Bon Dimanche tout le monde !
La dernière fois on était sur un chapitre pas super jouasse quand même. Cette fois c'est plus chill. Notamment parce que je me moque un peu de King alors c'est rigolo. (C'est parce que je l'adore.)
Accoudé au bastingage du navire, King se maudissait d'avoir suivi Katakuri.
Le bateau — lui aussi habité par un résidu d'âme qui s'incarnait dans la figure de proue — chantait à tue tête et tanguait à chaque nouveau refrain qu'il fredonnait, sans aucune notion de rythme. King avait toujours détesté les voyages nautiques et préférait voler pour une bonne raison. Il avait beaucoup de mal à cacher son mal de mer, gravement empiré par cet insupportable bâtiment chanteur. Il soufflait calmement en fixant l'horizon pour ne pas vomir ses tripes devant l'équipage de Katakuri. Heureusement, ils étaient trop occupés pour vraiment faire attention à lui. La majorité des matelots était des homies ressemblant à des pièces d'échiquiers. Ils avaient vaguement figure humaine mais étaient d'une docilité surnaturelle que personne ne pouvait complètement adopter à par eux.
Les rares humains qui circulaient sur le pont étaient des cuisiniers. King n'avaient pas bien compris pourquoi ils étaient aussi nombreux, jusqu'à ce qu'il les reconnaisse. Ils les avaient rencontrés quand Katakuri l'avait conduit dans les cuisines de son palais pour la première fois. King en avait déduit qu'ils étaient plus précieux aux yeux du Général qu'il ne voulait bien le laisser croire. Il jeta un bref coup d'œil à la cabine dans laquelle celui-ci s'était enfermé depuis une heure. King avait essayé de l'y suivre, dans l'espoir de trouver une banquette où s'allonger et dépérir pendant le trajet mais Katakuri l'en avait empêché avec fermeté. Il avait justifié son refus par un besoin impérieux de se retrouver seul pour faire le vide, ouvrir son esprit et diverses préoccupations mystiques. King avait d'abord pensé qu'il était simplement énervé contre lui et qu'il préférait bouder seul dans son coin. Depuis, il avait entendu les homies murmurer autour de lui et avait compris que Katakuri pratiquait ce rituel sacré tous les jours à heure fixe. Ils parlaient de lui avec un respect inconditionnel et lui prêtait une sagesse hors du commun. Selon eux, il profitait de ces moments pour parfaire ses talents ou prier des divinités guerrières, que c'était de ce zèle monastique qu'il tirait sa force.
C'était le plus gros mensonge que King eut jamais entendu.
Il était bien placé pour savoir qu'il y avait autre chose derrière cette fable grotesque, presque trop farfelue pour être crue. C'était tout ce qu'il avait trouvé pour empêcher quiconque de le déranger et obtenir ne serait-ce qu'un seul moment de paix dans sa journée. A tous les coups, il était en train de dormir. King lui-même avait pour habitude de s'isoler pour une sieste rapide. Mais lui avait deux avantages : la possibilité de s'envoler et un équipage qui le craignait suffisamment pour ne jamais songer à mettre un orteil dans son intimité. Pour Katakuri, le mensonge était nécessaire. Son équipage était familial et exigeant. Il en avait été témoin à de nombreuses reprises. Pour ne pas les avoir sur le dos en permanence, il avait intérêt à inventer quelque chose de grandiloquent et prétendument capital pour éviter de voir son espace envahi à tout bout de champ.
King eut soudain une pensée pour Yamato. S'il y avait une seule personne sur Onigashima capable de le trouver dans les recoins les plus improbables quand il souhaitait être seul, c'était bien lui. Mais il doutait que sa relation conflictuelle avec le rejeton de son capitaine soit comparable à ce que vivait Katakuri. Lui oscillait entre deux eaux : soit ses frères et sœurs lui collaient au train sans jamais lui permettre de se relâcher, soit ils le traitaient comme on traitait un animal utilitaire. Pratique, mais à qui il fallait régulièrement donner des coups de cravache pour lui rappeler qui était le patron, quand bien même il pouvait les mettre en pièces. L'affection claire qu'il semblait avoir pour eux en dépit de la façon dont on le considérait était incompréhensible aux yeux de King.
