Au moment où je tape là, je ne sais pas si le chapitre va sortir en retard ou pas. Mais bon, on s'en fout : la voici !
Au programme, un nouveau membre de la famille fait son apparition et une embrouille vraiment pas du tout crédible. Bonne lecture ! :)
King avait très bien dormi. Trop bien peut-être. Le boucan de la ville n'avait pas réussi à le réveiller.
Il était déjà midi quand il ouvrit les yeux. Il se leva un peu en catastrophe avant de se rappeler qu'il n'avait aucune obligation d'être sur le pied de guerre ici. Il n'était plus à Onigashima. Il n'avait pas à se lever à l'aube pour éponger les conneries que Queen avait pu faire la veille. Soulagé, il laissa sa tête retomber dans les oreillers moelleux de son lit. S'il pouvait profiter un peu, c'était avec plaisir. Même si les froufrous et la mousseline rose n'étaient pas ce qu'il préférait, il appréciait ce contact sur sa peau. La douceur était plus que bienvenue. Il était un peu étonné que Katakuri ne soit pas venu le réveiller, peut-être qu'il avait oublié de se lever. Ce n'était pas le genre du bonhomme mais quelle que soit la raison de cette grasse matinée surprise, il était reconnaissant.
Il ferma les yeux et se reposa encore un peu. Son aile lui faisait de moins en moins mal mais il avait toujours des difficultés à la bouger. Allongé comme il l'était, il pouvait tenter un petit exercice de musculation. Il tendit son aile au maximum, grimaçant au moment où la flexion devenait douloureuse. Il pouvait la lever sans peine mais elle ne s'ouvrait pas complètement. Ses plumes les plus longues étaient cassées et elles n'allaient pas tarder à tomber. C'était moche, mais c'était bon signe. De nouvelles apparaîtraient bientôt. Il estima sa guérison complète à un mois, peut-être deux.
Bizarrement, la perspective de rester coincé deux mois sur cette île ne lui hérissa pas autant le poil que ce qu'il aurait cru. Il n'était là que depuis quelques jours et au bout du compte, il était beaucoup plus détendu que d'habitude. Les homies étaient insupportables et les lois de Big Mom n'avaient aucun sens mais rien ne l'avait vraiment mis en colère depuis qu'il était là. D'habitude, à cette heure de la journée, il s'enfermait dans ses quartiers pour enlever son masque, manger un peu, et profiter des seules dix minutes de calme de sa journée. Le reste du temps, il le passait à s'énerver et à aboyer sur tout le monde afin que le château ne s'écroule pas. Tel qu'il était maintenant, reposé et vautré sur des coussins, il avait l'impression d'être en vacances.
Le mot "vacance" s'amplifia et créa un écho dans sa tête. Le visage de Kaido lui apparut distinctement et une profonde honte le saisit aux tripes.
Il ne savait rien du sort de son capitaine, ou d'Onigashima. Il avait à peine cherché, il n'avait même pas provoqué d'émeute pour qu'on lui apporte des réponses. Il aurait pu mettre l'île à feu et à sang, égorger un enfant du clan Charlotte pour se faire entendre, menottes ou pas. Mais il n'avait rien fait. Il avait choisi le calme et l'attente. Katakuri l'avait respecté, il le lui avait bien rendu en se tenant à carreau. Ce n'était pas dans ses habitudes et il s'en voulait. Finalement, il était sensible aux charmes d'un environnement de conte de fée lui aussi. Cette légèreté, cette insouciance apparente, la politesse quasi surhumaine de Katakuri, tout ça avait endormi sa vigilance. La preuve, il avait pioncé toute la matinée.
