Surprise ! Le chapitre sort un peu plus tôt parce qu'il est bouclé et que j'ai peur de pas me réveiller demain.
Comme promis, cette semaine : un flashback pour Katakuri. Alors, je préviens tout de suite c'est pas un chapitre facile. Je voulais parler de la violence que Big Mom peut exercer sur ses enfants et on entre dans le concret. C'est une mère abusive et ça a une importance capitale dans l'histoire.
Il est possible que ça mette des gens mal à l'aise, donc mettez vous bien, faites vous un truc chaud. Je me répète mais je jure que Katakuri va avoir droit à tout l'amour qu'il mérite.
C'est parti.
9 ans auparavant.
Même pour quelqu'un d'aussi naturellement crispé que Katakuri, la situation était insoutenable. Il se félicitait de porter des gants, sans quoi ses ongles se seraient enfoncés dans sa chair tant ses poings étaient serrés. Il jeta un petit coup d'oeil sur sa gauche et constata que Smoothie et Cracker étaient aussi mal que lui. Tous les trois se tenaient en rang, droits comme des I, à deux pas du trône de Mamma et la regardait hurler et se défouler sur les homies comestibles qu'ils avaient apporté pour la calmer. Elle les démolissait à coups de poings féroces, sans cesser de crier toute sa hargne. Elle était tellement furieuse que Zeus et Prométhée avaient provoqué une tempête et maintenant de gros grêlons tombaient sur Whole Cake Island.
Smoothie avait le teint livide et les lèvres pincées. Elle faisait un effort monstrueux pour ne pas sursauter à chaque nouveau choc des attaques de Mamma ou pour ne pas baisser les yeux. Cracker et Katakuri échangèrent un regard rapide et s'entendirent sur le fait qu'il valait mieux ne pas faire un mouvement de plus, au risque d'attirer l'attention de leur mère et de devenir les cibles privilégiées de sa rage. Cracker suait à grosses gouttes et regrettait le confort de son armure mais il faisait de son mieux pour suivre l'exemple de son aîné. A ses yeux et à ceux de Smoothie, Katakuri était parfaitement calme et ils devaient calquer leur attitude sur la sienne. Intérieurement, son coeur cognait à tout rompre et il devait contrôler sa respiration pour ne pas se laisser aller à la panique. Il aurait donné n'importe quoi pour qu'ils soient ailleurs, tous les trois.
Mais en tant que généraux, ils n'avaient pas d'autre choix que d'être toujours prêts à recevoir des ordres de leur mère partout, tout le temps. Encore plus que les ministres. Et en ce jour important, ils avaient tous les trois marché à ses côtés avec la peur au ventre. Peur du moindre incident, de la moindre contrariété qui aurait pu entacher l'humeur de Mamma.
Rien n'aurait pu les préparer à un tel tournant. Katakuri s'en voulait, même lui n'avait rien vu venir. Il aurait dû faire quelque chose, voir que la situation était bizarre dès le départ. Il aurait dû interroger Chiffon, passer voir Lola avant mais il n'avait pensé qu'à son propre stress et au bon déroulement du mariage. L'évènement était tellement important, il y avait eu des centaines de choses à préparer — encore plus que d'habitude — et tout le monde voulait que tout soit parfait. Lui comme les autres, c'était plus soucié de satisfaire Mamma que du reste et n'avait pas imaginé qu'une telle catastrophe puisse avoir lieu.
En même temps, qui aurait pu deviner que Lola ferait une chose pareille ? C'était si inconcevable ! La gamine avait toujours été insouciante et frivole mais personne n'aurait pu se douter qu'elle se risquerait à fuir l'évènement le plus important de sa vie. Celui qui était supposé changer l'avenir de Totto Land tout entier.
Mamma, qui leur avait si longtemps chanté les louanges des géants, leur pays, leur culture, sans oublier leur taille que même Katakuri, pourtant un des plus grands de ses fils, n'atteignait pas — à son grand regret. Elle avait attendu ce jour toute sa vie et leur avait bien fait comprendre qu'aucun accroc ne serait toléré.