Il réfléchit à ce qu'il connaissait des problèmes familiaux et cela se résumait à Yamato et Kaido et leur animosité mutuelle. Leurs querelles étaient épuisantes mais faciles à comprendre. L'un voulait dompter son fils, l'autre bataillait encore pour faire ses propres choix. C'était logique. Monotone, mais logique. D'un autre côté, il y avait Page One et Ulti. Collés comme une paire de cerises depuis leur plus jeune âge. Et si Page One n'avait pas tellement son mot à dire dans leur relation, l'attachement réciproque était visible à la façon dont ils se protégeaient l'un l'autre. Il essaya de se placer lui-même dans ce schéma et réalisa alors qu'il n'était pas forcément mieux considéré que Katakuri mais ceux qui l'insultait le faisait à leurs risques et périls. Il n'hésitait pas à rappeler sa force pour se faire entendre.
Finalement, la principale différence entre lui et Katakuri, c'est qu'il n'éprouvait rien qui aurait pu justifier qu'il se laisse malmener sans broncher. Il ne permettait à personne d'être assez proche de lui pour ça.
A part Kaido, se dit-il alors, mal à l'aise.
Il n'avait pas l'esprit clair, ce n'était pas le moment de penser à ça. Il faisait régulièrement l'erreur de s'interroger sur les relations humaines et leurs intrigues complexes à chaque fois que quelque chose lui échappait alors même qu'il détestait s'aventurer dans sur cette route. Car la prendre nécessitait de faire des arrêts devant d'autres souvenirs autrement plus douloureux avant de réussir à comprendre ne serait-ce que la surface de ce qui lui échappait. Il était absolument hors de question d'aller aussi loin. Les premiers — et rares — moments de chaleur humaine et de tendresse dont il pouvait se rappeler le plongeaient dans un état de tristesse abyssal dont il voulait rester le plus loin possible.
Le bateau tangua plus fort quand il entama son troisième couplet. King se cramponna et sentit le sang quitter son visage. S'il ne finissait pas à quatre pattes sur le pont, c'était un miracle. Il pria pour que le voyage se termine. Il avait perdu la notion du temps à fixer l'horizon sans bouger. Ils étaient partis vers midi et avaient vogué quelques heures sur l'océan coloré mais il n'y avait toujours aucun port en vue. Les vagues de sirop les portaient joyeusement et donnaient l'illusion d'une progression rapide mais c'était loin d'être le cas. Totto Land était extrêmement vaste.
Quelqu'un lui tapota l'épaule. Il tourna mollement la tête pour se retrouver face à Katakuri qui semblait avoir fini de roupiller. Il avait meilleure mine et ses traits étaient moins tendus. Mais il se dégageait de lui un parfum sucré encore plus marqué que d'ordinaire. Il ouvrit la bouche pour l'informer de quelque chose puis remarqua le visage livide de King.
— Est-ce que tout va bien ? Dit-il avec une toute petite pointe de culpabilité dans la voix.
King se demanda quelle tête il pouvait bien avoir pour que ça l'inquiète à ce point.
— Comment fais-tu pour supporter des roulis pareils ?
Une expression incrédule apparut sur son visage, accompagnée d'un petit sourire en coin.
— Tu as le mal de mer ? Voilà qui est handicapant pour un pirate.
Il prenait un plaisir évident à se moquer de lui. C'était sa façon de se venger de ce qu'il s'était passé avec son frère. Néanmoins, King ne comptait pas le laisser faire. Il trouva la force de se tourner pour le regarder dans les yeux.
— Eh, c'est ton foutu bateau qui tangue comme si on était en pleine tempête. Et je n'ai pas des ailes pour rien.
Il se sentit partir et se dépêcha de regarder droit devant lui avant de se ridiculiser davantage.
— Je dois me souvenir de ça si je dois t'affronter à l'avenir, je n'aurais qu'à le faire en pleine mer.
King ne répondit pas, de peur de vomir s'il ouvrait la bouche. Katakuri, un peu déçu de ne pas avoir réussi à obtenir un rire ou une boutade en réponse à sa provocation, adopta une attitude plus soumise. Ses épaules s'affaissèrent et malgré sa taille de colosse, il se fit tout petit. King perdit patience. Il n'avait pas besoin de voir l'avenir pour imaginer ce qu'il allait dire.
— Si tu t'excuses d'avoir été malpoli, je te vomis sur les pompes.
— De nous deux, c'est toi le plus grossier, ajouta-t-il avec une certaine malice. Je voulais effectivement m'excuser mais pas pour moi, pour mon frère.
King se redressa, attentif à la suite.
— Toute à l'heure, il est allé trop loin et je ferai attention à ce que ça ne se reproduise pas.
Pour une fois, c'est King qui se détourna pour éviter de lui montrer son embarras. Il était affreusement gêné. Qu'avait-il remarqué exactement ? Était-il juste inquiet qu'un manque de courtoisie le pousse à se venger ou avait-il capté la faiblesse que King aurait préféré gardé secrète ? Il se méprisa d'avoir affiché son désarroi au lieu de rester immobile et indifférent.
