sœurs qui l'accompagnaient, ni de Kaido, ni de qui ce soit, depuis une semaine.

Il laissa le temps à King de digérer l'information. Il lui fallut un moment avant d'enregistrer ce qui venait d'être dit. Katakuri reprit.

— La presse a complètement étouffé ce qu'il s'est passé sur Wano. Le monde tourne encore, comme si rien n'était arrivé.

— Comment est-ce possible ?

— Nous l'ignorons pour l'instant.

— Vous n'avez pas envoyé quelqu'un pour retrouver votre capitaine ?

Katakuri plissa les yeux. Le sous-entendu ne lui plaisait guère. Mais King ne pouvait pas croire que les enfants de Big Mom, tous plus dévoués les uns que les autres, n'étaient pas partis en trombe pour chercher leur mère, en bravant tous les périls.

— Notre flotte n'est pas encore... opérationnelle. Nous sommes toujours en train de réparer les dégâts causés par les Germas, les pirates du Soleil et Chapeau de Paille. Aussi bizarre que ça puisse paraître, nous ne sommes pas assez nombreux pour : faire tourner le pays, protéger les frontières alors que nous sommes affaiblis et lancer une expédition de recherche. En attendant, nous sommes dans l'impasse. Et toi aussi.

Il avait oublié que Big Mom avait eu à faire à Chapeau de Paille avant eux. D'après ses dires, leur situation n'était guère enviable mais ce palais était rutilant, ils ne devaient pas être tant dans la merde que ça. S'ils voulaient laisser crever leur mère — ce qui était compréhensible, finalement — c'était leur problème. Lui n'était pas du genre à abandonner son capitaine comme ça. Que la presse étouffe l'affaire était inquiétant mais il avait bon espoir que Kaido soit toujours en vie. Dans le cas contraire, le gouvernement n'aurait pas manqué l'occasion de s'en vanter. Néanmoins, quelque chose n'allait pas...

Il n'avait plus de temps à perdre. Il fallait qu'il foute le camp d'ici et maintenant. Il n'y avait qu'un seul obstacle : les menottes. Il allait devoir convaincre son hôte de les lui rendre gentiment. Ou le contraindre par la force.

— Je ne ferai pas ça à ta place, dit Katakuri.

King fronça les sourcils, décontenancé. Il n'avait même pas eu le temps de formuler sa pensée qu'il le devançait encore une fois. Il n'y avait pas fait attention mais maintenant qu'il y réfléchissait, cette clairvoyance était particulière. Il se souvint de ce qu'il avait entendu à propos de Katakuri. Il n'y avait jamais vraiment prêté attention, les superstitions, les rumeurs et les histoires que se racontaient les pirates à propos des autres pirates n'étaient jamais des sources fiables selon lui. Malgré tout, il savait que chaque légende cachait un fond de vérité. Et ses souvenirs lui rappelèrent que l'homme en face de lui était devin. Ou télépathe, tout dépendait des histoires.

— Tu vois l'avenir ? Demanda-t-il, las de se faire couper dans son élan.

— Oui, répondit-il simplement. Mais nul besoin d'être devin pour savoir à quoi tu penses. Et je te déconseille d'essayer de fuir.

— Fuir ? Je croyais que j'étais ton "invité", en réalité je suis captif ?

— Tant que je ne sais pas ce que Mama veut faire de toi, oui. Et accessoirement...

Il pencha la tête sur le côté et posa ses yeux sur l'aile droite de King.

Il la replia aussitôt derrière lui, par réflexe. Finalement, il ne se sera pas passé beaucoup de temps avant qu'il ne montre de l'intérêt pour ses particularités de lunaria. Son geste lui causa plus de douleur que prévu et lui arracha un grognement inattendu. Surpris, il se décida enfin à inspecter sa blessure. Il déploya son aile avec difficulté et mesura l'étendue des dégâts. Comment ne s'était-il pas rendu compte de ce qu'il avait subi ?

Ses plumes étaient froissées, cassées, tâchées de sang, mais il y avait pire. D'après ce qu'il pouvait voir, elle avait été coupée en deux puis grossièrement recousue. Voilà qui expliquait la douleur et la peine qu'il avait à la bouger. Sa pauvre aile tenait par miracle. Est-ce que ces pirates de pacotille avaient joué aux apprentis sorciers avec lui en essayant de le rafistoler sans rien connaître de sa physionomie ? Big Mom ne voulait pas d'un lunaria estropié alors ils l'avaient raccommodé comme un vieil ours en peluche pour la satisfaire ?

Il s'enflamma si brusquement que Katakuri eut un mouvement de recul. La chaleur envahit l'atmosphère et fit fondre le glaçage des murs. Le feu prit des allures menaçantes mais il n'avait pas l'intention de se battre, il était simplement... fatigué. Il se laissa tomber sur le sol, le temps de retrouver ses esprits. Les flammes se propageait sur le mur derrière lui et une délicate odeur de pain grillé se mit à flotter dans l'air. Ce détail lui aurait arraché un sourire s'il n'avait pas été aussi abattu.

Le bras de Katakuri s'allongea, il utilisa ses pouvoirs pour étouffer les flammes et empêcher la propagation de l'incendie. Une pâte blanche et gluante avala ce qu'il restait des flammes avec un crépitement violent.

— Ton titre ne sort pas de nulle part, l'Incendie, dit Katakuri, toujours calme malgré ce qu'il venait de se passer.

King ne réagit pas. Ses pensées étaient tournées vers son échec. Il avait failli à sa mission et abandonné tout ce qui comptait pour lui. Ce n'était pas de son fait mais pour quoi passerait son absence prolongée, à part pour de la désertion ? Il avait honte, trop honte, de s'être fait piéger aussi facilement. Mais il fallait qu'il rentre, il n'avait rien à faire sur ce territoire. Il devait rejoindre son capitaine à tout prix.

Sans oublier qu'il préférait mourir plutôt que de devenir le nouveau jouet de Big Mom. Ou de ces enfants.


J'ai beaucoup aimé écrire ce moment. Le premier face à face.

Katakuri a pas fini de rougir, je vous le dis.

Le prochain chapitre sortira le 09/10 ! Et ouais, la semaine prochaine. Parce qu'il est un peu différent, vous verrez pourquoi.

(J'ajoute une petite explication : j'ai commencé à écrire cette fic avant la fin de l'arc Wano donc c'est normal que je ne prenne pas en compte les évènements récents avec les Germa. Et je vais partir sur autre chose et diverger un peu du canon, c'est normal.)