Malheureusement pour toute la famille, Lola avait éconduit le prince géant avant qu'un seul d'entre eux ne pose le pied sur Whole Cake Island. Mamma avait essayé de sauver les meubles en faisant passer Chiffon pour sa jumelle, sans succès. Les géants lui avaient définitivement tourné le dos après lui avoir fait miroiter l'espoir fou d'une réconciliation et d'une alliance. Sa réaction avait été atroce, bien pire que tout ce qu'ils avaient connu avant. Katakuri avait été témoin de nombreuses fois des crises de Mamma mais jamais rien de comparable à ça. Elle avait complètement démoli l'autel et toutes les installations de la fête, massacré tous les homies du secteur et rasé tout un quartier de Sweet City. La crise avait duré toute la journée, personne n'avait été en mesure de la stopper. Les morts étaient nombreux. Les trois généraux avaient fait ce qu'ils avaient pu pour contenir Mamma et protéger les habitants. Sans les soldats biscuits de Cracker pour la ralentir et sans la clairvoyance de Katakuri, le désastre aurait encore pire. Smoothie, fraîchement promue, avait géré l'évacuation au mieux. A présent, elle se tenait parfaitement immobile et Katakuri savait qu'elle espérait se faire oublier. Elle n'avait strictement rien à se reprocher mais vue la situation, elle n'avait aucune envie de rappeler à Mamma qu'elle était une de ses filles.
Mamma était dans une colère si noire qu'elle faisait payer la faute impardonnable de Lola à celle qui en était la plus proche : sa soeur jumelle. Chiffon était prostrée devant le trône, encore tremblante dans la robe de mariée qu'on l'avait forcée à porter, sans lui expliquer quoi que ce soit. Elle n'avait même pas protesté, elle avait fait tout ce que Mamma lui avait demandé et maintenant elle pleurait de peur, implorant sa clémence.
— Je suis désolée Mamma, sanglotait-elle, jonchée des miettes de homies que Mamma lui avait lancé à la figure.
— Dis moi où elle est !
Mamma frappa un pan de mur du poing. La pièce toute entière trembla et de nouveaux gravas roulèrent sur le tapis de la salle du trône. Chiffon sanglota de plus belle en protégeant sa tête.
— Je ne sais pas ! S'il te plaît Mamma…
— Je sais que tu sais où est partie cette peste, alors dis le moi maintenant ! Sinon…
Mamma s'empara de Napoléon et le brandit au-dessus de Chiffon, prête à l'abattre sur elle. Smoothie et Cracker tressaillirent. Ils se tournèrent vers Katakuri mais il ne savait pas ce qu'il devait faire. Il ne voulait sûrement pas laisser sa soeur mourir sous ses yeux mais intervenir ? Et si ça empirait les choses ? Comme à chaque fois que les choses échappaient à son contrôle, il prit le temps de jeter un coup d'oeil à l'avenir. Heureusement, sa vision ne lui montra pas Chiffon périr sous les coups de Mamma. Par contre, il vit quelque chose l'interrompre. Il ne bougea pas, attendant la suite. Le salut vint de la grande porte de la salle du trône, elle s'entrouvrit très légèrement et une minuscule tête apparut dans l'entrebâillement.
— Mamma ? Appela Pudding d'une toute petite voix.
Les trois généraux en même temps se figèrent d'horreur. Son arrivée donnait à Chiffon quelques secondes de plus mais elle débarquait à un très mauvais moment. A sept ans, Pudding n'avait pas encore conscience de la cruauté dont Mamma pouvait faire preuve envers ses propres enfants. Généralement, elle était plus douce envers les touts petits mais l'affection de Pudding pour ses deux grandes soeurs Lola et Chiffon risquait de la mettre en grand danger. La colère de leur mère était assez intense pour reporter sa violence sur elle plutôt que sur Chiffon.
Les trois yeux de Pudding se posèrent sur Chiffon, elle aussi horrifiée de voir la petite dans la pièce. Elle lui fit signe de partir, tout de suite, avant que Mamma ne la voit, mais elle ne comprit pas le message.
— Qu'est-ce qui se passe ? Demanda-t-elle innocemment. Chiffon, tu t'es fait mal ?
— Pudding, sors d'ici ! Implora la pauvre Chiffon, désolée de la voir inquiète.
