Hey ! Voilà le nouveau chapitre un tout petit peu en retard.
Il m'a donné du fil à retordre celui-là parce que attention, il se passe des trucs ! Aujourd'hui au menu : quelque chose de très marquant pour les deux protagonistes et capital pour la suite de leur relation.
(un cw : suicide, au cas ou)
On approche de la fin du deuxième arc. Enjoy !
Après leur mésaventure, ils étaient rentrés sans encombres sur Komugi. La jeune femme qui les avait cachés n'avait pas menti, il y avait beaucoup de gens prêts à servir Katakuri sans qu'il en donne l'ordre. Il avait cru sa popularité plus endommagée que ça mais finalement, ceux à qui sa mâchoire posait le plus de problème faisait parti de sa famille. A présent, il se posait des questions. Totto Land tenait debout parce que Mama le gérait d'une main de fer, déléguant seulement à ceux de son propre sang. Tout le monde était réuni sous un même drapeau, sous une même autorité. Même si les territoires étaient différents selon les ministres qui les dirigeaient, tous répondaient à la volonté de Mama. Mais maintenant ?
Pour la première fois, il avait vu des gens lui prêter une allégeance qu'il n'était pourtant pas légitime de porter. Pas plus que ses frères et sœurs. Qu'allait-il se passer si Mama ne revenait pas ? La famille allait-elle se battre pour choisir un nouveau capitaine digne de lui succéder ? Si oui, il savait déjà qu'il avait des alliés. Il se détestait de penser à un après mais il ne pouvait pas s'en empêcher. Il n'avait aucune preuve de la mort de sa mère, il l'enterrait trop vite. Et il n'aurait pas dû se sentir aussi indifférent face à cette éventualité.
Il avait peur, bien sûr, car si c'était vrai, les retombées seraient catastrophiques pour le pays. Les tentatives d'invasions allaient se multiplier et les intrigues pour l'accès au pouvoir aussi. Mais penser à ce simple fait : sa mère était peut-être morte, le laissait complètement froid. Il aurait dû ressentir quelque chose, une inquiétude au moins, mais là où il s'attendait à trouver de la tristesse il n'y avait que du vide. Il se rassurait en se disant que c'était son pragmatisme qui parlait, qu'il n'avait pas à paniquer sans preuve de quoi que ce soit, mais au fond de lui il sentait la culpabilité poindre. S'il avait été un aussi bon fils que sa réputation le prétendait, il serait mortifié.
De son côté, King avait eu une réaction bien plus viscérale. Il était resté silencieux et prostré dans son coin pendant tout le trajet retour et Katakuri ne l'avait pas recroisé de toute la journée du lendemain. De ce qu'il savait il s'était enfermé dans sa chambre et n'avait ouvert à personne. Il n'avait pas cherché à le contacter. Lui donner de l'espace était la meilleure façon de lui manifester son respect pour le moment.
Ce qui le préoccupait le plus pour le moment, c'était Pudding. Il n'était pas sûr que son message soit transmis mais au moins maintenant il avait la certitude qu'elle allait bien et qu'elle pouvait le contacter et le rejoindre si elle le souhaitait. Il espérait qu'elle n'y verrait pas de piège. Tous les deux se connaissaient mal et elle l'avait toujours traité avec la même crainte respectueuse que la plupart de ses cadets. Il était possible qu'elle le croit trop sévère pour lui faire confiance.
La porte de son bureau toussota pour interrompre sa réflexion.
— Qui est-ce ? Demanda-t-il sans s'arrêter d'observer par la fenêtre.
— Encore le lunaria monsieur, il n'a pas l'air de bonne humeur, dit-elle la voix tremblante.
Katakuri ignorait pourquoi il continuait de poser la question, ces derniers temps il n'y avait guère que lui qui lui rendait visite. Et qui se donnait la peine de frapper avant d'entrer d'ailleurs.
— Qu'il entre.
La porte grinça et il reconnut le son des pas de King qui s'avançait vers lui. Le fait qu'il soit capable de le reconnaître avant de le voir lui rappela ce qu'il avait stupidement dit à Oven la dernière fois qu'ils s'étaient parlés et il admit que c'était peut-être aussi pour ça qu'il avait évité de parler à King depuis leur retour de Sweet City. Il avait intérêt à faire en sorte que ça ne se voit pas avant de lui parler.
Il ne pouvait pas se permettre d'arborer la moindre faiblesse avant de lui faire face.
— Alors, qu'est-ce que je peux faire pour… Oh mon dieu, s'exclama-t-il en voyant l'état dans lequel il était.