— Je crois que je m'en remettrai, esquiva-t-il au plus vite.
Il n'avait aucune envie de laisser Katakuri penser plus longtemps qu'il avait réellement été affecté par un simple contact. Mais il ne voulait pas non plus orienter la conversation sur un autre sujet aussi abruptement, de peur de montrer une vulnérabilité trop importante. Il laissa Katakuri choisir la suite, au risque de le voir insister sur ses excuses. Il le soupçonnait d'avoir envie de le faire parler.
— Nous devrions arriver au port dans la soirée, l'informa-t-il.
— Quoi ?! Ça va être si long ?
— Quand le soleil décline, l'océan de sirop se fige et ralentit les traversées.
— Tu te fous de moi ?
Katakuri avait du mal à se retenir de rire. Peut-être parce qu'il avait deviné ce qui allait se passer où juste parce que King avait l'air parfaitement pitoyable.
— J'ai bien peur que non.
— Je déteste ce pays.
/
Ils mouillèrent dans le port au crépuscule. King avait l'impression de se relever d'une grippe monstrueuse à l'instant où il posa le pied à terre. Il avait deviné que Katakuri avait volontairement ralenti le voyage pour se déplacer sur l'île en plein couvre-feu, quand les regards étaient plus faciles à éviter. Sinon il n'aurait pas caché à King qu'il suffisait de réchauffer la mer de sirop pour avancer à pleine vitesse.
Il aurait été compréhensif si la manœuvre ne l'avait pas fait se sentir mal toute la journée.
Pendant qu'il reprenait son souffle sur le quai, Katakuri transmettait ses instructions à l'équipage. Ils avaient pour ordre de se tenir prêts à repartir aussitôt car il ne comptait pas s'éterniser. Il ne donna aucun détail sur ses intentions et King se demanda ce qu'il faisait là. Il comptait le lâcher dans la nature et le laisser chercher des infos tout seul ou se servir de lui comme garde du corps ? Il attendit de le voir descendre du navire pour lui poser la question. Il se passa une main dans les cheveux et s'arrangea en tirant sur sa chemise, il n'était pas question d'avoir l'air d'un zombie plus longtemps. Il regrettait son masque et son armure habituelle, s'il l'avait portée, personne n'aurait pu remarquer qu'il était aussi mal fichu.
Katakuri, s'il nourrissait quelque pensée sur l'aspect et la fatigue de King n'en montra absolument rien. Il le rejoignit et lui adressa à peine un regard.
— Suis-moi.
Sa voix trahissait une tension qui n'était pas là quelques heures plus tôt. King sauta sur l'occasion pour le taquiner et remettre le score à égalité.
— Nerveux de faire une bêtise au nez et à la barbe de sa famille ?
— Nerveux de ne pas trouver ce que je recherche en vérité.
— Tu avais donc un projet, ce voyage n'était pas qu'une impulsion.
— Tu croyais que je te sortais pour que tu prennes l'air ? Tu disais vouloir des infos.
Les flammes dans le dos de King se réchauffèrent.
— Exact.
— Si tu sais te faire discret, tu devrais pouvoir te débrouiller pour en obtenir ce soir. Et m'en faire part, tant que tu y es.
Ainsi donc, il était lui aussi coupé des nouvelles du grand monde — il aurait dû s'en douter — et espérait se servir de King comme espion. Cette coopération prenait une tournure de plus en plus étrange. Ils étaient fondamentalement ennemis, officieusement alliés, prisonnier et geôlier, tous les deux écartés de ce qui aurait dû occuper tout leur temps et contraints de se brosser dans le sens du poil pour arriver à leurs fins. Heureusement qu'ils étaient tous les deux trop vieux pour se lancer dans un combat de coq et jouer à se tendre des pièges. Ils préféraient aller directement au but.
— Et où puis-je trouver ça ?
Katakuri ne lui répondit pas tout de suite et lui tendit une grande cape noire.
— Mets ça.
Il enfila la sienne, qui était suffisamment longue pour dissimuler ses grandes jambes, et rabattit la capuche sur sa tête. Sa nervosité était palpable.
— Il est préférable de ne pas se faire repérer. Il ne devrait pas y avoir de problème mais c'est plus sage de prendre des précautions. Si je me balade dans les rues de façon trop désinvolte et que je me fais surprendre, ma situation va empirer.
— Le couvre-feu ne suffit pas ?
— C'est un avantage mais il suffit qu'un homie un peu trop zélé avertisse Cracker et j'aurais droit à un nouveau scandale. Je m'en passerai.