Mamma remarqua sa présence et abaissa Napoléon, le temps pour elle de voir les deux soeurs interagir et de faire le calcul. Il ne fallut que quelques secondes pour qu'un sourire satisfait apparaisse sur son visage. Si Chiffon refusait de parler, peut-être que Pudding le ferait. Katakuri n'osait pas vérifier la suite des évènements. Il ne voulait pas voir un seul de ses adelphes souffrir davantage. Ni Chiffon, ni Pudding, ni Cracker, ni Smoothie, ni Lola, ni personne. Alors lorsque Mamma fit un pas en direction de Pudding, la mains serrée sur son sabre, il quitta son poste. Il entendit Cracker s'exclamer mais fit mine de rien. Il fonça sur Pudding et se servit de son immense corps pour la cacher à Mamma. Il s'accroupit pour se mettre à son niveau et fit de son mieux pour ne pas avoir l'air trop effrayant. Pudding baissa les yeux, intimidée par ce grand frère qu'elle ne connaissait qu'à travers les histoires extraordinaires qu'on racontait sur lui.
— Pudding, commença-t-il en essayant d'avoir l'air le plus normal possible, retourne dans la salle de jeux. D'accord ?
Sa voix calme et ses manières amicales la rassurèrent un peu et elle trouva le courage de tenir tête. Elle se dévissa le cou pour le regarder en face et le défia de ses trois grands yeux bruns.
— Je veux voir Chiffon.
— C'est une conversation entre grandes personnes, tu ne peux pas rester.
Il fallait à tout prix qu'elle parte. Il sentait la menace dans son dos et il ne pourrait pas faire bouclier très longtemps.
— Tu pourras la voir toute à l'heure, promit-il. Pour l'instant Mamma veut lui parler.
Elle était jeune mais pas dupe, elle savait parfaitement qu'il essayait de se débarrasser d'elle. Elle refusa de bouger, la mine boudeuse.
— Pourquoi je peux pas la voir ?
Katakuri n'avait pas d'autre choix que de sévir. Il valait mieux lui faire peur et qu'elle s'enfuit plutôt que de rester gentil et l'exposer à une situation bien plus terrible. Il devait la sortir de la ligne de mire de Mamma.
— Ca suffit ! Gronda-t-il en la fusillant du regard. Sors d'ici !
Voyant l'expression de son frère se transformer et ses yeux la transpercer, la petite fille se ratatina aussitôt. Des larmes perlèrent dans ses yeux mais il ne pouvait se permettre aucune pitié. Il la chassa de nouveau.
— Allez, dehors !
Apeurée, elle se mit à courir et disparut vite de son champ de vision. Il souffla de soulagement, elle avait gagné un peu de temps. Avec de la chance, Mamma l'oublierait et au pire, elle l'interrogerait quand sa rage se serait un peu estompée. Mais un frisson désagréable le chatouilla dans le bas de la nuque, comme un vieux réflexe animal. Il savait qu'il était en danger à présent. Il se releva et se retrouva presque nez à nez avec sa mère, le visage fermé. Elle le dominait de trois bon mètres. Il serra de nouveau les poings pour s'empêcher de trembler. Les années n'avaient pas suffit pour effacer la crainte qu'il ressentait devant sa déception.
— Katakuri, qui t'a demandé de la faire partir ?
— Je te faisais gagner du temps, Mamma. Elle ne sait rien, mentit-il.
Il comptait sur la confiance qu'elle plaçait en lui et ses capacités à lire l'avenir pour éviter les représailles mais à la façon dont elle le regardait, il n'allait pas s'en sortir comme ça.
— Ne me prends pas pour une imbécile.
Un silence de mort envahit la pièce. Il était toujours calme mais il ne put s'empêcher de baisser humblement la tête, ayant déjà une idée de ce qui l'attendait. Il était grand, il était fort, il était irréprochable mais ça ne l'empêchait pas de se sentir misérable après avoir offensé Mamma. Il prit une brève inspiration et attendit, il aurait voulut que les autres ne voient pas ça mais il préférait que ça tombe sur lui. Lui, il pouvait encaisser.
Encore aujourd'hui, il ne pouvait pas s'empêcher de fermer les yeux avant le choc.
La main de Mamma s'abattit sur lui avec toute la force dont elle était capable. La gifle résonna si fort que les murs du château tremblèrent. Il sentit la tête lui tourner. Il chancela et manqua se tomber mais il tint bon. Une vive douleur le prit à la mâchoire et le goût métallique du sang se répandit dans sa bouche. Il avait une dent cassée. Son premier réflexe fut de remonter l'écharpe sur sa bouche, il ne fallait pas que le sang se voit et alerte qui que ce soit. Il voulait que de l'extérieur, ça n'ait pas l'air si grave. Il ne voulait pas que Smoothie et Cracker pensent qu'il ne pouvait pas supporter une simple remontrance.