Il en avait eu besoin mais la vitesse à laquelle il avait accepté cette oisiveté lui faisait peur. Son manque de curiosité aussi. Il devait se montrer plus exigeant que ça, il n'était pas là pour faire une cure. Qui sait ce qui avait bien pu se passer sur Onigashima en son absence ? Katakuri prétendait n'avoir aucune nouvelle — encore moins depuis sa "sanction" sans doute — mais ça lui paraissait vraiment irréaliste. Cette guerre avait forcément laissé des traces dans le monde, créé de nouveaux conflits et engendré de nouveaux monstres. Les noms de Kaido et de Big Mom ne pouvaient pas avoir disparu comme ça.
Il se leva une bonne fois pour toute et piocha des vêtements au hasard dans l'armoire. Il gambergeait. En temps normal, il aurait essayé d'arracher des informations à Katakuri par la force mais il sentait qu'il n'avait pas besoin d'en arriver là. Il l'avait cerné et il avait bien compris que le dialogue était amplement suffisant pour obtenir quelque chose de lui. Ça aussi, c'était inhabituel. King avait tellement l'habitude de serrer les dents et d'enchaîner les conflits, voir d'en venir aux mains avec ses propres collègues, qu'il se retrouvait démuni face à quelqu'un de pleinement raisonnable. Il devait toujours batailler pour se faire entendre mais il était prêt à parier que même s'il arrivait devant Katakuri avec une arme au poing, celui-ci resterait calme et peut-être même qu'il serait de bonne foi.
Rendre service à un inconnu — à plus forte raison au fils de Big Mom — aurait dû le révulser au plus haut point mais enquêter en sa compagnie pendant quelques temps lui avait prouvé qu'il ne tenait pas le travail d'équipe en horreur. Il avait simplement toujours eu des équipiers de merde avant lui. Rien que de penser ça lui donnait le sentiment de trahir Kaido mais les faits était là. Katakuri n'avait pas fait mentir sa réputation : il était compétent et c'était très agréable de le suivre. Mais il ne devait pas oublier son rôle !
Il enfila une chemise noire, un peu trop ouverte sur les épaules et dans le dos à son goût mais c'était sans importance. Il devait filer retrouver Katakuri. C'était à son tour de l'aider. Il devait bien avoir des nouvelles de son capitaine, ou un journal à lui donner, n'importe quoi qui pourrait soulager sa conscience tourmentée. Il claqua la porte et fila dans les couloirs animés du palais.
/
Katakuri était de bonne humeur. Il avait le nez dans le paperasse, son escargophone sonnait toutes les deux minutes et les ouvriers homies allaient et venaient sans discontinuer depuis sept heure du matin et pourtant, il se sentait bien.
Il avait choisi ce jour pour s'occuper des affaires de l'île et traiter tout ce qui avait pris du retard depuis la disparition de Pudding. Il avait préféré laisser King tranquille un moment. Il estimait qu'il méritait de se reposer un peu pour avoir coopéré — il avait espéré le voir toquer à sa porte mais d'après ce qu'il savait, il était resté dans sa chambre toute la matinée. Il l'avait bien observé la dernière fois qu'ils s'étaient vus et son aile était vraiment amochée. Il comprenait parfaitement qu'il veuille se reposer et sa captivité n'était pas une raison pour le torturer. Mais une part égoïste de lui, bien cachée derrière son masque de perfection, était triste de ne pas pouvoir passer du temps avec lui.
C'était grâce à ces derniers jours qu'il était de bonne humeur et qu'il n'était absolument pas frustré par sa comptabilité, les délais de livraison et la gestion des stocks. Il avait un peu honte de penser de cette façon mais rechercher Pudding c'était avéré beaucoup plus agréable que prévu. King était insolent et imprévisible mais Katakuri y avait vu une façon de le tester, il ne s'en était pas offusqué. En dehors de ça, sa présence était plutôt apaisante. Ce n'était ni un servant trop intimidé par lui pour oser dire les choses, ni un frère ou une soeur transi d'admiration ou de rancune envers lui. Puisqu'il était un ancien ennemi important, il y avait entre eux un respect mutuel très rafraîchissant pour Katakuri. Il devait rester dans son rôle et faire attention à l'image qu'il lui renvoyait mais il n'avait pas besoin de forcer autant que d'habitude. Il prenait plaisir à lui parler.