King pensait toujours qu'il exagérait mais il ne fit aucun commentaire. Maintenant qu'il était près du but, il n'allait pas discuter le pourquoi du comment. Du moment qu'il pouvait avoir des réponses, il se fichait des états d'âme de Katakuri. La cape qu'il tenait entre ses doigts était immense mais le tissu était très fin. S'il ne contrôlait pas ses flammes, elle risquait de flamber et de le transformer en énorme torche. Pour se balader dans les rues à la nuit tombée, ce n'était pas idéal. Il se concentra pour ne garder qu'une flammèche inoffensive dans son dos et plaça la cape sur ses épaules. Elle était taillée pour Katakuri, elle ne descendait pas plus bas que ses genoux et cachait très mal ses ailes mais il appréciait d'avoir quelque chose à mettre sur sa tête. Il y avait trop longtemps qu'il ne s'était pas senti protégé des regards. Il n'avait pas eu à craindre pour sa vie depuis le début de son séjour mais il ne pouvait pas faire taire son instinct qui lui ordonnait de saisir la moindre opportunité de camouflage.
Les vieux traumatismes avaient la vie dure.
Katakuri aussi eut l'air soulagé d'être caché. Son regard se fit plus acéré et sa voix était pleine d'assurance.
— Sweet City est vaste, même pour nous. On va devoir marcher un moment avant d'atteindre notre destination. Il y a un endroit que j'aimerai fouiller dans le quartier familial. Ce qui tombe bien, c'est qu'une de nos plus grande salle de réunion se trouve juste à côté. Si on ne traîne pas, on arrivera avant que mes adelphes finissent leur débrief du jour. Et si tu t'en approches assez près, tu entendras peut-être ce que tu veux savoir sur ton… sur nos deux capitaines.
— Et si je n'entends rien et que je rentre dans la pièce pour les faire parler ?
Katakuri le fixa sans ciller. Encore une fois, une lueur d'amusement passa dans ses yeux. King se demanda s'il n'espérait pas secrètement que King fasse effectivement un carnage.
— Ne pense pas qu'on soit aussi incapables de te maîtriser. Même si je me retrouvais dans une situation inextricable par ta faute, c'est à eux qu'irait ma loyauté. Je t'attaquerai comme les autres. Et je te rappelle que je le verrais venir.
— C'est bien ce qui me semblait, soupira King, pas totalement abattu mais pas optimiste non plus. Et toi, qu'est-ce que tu espères trouver ?
Son regard se perdit quelque part au-dessus de l'épaule de King.
— Je ne suis pas sûr.
Ce n'était pas une réponse. Ca ne l'empêcha pas de le suivre quand il s'engouffra dans la cité.
King aurait menti s'il avait prétendu ne pas être impressionné par l'allure des bâtiments et leur immensité, en dépit des rénovations et des nombreux échafaudages installés pour réparer les dégâts de l'attaque de Chapeau de Paille.
Même des géants auraient eu l'air minuscules à se balader dans ces rues, comme si elles avaient été pensées pour les impressionner même s'il était connu qu'aucun géant n'avait jamais foulé le sol de Totto Land. King n'appréciait pas vraiment cette surenchère de couleurs et de senteurs qui se mélangeaient les unes aux autres jusqu'à en donner la nausée, mais de nuit alors que le silence régnait et que les rues étaient vides, il avait l'impression d'avoir changé d'univers. Quelque chose au fond de lui appréciait cette grandeur. Ces bâtiments aux allures légendaires et féeriques le rendait nostalgique de quelque chose dont il ne pouvait pas se rappeler.
Devant lui, Katakuri marchait vite mais il avait perdu cette habitude de se tenir à bonne distance de lui comme s'il craignait de se faire brûler. De manière générale, il était moins mal à l'aise que lors de leurs premiers échanges. Il n'était pas complètement détendu non plus mais il avait cessé de fuir son regard. Il faisait de l'humour aussi. C'était un humour rouillé et maladroit mais auquel King était particulièrement sensible. Après avoir passé des années en compagnie de Queen, à supporter ses blagues, il avait fini par se croire totalement dépourvu de fantaisie. Finalement il avait encore un fond de gaieté en lui. Ou alors c'était l'environnement chantant et magique dans lequel il baignait qui lui avait fait perdre les pédales.
Katakuri s'arrêta et fit un pas de côté pour se cacher entre deux "immeubles" couverts de crème. King n'avait rien vu mais il fit confiance à sa clairvoyance et le suivit. Il se faufila dans la ruelle, dos au mur, face à Katakuri. Leur taille ici n'était pas un handicap, il y avait la place de tenir à deux dans un endroit exigu tout en restant discrets. King interrogea Katakuri du regard.