— C'est moi qui prends les décisions, c'est compris ?
— Oui Mamma, dit-il, la voix toujours calme.
Si ce n'était qu'une gifle, alors ça allait. Il préférait ça à l'isolement. Il espérait que ça l'avait défoulée et qu'elle aurait moins envie de se venger sur Chiffon à présent. Quand elle tourna les talons, il lui emboîta le pas et revint se mettre à sa place habituelle, comme si de rien était. Il avait très mal — les bagues de Mamma avaient certainement laissé une trace sur son visage — mais il n'en montrait rien. Cracker et Smoothie regardaient le sol, pâles comme des morts, ravis de se faire oublier. Chiffon pleurait silencieusement, les yeux rivés sur Katakuri. Tous les trois avaient parfaitement compris ce qu'il venait de faire. Pudding l'avait échappé belle.
Mamma contourna Chiffon sans la voir et s'effondra sur son trône.
— Mes propres enfants me trahissent, mère Carmel, dit-elle pour elle même. Je ne peux compter sur personne.
Elle se prit la tête dans la main et souffla de lassitude. Zeus et Prométhée voletèrent autour d'elle. Ils avaient repris leur forme habituelle, ce qui était plutôt bon signe.
— Fichez le camp, tous, dit-elle. Je ne veux plus voir vos têtes. Surtout la tienne !
Elle attrapa Chiffon qui gisait à ses pieds et la lança à l'autre bout de la pièce. Elle poussa un cri en heurtant le mur, puis le sol. Le choc lui avait certainement brisé des os mais personne n'osa s'enquérir de son état. Cracker et Smoothie passèrent la porte sans se faire prier. Katakuri suivit. Il songea à aider Chiffon à se relever mais il craignait que sa compassion n'alerte encore Mamma sur son comportement. Il la contourna sans un mot.
/
Il avait perdu un croc. C'était douloureux mais ça ne le gênait pas tant que ça, de toute façon il repousserait. Ce n'était pas la première fois qu'il perdait une dent et ça repoussait toujours, il n'avait jamais su pourquoi et comme c'était pratique il ne se posait pas plus la question. Tant qu'il pouvait manger sans difficultés, il s'en accommodait. Le véritable problème, c'était l'ecchymose sur sa joue. Son écharpe dissimulait bien les trois quarts de son visage mais une petite tâche violacée restait visible sur sa pommette.
Il se demandait ce que les autres penserait en le voyant. Il n'était pas censé saigner, alors avoir un bleu ! C'était impensable. Il ferait comme à son habitude, il parlerait le moins possible et resterait en retrait, pratiquement invisible, et personne ne le remarquerait. L'histoire de la gifle allait sûrement circuler mais il ne se faisait pas de soucis : que la famille apprenne qu'il était resté droit sur ses jambes sans demander grâce n'allait pas à l'encontre de sa légende. C'était plutôt une preuve absolue de sa force et du contrôle dont il était capable. Il avait déjà entendu les plus jeunes se demander s'il pouvait résister au Soul Pocus de Mamma, cette mésaventure remettrait une pièce dans la machine et il n'y avait rien de plus à espérer. Sans oublier que le sujet de toutes les conversations du moment était Lola, pas lui. Elle était une criminelle à présent. Si jamais elle commettait l'erreur de remettre les pieds sur Totto Land, elle serait tuée. Ils avaient tous reçu l'ordre de la faire souffrir s'ils la revoyaient.
Katakuri pensait qu'elle ne serait jamais assez bête pour revenir. Elle n'avait jamais été très maligne, Chiffon était la tête pensante alors que Lola se laissait porter par la vie, mais elle avait eu bien plus de cran que n'importe qui d'autre dans la famille. Elle avait dit "merde" aux désirs de Mamma. Elle avait fait son choix et refusé cette dévotion qu'ils étaient tous censé observer. Elle n'avait jamais cherché la perfection ou l'approbation, contrairement à lui. Ça n'avait jamais été une option.
Il aurait dû éprouver autre chose. Il aurait dû être soit vert de rage contre elle, d'avoir exposé sa fratrie à la rage de Mamma, soit heureux qu'elle se soit enfuie... Il était juste profondément jaloux.
— Hum ! Hum ! Vous avez un visiteur ! Le prévint la porte.