Il avait l'air de ne pas avoir dormi depuis un mois. Ses cheveux argentés — habituellement impeccables en toute circonstance — étaient ternes, emmêlés et rêches. Ses yeux étaient rouges et assombris par de grosses cernes violacées et sa barbe naissante lui creusait les joues, lui donnant l'air d'avoir quinze ans de plus. Il haussa un sourcil devant l'expression ahurie de Katakuri.
— C'est à ce point là ?
— Euh. Je constate que tu n'as pas bien dormi, oui.
En réaction, il passa sa main sur son visage pour raffermir ses traits, sans doute un peu honteux d'avoir l'air aussi misérable.
— Tu veux un café ? Proposa Katakuri, gêné de ne pas être dans le même état que lui au sujet de sa mère.
Car c'était bien ce qu'il avait entendu deux jours plus tôt au sujet de son capitaine qui l'avait tourmenté au point de ravager ses traits.
King ne répondit pas tout de suite mais après un profond soupir — de soulagement ? — il hocha la tête.
— Je veux bien.
Il ne fit même pas de commentaire devant le service à thé animé. Il se contenta de boire sans protester et profita de leur entrevue pour se détendre. Ses épaules de décrispèrent un peu et Katakuri se sentit flatté de lui apporter un peu de sérénité.
— J'imagine que tu n'as pas plus de nouvelles, tenta-t-il tout de même, sans lever le nez de sa tasse.
— Non. Mais je continue de penser que tu…
King le transperça du regard pour le défier de le mettre en colère. Mais il était bien trop épuisé pour que Katakuri se sente un tant soit peu intimidé. Il n'avait pas besoin de voir l'avenir, il savait déjà que King ne lui ferait rien.
— Que tu surréagis, conclut-il. Il est trop tôt pour confirmer quoi que ce soit.
Il eut un petit sourire triste.
— Tu as raison, il ne reste plus qu'à attendre de voir si c'est toi le plus naïf, ou moi le plus sensible.
— Aucun de nous n'est plus sensible ou naïf depuis longtemps.
— C'est vrai.
Katakuri laissa King boire tranquillement, sans lui demander ce qu'il lui voulait. Tant que cette conversation durait, il était satisfait. Même au fond du gouffre, King avait sur lui un effet apaisant spectaculaire. Il voulait en profiter au maximum.
— Comment vont tes ailes ?
Il avala une dernière gorgée et posa sa tasse sur le bureau.
— C'est pour ça que je suis là.
Il étira son aile blessée avec une grimace. Elle s'ouvrit assez grand pour combler toute la pièce. Katakuri n'était pas médecin, encore moins connaisseur de l'anatomie lunaria, mais elle semblait toujours douloureuse et partiellement déplumée. Si King avait réussi à décoller l'autre soir, il s'était certainement fait très mal au passage.
— J'ai besoin de la muscler, dit-il en l'agitant devant Katakuri, à qui cet appendice paraissait si étrange. Mais je ne peux pas faire ça en intérieur pour des raisons évidentes.
Un soubresaut agita son aile et ses longues plumes renversèrent tout un bloc de dossiers fraîchement classés — faits de divers traités d'alliance avec d'autres pirates — comme pour prouver ces dires.
— Tu pouvais t'abstenir de faire ça, grommela Katakuri. Je t'aurais cru sur parole.
— Hm. Je n'ai pas fait exprès.
— Oh.
— D'où ma question : quel est l'endroit le plus calme de l'île ? Où je pourrais m'exercer comme je veux et où je ne risque pas de me faire épier par toute la population. Ou par ton mobilier.
Katakuri connaissait déjà la réponse à cette question mais il hésitait à la lui donner. Le meilleur endroit où s'isoler lui appartenait. La seule personne autorisée à en fouler le sol était Brûlée. Le laisser y aller lui donnait un peu trop de prise sur son intimité. D'un autre côté, il avait l'air tellement gêné de le lui demander qu'il y avait peu de chances qu'il y prenne ses aises pour autre chose que se soigner. Mais si il l'autorisait à y aller, il risquait de mettre en danger son autorité.
Comme il restait silencieux, King se désista.
— Bon, d'accord, je me contenterai du toit.
— Mais non voyons, je peux te conseiller un endroit mais il est interdit au public et je n'ai pas très envie que tu paraisses privilégié en y allant.
King le dévisagea.
— C'est ton coin "rituel", c'est ça ?
Katakuri fit de son mieux pour ne pas avoir le regard trop fuyant.
— Je ne poserai pas de questions, le rassura t'il. Moi aussi je donnais l'ordre de pas approcher mes coins favoris pour qu'on me laisse tranquille.