— Un soldat biscuit, il va passer ici, expliqua-t-il à voix basse. Il faut qu'on attende un peu.
— "Soldat biscuit", ricana King.
— Ça continue de t'étonner ?
King pensa aux transformations improbables que pouvaient prendre les gifters dans son propre équipage et s'auto-disciplina directement.
— C'est vrai, je suis mal placé pour me moquer.
Katakuri ne le regardait pas, il avait le regard fixé sur la rue adjacente et le visage aussi sérieux que si ce malheureux soldat constituait un réel danger. King s'occupa autrement. Il promena ses yeux sur la rue étroite qui les retenait. Elle était propre et joliment décorée. Il y avait beaucoup de petits appartements aux balcons garnis de fleurs endormies au-dessus de sa tête. La seule chose qui sembla jurer avec ce décor de catalogue étaient l'abondance d'affiches collées partout sur les murs. Connaissant Big Mom et son obsession pour la réputation de son pays utopique idéal, c'était curieux de trouver des pamphlets et des visages de criminels recherchés placardés sur un bâtiment aussi commun. Ca faisait tâche. Il observa plus attentivement une de ces affiches et reconnut enfin le visage de Katakuri.
Passée la surprise de le voir exposé sur un mur comme un pirate lambda et pas comme une figure importante du pays, il la regarda de plus près. Il était impossible que Katakuri ait donné son consentement pour ses photos : elles étaient prises à la volées, un peu floues, et centrées sur sa bouche. King en arracha une délicatement, la coinça entre ses doigts et jeta un coup d'œil au texte. Ce n'était pas un avis de recherche, c'était un tract satirique dont le but était de ridiculiser Katakuri. "Le Général Katakuri, l'anguille pélican" disait l'entête alors que des pictogrammes colorés attiraient l'attention sur sa mâchoire.
King avait plusieurs questions qui se bousculaient dans son esprit. Comment ce tract avait vu le jour exactement ? Katakuri était un homme poisson ? Quel habitant de l'île avait pu être assez débile pour commettre un acte de trahison aussi puéril ? Katakuri n'était quand même pas resté les bras croisés devant ça ? C'était quoi le problème avec sa bouche exactement ? Était-ce ça le scandale qu'il avait mentionné ?
Au lieu de les laisser tourner dans sa tête, il le lui demanda directement.
— C'est quoi ce truc ?
Katakuri se retourna et King crut d'abord qu'il allait s'évanouir de honte et lui arracher le tract des mains, en tout cas c'était ce que traduisait son regard pétrifié, mais il ne bougea pas d'un pouce. Au contraire, il expira lentement et prit le papier des doigts de King.
Il la contempla un instant avant d'ouvrir la bouche.
— Comment as tu réussir à voir ça dans une pénombre pareille…
Finalement, il écrasa le papier dans le creux de sa main, le jeta par dessus son épaule, et reprit son observation de la rue.
— C'est rien, jute une blague d'une de mes petites sœurs, dit-il laconiquement.
— Tu l'as punie comment ?
Il ne pouvait pas demander autre chose, il refusait de croire que Katakuri avait subi ça sans réagir. Il n'était pas docile à ce point-là, il n'y croyait pas.
— A coup de haki des rois, répondit-il d'un ton caverneux.
Ne s'attendant pas à une réponse pareille, King failli s'étrangler avec son rire. Il n'aurait certainement pas dû trouver ça drôle puisque Katakuri lui avouait sa très grande force avec ce détail, mais la scène qu'il avait en tête était trop hilarante.
— Ah, ça me rassure mais ça m'étonne.
— C'était peut-être un peu excessif de ma part. Elle a quinze ans et très peu de cervelle.
C'était sa façon de dire qu'il ne comptait pas approfondir le sujet. Aussi King ne le questionna pas plus même si sa curiosité le poussait à se demander d'où pouvait bien venir cette obsession malsaine pour sa bouche.
/
Katakuri aurait préféré que King ne voit pas ces photos. Il savait que Flambée avait eu pour projet d'exposer ces horribles images pour l'humilier mais il ne lui en avait pas laissé la satisfaction en choisissant lui-même de révéler son vrai visage. Dans le fond, maintenant il s'en fichait. Ce qui était fait était fait. Et il était soulagé de voir que King se fichait complètement de sa bouche, encore plus depuis l'incident de l'écharpe, le jour où il avait été sanctionné. Mais il n'aimait pas qu'il le voit dépeint de cette façon, comme un monstre. Il ne voulait pas non plus qu'il le prenne encore plus pour un incapable. Il l'avait traité de carpette quelques heures plus tôt. Sur le coup, ça l'avait mis hors de lui mais il avait raison.