Il n'eut pas le temps de donner la permission d'entrer, un bruit de fracas familier lui signala que ses frères étaient déjà dans sa chambre. Il remonta rapidement son écharpe sur sa bouche.
Oven le rejoingnit le premier, suivit de Daifuku — qui comme d'habitude avait visiblement été traîné là contre sa volonté.
— Alors, comment ça s'est passé ? Demanda Oven, les mains sur les hanches.
— Mal, répondit Katakuri. Mamma est furieuse.
— Ça on le savait déjà, soupira Daifuku. La tempête est de pire en pire dehors. Cracker ne peut plus utiliser ses soldats et on est en manque d'effectifs avec tous les homies qu'elle a massacré. On en a pour des semaines de travaux.
— Tu dis ça comme si c'était toi qui allait mettre la main à la pâte, dit Katakuri en levant les yeux au ciel.
— Je vais devoir prêter mes serviteurs, je n'aime pas ça.
Oven s'approcha de Katakuri en le fixant d'un regard concerné. Katakuri détourna la tête, gêné. Cacher sa blessure à ses jumeaux était beaucoup plus compliqué. Oven tendit la main pour tirer sur son écharpe et voir les dégâts de ses propres yeux mais il le repoussa.
— Arrête.
— Tu t'en es pris une ?
Daifuku fronça les sourcils.
— Qu'est-ce que tu as fait ?
Il comprenait son étonnement. Avec Chiffon sous la main, Mamma n'aurait pas dû le prendre comme cible et pourtant. Il n'avait pas du tout envie d'en parler mais il savait qu'ils ne bougeraient pas de sa chambre tant qu'il n'aurait pas expliqué la situation.
— Je me suis interposé entre Mamma et Pudding. Elle n'a pas aimé.
— T'es con aussi, pourquoi t'as fait ça ? Se fâcha Oven. Elle n'aurait jamais frappé Pudding !
— Permet moi d'avoir des doutes, répondit Katakuri, pinçant.
L'état de son visage aurait dû prouver à Oven qu'elle n'aurait pas hésité une seconde à écraser sa fille du plat de la main mais il avait la chance d'être encore naïf au sujet de Mamma. Selon lui, elle était incapable d'être en tort. Si elle faisait quelque chose d'atroce, c'était qu'elle avait une bonne raison. Et à ses yeux, comme elle se montrait maternelle avec les touts petits, elle était donc incapable de leur faire du mal par simple contrariété. Il devait avoir oublié qu'il avait été petit, lui aussi, et qu'il avait déjà subi ses sautes d'humeur. Katakuri ne pouvait pas lui en vouloir d'avoir choisi de croire aveuglément en son jugement.
— Qu'est-ce que Pudding faisait là ?
Daifuku était plus pragmatique. Il posait les bonnes questions : Katakuri n'aurait pas dû se retrouver entre Mamma et Pudding parce que c'était elle qui n'avait rien à faire dans les parages.
— Elle cherchait Chiffon. Je ne pense pas qu'elle comprenne ce qu'il se passe, se désola-t-il.
— Elle va vite comprendre. La prochaine fois qu'elle mentionnera le nom de Lola ou de Chiffon devant Mamma, tu ne seras pas là. Elle ne recommencera plus.
Il avait raison. Sa déclaration provoqua un silence glacial que Oven se dépêcha de chasser en tentant — littéralement — de réchauffer l'atmosphère.
— Bon ! Dit-il tout en irradiant la pièce une chaleur étouffante. Maintenant qu'on a bien cassé l'ambiance, il est temps de revenir au sujet : enfile tes plus belles fringues, on t'embarque.
— Non, Oven. Même pas en rêve, grogna Katakuri, déjà fatigué d'argumenter.
— Attends tu sais même pas ce que j'ai prévu.
— Ben si.
— J'ai prévu une petite soirée privée chez moi, histoire de se détendre un peu après tout ça. Ça nous fera du bien, tu viens et tu réfléchis pas.
— Non, répéta Katakuri.
— Je ne suis pas sûr que Mamma approuverait, suggéra Daifuku.
— T'es de mon côté ou pas toi ? Allez, insista Oven.
— Non, vraiment. Désolé.
Oven le fixa pendant encore trente bonnes secondes et abandonna quand il comprit qu'il ne parviendrait pas à le faire bouger.