Il prenait aussi plaisir à transgresser les règles sans que personne ne le voit. Être coupé de sa famille pendant quelques jours était bénéfique, il ne pouvait pas les voir ou les entendre se fâcher parce qu'il faisait ami-ami avec un proche de Kaido. Il était dans une bulle. Ça ne l'empêchait pas de se sentir coupable d'avoir ces pensées mais ça rendait les choses plus simples. Il fallait en profiter tant que ça durait, il n'était pas dupe. Les moments de calme et de bien-être ne duraient jamais dans cette famille.
— Seigneur Katakuri, l'interpella un serviteur de l'autre côté de la porte. Il y a un appel pour vous.
L'allégresse qui le gagna à l'idée que King le réclame le propulsa hors de son fauteuil, directement devant la porte. Son impatience était tellement flagrante, il était presque sûr que son équipe et ses homies l'avaient percé à jour mais le privilège d'être un fils Charlotte empêchait toute moquerie. Il se calma en voyant que le visage de celui qui l'avait averti exprimait maintenant la peur d'être réprimandé.
— Qu'est-ce qu'il y a ? Demanda-t-il, en sachant pertinemment que la réponse n'allait pas lui plaire.
— Et bien, c'est… votre frère. Il voudrait s'entretenir avec vous.
Il était partagé sur la façon dont il devait réagir : s'énerver, paniquer ou juste lever les yeux au ciel. En fin de compte, il se prit la tête dans les mains. Il savait déjà de quel frère il s'agissait.
— Dites lui que je n'ai pas le droit de lui parler. Et coupez l'escargophone si il insiste.
— C'est à dire que… Il a dit que vous diriez ça. Alors il m'a dit de vous prévenir…
Katakuri n'avait plus besoin de voir directement l'avenir pour deviner les intentions de son jumeau, il le connaissait par coeur, mais il trouvait encore le moyen d'être exaspéré.
— Il est déjà en route, c'est ça ?
— Oui.
— Quel emmerdeur. Bon, continuez sans moi, je reviens vite.
Il passa la porte et laissa sa bonne humeur derrière lui. Etait-il vraiment le seul à se soucier des règlement dans cette famille ? King avait raison. Et puis pourquoi Oven tenait-il à le voir de toute façon ? A tous les coups, il n'était même pas au courant de sa sanction puisqu'il ne venait jamais aux réunions…
Katakuri pressa le pas pour arriver devant le miroir du hall d'entrée. Il se planta face à son propre reflet et tâcha d'incarner la désapprobation la plus totale, comme s'il en était la divinité. Bras croisés sur la poitrine, regard sévère, sourire inexistant : il était prêt à recevoir son frère.
Il attendit encore quelques minutes, immobile comme une statue, avant de voir la silhouette massive de Oven pointer à travers le miroir. La surface polie s'agita de quelques remous, une jambe apparut, puis l'autre et enfin Katakuri put fusiller son frère jumeau du regard. Il n'essaya pas de parler, il savait qu'il ne pourrait pas en placer une avant une bonne minute.
— Ah ! Kata, ça faisait longtemps.
Il le salua d'une grosse tape amicale sur l'épaule. N'importe qui aurait flanché sous sa poigne mais Katakuri était aussi dur qu'un bloc de béton et il ne partageait pas la nonchalance d'Oven.
— Oh, c'est vrai que tu portes plus ton truc là, dit-il en plantant son doigt dans la gorge exposée de Katakuri. Ça fait bizarre, je suis pas habitué ! Ha ha !
— Oven…
— Alors ça va ? Tu croules pas trop sous le boulot ? N'en fais pas trop hein, je te connais t'es un bourreau de travail. Prends un peu de temps pour toi ça te fera pas de mal. Tu voudrais pas avoir des cheveux blancs.