Cette déclaration suffit à Katakuri pour céder. Il aurait dû se douter que King comprendrait que sa routine était de la poudre aux yeux. Après tout, lui aussi avait dû inventer toutes sortes de stratagèmes pour cacher sa vraie nature aux yeux du monde. Il se jura de lui poser la question, un jour.
— La forêt à l'Est de la ville, tu y seras tranquille. Évite de tout brûler, je tiens à cet endroit.
/
King était épuisé.
Il n'était pas sûr de réussir à faire quoi que ce soit de ses ailes aujourd'hui mais il fallait qu'il s'entraîne s'il voulait partir d'ici au plus vite. Avec un peu de chance, la douleur des étirements le réveillerait.
Il ne savait pas comment Katakuri pouvait rester aussi calme après avoir reçu une telle nouvelle. Il n'avait même pas un pli au front comme preuve de son souci. Quelle confiance plaçait-il en sa mère pour ne pas douter d'elle à ce point ? Lui se sentait minable d'avoir l'air aussi désespéré à côté. Mais il était incapable de faire autrement. La mort de Kaido lui semblait bizarrement plausible. Après tout, il avait passé ses dernières années à essayer de l'empêcher de s'autodétruire, il se faisait du mauvais sang pour lui en permanence, il n'allait certainement pas s'arrêter maintenant.
Et si tout était vrai, qu'est-ce qu'il allait devenir ?
Il chassa cette pensée pour se concentrer sur l'instant présent, avant de faire une crise d'angoisse qu'il n'avait pas le temps de faire. Le positif, c'était que son aile reprenait du poil de la bête. Il s'était envolé une fois, il était donc capable de le refaire et de rejoindre Onigashima par ses propres moyens. Il y avait encore le problème de ses menottes mais ce serait pour plus tard. Même si il allait mieux, sa chute l'avait encore blessé et risquait de ralentir sa guérison. Il n'avait pas menti, il avait besoin d'exercice.
Il avait rejoint la forêt sans se faire voir — contrairement à ce que Katakuri avait l'air de croire, les habitants se fichaient bien de ce que lui ou leur maître pouvait bien fabriquer là dedans — et s'était installé à la lisière des bois, à flanc de falaise. Il avait besoin d'espace et les arbres gigantesques le gênaient dans ses mouvements. La vue de l'océan le motivait, il s'imaginait déjà quitter cet endroit sans que rien ne puisse le rattraper en vol. A part Katakuri, qu'il l'avait attrapé par la jambe avant que ses menottes n'explosent et qu'il ne perde bêtement ses mains. Il n'avait pas bien saisi la nature de ses pouvoirs, il fallait qu'il étudie plus attentivement la question pour le jour où il serait inévitablement obligé de l'affronter pour retrouver sa liberté.
Il étira son aile avec difficulté. Ses muscles et ses ligaments résistaient et lui faisaient payer son effort. Tout était engourdi, comme si son corps ne lui appartenait plus. C'était tout ce dont il avait besoin pour réveiller sa hargne. Il claqua l'air le plus fort possible, pour tester sa force. La bourrasque qui suivit lui parut bien faible. Il fallait assouplir tout ça.
Il s'arrêta quand unechose attira son regard, quelque part dans la forêt. Son regard perçant sonda les bois. Il était sûr d'avoir vu quelque chose bouger. Katakuri lui avait garanti que personne ne s'approchait jamais de cet endroit, pas même les homies, mais il devait y avoir des animaux. Ce que King avait cru voir était minuscule, trop petit pour être dangereux, et il n'avait pas eu ce frisson désagréable qui le saisissait quand on essayait de l'espionner. Il l'ignora et reprit ses exercices, l'esprit toujours alerte et mort d'inquiétude.
/
— Brûlée, chuchota Katakuri. J'ai besoin de ton aide.
Il n'était pas fier de ce qu'il était en train de faire. Il n'aurait pas dû la contacter mais il ne pouvait demander à personne d'autre. Elle ne fut pas longue à apparaître de l'autre côté du miroir ; elle était visiblement fatiguée — mais moins que King — et surprise qui l'appelle.
— Qu'est-ce qui se passe ? Demanda-t-elle, un peu tendue. Je ne peux pas rester longtemps !
— Je sais, je voulais juste te dire que j'ai peut-être repéré Pudding.
— Ah ! Bonne nouvelle ! Où est-elle ?
— Je ne sais pas exactement mais c'est possible qu'elle cherche à venir ici. Si tu la repères quelque part, aide-la à me rejoindre, d'accord ?
— Très bien.