— T'es chiant, soupira-t-il. Tu tiens tant que ça à ce que personne ne sache que des fois tu es normal ?
Un sourire amer se dessina sous son écharpe. Oven était tellement direct et impulsif, il ne réalisait pas que ses mots pouvaient faire très mal. Même quand l'intention était plutôt inverse. Katakuri voulait bien prendre les coups pour les autres et endosser un maximum de responsabilités mais il refusait de porter seul les conséquences du personnage qu'il s'était créé.
— Je ne suis pas normal, tu te rappelles ? Dit-il, pointant son doigt sur sa bouche dissimulée.
Une légère dispute s'en suivit. Oven continua de lui reprocher de rester seul dans son coin, de jouer les frères parfaits, pendant que Daifuku les regardait se crier dessus. En retrait, comme toujours. Puis ils sortirent de sa chambre, le laissant plus tendu et triste qu'avant leur visite. Le seul avantage à cette conversation déplaisante, c'était que la douleur de son croc cassé paraissait anecdotique à présent. Il détestait qu'aucune conversation ne soit jamais facile dans cette famille. Ils étaient tous incapables de savoir comment parler sans s'accabler de reproches ou se jeter la pierre pour tout et rien. C'était toujours la faute d'un autre et rien ne progressait jamais. Ils tenaient tous ça de Mamma.
Katakuri avait la sensation d'être le seul à faire des concessions, à essayer d'être arrangeant. Ce n'était sûrement pas vrai, il savait que toute sa fratrie était soumise à la même pression mais la baffe qu'il avait prit l'avait mis de mauvaise humeur. Il en voulait à tout le monde.
Lassé de se voir reproché d'être "chiant" il rejoignit le coin préféré de sa chambre. Son nid comme il l'appelait. Un amas de coussins colorés et gigantesques, similaires à ceux qu'il utilisait lors de ses meriendas, tous étalés au sol sur des couvertures soyeuses et brillantes. Il se laissa tomber dessus de tout son poids — sur le DOS — et apprécia la sensation de rebond moelleux qui l'accueillit avec douceur. Il s'enfonça encore un peu, se cala au mieux et une fois à l'aise, il croisa les bras derrière sa tête et grogna d'agacement, dans l'espoir de chasser l'état de nervosité dans lequel Oven l'avait plongé.
Il se demanda naïvement si les choses seraient toujours comme ça et puis il se rappela son âge, et dans quelle famille il avait grandit. Évidemment que ce serait toujours comme ça. Le dialogue était impossible. Il n'y avait que les poings, les cris, les pleurs et aucune solution jamais apportée. Seulement des dégâts psychologiques et matériels. Il imaginait que c'était pareil dans tous les équipages de pirates mais ils n'étaient pas n'importe quels pirates. Le capitaine était leur mère, ils étaient ses enfants. Ils se battaient pour son pays utopique, pour ses idéaux d'égalité. Si eux n'étaient pas capables de régler leurs problèmes de famille, comment pouvaient-ils espérer tenir le monde entier avec leur impératrice de mère pour reine des pirates ?
Tout ce qu'il pouvait espérer, c'était que leurs rivaux soient encore plus dysfonctionnels qu'eux. Mais de ce qu'il savait, si Kaido avait la réputation d'être un boucher alcoolique, Barbe Blanche était comme un père pour ses membres d'équipage et il était prêt à mourir pour eux.
S'il y avait une chose dont il était sûr, une seule, c'est que Mamma ne se foulerait même pas une cheville pour lui.
La famille Charlotte, ce repaire d'enfants joyeux et soudés.
A mon avis, c'est seulement un échantillon des horreurs que Big Mom fait subir à ses enfants. C'est pas fini malheureusement :x
En ce qui concerne les relations que Katakuri a avec ses frères et sœurs, j'espère que je m'y prends bien. Je suis enfant unique, donc je ne sais pas du tout ce que ça fait d'en avoir. En tout cas, pour Katakuri c'est primordial de les protéger. Quitte à prendre tout dans la gueule. Mais en même temps il est parfaitement conscient que c'est de l'abus et que ça ne va pas s'arranger.
A moins que bien sûr on lui colle un lunaria cynique dans les pattes et que [à suivre].
On se retrouve le 26/03, dans une ambiance un peu moins triste. Merci encore de continuer à suivre ce slow burn, vous êtes patients et ça va payer. Pas d'inquiétude ;)