— Oven.
— Et le second de Kaido du coup ? Raconte. J'ai toujours pas vu son pif moi. Cracker m'en a pas dit du bien mais comme t'es encore entier, il doit pas être si terrible.
— Oven !
— Ouais ?
Katakuri sentait déjà sa tension monter. Oven avait un don pour l'agacer. Il avait toujours été celui des trois frères qui réfléchissait avec un temps de latence.
— Oven, reprit Katakuri. Qu'est-ce que tu fais là ? Je n'ai pas le droit de te parler, t'es au courant au moins ? Il faut que tu partes tout de suite.
— Ouais, ouais, j'ai entendu cette histoire, dit-il en haussant les épaules. Mais bon, t'es mon frère je peux bien venir chez toi si je veux.
— Justement non !
— Eh ben. Bonjour l'accueil.
Sa culpabilité reprit le dessus. Il n'avait aucune envie d'être désagréable, encore moins avec son jumeau qui avait pris le temps de venir le voir, mais il ne voulait pas que son cas s'aggrave.
— Écoute, s'adoucit Katakuri. Je suis content de te voir mais il ne faut pas que je fasse de vagues. Si ça se sait que tu viens me voir sans motif je…
— J'ai jamais dit que j'étais venu sans motif, tu me prends pour qui ?
Il fallut une grande inspiration et une patience de maître pour que Katakuri se retienne de dire : "Tu ne pouvais pas commencer par là ?"
Il allait lui demander quel motif l'avait conduit ici quand des petits couinements plaintifs attirèrent son attention. Lui et Oven baissèrent les yeux et aperçurent une cohorte d'homies apeurés, fuyant les lieux. Certains se cachaient dans les jambes de Katakuri, en regardant derrière lui.
— Qu'est-ce qui leur prend ? S'étonna Oven.
Leur peur ne pouvait signifier qu'une chose, tous les résidents du palais le savaient depuis quelques jours : si les homies couraient, c'était que King n'était pas loin. En temps normal, Katakuri aurait été ravi qu'il débarque mais imaginer Oven dans la même pièce que lui lui donna des sueurs froides. Il essaya encore une fois de le pousser vers la sortie, sans succès.
/
King descendait les escaliers à grandes enjambées. Il n'avait pas trouvé Katakuri dans son bureau, seulement une armada de petits bonhommes occupés à donner des ordres par escargophone. L'un d'entre eux avait réussi à ne pas trop bafouiller et à lui dire qu'il était parti accueillir un visiteur. Ça lui semblait bizarre, il n'était pas censé voir qui que ce soit. L'agacement qu'il ressentait en sachant cela ressemblait à celui qui le saisissait à chaque fois que Yamato faisait une connerie. Il n'avait pas le temps de se demander qui était ce visiteur et il s'en fichait, il voulait les nouvelles du monde. Devoir attendre pour en avoir était extrêmement frustrant, d'habitude il n'avait qu'à appeler Bao Huang et il avait un rapport détaillé.
Et il ne pouvait pas réclamer d'informations aux homies, ils s'enfuyaient à sa vue quand ils ne tombaient pas dans les pommes. Et de toute façon, il était incapable de déterminer leurs fonctions et lesquels d'entre eux étaient plus importants que les autres. Heureusement il savait qu'il trouverait Katakuri dans le hall. Maintenant qu'il connaissait l'agencement du palais, il pouvait y arriver en une minute.
Il fonça sur Katakuri à la seconde où il reconnut sa silhouette. Il était avec un homme de grande taille, aux épaules encore plus larges que celles de Katakuri. Tous les deux avaient l'air de se disputer. Katakuri lui tenait l'épaule et tentait de le pousser vers le miroir. Soit il ne voulait pas le voir ici, soit il cachait quelque chose et ne voulait pas que King l'entende. Si c'était la deuxième option, alors il devait absolument l'entendre.