Elle ne bougea pas d'un poil et semblait mourir d'envie de lui poser une question mais était trop gênée pour le faire. Il avait déjà une idée de ce qui la perturbait.
— Quoi ?
— Il y a des rumeurs qui circulent…
Gagné. Il n'avait pas du tout envie que sa sœur croit qu'il se payait du bon temps avec son prisonnier et devait mettre fin à tout ce que son imagination pouvait produire dès maintenant.
— Écoute, je ne sais pas ce qu'à dit Oven, mais tu sais comme moi qu'il ne faut jamais prendre ce qu'il dit pour argent comptant. Je n'ai pas passé la nuit avec King…
— Je sais, ricana-t-elle. Très franchement il n'a fait que répéter ce que tu lui as dit et c'est le reste de la famille à fait le calcul. Lui il n'a rien compris.
Il ne savait pas quoi faire de cette information mais il savait parfaitement que ça lui retomberait dessus tôt ou tard. Qu'est-ce qui lui avait pris de ne pas réfléchir à son mensonge.
— Mais justement, tu as menti, n'est-ce pas ? C'est bien lui qu'on a vu … exploser notre salle de réunion. Qu'est-ce qui s'est passé ?
Il baissa les yeux. Il n'avait aucune bonne excuse à présenter, c'était lui qui l'avait amené là. Ils avaient été exposé au danger par sa faute et même si Brûlée était une sœur incroyable qui l'avait toujours soutenu, il se sentait honteux à l'idée de lui révéler qu'il n'en avait pas voulu à King d'avoir fait ce que lui n'avait jamais eu le cran de faire en mettant le feu à leurs disputes incessantes.
— C'est ma faute, déclara-t-il simplement. Mais ça ne se reproduira pas, ne t'en fais pas.
— Mmh, tu as de la chance que je ne puisse pas rester, marmonna-t-elle. Je finirai pas te tirer les vers du nez.
Elle disparut aussitôt.
Elle n'avait pas dit un mot sur la prétendue disparition de Mama. Elle n'était pas plus inquiète que lui sur la question. Il n'était pas le seul à ne rien ressentir et sa culpabilité s'en trouva soulagée. Même s'il savait que c'étaient les années de règne de Mama qui les avait rendus aussi prompts à croire qu'elle ne disparaîtrait jamais.
Il avait espéré lui demander de jeter un petit coup d'œil à ce que faisait King dans la forêt mais suite à ses petits sous-entendus, il avait choisi de la boucler. Ce n'était pas la peine d'éveiller plus de soupçons. Il n'osait même pas imaginer ce que racontaient ses adelphes dans son dos en ce moment. Heureusement que King ne l'avait pas mal pris, ça aurait été pire de le mettre en colère.
La surface polie du miroir remua à nouveau et Brûlée réapparut avant que Katakuri ne puisse faire demi-tour et passer à autre chose.
— Pudding est déjà sur ton île !
— Déjà ? Je ne pensais pas la voir avant…
— Va la chercher tout de suite, l'interrompit elle. Je crois qu'elle va faire une bêtise !
— Comment ça ?
— Je l'ai appelée, elle m'a vue et m'a sourit mais elle s'est enfuie… Je ne sais pas pourquoi, mais j'ai vu à sa tête que ça n'allait pas. Il faut vite la retrouver.
— Je m'en occupe.
Katakuri retrouva tout son sérieux et son masque habituel d'homme sur qui on peut compter en toute circonstance.
— Où est-elle ?
— Dans la forêt !
Il quitta son bureau à toute vitesse. Évidemment, elle avait débarqué là où il n'y avait personne pour la surprendre. La pauvre vivait dans la peur d'être punie et n'avait aucune garantie que Katakuri et Brûlée soient vraiment de son côté. Son angoisse était montée en flèche, il faisait confiance au jugement de sa sœur et il voulait lui tomber dessus avant tout le monde.
Il ne prévint personne, il ne comptait que sur lui même pour s'occuper de Pudding. S'il envoyait des troupes à sa poursuite ou s'il débarquait avec une escorte, elle risquait de croire qu'il allait l'arrêter. Il devait la rencontrer seul pour lui parler les yeux dans les yeux. Brûlée ferait le reste, il en était persuadé. Une fois sous sa protection, ils auraient tout le temps de discuter et de la sortir de son étrange cavale.
Les citoyens autour du palais lui lancèrent des regards intrigués en le voyant courir aussi vite à travers toute la ville. D'habitude, il n'allait en forêt qu'à l'heure des repas et on devait voir à son expression renfrognée qu'il se passait quelque chose d'anormal. Malgré ça, personne ne lui posa la moindre question. Il n'avait plus qu'à espérer que personne ne lui rende visite à l'improviste et demande à le voir.