Il se détestait tout autant pour ça que pour ses manquements au bien-être familial. Il essaya d'oublier sa gêne et de se concentrer sur son objectif du soir. Entreprise difficile dans la mesure où King était bien trop proche de lui à son goût. Lui ne semblait se rendre compte de rien mais Katakuri pouvait presque sentir son souffle sur sa peau. Il avait habilement caché ses flammes sous sa cape mais il dégageait une chaleur très douce, semblable à un feu de cheminée et lui apportait un réconfort similaire.
Il ne s'était toujours pas habitué à l'effet que lui faisait sa proximité. Il était moins timoré maintenant qu'il le connaissait un peu mieux, mais il était incapable de ne pas réagir à ses charmes. Même au bord de l'évanouissement, malade comme un chien sur le pont du bateau, il avait l'air tout droit sorti d'une fable. Avec ses cheveux blancs resplendissants, flottants au gré du vent sans souffrir une seule seconde de l'humidité. Là encore, caché dans l'ombre comme un assassin, ne laissant entrevoir de sa figure que son tatouage floral et ses yeux brillants comme des rubis, il était plus proche de l'imaginaire que de la réalité. Katakuri aurait préféré le contempler toute la soirée plutôt que de faire quoi que ce soit d'autre.
Il coupa son flot de pensées après que le soldat biscuit soit passé. Il fila dans la rue et King le suivit sans broncher. Ils n'étaient plus très loin du quartier familial.
Il ne savait pas si c'était une bonne idée, il n'était même pas sûr que l'ancien appartement de Lola soit toujours là mais si Pudding avait choisi un endroit où se cacher, un lieu où personne n'allait jamais, c'était bien là. Il aurait dû y penser plus tôt. Pudding avait toujours adoré Lola, c'était sa grande sœur favorite. Elle n'avait jamais cessé de l'aimer malgré sa faute. Elle ne le criait pas sur les toits mais la photo d'elles que Pudding avait accroché au mur de son Café parlait pour elle. Son affection pour Chiffon aussi. Maintenant que Katakuri savait que Pudding avait échoué à tirer sur le fils Vinsmoke à cause d'un petit écart de son cœur, il lui semblait logique qu'elle cherche un moyen, même métaphorique, de se confier à sa plus vieille amie.
L'avantage, c'est qu'il savait être le seul à avoir songer à cette possibilité. Le reste de la famille avait eu moins de mal à effacer Lola de l'histoire. L'idée que Pudding trouve refuge chez elle ne leur viendrait jamais à l'esprit. Du moins, il fallait que l'ancien logement de sa petite sœur soit encore là. Après l'effondrement du château, beaucoup de bâtiments avaient été endommagés. Et si l'appartement de Lola n'avait pas été touché depuis son départ, la trahison de Chiffon avait peut-être attiré l'attention de Mama et peut-être l'avait-elle fait raser une bonne fois pour toute dans un accès de rage. Il n'en avait aucune idée, il était convalescent avant qu'elle ne parte pour Wano.
Il atteignirent les murs du quartier et, comme on pouvait s'y attendre, ils étaient gardés. Des homies et des soldats biscuits surveillait l'entrée et d'après leur nombre, Cracker n'était pas loin. Il ne s'était pas trompé, une réunion était en cours. Katakuri fit un signe discret à King.
— La salle de réunion est juste à côté. Suis les hurlements, tu ne devrais pas avoir de mal à trouver.
— Et toi, tu comptes tabasser toute la garde pour entrer ? Ou leur flanquer un petit coup de haki à eux aussi ?
— J'ai l'air d'un barbare à ce point là ? Plaisanta Katakuri, en espérant qu'il se rappelle lui avoir posé la même question quelques jours plus tôt.
King esquissa un petit sourire.
— Tu y ressembles certainement un peu. Mais tu es très loin d'en être un.
Il tourna rapidement les talons et disparu dans les ruelles tout aussi vite. Sa vitesse, malgré sa taille, était impressionnante. Katakuri se reprit, il devait cesser de l'admirer et se concentrer sur sa propre tâche. La voix de la raison en lui se demanda s'il était vraiment sage de laisser un lieutenant de Kaido en liberté sur Whole Cake Island mais son instinct n'était pas du tout inquiet. Il avait bizarrement confiance en lui. Il le savait intelligent, il n'allait sûrement pas engager d'hostilité contre lui maintenant.