King ignora leur conflit — c'était monnaie courante dans cette fratrie, s'il devait se faire tout petit à chaque fois il se serait déjà transformé en objet parlant lui aussi — il s'imposa dans la conversation.
— Je dois te parler, annonça-t-il brutalement à Katakuri.
A son expression, il devina que ce n'était pas le moment. Mais ce n'était pas son air contrarié habituel : là, il avait l'air desespéré que King se trouve dans la pièce.
Il n'eut même pas le temps d'ouvrir la bouche pour répondre que l'autre homme se mit entre eux. King l'observa plus attentivement et comprit qu'il s'agissait d'un de ses frères. La ressemblance avec Big Mom était plus évidente que pour Katakuri ; il avait la même mâchoire carrée et le même nez aquilin. Par contre, il ne partageait pas beaucoup de traits avec Katakuri en dehors de la taille, même dans la façon de se tenir. Katakuri était crispé et discret, lui était détendu et extravagant. Il constata — à son grand regret — qu'il n'avait pas la même odeur non plus. Il sentait très fort la sueur dans cet environnement où tout exhalait le sucre et la fraise.
— Je suppose que c'est toi, King l'Incendie, dit-il avec une grosse voix, trop virile pour être naturelle. T'as battu mon petit frère.
Il se tourna vers Katakuri, comme pour obtenir son approbation.
— Par contre je ne m'attendais pas à ça, avoua-t-il. Je pensais que c'était un gros balèze ou un gorille avec des clous partout, un truc du genre.
— Je peux t'envoyer mon pied quelque part si tu veux une idée de ma force, grogna King.
Katakuri soupira et intervint avant que la situation ne prenne un mauvais tournant.
— Oven, voici le lieutenant de Kaido. King, je te présente mon frère jumeau, Oven.
— "Jumeau" ?
Les yeux de King bondirent d'un frère à l'autre pour répertorier les ressemblances entre eux. Il ne l'aurait jamais deviné.
— C'est pas flagrant, dit-il simplement, impatient de revenir au sujet.
Oven ricana de façon narquoise, et ignora King comme lui l'avait ignoré.
— Tu as raison, je ne vais pas m'éterniser, je vois que ma présence déplaît à ton invité.
— Ah, si en plus ça se voit, se moqua King.
— Arrêtez ça.
Le pauvre Katakuri n'avait pas envie de jouer les médiateurs. Mais étonnamment il préféra supplier King du regard plutôt que son frère. Celui-ci devait être ingérable pour qu'il compte plus sur lui pour calmer le jeu. Comme il était pressé, il accepta de ne pas aggraver les choses.
— Quand est-ce que tu auras une minute à m'accorder ?
— Bientôt, Oven a juste un message à me transmettre.
— Je croyais que personne ne devait t'adresser la parole ?
— Moi aussi.
King renonça à comprendre. Il fit un pas de côté et attendit.
— Très bien, dépêchez-vous.
— Il prend vraiment ses aises lui, t'es sûr que tu veux pas l'enfermer ? Suggéra Oven, passablement énervé par son attitude.
— Oublie le s'il te plaît, qu'est-ce que tu voulais me dire ?
Le jumeau fixa King un moment avant de se décider à répondre.
— Je venais te dire que tu ne peux plus utiliser le réseau de miroirs à partir de maintenant.
Il était bien heureux de ne pas être à la place de Katakuri en ce moment. Il n'aurait pas été capable de se retenir de mettre le feu au périmètre. Mais lui n'avait pas d'autre choix que d'encaisser tout en s'alienant les membres de sa famille, les uns après les autres.
— Explique-toi.
— Ben je sais que tu cherches Pudding et tout, mais les autres n'ont pas apprécié que tu détournes Brûlée de son boulot. On galère déjà assez comme ça, on a besoin d'elle. Compote m'a dit de te dire : "Il y a d'autres moyens de circuler, qu'elle ne perde pas son temps."