Il lui fallut moins d'un quart d'heure pour atteindre la lisière de la forêt. Il pensa à King, quelque part là-dedans en train de faire des étirements. Ce n'était pas le moment, toutes ses pensées devaient se focaliser sur Pudding. Puisque Brûlée l'avait vue, elle ne devait pas être loin du coin où il prenait ses repas. C'était le seul endroit où il y avait un miroir. Il s'enfonça dans les bois, attentif au moindre mouvement, tout en l'appelant régulièrement sans qu'aucune réponse ne lui parvienne.
/
Avec un grognement de douleur, King parvint à s'élever dans les airs. Son aile retrouvait un peu de sa souplesse mais il se sentait comme un gros poulet maladroit en pleine découverte de son corps. Il avait du mal à garder l'équilibre et à ne pas s'effondrer dans les buissons. Il n'aurait pas pu aller plus haut même s'il avait été en pleine forme mais il se sentait honteux d'être aussi peu gracieux. Ses menottes l'empêchaient de faire ce qu'il voulait et c'était bien dommage, il aurait voulu tester un maximum de mouvements. Pour le moment, à part monter et descendre, il ne pouvait pas faire grand chose. Et encore, s'il montait trop haut ses menottes se serraient et lui rappelaient qu'il risquait une nouvelle mutilation.
Il se laissa retomber délicatement sur le sol. Il était déjà moite de sueur. Il n'avait jamais eu autant besoin d'une douche de sa vie. Ce n'était peut-être pas la douleur qui le rendait si mou mais le manque de sommeil et l'absence d'une hygiène de vie correcte. Il avait bizarrement espéré que Katakuri le sermonnerait de s'entraîner dans son état mais il n'avait rien dit.
Alors qu'il reprenait son souffle, il se rappela soudain où il se trouvait. Katakuri lui avait presque donné les clés de son sanctuaire et il n'avait même pas pris le temps de fouiner un peu. Il n'était pas du genre à piétiner l'intimité des autres — il était trop soucieux de la sienne pour ça — mais il était curieux. Il avait un palais immense rien que pour lui et des vassaux loyaux qui ne lui auraient jamais manqué de respect. Qu'est-ce qu'il avait à cacher dans une forêt aussi éloignée de tout ? Pour l'instant, King n'avait rien vu d'étrange, il n'y avait là que de la végétation colorée.
Jusqu'à ce que ses yeux se posent sur une silhouette maigrichonne, debout au bord de la falaise à quelques mètres de lui. Il se crispa, saisit par la peur d'être surpris sans camouflage, puis se calma. Il devait se faire à l'idée que tout le monde avait vu son visage.
La jeune fille qui avait bravé l'interdit pour venir jusqu'ici ne semblait pas l'avoir remarqué, elle fixait la mer d'un air mélancolique sans se soucier de qui se trouvait autour d'elle. Il la trouva parfaitement ordinaire jusqu'à ce que le vent repousse une de ses mèche de cheveux et dévoile le troisième œil sur son front.
Il se souvint alors où il l'avait vue.
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Katakuri avait rejoint son coin favori et n'avait pas trouvé Pudding. En revanche, il avait retrouvé ses deux homies, Rabian et Nitro, en pleine sieste. Il les avait réveillés mais n'avait rien pu en tirer. Elle s'était déjà chargé de modifier leur mémoire et ils la croyaient toujours à Chocolate Town. Brûlée avait raison : quelque chose n'allait pas. Elle n'allait jamais nulle part sans eux.
Il n'aimait pas ça du tout. Il avait la sensation que la situation lui échappait complètement, comme lors de la Tea Party. Et il n'avait aucun indice sur la façon dont il devait procéder. Il avait tellement insisté pour que cette forêt soit vide et sans espion que personne ne pouvait lui dire où se trouvait Pudding. Elle pouvait être n'importe où et préparer n'importe quoi. Dans quelle direction devait-il aller ? Elle avait le pas trop léger pour qu'il la suive à la trace et lire l'avenir ne lui était d'aucune utilité tant qu'elle n'était pas dans son champ de vision. Sans autre indice, il ne pouvait que chercher à l'aveuglette et compter sur ce qu'il savait de sa sœur pour comprendre où elle avait pu aller.
Que pouvait faire une jeune fille comme elle, après avoir abandonné ses rêves de succès et de reconnaissance ? S'il avait été à sa place, il serait resté prostré dans un coin ou aurait avalé l'équivalent de son poids en sucre en attendant que quelqu'un réclame sa présence. Mais Pudding n'était pas comme lui, c'était une excellente comédienne qui n'avait peur de rien. Ça ne l'aidait pas.