Katakuri avança prudemment, à l'abri de l'attention des homies et propulsa ses bras gluants vers le sommet de la muraille. Il souleva son poids du sol sans peine et se retrouva de l'autre côté en un rien de temps. Il se laissa retomber doucement avec un bruit étouffé. Ses éperons cliquetèrent légèrement mais aucun garde ne lança l'alerte. Maintenant qu'il était entré, il lui serait facile de retrouver l'appartement.
Il contempla le quartier avec nostalgie, il n'était pas venu depuis une éternité ; depuis qu'il était Général. Dès que les enfants de Mama se mariaient ou recevait un titre, ils quittaient Whole Cake Island pour diriger leur propre territoire. Il y avait parfois des exceptions, Pudding en était une. Seulement parce qu'elle avait refusé le titre de ministre et que Mama avait jugé utile qu'elle renforce son talent de comédienne au contact de la population.
Il ne se souvenait plus de l'emplacement exact de l'ancien appartement des jumelles et n'avait pas d'autre choix que de scruter chaque bâtiment et de subir toutes les vagues de souvenirs qu'il pouvait avoir de cet endroit. Il sentit son cœur se serrer et son ventre se tordre quand il reconnut la vieille chambre de Moscato puis celle d'Opéra. Aucun d'eux ne reviendrait jamais ici.
Il pressa le pas, impatient d'arriver à destination. Il était là pour une seule raison, il ne devait pas penser à tout le reste. Sans quoi il deviendrait fou.
Il n'eut pas de mal à reconnaître l'endroit qu'il cherchait. Non pas grâce à son souvenir mais parce que l'ancien foyer de Chiffon et Lola était le plus délabré de tous. Les autres étaient toujours entretenus pour accueillir les futurs adolescents de la famille mais aucun effort n'avait été fait pour sauvegarder l'endroit où ses sœurs avaient passé leur jeunesse. La façade en gâteau était rongée, taguée et portait les marques d'un vandalisme fréquent. C'était la seule ruine du quartier pour une bonne raison : faire un exemple. Chiffon avait vécu ici pendant des années après le départ de Lola et avait payé pour sa sœur. L'état de cet endroit était une menace à peine voilée pour ceux qui auraient envisagé de suivre l'exemple de la fugueuse.
Il grimpa l'escalier émietté qui ne tenait que par miracle et fit irruption dans l'appartement. Il devait garder la tête baissée pour ne pas se cogner au plafond. Il fut un peu déçu de ne pas tomber directement nez à nez avec Pudding mais ça aurait été trop beau. L'air était froid et sentait le moisi, il n'y avait plus aucun meuble, seulement quelques babioles qui traînaient ici et là. Rien qui pouvait témoigner du passage de Pudding. Il s'agenouilla tout de même pour fouiller un vieux carton plein de jouets et de babioles de petite fille, comme si ça pouvait lui être utile. Il ne voulait repartir sans avoir fait le maximum.
Il se demanda alors ce qu'il ferait s'il finissait par mettre la main sur Pudding. Comment réagirait-elle ? Avec défiance ? Comment pourrait-il lui faire comprendre qu'il ne voulait pas lui nuire ? Il ne voulait nuire à personne. Il voulait que les membres de cette famille se sentent bien, pas qu'ils se noient dans la culpabilité et finissent rejetés de façon injuste. Pudding était trop jeune pour subir tout ça, elle avait le droit à une seconde chance mais surtout le droit au secret. S'il la trouvait, il trouverait bien une histoire pour expliquer sa disparition. Le seul risque était qu'elle réagisse comme les autres et lui crache dessus, dégoûtée par ce frère défiguré qui se prétendait parfait.
Soudain, son haki perceptif perçu quelque chose : il n'était pas seul dans cet appartement.
— Pudding ? Appela-t-il.
Ne recevant aucune réponse, il se concentra et lut brièvement l'avenir pour voir ce qui l'attendait dans l'ombre. Ces quelques secondes d'avance lui suffirent pour être déçu. Mais c'était toujours une piste.
— Je sais que tu es là, sors de ta cachette tout de suite.
Un carton vide se souleva alors et une poupée — un homie en réalité — en sortit timidement. Elle était vieille, il lui manquait un œil et les coutures de ses épaules avaient craqué. Maintenant elles laissaient voir une mousse grisâtre. Elle était très impressionnée par la haute taille de Katakuri mais s'approcha de lui en tremblant.
— Je ne vais pas te faire de mal, la rassura-t-il, un peu apitoyé par ce vieux jouet ensorcelé qui devait traîner dans ce carton depuis des années.
— Ah non ?
— Non.