Quelle famille de chieurs, pensa King. Ils faisaient ça pour emmerder le monde et faire croire qu'ils étaient trop occupés mais s'ils avaient le temps de se montrer créatifs pour tourmenter un membre phare de l'équipage plutôt que de se focaliser sur les priorités, c'est qu'ils étaient complètement paumés et qu'ils avaient besoin de rejeter leur incompétence sur lui. Passer des années avec Jack et Queen avait fait de lui un expert du sujet. Il avait très envie de faire part de son opinion mais il préféra se concentrer sur les réactions de Katakuri. Pour le moment, il restait muet. Il se contentait de dévisager Oven en clignant des yeux.
— Ne me dis pas… Que vous vous en êtes pris à Brûlée parce que je suis allée sur l'île Cacao ?! S'exclama-t-il d'un coup, perdant son calme.
— Non, non, t'en fais pas ! Tu crois que j'aurais laissé notre petite soeur se faire gronder comme ça ?
— Tu as essayé de tuer Chiffon alors je m'attends à tout.
La scène était fascinante à observer. C'était comme regarder un orage, savoir qu'à tout moment la foudre pouvait tomber et attendre. C'était la première fois que Katakuri manifestait une telle aisance à répondre à quelqu'un. Sûrement parce qu'il s'agissait de son jumeau. Mais ce qui était encore plus surprenant, c'était de voir que Oven — même s'il faisait de son mieux pour le cacher — avait peur de Katakuri. King se demandait pourquoi et il avait très envie de le voir se mettre en colère.
— C'était un contexte totalement différent, tu le sais. C'était…
— Ca va, épargne moi le discours. Je ne suis plus d'humeur.
Katakuri se massa le front pour chasser sa colère. De là où il était, King pouvait l'entendre grincer des dents. Il se tut trente secondes et trancha :
— Bon ça va j'ai compris, je n'utiliserai plus les miroirs. Mais il ne faudra pas vous étonner que je mette plus de temps à retrouver Pudding.
Oven se détendit un peu mais King leva les yeux au ciel :
— Sérieusement ? Tu acceptes encore sans rien dire ?
— Oh la ferme ! Gronda Katakuri. J'ai pas besoin de tes sarcasmes.
Oven se gonfla d'importance, ravi de le voir se faire clouer le bec. Il s'approcha de King et amorça un geste. King devina ce qu'il allait faire mais, bêtement, il n'eut pas le réflexe d'esquiver. Katakuri, sursauta. Peut-être qu'il avait déjà vu ce qui s'annonçait puisqu'il essaya de stopper son frère avant qu'il ne commette sa faute. En pure perte.
— Non ! Oven ne …
— Tu ne devrais pas trop faire le malin toi, si tu agaces mon frère, tu ne vas pas faire de vieux os.
Il abattit son énorme main sur l'épaule dénudée de King et, dans une vaine tentative d'intimidation, il serra sa prise et enfonça ses doigts dans sa chair, pour lui faire mal.
Ce fut au tour de King de voir rouge. Il saisit le poignet d'Oven, serra jusqu'à ce qu'une grimace de douleur apparaisse sur son visage, et enflamma son poing pour le forcer à reculer.
— Ne me touche pas.
/
Katakuri était obligé d'assister à la scène sans avoir la moindre idée de ce qu'il devait faire pour calmer le désastre. Il ne s'inquiétait pas tant pour Oven, son pouvoir le rendait insensible à toute forme de brûlure, mais il n'était pas certain que King ne devienne pas plus violent. Il n'avait jamais autant ressemblé au monstre préhistorique dont il tenait son pouvoir. Son beau visage avait perdu de sa superbe, il avait changé de teinte et ses traits étaient déformés par la rage. Il avait l'air sur le point d'arracher la chair d'Oven avec les dents.