Il se fia à son instinct et se dirigea vers la falaise, seul endroit qu'il n'avait pas encore parcourut de long en large. King non plus n'avait pas répondu à l'appel. Une idée terrible lui traversa l'esprit : et si c'était lui qui l'avait attrapée ? S'il décidait de se servir d'elle pour se venger de sa captivité ? Si c'était le cas, il ne montrerait aucune pitié mais il sentait déjà son cœur devenir lourd au point de lui tomber dans l'estomac. Il longea la côte, priant pour se tromper.
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King n'osait pas l'interpeller. Il n'avait pas envie qu'on le remarque. Mais il était intrigué par son comportement. Qu'est-ce qu'elle faisait là ? Katakuri lui avait peut-être donné rendez-vous là où personne d'autre ne pourrait la voir ? Elle avait passé l'âge qu'on s'inquiète de la voir marcher aussi près d'un précipice mais s'il avait été son grand frère, il l'aurait engueulée.
Son mauvais pressentiment se confirma quand il la vit faire un pas de plus vers le vide.
/
Katakuri continuait de longer la côte quand enfin il l'aperçut. Elle était à plusieurs centaines de mètres, au bord de la falaise, à fixer l'horizon. Il prit une seconde pour souffler de soulagement. Elle allait bien et King n'avait rien à voir là-dedans. Il l'appela et lui fit un signe mais elle ne bougea pas d'un pouce. Elle ne sembla pas l'entendre ni le voir. Peut-être était-elle simplement trop loin mais sa nature prudente le poussa à deviner les secondes suivantes.
Il vit Pudding faire un pas en avant, puis un deuxième avant la chute.
— Pudding, non !
Il stoppa net sa vision et sprinta dans sa direction.
Il était trop loin, même à pleine vitesse elle n'avait plus que deux pas à faire avant de tomber. Il continua de courir. Pourquoi fallait-il qu'il soit si lent. Il étira son bras pour la rattraper mais elle avait déjà disparu. Tout son corps se glaça d'effroi.
Pourquoi est-ce qu'il avait mis autant de temps à la retrouver ? Pourquoi ?
Un flot de pensées désespérées l'envahirent sans qu'il ne puisse rien y faire : il aurait dû la voir avant, il aurait dû la trouver plus vite, il aurait dû courir plus vite que ça, c'était un accident trop bête, il n'avait pas le droit de laisser une de ses sœurs ruiner sa vie comme ça ! A quoi bon être le plus fort s'il ne pouvait pas s'occuper de ce qu'il y avait de plus important ? A quoi bon être le bras armé de sa mère s'il était incapable de protéger une enfant de seize ans ? Il avait déjà perdu trop de monde au cours de ces dernières semaines et voilà qu'il allait en perdre une autre ? Ce n'était pas possible, pas comme ça, c'était trop stupide, trop inutile ! Ca ne pouvait pas être juste une amourette, il y avait plus derrière ce geste, bien plus et il aurait dû le savoir. Pourquoi est-ce qu'il n'avait rien fait ? Qu'est-ce qu'il allait dire à Brûlée ?
Il continuait de courir, prêt à se jeter à la mer pour la suivre. Son cerveau n'obéissait plus à rien. Il n'y avait personne à alerter ici, pas de bateau, pas d'homies, même ses cris ne changeraient rien. Même lire l'avenir ne l'avait pas aidé.
Une énorme masse volante et enflammée tomba alors à la suite de Pudding.
/
Il était loin d'être aussi rapide et agile que d'habitude mais il l'était suffisamment pour rattraper cette idiote. Il plongea en piqué et, en une seconde, il la saisit d'une seule main avant qu'elle ne tombe à l'eau. Elle était plus légère qu'une plume. Ce fut plus douloureux de stopper et de tirer sur ses muscles pour éviter le contact avec les vagues. C'était un entraînement un peu plus brutal que ce qu'il avait prévu mais il était rassuré de voir que dans l'urgence, il pouvait toujours se débrouiller.
Il avait du mal à rester stable mais il n'avait pas de doute : il ne tomberait pas. Ses ailes tenaient.
La jeune fille, réalisant soudain ce qu'elle venait de faire, s'agrippa de toutes ses forces à son poing pour ne pas tomber.
— T'es une drama queen toi, un peu, souffla-t-il, passablement exaspéré d'avoir à se précipiter pour empêcher les conneries, même ici.