— Ouf, j'ai eu peur, dit-elle de sa petite voix de crécelle. On m'a dit de me cacher si quelqu'un venait.
Katakuri avait mal aux genoux et s'assit sur le sol poussiéreux en essayant de se rendre moins menaçant.
— Qui t'a dit de te cacher ?
La poupée poussa un petit cri choqué et se couvrit la bouche de ses petites mains de tissu.
— Oh non ! Je ne devais pas le dire !
— Tu ne m'as encore rien dit.
— Je n'ai vu personne, je me suis trompée.
La pauvre était une très mauvaise menteuse. Mais elle était si vieille qu'à tous les coups elle parlait de Lola ou de Chiffon. Peut-être l'une d'elle avait donné pour dernière instruction à son jouet préféré de se cacher après son départ, de peur qu'on se venge dessus.
— Te souviens tu de Lola et de Chiffon ?
Elle parut surprise par la question.
— Bien sûr ! Elles sont parties à l'aventure !
C'était une belle façon de voir les choses et elle n'avait sûrement pas inventé ce mensonge. Il avait une petite idée de qui avait pu lui souffler cette histoire.
— Qui t'as dit ça ?
— P… Personne, se rattrapa-t-elle.
— Dis moi, je promets de ne pas te faire de mal, ni à la personne qui t'a parlé.
Elle ne répondit pas. La loyauté de cette poupée lui fit regretter d'avoir toujours refusé de se voir attribuer son propre homie. Heureusement, comme la plupart des objets enchantés de ce type, elle ne devait pas être assez maline pour résister à plus de questions.
— Quelqu'un est déjà venu ici avant moi ?
— Ben oui. Plein de gens, plein de copains et de copines.
— D'autres objets comme toi aussi ?
— Pas tout à fait comme moi.
— Ah ? Comment alors ?
— Celui de la petite à trois yeux il était en gelée.
Bingo. Katakuri sourit, c'était donc bien ici qu'elle se cachait. Et elle n'avait pas eu la force d'effacer la mémoire de la vieille poupée de sa sœur adorée.
— Tu peux aller la chercher la petite à trois yeux ?
— Ah… OH NON J'AI ENCORE FAIT UNE GAFFE !
Elle se laissa tomber sur le sol. Katakuri la ramassa et l'aida à se remettre debout.
— Allons, un peu de calme. Je ne viens pas la punir, je n'ai même pas le droit d'être ici. Elle peut me faire confiance, dit-il en mettant toute sa sincérité dans sa voix.
— Elle est partie monsieur. Je ne sais pas où elle est.
Il plissa les yeux — effrayant alors la pauvre poupée — et utilisa le haki pour vérifier ses dires. C'était vrai, il n'y avait aucun autre être vivant dans cette maison. Il soupira. Ce n'était pas passé loin. Au moins, il avait la confirmation qu'elle était dans les parages. Et qu'elle allait bien. C'était un début.
Il se releva doucement et se dirigea vers la porte. Avant de franchir le seuil, il adressa un dernier message à la poupée.
— Si elle revient, dis lui que son frère Katakuri est passé. Dis lui aussi qu'elle peut venir se cacher sur Komugi, je l'aiderai.
La poupée acquiesça sans trop comprendre et il referma la porte sur elle, un peu triste d'avoir assisté à ce spectacle. Tout ce qu'il restait des deux jumelles c'était ce vieux souvenir qui hantait la maison. Il aurait aimé se sentir plus léger maintenant qu'il avait eu des nouvelles de Pudding mais il avait l'impression d'avoir une grosse pierre dans l'estomac. En réponse à cette sensation mélancolique qui lui embrumait l'esprit, il dirigea de nouveau ses pensées sur King — le poids s'envola immédiatement. Il fila dans vers le quartier voisin pour le retrouver.
Il espérait qu'il avait eu d'aussi bons résultats que lui.
Alors... C'est toujours long, je sais. MAIS est-ce que ça se sent que King il est en train de craquer sa carapace un peu ? Katakuri il a déjà craqué depuis longtemps mais l'autre, même si il fait genre que non, il est bien parti là.
J'ai aussi mis des petits détails sur son passé. C'est une mise en bouche mais j'espère que vous sentez l'histoire horrible qui se met en place là ?
Bref. Il va bientôt y avoir une grosse accélération dans l'histoire, j'espère que ça vous plaira. Merci de continuer à suivre cette histoire et d'aimer ce ship. J'ai reçu des commentaires de gens qui m'ont dit que je leur avait retourné le cerveau tellement le KataKing ça marche super bien et : OUI. Merci de me dire ça, je suis ravie x)
On se retrouve le 9/04 maintenant ! A la prochaine.