Son frère se dégagea et récupéra son poing. Il n'avait pas été brûlé mais à la façon dont il se massait les jointures, il avait eu mal. Katakuri savait qu'il n'allait pas rester sur une humiliation pareille mais il n'avait pas envie d'avoir à gérer ça. Il allait devoir le balancer de force dans le miroir et tant pis pour les détails.
— Tu paies rien pour attendre, gronda Oven.
King, les yeux brûlant de rage, le toisa avec un mépris que Boa Hancock n'aurait pas renié et lui répondit.
Ni Katakuri, ni Oven ne parvinrent à comprendre le sens de ses mots, il n'avaient jamais entendu ce langage avant mais il n'était pas dur de deviner que ce qu'il venait de dire n'était pas très courtois. Oven se mit à bouillir, le sol sous ses pieds se mit à fondre et les homies présents tout autour détalèrent en hurlant de douleur. King esquissa un petit sourire narquois et s'enflamma de plus belle. C'était la goutte de trop pour Katakuri.
— Ca suffit ! Rugit-il soudainement.
Sa voix tonna dans le hall et les homies présents s'évanouirent tous les uns après les autres, touchés par la vague de haki.
Oven hésita une seconde puis se rétracta, sans détacher ses yeux de King. King aussi, après un bref coup d'œil à Katakuri, laissa ses flammes reprendre une taille raisonnable. Soulagé mais épuisé de devoir jouer au flic, Katakuri perdit patience.
— Oven, dégage, dit-il en lui indiquant le chemin du miroir. Si tu n'as plus rien à me dire, dégage.
— Attends, tu ne vas quand même pas t'en prendre à moi alors que…
— DÉ-GAGE !
Il capitula, non sans manifester son désaccord verbalement. Il jura, cracha sa frustration et disparut de l'autre côté du miroir en promettant à King de lui refaire le portrait à leur prochaine rencontre. Katakuri espérait que son départ le détendrait mais c'était raté, il n'y avait plus un seul muscle de son corps qui ne lui faisait pas mal à cet instant. Il détestait se mettre en colère. Oven savait encaisser, et puis il le connaissait trop bien : il savait qu'il ne s'en souviendrait pas longtemps, mais il allait le répéter à toute la famille et ça n'allait pas arranger son cas. Ce qui avait construit la légende de la perfection de Katakuri c'était son calme légendaire, dès qu'il manifestait une émotion un peu trop forte, il entendait parler du pays.
Et là, il était vraiment en colère. Contre Oven, contre les décisions arbitraires qui lui tombaient dessus, contre King, contre lui-même…
Il n'y avait qu'un seul moyen pour lui de se calmer : manger. Il savait quoi faire de ces prochaines heures. King n'avait pas bougé, il était toujours planté au milieu du hall et paraissait tout aussi énervé que Katakuri.
— C'est bon, je peux te parler maintenant ? Aboya-t-il.
— Toi, la ramène pas.
Katakuri le planta là et tourna les talons. Pour le moment, il n'avait pas envie de gérer ses sautes d'humeur. King le suivit.
— Est-ce que tu as des nouvelles de ta mère ? Ou de mon capitaine ?
— Pourquoi je te répondrais ?
Il fit volte face et le menaça du regard. En levant la tête — il était toujours un peu plus petit que King.
— Kaido apprécie ça chez toi ? Ton arrogance ? J'ai du mal à croire que ça ne soit pas un problème dans votre équipage.
— Je ne vois pas le rapport avec ma question ?
— C'est normal, je ne te répondais pas.
Il reprit sa route et essaya de le semer. Il se sentait un peu ridicule mais il était vraiment énervé. Il savait que Oven avait dépassé les bornes mais il aurait préféré que King soit comme lui, davantage stoïque. L'idée que ce genre de scène se reproduise lui faisait froid dans le dos.