Elle releva enfin les yeux sur lui. Son petit visage était fatigué et choqué mais surtout profondément surpris. Après tout, elle n'avait pas la moindre idée de qui était cet homme ailé qui venait de la rattraper. Ses trois yeux l'analysèrent sans retenue et après avoir vu les menottes sur ses poings, il la sentit se débattre avec rage pour lui échapper.
— Lâche moi, enfoiré !
Il haussa un sourcil surpris. Elle n'avait pas l'allure de son langage.
— Demandé si gentiment, ironisa-t-il avant de remonter vers la falaise.
— Je vais prévenir mon frère et il va te casser la gueule, tu vas voir ! Tu vas rien comprendre à ce qui t'arrive, connard !
Il l'ignora et se posa doucement, loin du précipice, en tenant toujours la gamine comme une poupée. Elle essayait de s'extirper de sa poigne en l'insultant et en lui griffant la main mais elle était loin d'égaler Yamato et ses dents pointues de loup. Il la lâcha et elle s'écroula dans l'herbe, face contre terre.
— Voilà, je t'ai lâchée, on dit merci.
La sensation d'être observé le fit relever la tête. Katakuri était déjà là, livide et tremblant. Il avait l'air tellement terrorisé qu'il était méconnaissable.
Il les fixait sans bouger, complètement paralysé par la scène. King se mit à sa place et réalisa que de son point de vue, il avait l'air d'avoir mis en danger une de ses sœurs. Et tout ce qu'il avait appris au cours de son séjour ici lui disait que c'était là le meilleur moyen de provoquer la colère d'un homme pourtant extraordinairement patient.
Pudding — il se rappela alors de son prénom — reconnut Katakuri et se releva précipitamment. Elle fit semblant que rien ne s'était passé avant cela, pointa un doigt accusateur sur son sauveur et comme tout ado qui se respecte, elle détourna l'attention sur lui pour faire oublier ce qu'elle avait tenté de faire quelques secondes plus tôt.
— Grand frère ! Il m'a attaquée ! Il a essayé de me kidnapper, tue le !
King aurait bien corrigé cette gosse lui-même, ne serait-ce que pour oser incarner avec une telle perfection l'éducation de sa mère, mais sans connaître l'état d'esprit de Katakuri, il n'en fit rien.
Les épaules de Katakuri s'alourdirent alors qu'il reprenait son souffle. La peur panique s'effaça peu à peu de ses traits mais il eut soudain l'air beaucoup plus vieux que son âge véritable. Le poids de sa famille toute entière qu'il portait avec lui était soudain visible.
— Pudding, dit-il doucement. Je t'ai vue.
Il y avait dans sa voix toutes les informations nécessaires et King n'y vit aucune trace de colère. Seulement de l'indulgence et de la tristesse. La jeune fille s'en rendit compte aussi, elle abandonna immédiatement son masque agressif et se recroquevilla en une attitude honteuse. Elle n'osa plus dire un seul mot. Il se jouait quelque chose entre eux que King ne pouvait pas comprendre et il s'en trouvait plutôt gêné. Il s'éloigna pour leur laisser de l'espace.
Katakuri s'approcha et s'agenouilla pour se mettre au niveau de sa jeune sœur. Ils échangèrent quelques mots dont il ne saisit pas la teneur. Il ne le souhaitait pas, c'était trop intime.
Finalement, Pudding enfouit son visage dans ses mains, en pleurs, et Katakuri la serra doucement contre lui pour la consoler. Il posa son menton sur sa tête, l'encourageant à vider son sac. A l'abri dans une telle forteresse, elle éclata en sanglot sans plus pouvoir se contrôler, comme si elle attendait de le faire depuis des années. Katakuri accompagna ses pleurs de mots rassurants et de gestes réconfortants tout en arborant une expression complètement défaite.
King détournait le regard, gêné d'être témoin de la scène. Il était l'intrus face à une affaire privée et rien ne lui semblait plus étranger qu'une démonstration d'affection manifeste comme celle-ci. Il n'avait pas envie que l'univers vienne lui mettre ça sous le nez pour lui rappeler qu'il n'avait pas la moindre idée de ce que ça pouvait bien faire, de trouver une personne à qui on pouvait confier sa faiblesse de cette façon.
Il ne savait pas comment se comporter alors il reprit les exercices de son aile, comme si de rien était. Tout en jetant des coups d'œil réguliers à Katakuri et sa malheureuse petite sœur. Elle pleura pendant un quart d'heure, sans qu'aucun d'eux ne prononce un mot.
Ils se séparèrent quand Pudding n'eut plus de larmes à verser. Katakuri la tenait par l'épaule, sans cesser de la rassurer.
— Tu es chez toi ici, lui dit-il, avec bienveillance. Tu ne risques rien. Tu vas venir au château avec moi et on pourra parler de … tout ça, quand tu seras prête.
Elle hocha la tête, reconnaissante de ne pas avoir à s'expliquer dès maintenant. Son visage était rouge et bouffi à cause des pleurs mais elle retrouvait peu à peu figure humaine. Elle renifla et se rappela soudain de la présence de King.
— Au fait, demanda-t-elle à voix basse. Qui c'est lui ? D'où il sort ?
— C'est un peu compliqué à expliquer. On aura le temps d'en parler plus tard, pour l'instant, je vais te ramener au palais. Brûlée va nous aider.
Pudding se crispa mais il la rassura avant qu'elle ne puisse exprimer la moindre inquiétude.
— Elle ne dira à personne que tu es là. Tu peux lui faire confiance.
Il sortit son escargophone et l'autre sœur promit de les faire circuler via son réseau de miroirs pour éviter les regards des habitants de l'île. King savait qu'il n'était pas invité pour faire parti du voyage. Il se contenta de les regarder préparer leur départ.
Enfin, Katakuri demanda à Pudding de l'attendre et se dirigea vers lui. Il était toujours sous le choc, pâle et grelottant, mais sa démarche était moins tendue. King ne savait pas à quoi s'attendre mais il cessa d'étirer ses ailes pour lui faire face.
Il était toujours embarrassé mais n'en montra rien. Katakuri s'arrêta et King sentit toute sa reconnaissance à la façon qu'il avait de le regarder. Il avait eu l'air si vieux quelques minutes auparavant et maintenant, ses yeux — légèrement mouillés par l'émotion — étaient ceux d'un jeune homme penaud qui avait eu la peur de sa vie. Maintenant qu'il était tout près, il réalisait l'ampleur du chagrin et de l'angoisse qu'il avait ressenti. Sa mâchoire puissante et ses crocs pointus tremblaient sous la tension. Il n'avait pas versé une larme et était resté de marbre pour protéger sa sœur mais il n'était pas moins vulnérable qu'elle en ce moment.
King était toujours plus mal à l'aise, il ne savait pas gérer ces émotions là, qu'elles lui appartiennent ou non. Il se contenta de rester là et d'attendre que Katakuri fasse un geste.
Finalement, il leva la main pour lui serrer le bras, puis l'épaule, avec gratitude. Katakuri baissa les yeux et King sentit son visage chauffer. Il dut faire appel à tout son sang froid pour contrôler les flammes de son dos et faire en sorte qu'elles ne s'emballent pas. Plus les secondes passaient, plus Katakuri le serrait. Il semblait au bord des larmes. Il releva la tête et murmura un "merci" tellement chargé de soulagement que King ne trouva rien d'intelligent à répondre. Il n'osa même pas faire de l'humour, il opina du chef avec un vague sourire, trop troublé pour dire un seul mot.
Katakuri le lâcha et s'en alla en lui adressant un dernier regard reconnaissant. Il rejoignit Pudding et la poussa gentiment devant lui pour qu'elle ne sorte pas de son champ de vision. Ils disparurent derrière les grands arbres et King inspira profondément. Il n'avait pas réalisé qu'il était resté en apnée.
Pour lui aussi, c'était beaucoup d'émotions d'un seul coup. Et il n'avait pas fini d'éprouver de nouvelles sensations. Il reprit d'abord son entraînement comme si de rien était, pour se remettre les idées en place tout en ayant la satisfaction de savoir son aile définitivement apte à retrouver ses facultés, puis le choc le frappa après quelques minutes.
Katakuri l'avait touché. Et il n'avait pas bronché.
Que d'émotions !
J'espère que vous les sentez toutes les discussions qui vont suivre maintenant. Il y a pleiiiin de choses à discuter là. (Pour les gens qui seraient déçus que Katakuri et Pudding ne parlent pas plus que ça, patience. C'est prévu qu'ils aient une grosse conversation, ils en ont besoin tous les deux.)
Et là ça y est, il y a une étape de franchie des deux côtés pour King et Katakuri. Je dirais que l'étape "confiance" est cochée maintenant. Et ça veut dire que... Je vais pouvoir m'attaquer à la partie vraiment fun maintenant. Il faut qu'ils deviennent inséparables et j'ai prévu plein de choses, on va bien se marrer. (Et des passages sexy à prévoir, car oui il y en aura vous inquiétez pas.)
Et ça va faire du bien à Katakuri, il a besoin d'une pause le pauvre.
On se retrouve le 21/05 (jour qui sera aussi l'épisode du face reveal de King de l'animé, notez le.)