— J'y suis pour rien si tu te laisses marcher dessus, dit King, sournoisement. Pas la peine de bouder.
— Je ne me laisse pas marcher dessus !
— Oh que si, je viens de le voir en direct. Une carpette !
Katakuri s'apprêtait à rugir de rage et lui coller son poing dans la figure, King ne lui en laissa pas le temps. Il le stoppa et lui colla son index sur le front — le forçant à se sentir tout petit.
— Ecoute moi bien, contrairement à ce qu'on pourrait croire, je ne prends pas de plaisir à voir un mec se faire humilier tous les jours par des donneurs de leçon alors qu'il pourrait les casser en deux sans se fouler le petit doigt. Surtout quand ça bloque MON accès aux informations. Je veux bien jouer les prisonniers modèles par respect pour notre "alliance" mais toi, dans ton intérêt tu devrais arrêter de baisser la tête à chaque fois qu'un nouveau con arrive pour t'expliquer la vie.
— Comme maintenant par exemple ?
— Voilà !
— Très bien !
Katakuri sortit son escargophone de sa poche, les mains tremblantes d'agitation. Il ne savait pas trop ce qu'il faisait mais King avait tapé là où ça faisait mal. Au bout du fil, un homie répondit.
— Oui ?
— Ici Katakuri, est-ce qu'il y a un bateau disponible dans la baie ?
— Euh, bafouilla le malheureux qui ne s'attendait pas à avoir le chef en ligne. Oui monsieur.
— Bien, préparez le. Je pars dans dix minutes.
— Hein ?! Mais vous avez pas le droit, Mama ne va…
— Mama n'est pas là.
Il raccrocha et reporta son attention sur King. Il n'avait plus faim du tout à présent.
— Je peux plus prendre de miroirs mais je peux toujours faire le voyage en bateau pour chercher Pudding. Et puisque tu as envie de me coller aux basques, tu vas m'accompagner.
— Je ne venais pas pour ça…
— Te plains pas, tu pourras demander des infos directement aux concernés si ça t'intéresse tant que ça. Je vais sur Whole Cake Island. Viens ou reste ici pour compter les nuages.
King allait répliquer, mais il choisit d'accepter sans broncher. Un peu confus par la tournure de la conversation.
Katakuri continua de l'ignorer sur le chemin.
Il n'était pas si énervé contre lui. Il savait qu'il avait raison mais c'était plus facile de s'en prendre à lui — qui avait simplement réagi à un geste déplacé de la part de Oven. Si sa rage explosait sur King, les répercussions ne seraient sûrement pas aussi terribles que s'il s'en était vraiment pris à Oven. King lui reprochait de se laisser faire mais il ne savait pas. Il ne pouvait pas savoir ce que ça signifiait ici, que de ne pas se contenir…
Une première pseudo engueulade. Honnêtement c'est la "dispute" la moins effrayante que j'ai jamais écrit. Normal, je pense que le conflit c'est pas leur truc de base. Ils passent leur vie à ça déjà, mais entre eux ça c'est pas franchement nécessaire. C'est juste le seul moyen qu'ils ont d'évacuer leur frustration sans que ça tourne mal, râler l'un sur l'autre. Ca va pas durer. Comme dit au début, ils sont quand même vachement contents de passer du temps ensemble.
Rapport à Oven, c'était très drôle de l'écrire. Je l'imagine comme celui des triplés qui n'est pas le crayon le mieux taillé de la trousse et ça me fait beaucoup rire.
Ah oui et : la dernière fois on m'a demandé comment pouvait réagir King au fait d'être touché vu son passé de cobaye. Voilà un petit indice.
Le prochain chapitre sera un flashback. Katakuri parle de se contenir et de colère dans la famille Charlotte, on va faire un petit tour de ce côté là prochaine fois et ça va pas être joli.
On se retrouve le 12/03 pour la suite ! Merci encore de suivre cette fic et de l'aimer !
